[ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
Masse de boulot à la boucherie aujourd'hui, Pâques oblige (RIP, les petits agneaux...)
J'ai pu tout de même retravailler ces parties là, le texte est en majorité original et inchangé, mais il y a quelques petits ajouts. Deux parties d'un coup, donc.
Bonne lecture!
LE PALAIS DU CIEL ÉGORGÉ s'élevait au sommet d'une des excroissances rocheuses montant au centre même de Taygète, seulement dépassé en altitude par le Palais du Gouverneur et le Temple de l'Empereur. Semblable à une majestueuse cathédrale, la forteresse du Chapitre des Sky Slaughters, vieille de plusieurs millénaires déjà, était autrefois un simple bastion accroché à une montagne attenante aux massifs entourant la vallée de Taygète, bien avant que ne fut bâtie la cité elle même, qui n'était à l'époque qu'un simple village rempli d'autochtones encore au stade sauvage.
Peu à peu la civilisation naissante de Sparta avait grignoté la montagne pour y accrocher les différents niveaux de ce qui devint au fil du temps la capitale planétaire, puis véritable cité pivot du système.
Il fallut en tout pas loin de quatre mille ans pour que Taygète devienne la puissante cité qu'elle était aujourd'hui, et son nom était connu dans le sous secteur tout entier.
Le Palais du Ciel Égorgé pour sa part avait été peu à peu agrandi et amélioré et les Astartes y avait trouvé un point d'ancrage de toute beauté, bastion imprenable et lieu de révérence de la part de tout le peuple de la planète.
L'ensemble du bâtiment à l'architecture gothique tellement typique de l'Imperium était pourtant peu à peu devenu un lieu commun, une infime partie de sa structure étant restée totalement sous le contrôle privilégié de ses maitres originels, le reste du vaste bâtiment devenu un lieu de culte et de pèlerinage et servant à l'occasion d'auditorium lorsque le peuple voulait soumettre ses doléances à la volonté de ses seigneurs.
Menelas Angelius se tenait au sommet d'une des plus hautes flèches de la tour principale, scrutant le décor fabuleux qui s'offrait à lui, panorama unique obtenu par la position si haute du palais. Il regardait avec détachement le cortège de navettes embarquant les nouvelles troupes levées au profit de la Garde Praetor alors que la nuit tombait, et pouvait percevoir les rumeurs des festivités que la populace en liesse donnaient en l'honneur de son Chapitre victorieux.
Au sein du palais, vingt frères de la Première Compagnie étaient demeurés, chacun en ce moment précis en train de se reposer dans leurs cellules individuelles, méditant sur leurs actes et leur futur. D'autres frères de la Seconde et Troisième Compagnie étaient également présents, et Angelius pouvait entendre depuis sa position le vacarme des entrainement auxquels ils se soumettaient dans le large parc qui s'ouvrait au centre de la forteresse.
Il devait y avoir en tout presque une centaine de Space Marines en ces murs, et le Premier Capitaine des Sky Slaughters savait que cela ne durerait pas, leur présence étant déjà requise ailleurs.
Un pas lourd le tira de sa contemplation et il se retourna pour accueillir le Chapelain Honorius, rattaché à sa Compagnie, suivi de deux autres frères en toge bleue aux motifs rouges.
Le premier était un colosse à la musculature impressionnante même selon le standard Astartes. Son visage anguleux et glabre arborait un réseau compliqué de cicatrices, schéma obscur de ses exploits passés, labyrinthe de sillons de chair seulement troublé par l'aquila d'or qui était riveté sur son front grêlé de profondes marques. Son regard enfoncé dans d'épaisses orbites brillait d'une ferveur guerrière sauvage et son crâne rasé avait tout un côté à la peau ravagée et pelée, laissant voir l'éclat du métal qui faisait à présent office de boite crânienne. Sa toge sobre ne laissait apparaitre qu'un simple chiffre entouré de lauriers filés d'or et d'argent, l'identifiant comme étant le Capitaine Heracles Ardius de la Deuxième Compagnie.
L'autre avait un visage plus fin et allongé, donnant à son profil un aspect se rapprochant de l'oiseau de proie, et ses yeux brillaient d'une sauvagerie contenue, tandis que sa voix chantante laissait entendre une sagesse vieille de plus de cent années. De son menton pointu descendait une mince barbe tressée aux reflets dorés comme le blé, et ses cheveux coupés à ras étincelaient du même éclat. Priam Arkaros, Troisième Capitaine, était surnommé "l'Aigle Sauvage" par ses frères pour son tempérament de chasseur invétéré, qui refusait même de suivre le plus strict des ordres si il pouvait atteindre une proie qu'il avait juré d'éliminer. Mais Angelius savait que c'était aussi un homme patient et cultivé, une mine de savoir qui ne semblait jamais se tarir, pour le plus grand bien du Chapitre tout entier.
Arkaros, tout comme Angeliues était un fier natif de Sparta, et partageait avec on Premier Capitaine le même gout pour les arts et la politique. Ardius lui était un fils de Styx et son cœur était empli de la fureur guerrière si typique de ce monde. Sa présence sur Sparta en ce jour ne résultait que de la demande du Maitre de Chapitre de l'avoir à ses cotés, mais pour autant le Second Capitaine savait apprécier la gaité de ce monde comme il en faisait de même avec le sien.
Les trois Astartes saluèrent humblement leur frère Capitaine avant de le rejoindre sur la petite terrasse donnant sur un gigantesque aperçu de Taygète. Arkaros huma l'air frais du soir en fermant les yeux alors qu'Ardius s'était rapproché du bord de la rambarde de pierre somptueusement sculptée pour s'y accouder et parcourir du regard les rues éclairées par les réjouissances.
Honorius était resté juste à côté d'Angelius, son casque au visage de mort rendant impossible toute estimation de son humeur.
-Cela fait chaud au cœur de voir nos protégés se réjouir ainsi... observa Ardius sans se retourner. Les mortels... Si insouciants. Si innocents...
-Personne n'est innocent ici bas, frère Capitaine. fit remarquer Honorius d'un ton neutre.
-La guerre est à nos portes. Ils le savent. Et pourtant ils festoient... Je dois reconnaitre qu'il y a quelque chose de proprement stupéfiant chez eux. intervint Arkaros. Pas de l'innocence. De l'insouciance. Mais ce soir je ne peux dire si c'est une bénédiction ou un mal...
-Le peuple de Sparta est brave. La guerre ne les effraient pas.. ajouta Angelius en souriant. C'est pour cela que je les aime tant.
-C'est votre peuple après tout, fils de Sparta. lui rappela Honorius. C'est une chose tout ce qu'il y a de plus naturel que d'aimer ainsi son foyer.
-Les voir une fois de plus répondre à l'appel aux armes m'a empli de fierté aujourd'hui. déclara le Premier Capitaine. Je fais le vœu qu'ils puissent se faire à la rigidité des Praetors et survivre aux épreuves qui se présenteront à eux.
-Servir l'Empereur est un devoir, mourir pour Lui est un honneur. récita Honorius. C'est un grand privilège qui leur est accordé, et ils y répondent en masse.
-Le Gouverneur a encore une fois fait un travail remarquable. acquiesça Arkaros et se dirigeant vers une petite table à trois pieds pour se servir un verre de vin provenant des meilleurs cépages de Sparta.
-Le hors monde a maintes fois prouvé qu'il était digne d'être considéré comme un semblable des gens qu'il commande. approuva Honorius en hochant sobrement la tête. Cela ne m'étonnes même plus de le voir si prompt à nous servir du mieux qu'il peut. Le seigneur Grivus l'apprécie et l'estime beaucoup, même trop aux yeux de certains...
-Certains de nos frères ne comprennent tout simplement pas notre vision des choses, pas plus qu'ils ne l'acceptent. Mais il en va ainsi. Ne soyez pas courroucés envers eux, frère Chapelain. l'apaisa Angelius en allant à son tour se verser du vin.
-Je ne ressens nulle colère envers eux, seulement de la tristesse devant leur aveuglement. Nous vivons des temps où il devient presque courant de critiquer ouvertement les édits de Terra. Certains s'engagent vilement sur le chemin de la damnation tandis que d'autres prennent le sentier du fanatisme aveugle. Par Guilliman, notre père, comment a-t-on pu si aisément glisser dans des temps d'obscurantisme alors que l'Humanité marchait à l'unisson vers son firmament?
Le Chapelain fit une pause, secouant la tête pour refouler son malaise. En tant que guerrier de la foi, le doute devait lui être étranger. Toutefois ces derniers temps, de nombreuses interrogations se bousculaient dans sa tête.
-Pardonnez moi, frères. dit-il. La campagne de Chorris m'a peut être marqué trop profondément...
Le nom fit grogner Arius, qui tout comme Honorius avait combattu sur ce monde égaré, et avait assisté, impuissant, à des massacres défiant toute raison.
-Les Imperial Fists sont des Space Marines typiques, comme tant d'autres, aveugles et insensibles. maugréa Arius, sans cacher son mépris. Ils ont depuis longtemps oublié leur devoir immédiat qui est de veiller et de protéger leurs frères humains. Au lieu de cela ils les considèrent comme une sous espèce méprisable. Guère plus que des esclaves, des denrées périssables pour entretenir un empire de plus en plus basé sur le mensonge.
-Vos paroles frôlent l'hérésie, frère Capitaine, veillez à ce qu'elle ne parviennent pas à de mauvaises oreilles. lui reprocha Honorius.
-Aussi misérables soient-ils dans leur arrogance, les Fils de Dorn servent le Trône, Heracles. lui rappela Angelius. Ne portez pas de rancœur contre eux, ou contre d'autres de nos frères...
-Je respecte bien davantage les Loups qu'un ramassis d’orgueilleux zélotes qui n'ont que faire de leurs semblables. siffla Arius.
-Il suffit, frère. Écoutez donc ce que nous vous disons. l'admonesta Arkaros d'un ton acide. Nous partageons votre dégout face au déclin de l'Imperium en l'absence de l'Empereur. Mais n'oubliez pas qui sont nos ennemis et qui sont nos frères. Pardonnez leur ce qu'ils disent. Ils ne savent tout bonnement plus ce qu'ils font, pourquoi, ni vers où ils vont.
-En l'absence de l'Empereur et de Ses Fils, l'Homme est aveugle et erre dans les ténèbres, médiocre, survivant tout juste à ses ennemis. Mais lorsqu'il retrouvera sa vue, et lorsque la honte face à son égarement se sera dissipée, il en sera d'autant plus fort. prophétisa Honorius.
-De bien jolies paroles, Heriak, et pourtant si sombres. soupira Angelius en achevant de vider son verre. Bien coupons court à ses vaines palabres, voulez vous? Nous commençons à devenir ceux que nous critiquons.
Tous hochèrent la tête, et Angelius décida de revenir à un sujet plus immédiat.
-Des nouvelles du Disdaskalos? demanda-t-il à son Chapelain.
-Je l'ai reçu au milieu de la journée. répondit Honorius, comme soulagé de quitter le terrain glissant qu'empruntait leur discussion précédente. Le cycle d’entrainement de nos futurs Apprentis s'est vu accéléré, et la sélection a déjà commencé, les plus faibles qui ont échoués ont été mis de côté et les plus forts sont poussés toujours plus loin dans leurs épreuves. Le Rituel aura lieu d'ici peu.
-Parfait. Frère Priam, votre Compagnie est elle prête à partir?
-Sitôt que vous en donnerait l'ordre, Menelas. Nous ferons rapidement route jusqu'en bordure du système Caldris, après avoir retrouvé nos frères sur Styx, et avec un peu de chance nous intercepterons les peaux vertes avant qu'ils ne pénètrent dans le sous secteur.
-Excellent. Partez dès que vous le pouvez. Arius?
-Nous vous attendons, frère. Ma Compagnie est au grand complet et nos Apprentis ont déjà été sélectionnés. Ils devraient déjà être en route pour Styx pour rejoindre les Scouts de frère Talios. Mes derniers guerriers partent dans la nuit à bord de l'Iliás et attendront votre ordre de départ sitôt le Rituel de vos Apprentis achevé.
-Tout est en ordre donc. conclu Angelius. Le seigneur Grivus m'a accordé son droit de parole pour transmettre ses ordres. Je vous ai transmis les miens. Notre départ se fera aussitôt que la Sélection aura eu lieu. Honorius, vous partirez en compagnie des Apprentis pour Styx et les formerez tandis qu'Arius et moi même emmèneront la flotte en Caldris. Frère Arkaros, vous partirez dès ce soir pour nous attendre là bas, et si le cas se présentait, vous engagerez sans attendre le combat contre les Orks en compagnie du Drakkar envoyé par le Köng.
Chacun inclina cérémonieusement la tête en se frappant le plastron pour signifier qu'il avait comprit et accepté les ordres. Ils restèrent encore un instant ensemble pour partager un dernier verre levé à la victoire, puis chacun repartit vaquer à ses occupations.
Angelius prit la direction des quartiers seigneuriaux du palais, tandis qu'Honorius emprunta un chemin tout à fait différent, connu d'une petite poignée de membres du Reclusiam.
LA CRYPTE du Palais du Ciel Egorgé était profondément enfoncée dans la montagne, bien en dessous des fondations même de la forteresse Astartes et on disait que ses couloirs ténébreux dataient de longtemps avant l'existence de Taygète, lieu du dernier repos des premiers colons de Sparta et sanctuaire des peuplades opprimées par les incessantes guerres d'avant l'arrivée de l'Imperium.
De longs tunnels sinuaient dans la roche montagneuse, zigzaguant en d'interminables couloirs alvéolés le long desquels s'empilaient d'innombrables tombes creusées à même la pierre froide, nombre d'entre elles oubliées depuis des temps immémoriaux bien que la révérence du peuple de Sparta envers leurs ancêtres ait empêché leur profanation.
Plus on s'enfonçait dans ce réseau complexe de boyaux emprunts de souvenirs depuis longtemps perdus et plus on pouvait effleurer les débuts de l'Histoire de la planète. Les premiers niveaux, qui dataient de moins de cinq siècles, et par là les plus récents avant que Taygète n'opte pour un autre lieu où ériger les sépultures de leurs défunts, étaient les plus faciles à arpenter, la technologie moderne les éclairant de lumiglobes et renseignant le voyageur occasionnel à l'aide de cartes approximatives du labyrinthe.
Mais plus on s'enfonçait dans les ténèbres, plus la nécropole se faisait ancienne, hostile et intemporelle. D'après les plus chevronnés des pèlerins qui purent y voyager, l'immense crypte se découpaient sur une vingtaine de niveaux de plus en plus étroits à mesure qu'on se rapprochait de la surface.
Honorius marchait d'un pas calme dans l'un des boyaux obscures, bien plus profondément qu'aucun curieux visiteur n'aurait pu le prétendre. Sa démarche pesante faisait résonner lourdement ses semelles ferrées en un battement sourd dans l'atmosphère confinée de la galerie froide et humide et si un humain normal aurait erré à tâtons dans l'obscurité totale de cette portion oubliée, la vue génétiquement améliorée du Space Marine lui permettait de se déplacer avec la même aisance que si il évoluait en plein jour.
Par moments, il était toutefois obligé de poursuivre son chemin courbé, presque accroupi, tant la hauteur du plafond creusé n'avait pas été envisagée pour accueillir un être de sa stature.
Le Chapelain aimait à se promener dans ce coin de Sparta resté comme hors du temps et de l'espace, la réalité prenant ici une dimension totalement différente. Mais si d'habitude il arpentait les sombres couloirs de la Crypte pour trouver le repos et la méditation nécessaires à sa réflexion, aujourd'hui le but était différent. Aujourd'hui il cherchait autre chose, plus vital pour son cœur que pour son âme, et chacun de ses pas faisaient battre ses cœurs d'une lourde appréhension.
Après de multiples détours tortueux, il aboutit enfin à l'endroit qu'il cherchait, et s'accorda un soupir de satisfaction.
Il venait de déboucher sur un carrefour pas plus large qu'un landraider, trois sorties en plus de celle dont il arrivait, ouvertes dans ses murs creusés grossièrement. La petite "place" qui tenait lieu de carrefour était circulaire, son sol pratiquement plat en considération du reste des chemins. Une étrange source de lumière baignait l'endroit d'un doux éclat matinal, accrochant vaguement les reliefs alentours, et tombant baigner un curieux ensemble, une large vasque plantée en son centre, attenante au sol, sculptée dans la montagne en même temps qu'on avait creusé les différentes galeries et aplani le sol.
Honorius s'approcha du bassin de pierre polie dans laquelle stagnait un liquide cristallin, comme de l'eau, une figure sculptée s'élançant au dessus, une sorte d'ange aux ailes déployées, le visage tourné vers un ciel inexistant, bras nus tendus, une toge flottant autour de son corps dans un souffle de vent tout aussi inexistant. L'ange de pierre portait autour de son cou un chainette d'or au bout de laquelle pendait un médaillon de nacre en forme d'ailes majestueusement déployées au centre desquelles perlait discrètement un rubis en forme de larme de sang.
Un vague halo bleuté englobait le tout, ronronnant doucement dans le silence total de ce coin oublié de tous.
Honorius s'agenouilla en face de l'étrange sculpture, inclinant respectueusement la tête devant la statue angélique et désactiva le champ de stase à l'aide d'une clé qu'il gardait précieusement depuis son ascension au sein du Reclusiam. Il toucha le minuscule médaillon du bout de ses doigts avant de porter ses mains à son casque pour le retirer. La fermeture hermétique de son cou lâcha dans un sifflement tandis que le heaume fut enlevé avec déférence et posé sur le rebord du petit bassin. Dans le noir profond de la Crypte, son aspect mortuaire se fondait presque instantanément avec les autres visages de morts qui regardaient depuis des millénaires les passants de leurs orbites vides, allongés dans leurs tombes. Ici en revanche, on aurait cru que la lumière d'un ange délicat venait envelopper le Chapelain agenouillé.
Honorius toucha à nouveau le médaillon en murmurant une courte prière à ses ancêtres puis enfoui son visage dans ses deux mains en vasque, psalmodiant un longue litanie de mort. Poursuivant son étrange rituel, il laissa retomber ses mains doucement sur ses cuisses et ferma les yeux en levant lentement la tête, sa bouche ne cessant de murmurer des mots emprunts d'amour, d'honneur et de respect pour les générations qui l'avaient précédé.
Il sentit l'air froid se coller à sa peau comme un voile délicat, apaisant toute pression en lui, et il laissa le silence pesant de la Crypte couler en lui, faisant taire tous ses doutes, toutes ses préoccupations.
Le visage du Chapelain, jamais présenté aux autres, était strié de rides et d'antiques cicatrices, témoignage incontestable de son ancienneté au sein du Chapitre, et pourtant il gardait une redoutable expression de jeunesse, ses traits carrés sans le moindre défaut en dehors des ravages du temps et de la guerre, ses cheveux mi longs, couleur des corbeaux avec une faible touche grise sur les tempes et ses yeux d'un bleu polaire resplendissant d'une froide résolution et d'une ardeur jamais éteinte. Au milieu de son front était riveté un petit crâne ailé, une larme rubiconde perlant sur le bord d'une de ses orbites.
Honorius resta ainsi plusieurs instants à prier, yeux fermés, à genoux, dans une posture de totale humilité avant de faire soudainement silence et de rouvrir les yeux. Il laissa le silence flotter encore un moment avant de parler à nouveau, sans murmures cette fois, sa voix grondant comme un orage lointain, tandis qu'il tendit ses mains en éventail devant son visage nu.
-Ancêtres de Sparta, grands Anciens des temps perdus, guerriers oubliés et héros vénérés, je me présente en ce jour devant vous, moi, Heriak Honorius, Chapelain de la Première Compagnie du Chapitre des Sky Slaughters. Je mène vos fils depuis maintenant trois cents ans. Je veille sur eux à la bataille, apaisant leurs craintes et exhortant leurs cœurs aux plus vaillantes actions. Je sers l'Imperium de Terra et l'Empereur de l'Humanité en combattant leurs ennemis. Je vais chercher l'immonde où qu'il se trouve. A chaque bataille j'accompagne mes frères de bataille vers la victoire ou le trépas, je recueille leur gloire ou leur chute, leurs joies et leurs larmes. Mon honneur et mon épée est à leur service tandis qu'ils écoutent humblement mes paroles. J'ai récolté ces derniers temps trop de pleurs et de chagrin et vu trop d'horreur et de folie pour me permettre de ne point revenir vers vous. Aujourd'hui je me tiens devant vous pour me libérer de ce fardeau. Je vous prie en toute humilité d'accepter de recevoir les larmes que j'ai recueilli de dizaines de frères tombés. Leur héritage est sauf, aucun ne fut perdu. L'Empereur veille sur leurs âmes, je vous demande alors humblement de les libérer de leurs souffrances. Acceptez mes larmes comme vous accepteriez les leurs.
Tout en récitant ces paroles, Honorius porta ses mains nues à son visage pour y recueillir du bout des doigts les larmes qui s'échappaient librement de ses yeux las, pour couler le long de ses phalanges jusqu'à ce qu'il les amasse dans le creux de ses paumes formant une coupe. Il déposa avec révérence ses larmes coulées dans le bassin en courbant la tête, fermant les yeux à nouveau. Plongeant ses mains dans le bassin, il laissa s'échapper ses larmes qui se noyèrent dans le liquide contenu. Il apposa une dernière fois ses doigts humides sur la petite amulette pendant au cou de l'ange de roche avant de les ramener sur son poitrail en faisant le signe de l'aquila.
Le Chapelain releva la tête, se sentant immédiatement libéré d'un lourd fardeau qu'il portait depuis qu'il avait combattu sur Nubia, un an auparavant, la mort de dizaines de ses frères et amis ne pesant plus sur son cœur, et assuré que leurs âmes venaient de trouver définitivement le repos désiré dans l'accomplissement de ce vieux rituel.
Il resta un instant à écouter son cœur battre à nouveau harmonieusement, débarrassé de toute douleur, se concentrant sur sa respiration apaisée, avant de se relever et de remettre son casque.
Le Rituel des Larmes était un fait seulement connu des Chapelains et qui n'était transmis que lors de leur intronisation au sein de cette confrérie si particulière. Il était coutume depuis des siècles que les Chapelains du Chapitre accompagnent leurs frères au combat sans jamais verser une larme, encaissant chaque perte, chaque défaite, chaque déshonneur aussi cuisant soit il sans broncher, afin de revenir à la Crypte pour s'agenouiller devant le bassin des Ancêtres et l'Ange de l'Apaisement pour y déposer leurs pleurs si longtemps retenus. Le liquide qui stagnait depuis si longtemps dans le bassinet de pierre résultait des larmes versées par des centaines de Chapelains avant lui qui avaient perpétré ce vieux Rituel qu'on disait instauré par l'un des Grands Chapelains du Chapitre, après la mort du Maitre de Chapitre martyr Leonydas.
Honorius était l'un des derniers Chapelains à poursuivre le respect de cette antique tradition qui se perdait de plus en plus au sein du Chapitre, jusqu'à être même rejetée avec virulence par certains de ses confrères qui y voyaient là une déviance vers la superstition plus que malvenue. Les temps changeaient, pensait souvent amèrement Honorius, et cela était la faute de l'obscurantisme de plus en plus étouffant qui irradiait des Seigneurs corrompus de Terra. Mais il se gardait bien d'exprimer pareilles considérations, sachant que de tels propos pouvaient amener le déshonneur sur son Chapitre, ou pire encore...
Secouant la tête pour évacuer ces sombres pensées qu'il ruminait depuis fort longtemps, Honorius éleva son esprit vers un calme salvateur, expirant longuement en sentant la paix revenir en lui, puis se releva après avoir réactivé le champ de stase permettant de sauvegarder la relique et son contenu.
Avant de rebrousser chemin, il pensa alors à l'épreuve qui l'attendait, celle de choisir et de former les futurs Apprentis du Chapitre. Allait il tenter de faire perdurer de vieilles traditions mourantes à ces futurs guerriers, ou allait il laisser les nouvelles pensées de l'Imperium balayer ces souvenirs glorieux, transformant un passé riche en merveilles et en histoires glorieuses en poussières et en échos obscures, emprunts d'hérésie aux yeux des plus jeunes guerriers de Terra?
La seule pensée qu'il dû faire ce choix douloureux lui vrilla l'âme et il se retourna un court instant vers le bassin oublié de tant de ses frères.
-Ancêtre vénérés, donnez moi la force... murmura-t-il tandis qu'il arpentait à nouveau les tunnels glacials de la Crypte sur le chemin du retour vers la surface.
J'ai pu tout de même retravailler ces parties là, le texte est en majorité original et inchangé, mais il y a quelques petits ajouts. Deux parties d'un coup, donc.
Bonne lecture!
***
Chapitre 2:
Traditions - Entraînement
Traditions - Entraînement
LE PALAIS DU CIEL ÉGORGÉ s'élevait au sommet d'une des excroissances rocheuses montant au centre même de Taygète, seulement dépassé en altitude par le Palais du Gouverneur et le Temple de l'Empereur. Semblable à une majestueuse cathédrale, la forteresse du Chapitre des Sky Slaughters, vieille de plusieurs millénaires déjà, était autrefois un simple bastion accroché à une montagne attenante aux massifs entourant la vallée de Taygète, bien avant que ne fut bâtie la cité elle même, qui n'était à l'époque qu'un simple village rempli d'autochtones encore au stade sauvage.
Peu à peu la civilisation naissante de Sparta avait grignoté la montagne pour y accrocher les différents niveaux de ce qui devint au fil du temps la capitale planétaire, puis véritable cité pivot du système.
Il fallut en tout pas loin de quatre mille ans pour que Taygète devienne la puissante cité qu'elle était aujourd'hui, et son nom était connu dans le sous secteur tout entier.
Le Palais du Ciel Égorgé pour sa part avait été peu à peu agrandi et amélioré et les Astartes y avait trouvé un point d'ancrage de toute beauté, bastion imprenable et lieu de révérence de la part de tout le peuple de la planète.
L'ensemble du bâtiment à l'architecture gothique tellement typique de l'Imperium était pourtant peu à peu devenu un lieu commun, une infime partie de sa structure étant restée totalement sous le contrôle privilégié de ses maitres originels, le reste du vaste bâtiment devenu un lieu de culte et de pèlerinage et servant à l'occasion d'auditorium lorsque le peuple voulait soumettre ses doléances à la volonté de ses seigneurs.
Menelas Angelius se tenait au sommet d'une des plus hautes flèches de la tour principale, scrutant le décor fabuleux qui s'offrait à lui, panorama unique obtenu par la position si haute du palais. Il regardait avec détachement le cortège de navettes embarquant les nouvelles troupes levées au profit de la Garde Praetor alors que la nuit tombait, et pouvait percevoir les rumeurs des festivités que la populace en liesse donnaient en l'honneur de son Chapitre victorieux.
Au sein du palais, vingt frères de la Première Compagnie étaient demeurés, chacun en ce moment précis en train de se reposer dans leurs cellules individuelles, méditant sur leurs actes et leur futur. D'autres frères de la Seconde et Troisième Compagnie étaient également présents, et Angelius pouvait entendre depuis sa position le vacarme des entrainement auxquels ils se soumettaient dans le large parc qui s'ouvrait au centre de la forteresse.
Il devait y avoir en tout presque une centaine de Space Marines en ces murs, et le Premier Capitaine des Sky Slaughters savait que cela ne durerait pas, leur présence étant déjà requise ailleurs.
Un pas lourd le tira de sa contemplation et il se retourna pour accueillir le Chapelain Honorius, rattaché à sa Compagnie, suivi de deux autres frères en toge bleue aux motifs rouges.
Le premier était un colosse à la musculature impressionnante même selon le standard Astartes. Son visage anguleux et glabre arborait un réseau compliqué de cicatrices, schéma obscur de ses exploits passés, labyrinthe de sillons de chair seulement troublé par l'aquila d'or qui était riveté sur son front grêlé de profondes marques. Son regard enfoncé dans d'épaisses orbites brillait d'une ferveur guerrière sauvage et son crâne rasé avait tout un côté à la peau ravagée et pelée, laissant voir l'éclat du métal qui faisait à présent office de boite crânienne. Sa toge sobre ne laissait apparaitre qu'un simple chiffre entouré de lauriers filés d'or et d'argent, l'identifiant comme étant le Capitaine Heracles Ardius de la Deuxième Compagnie.
L'autre avait un visage plus fin et allongé, donnant à son profil un aspect se rapprochant de l'oiseau de proie, et ses yeux brillaient d'une sauvagerie contenue, tandis que sa voix chantante laissait entendre une sagesse vieille de plus de cent années. De son menton pointu descendait une mince barbe tressée aux reflets dorés comme le blé, et ses cheveux coupés à ras étincelaient du même éclat. Priam Arkaros, Troisième Capitaine, était surnommé "l'Aigle Sauvage" par ses frères pour son tempérament de chasseur invétéré, qui refusait même de suivre le plus strict des ordres si il pouvait atteindre une proie qu'il avait juré d'éliminer. Mais Angelius savait que c'était aussi un homme patient et cultivé, une mine de savoir qui ne semblait jamais se tarir, pour le plus grand bien du Chapitre tout entier.
Arkaros, tout comme Angeliues était un fier natif de Sparta, et partageait avec on Premier Capitaine le même gout pour les arts et la politique. Ardius lui était un fils de Styx et son cœur était empli de la fureur guerrière si typique de ce monde. Sa présence sur Sparta en ce jour ne résultait que de la demande du Maitre de Chapitre de l'avoir à ses cotés, mais pour autant le Second Capitaine savait apprécier la gaité de ce monde comme il en faisait de même avec le sien.
Les trois Astartes saluèrent humblement leur frère Capitaine avant de le rejoindre sur la petite terrasse donnant sur un gigantesque aperçu de Taygète. Arkaros huma l'air frais du soir en fermant les yeux alors qu'Ardius s'était rapproché du bord de la rambarde de pierre somptueusement sculptée pour s'y accouder et parcourir du regard les rues éclairées par les réjouissances.
Honorius était resté juste à côté d'Angelius, son casque au visage de mort rendant impossible toute estimation de son humeur.
-Cela fait chaud au cœur de voir nos protégés se réjouir ainsi... observa Ardius sans se retourner. Les mortels... Si insouciants. Si innocents...
-Personne n'est innocent ici bas, frère Capitaine. fit remarquer Honorius d'un ton neutre.
-La guerre est à nos portes. Ils le savent. Et pourtant ils festoient... Je dois reconnaitre qu'il y a quelque chose de proprement stupéfiant chez eux. intervint Arkaros. Pas de l'innocence. De l'insouciance. Mais ce soir je ne peux dire si c'est une bénédiction ou un mal...
-Le peuple de Sparta est brave. La guerre ne les effraient pas.. ajouta Angelius en souriant. C'est pour cela que je les aime tant.
-C'est votre peuple après tout, fils de Sparta. lui rappela Honorius. C'est une chose tout ce qu'il y a de plus naturel que d'aimer ainsi son foyer.
-Les voir une fois de plus répondre à l'appel aux armes m'a empli de fierté aujourd'hui. déclara le Premier Capitaine. Je fais le vœu qu'ils puissent se faire à la rigidité des Praetors et survivre aux épreuves qui se présenteront à eux.
-Servir l'Empereur est un devoir, mourir pour Lui est un honneur. récita Honorius. C'est un grand privilège qui leur est accordé, et ils y répondent en masse.
-Le Gouverneur a encore une fois fait un travail remarquable. acquiesça Arkaros et se dirigeant vers une petite table à trois pieds pour se servir un verre de vin provenant des meilleurs cépages de Sparta.
-Le hors monde a maintes fois prouvé qu'il était digne d'être considéré comme un semblable des gens qu'il commande. approuva Honorius en hochant sobrement la tête. Cela ne m'étonnes même plus de le voir si prompt à nous servir du mieux qu'il peut. Le seigneur Grivus l'apprécie et l'estime beaucoup, même trop aux yeux de certains...
-Certains de nos frères ne comprennent tout simplement pas notre vision des choses, pas plus qu'ils ne l'acceptent. Mais il en va ainsi. Ne soyez pas courroucés envers eux, frère Chapelain. l'apaisa Angelius en allant à son tour se verser du vin.
-Je ne ressens nulle colère envers eux, seulement de la tristesse devant leur aveuglement. Nous vivons des temps où il devient presque courant de critiquer ouvertement les édits de Terra. Certains s'engagent vilement sur le chemin de la damnation tandis que d'autres prennent le sentier du fanatisme aveugle. Par Guilliman, notre père, comment a-t-on pu si aisément glisser dans des temps d'obscurantisme alors que l'Humanité marchait à l'unisson vers son firmament?
Le Chapelain fit une pause, secouant la tête pour refouler son malaise. En tant que guerrier de la foi, le doute devait lui être étranger. Toutefois ces derniers temps, de nombreuses interrogations se bousculaient dans sa tête.
-Pardonnez moi, frères. dit-il. La campagne de Chorris m'a peut être marqué trop profondément...
Le nom fit grogner Arius, qui tout comme Honorius avait combattu sur ce monde égaré, et avait assisté, impuissant, à des massacres défiant toute raison.
-Les Imperial Fists sont des Space Marines typiques, comme tant d'autres, aveugles et insensibles. maugréa Arius, sans cacher son mépris. Ils ont depuis longtemps oublié leur devoir immédiat qui est de veiller et de protéger leurs frères humains. Au lieu de cela ils les considèrent comme une sous espèce méprisable. Guère plus que des esclaves, des denrées périssables pour entretenir un empire de plus en plus basé sur le mensonge.
-Vos paroles frôlent l'hérésie, frère Capitaine, veillez à ce qu'elle ne parviennent pas à de mauvaises oreilles. lui reprocha Honorius.
-Aussi misérables soient-ils dans leur arrogance, les Fils de Dorn servent le Trône, Heracles. lui rappela Angelius. Ne portez pas de rancœur contre eux, ou contre d'autres de nos frères...
-Je respecte bien davantage les Loups qu'un ramassis d’orgueilleux zélotes qui n'ont que faire de leurs semblables. siffla Arius.
-Il suffit, frère. Écoutez donc ce que nous vous disons. l'admonesta Arkaros d'un ton acide. Nous partageons votre dégout face au déclin de l'Imperium en l'absence de l'Empereur. Mais n'oubliez pas qui sont nos ennemis et qui sont nos frères. Pardonnez leur ce qu'ils disent. Ils ne savent tout bonnement plus ce qu'ils font, pourquoi, ni vers où ils vont.
-En l'absence de l'Empereur et de Ses Fils, l'Homme est aveugle et erre dans les ténèbres, médiocre, survivant tout juste à ses ennemis. Mais lorsqu'il retrouvera sa vue, et lorsque la honte face à son égarement se sera dissipée, il en sera d'autant plus fort. prophétisa Honorius.
-De bien jolies paroles, Heriak, et pourtant si sombres. soupira Angelius en achevant de vider son verre. Bien coupons court à ses vaines palabres, voulez vous? Nous commençons à devenir ceux que nous critiquons.
Tous hochèrent la tête, et Angelius décida de revenir à un sujet plus immédiat.
-Des nouvelles du Disdaskalos? demanda-t-il à son Chapelain.
-Je l'ai reçu au milieu de la journée. répondit Honorius, comme soulagé de quitter le terrain glissant qu'empruntait leur discussion précédente. Le cycle d’entrainement de nos futurs Apprentis s'est vu accéléré, et la sélection a déjà commencé, les plus faibles qui ont échoués ont été mis de côté et les plus forts sont poussés toujours plus loin dans leurs épreuves. Le Rituel aura lieu d'ici peu.
-Parfait. Frère Priam, votre Compagnie est elle prête à partir?
-Sitôt que vous en donnerait l'ordre, Menelas. Nous ferons rapidement route jusqu'en bordure du système Caldris, après avoir retrouvé nos frères sur Styx, et avec un peu de chance nous intercepterons les peaux vertes avant qu'ils ne pénètrent dans le sous secteur.
-Excellent. Partez dès que vous le pouvez. Arius?
-Nous vous attendons, frère. Ma Compagnie est au grand complet et nos Apprentis ont déjà été sélectionnés. Ils devraient déjà être en route pour Styx pour rejoindre les Scouts de frère Talios. Mes derniers guerriers partent dans la nuit à bord de l'Iliás et attendront votre ordre de départ sitôt le Rituel de vos Apprentis achevé.
-Tout est en ordre donc. conclu Angelius. Le seigneur Grivus m'a accordé son droit de parole pour transmettre ses ordres. Je vous ai transmis les miens. Notre départ se fera aussitôt que la Sélection aura eu lieu. Honorius, vous partirez en compagnie des Apprentis pour Styx et les formerez tandis qu'Arius et moi même emmèneront la flotte en Caldris. Frère Arkaros, vous partirez dès ce soir pour nous attendre là bas, et si le cas se présentait, vous engagerez sans attendre le combat contre les Orks en compagnie du Drakkar envoyé par le Köng.
Chacun inclina cérémonieusement la tête en se frappant le plastron pour signifier qu'il avait comprit et accepté les ordres. Ils restèrent encore un instant ensemble pour partager un dernier verre levé à la victoire, puis chacun repartit vaquer à ses occupations.
Angelius prit la direction des quartiers seigneuriaux du palais, tandis qu'Honorius emprunta un chemin tout à fait différent, connu d'une petite poignée de membres du Reclusiam.
LA CRYPTE du Palais du Ciel Egorgé était profondément enfoncée dans la montagne, bien en dessous des fondations même de la forteresse Astartes et on disait que ses couloirs ténébreux dataient de longtemps avant l'existence de Taygète, lieu du dernier repos des premiers colons de Sparta et sanctuaire des peuplades opprimées par les incessantes guerres d'avant l'arrivée de l'Imperium.
De longs tunnels sinuaient dans la roche montagneuse, zigzaguant en d'interminables couloirs alvéolés le long desquels s'empilaient d'innombrables tombes creusées à même la pierre froide, nombre d'entre elles oubliées depuis des temps immémoriaux bien que la révérence du peuple de Sparta envers leurs ancêtres ait empêché leur profanation.
Plus on s'enfonçait dans ce réseau complexe de boyaux emprunts de souvenirs depuis longtemps perdus et plus on pouvait effleurer les débuts de l'Histoire de la planète. Les premiers niveaux, qui dataient de moins de cinq siècles, et par là les plus récents avant que Taygète n'opte pour un autre lieu où ériger les sépultures de leurs défunts, étaient les plus faciles à arpenter, la technologie moderne les éclairant de lumiglobes et renseignant le voyageur occasionnel à l'aide de cartes approximatives du labyrinthe.
Mais plus on s'enfonçait dans les ténèbres, plus la nécropole se faisait ancienne, hostile et intemporelle. D'après les plus chevronnés des pèlerins qui purent y voyager, l'immense crypte se découpaient sur une vingtaine de niveaux de plus en plus étroits à mesure qu'on se rapprochait de la surface.
Honorius marchait d'un pas calme dans l'un des boyaux obscures, bien plus profondément qu'aucun curieux visiteur n'aurait pu le prétendre. Sa démarche pesante faisait résonner lourdement ses semelles ferrées en un battement sourd dans l'atmosphère confinée de la galerie froide et humide et si un humain normal aurait erré à tâtons dans l'obscurité totale de cette portion oubliée, la vue génétiquement améliorée du Space Marine lui permettait de se déplacer avec la même aisance que si il évoluait en plein jour.
Par moments, il était toutefois obligé de poursuivre son chemin courbé, presque accroupi, tant la hauteur du plafond creusé n'avait pas été envisagée pour accueillir un être de sa stature.
Le Chapelain aimait à se promener dans ce coin de Sparta resté comme hors du temps et de l'espace, la réalité prenant ici une dimension totalement différente. Mais si d'habitude il arpentait les sombres couloirs de la Crypte pour trouver le repos et la méditation nécessaires à sa réflexion, aujourd'hui le but était différent. Aujourd'hui il cherchait autre chose, plus vital pour son cœur que pour son âme, et chacun de ses pas faisaient battre ses cœurs d'une lourde appréhension.
Après de multiples détours tortueux, il aboutit enfin à l'endroit qu'il cherchait, et s'accorda un soupir de satisfaction.
Il venait de déboucher sur un carrefour pas plus large qu'un landraider, trois sorties en plus de celle dont il arrivait, ouvertes dans ses murs creusés grossièrement. La petite "place" qui tenait lieu de carrefour était circulaire, son sol pratiquement plat en considération du reste des chemins. Une étrange source de lumière baignait l'endroit d'un doux éclat matinal, accrochant vaguement les reliefs alentours, et tombant baigner un curieux ensemble, une large vasque plantée en son centre, attenante au sol, sculptée dans la montagne en même temps qu'on avait creusé les différentes galeries et aplani le sol.
Honorius s'approcha du bassin de pierre polie dans laquelle stagnait un liquide cristallin, comme de l'eau, une figure sculptée s'élançant au dessus, une sorte d'ange aux ailes déployées, le visage tourné vers un ciel inexistant, bras nus tendus, une toge flottant autour de son corps dans un souffle de vent tout aussi inexistant. L'ange de pierre portait autour de son cou un chainette d'or au bout de laquelle pendait un médaillon de nacre en forme d'ailes majestueusement déployées au centre desquelles perlait discrètement un rubis en forme de larme de sang.
Un vague halo bleuté englobait le tout, ronronnant doucement dans le silence total de ce coin oublié de tous.
Honorius s'agenouilla en face de l'étrange sculpture, inclinant respectueusement la tête devant la statue angélique et désactiva le champ de stase à l'aide d'une clé qu'il gardait précieusement depuis son ascension au sein du Reclusiam. Il toucha le minuscule médaillon du bout de ses doigts avant de porter ses mains à son casque pour le retirer. La fermeture hermétique de son cou lâcha dans un sifflement tandis que le heaume fut enlevé avec déférence et posé sur le rebord du petit bassin. Dans le noir profond de la Crypte, son aspect mortuaire se fondait presque instantanément avec les autres visages de morts qui regardaient depuis des millénaires les passants de leurs orbites vides, allongés dans leurs tombes. Ici en revanche, on aurait cru que la lumière d'un ange délicat venait envelopper le Chapelain agenouillé.
Honorius toucha à nouveau le médaillon en murmurant une courte prière à ses ancêtres puis enfoui son visage dans ses deux mains en vasque, psalmodiant un longue litanie de mort. Poursuivant son étrange rituel, il laissa retomber ses mains doucement sur ses cuisses et ferma les yeux en levant lentement la tête, sa bouche ne cessant de murmurer des mots emprunts d'amour, d'honneur et de respect pour les générations qui l'avaient précédé.
Il sentit l'air froid se coller à sa peau comme un voile délicat, apaisant toute pression en lui, et il laissa le silence pesant de la Crypte couler en lui, faisant taire tous ses doutes, toutes ses préoccupations.
Le visage du Chapelain, jamais présenté aux autres, était strié de rides et d'antiques cicatrices, témoignage incontestable de son ancienneté au sein du Chapitre, et pourtant il gardait une redoutable expression de jeunesse, ses traits carrés sans le moindre défaut en dehors des ravages du temps et de la guerre, ses cheveux mi longs, couleur des corbeaux avec une faible touche grise sur les tempes et ses yeux d'un bleu polaire resplendissant d'une froide résolution et d'une ardeur jamais éteinte. Au milieu de son front était riveté un petit crâne ailé, une larme rubiconde perlant sur le bord d'une de ses orbites.
Honorius resta ainsi plusieurs instants à prier, yeux fermés, à genoux, dans une posture de totale humilité avant de faire soudainement silence et de rouvrir les yeux. Il laissa le silence flotter encore un moment avant de parler à nouveau, sans murmures cette fois, sa voix grondant comme un orage lointain, tandis qu'il tendit ses mains en éventail devant son visage nu.
-Ancêtres de Sparta, grands Anciens des temps perdus, guerriers oubliés et héros vénérés, je me présente en ce jour devant vous, moi, Heriak Honorius, Chapelain de la Première Compagnie du Chapitre des Sky Slaughters. Je mène vos fils depuis maintenant trois cents ans. Je veille sur eux à la bataille, apaisant leurs craintes et exhortant leurs cœurs aux plus vaillantes actions. Je sers l'Imperium de Terra et l'Empereur de l'Humanité en combattant leurs ennemis. Je vais chercher l'immonde où qu'il se trouve. A chaque bataille j'accompagne mes frères de bataille vers la victoire ou le trépas, je recueille leur gloire ou leur chute, leurs joies et leurs larmes. Mon honneur et mon épée est à leur service tandis qu'ils écoutent humblement mes paroles. J'ai récolté ces derniers temps trop de pleurs et de chagrin et vu trop d'horreur et de folie pour me permettre de ne point revenir vers vous. Aujourd'hui je me tiens devant vous pour me libérer de ce fardeau. Je vous prie en toute humilité d'accepter de recevoir les larmes que j'ai recueilli de dizaines de frères tombés. Leur héritage est sauf, aucun ne fut perdu. L'Empereur veille sur leurs âmes, je vous demande alors humblement de les libérer de leurs souffrances. Acceptez mes larmes comme vous accepteriez les leurs.
Tout en récitant ces paroles, Honorius porta ses mains nues à son visage pour y recueillir du bout des doigts les larmes qui s'échappaient librement de ses yeux las, pour couler le long de ses phalanges jusqu'à ce qu'il les amasse dans le creux de ses paumes formant une coupe. Il déposa avec révérence ses larmes coulées dans le bassin en courbant la tête, fermant les yeux à nouveau. Plongeant ses mains dans le bassin, il laissa s'échapper ses larmes qui se noyèrent dans le liquide contenu. Il apposa une dernière fois ses doigts humides sur la petite amulette pendant au cou de l'ange de roche avant de les ramener sur son poitrail en faisant le signe de l'aquila.
Le Chapelain releva la tête, se sentant immédiatement libéré d'un lourd fardeau qu'il portait depuis qu'il avait combattu sur Nubia, un an auparavant, la mort de dizaines de ses frères et amis ne pesant plus sur son cœur, et assuré que leurs âmes venaient de trouver définitivement le repos désiré dans l'accomplissement de ce vieux rituel.
Il resta un instant à écouter son cœur battre à nouveau harmonieusement, débarrassé de toute douleur, se concentrant sur sa respiration apaisée, avant de se relever et de remettre son casque.
Le Rituel des Larmes était un fait seulement connu des Chapelains et qui n'était transmis que lors de leur intronisation au sein de cette confrérie si particulière. Il était coutume depuis des siècles que les Chapelains du Chapitre accompagnent leurs frères au combat sans jamais verser une larme, encaissant chaque perte, chaque défaite, chaque déshonneur aussi cuisant soit il sans broncher, afin de revenir à la Crypte pour s'agenouiller devant le bassin des Ancêtres et l'Ange de l'Apaisement pour y déposer leurs pleurs si longtemps retenus. Le liquide qui stagnait depuis si longtemps dans le bassinet de pierre résultait des larmes versées par des centaines de Chapelains avant lui qui avaient perpétré ce vieux Rituel qu'on disait instauré par l'un des Grands Chapelains du Chapitre, après la mort du Maitre de Chapitre martyr Leonydas.
Honorius était l'un des derniers Chapelains à poursuivre le respect de cette antique tradition qui se perdait de plus en plus au sein du Chapitre, jusqu'à être même rejetée avec virulence par certains de ses confrères qui y voyaient là une déviance vers la superstition plus que malvenue. Les temps changeaient, pensait souvent amèrement Honorius, et cela était la faute de l'obscurantisme de plus en plus étouffant qui irradiait des Seigneurs corrompus de Terra. Mais il se gardait bien d'exprimer pareilles considérations, sachant que de tels propos pouvaient amener le déshonneur sur son Chapitre, ou pire encore...
Secouant la tête pour évacuer ces sombres pensées qu'il ruminait depuis fort longtemps, Honorius éleva son esprit vers un calme salvateur, expirant longuement en sentant la paix revenir en lui, puis se releva après avoir réactivé le champ de stase permettant de sauvegarder la relique et son contenu.
Avant de rebrousser chemin, il pensa alors à l'épreuve qui l'attendait, celle de choisir et de former les futurs Apprentis du Chapitre. Allait il tenter de faire perdurer de vieilles traditions mourantes à ces futurs guerriers, ou allait il laisser les nouvelles pensées de l'Imperium balayer ces souvenirs glorieux, transformant un passé riche en merveilles et en histoires glorieuses en poussières et en échos obscures, emprunts d'hérésie aux yeux des plus jeunes guerriers de Terra?
La seule pensée qu'il dû faire ce choix douloureux lui vrilla l'âme et il se retourna un court instant vers le bassin oublié de tant de ses frères.
-Ancêtre vénérés, donnez moi la force... murmura-t-il tandis qu'il arpentait à nouveau les tunnels glacials de la Crypte sur le chemin du retour vers la surface.
Dernière édition par Turielo le Sam 25 Mai 2013 - 12:31, édité 1 fois
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
[bis repetita] Mea culpa, mes frères, voilà donc plus d'un mois que je n'ai pas posté!
Beaucoup de choses m'ont occupé, notamment un travail approfondie sur mes écrits des Chroniques de l'Ordre de l'Epée ainsi que le fanfluff qui gravite autour.
Je réalise maintenant que c'est chose difficile de poster avec régularité comme je le voulais, aussi je vais tâcher de garder la cadence, mais hélas il arrivera que je manque de temps et que le loupe le coche quelques fois...
Pour cette partie, il n'y a eu que peu de changements, mais pour coller au fil du roman je la reposte donc.
La seconde néanmoins est totalement inédite.
En attendant, bonne lecture! N'hésitez pas à commenter!
LE GRAND HALL du Palais était désert, fait relativement rare, attestant que quelque chose d'important se préparait. Le matin venait de se lever et les premières lueurs du soleil baignait l'entrée d'un grand voile doré. N'ayant eu aucune idée du temps qu'il avait passé en bas, Honorius laissa les serviteurs refermer la lourde grille barrant l'entrée de la Crypte derrière lui et remonta d'un pas énergique la vaste salle aux immenses colonnades auxquelles pendaient d'antiques bannières aux couleurs du Chapitre, la plupart présentant les vénérables marques d'un quelconque combat glorieux, flottant doucement dans la brise qui soufflait depuis l'immense porte d'entrée du Palais. Au pied de chaque colonne se dressait une colossale statue de marbre représentant les héros tombés, des Astartes dont les prouesses avaient fait couler autant d'encre que de sang ennemi et qui même dans la mort continuaient d'être révérés comme les anges de la mort qu'ils furent. Chacune des statues les représentaient dans des postures élancées et héroïques, images figées de leur ardeur au combat, de leur force et de leur sagesse, certains brandissant de magnifiques armes d'un autre temps, d'autres en état de grâce, mains jointes et tête baissée, leur regard bienveillant jeté sur les visiteurs qui arpentaient le hall.
Mais en cette heure, le Chapelain Sky Slaughter était le seul individu à faire résonner ses pas, passant devant chacun des héros en leur jetant un regard plein de reconnaissance, savourant l'honneur de pouvoir poser le regard sur ces figures de héros rendus immortels par leur gloire.
Honorius aboutit à un grand escalier de marbre veiné de rouge et rehaussé de dorures, montant les marches en adressant un salut respectueux et rituel aux deux titanesques statues qui gardaient la grande porte menant au cœur du Palais, deux grands Astartes couronnés de lauriers de jade, leurs armures portant les glorieux insignes du Chapitre, chacun tenant serré dans ses mains une lourde épée, pointe au sol.
A leurs côtés, les deux Space Marines de chair et de sang, de taille plus conventionnelle pour un être vivant, qui gardaient la porte fermée hochèrent la tête en silence à l'arrivée du Chapelain et firent claquer la hampe de leurs hallebardes énergétiques sur le sol poli avant de faire basculer les lourds battants de bois sculpté vers l'intérieur.
Honorius leur rendit leur salut et passa la large porte, non sans jeter un regard habitué aux représentations en bas reliefs de la fameuse Bataille du Ciel Écarlate, qui vit le triomphe mais aussi la mort du légendaire Leonydas, aux côtés de ses trois cents guerriers Space Marines qui se sacrifièrent pour repousser les Orks venus embraser leur système, des millénaires de cela, bien après le fin du Temps de l'Errance.
Les deux battants claquèrent sourdement lorsqu'ils se refermèrent derrière lui et Honorius emprunta un long couloir dont le mur gauche était percé de grandes fenêtres en arc brisé aux délicats vitraux, qui laissaient percer la lumière extérieur en une douce lueur kaléidoscopique. Le côté droit, soutenu par de courtes mais épaisses colonnes, donnait sur un grand parc à la végétation luxuriante mais minutieusement entretenue par une véritable armée de serviteurs, son centre voyant se dresser une immense statue de Robboute Guilliman, le noble Primarque dont descendaient les Sky Slaughters.
Cinq cent mètres plus loin, le couloir assez large pour laisser passer une Chimère tournait sur sa droite, et de même cinq cent mètres plus loin, et ainsi de suite, le tout formant un carré de marche autour du grand parc duquel s'élevaient de douces odeurs fruitées et le chant jovial d'une multitude d'oiseaux.
Honorius suivit le chemin du sanctuaire, et, à mi parcours, pris sur sa gauche, au travers d'une ouverture de pierre taillée en arc de cercle dont le pourtour était sculpté en damier, laissant le parc derrière lui, et entrant dans une salle ombragée, sentant l'encre et le parchemin, de petites fenêtres à vitraux dépourvus de couleurs laissant entrer timidement la lumière du jour naissant.
Le Chapelain resta un moment sur le pas de porte à humer les douces senteurs du savoir gardé par le Chapitre, se souvenant de l'époque où il était lui même attablé à l'un des écritoires usés, alors âgé de quelques décennies à peine, suivant les enseignements de son Maitre Chapelain, bien avant que le Reclusiam se retira définitivement de Sparta pour rejoindre Styx.
Au fond de la salle, un grand tableau d'ardoise était accroché au mur, et une petite porte en bois se démarquait sur la droite. D'habitude fermée à quiconque, elle était en cette heure ouverte, et le Chapelain pouvait entendre des voix provenant de la petite salle privée derrière elle.
Il s'y engagea et salua humblement les guerriers qui s'y trouvaient, son Premier Capitaine, le Second Capitaine, le Second Chapelain et quelques autres Astartes, penchés sur une table couverte de parchemins, ou se rafraichissant grâce aux délicats breuvages produits par les vignes de Sparta.
-Heriak, vous voici enfin! le salua Angelius en souriant, l'invitant à se joindre à eux.
-Où étiez vous donc passé, mon frère? demanda le Second Chapelain, seul avec Honorius à avoir gardé son casque sur la tête, comme le voulait leur tradition.
-Je méditais, frère Belagos. répondit l'interpellé, sans chercher à poursuivre sur ce terrain, en vain.
-Vous étiez encore dans la Crypte, n'est ce pas? lui demanda Belagos en penchant la tête de côté, comme pour percer son confrère à jour.
-J'applaudis votre clairvoyance, mon frère. s'amusa Honorius en hochant la tête. Que voulez vous, je suis probablement trop nostalgique pour renoncer à ces petites choses qui ont fait l'histoire de notre Chapitre.
-Je loue votre sagesse, frère. approuva Belagos. Je suis heureux que certains d'entre nous ne comptent pas oublier de sitôt nos traditions les plus anciennes.
-C'est hélas un fléau de plus en plus répandu chez nos frères. soupira Arius en se joignant à la conversation, tout en tendant un parchemin roulé au Premier Chapelain. Ce sont les notes du Disdaskalos sur ceux qu'il pense être ses meilleures recrues pour le Chapitre. Il nous l'a fait parvenir tôt ce matin.
Tandis qu'Honorius commençait à parcourir les notes, en détaillant chaque Apprenti potentiel, Angelius et Arius étudiant d'autres parchemins, Belagos se plaçant à côté de la petite fenêtre donnant sur une petite court tout aussi fournie que le grand parc, colorée et pleine de vie.
-J'ai entendu dire que vous avez dû une fois encore tempérer les paroles du Capitaine Arius? reprit-il, faisant immédiatement se relever le concerné, sur la défensive.
-Il est vrai. répondit Honorius, levant les yeux des notes du Disdaskalos. Mais je ne peux pas l'en blâmer. Juste le prévenir de rester prudent. Tout le monde n'acceptera pas de telles considérations, loin de là.
-Je regrette de m'être ainsi emporté, frères Chapelains. fit Arius en courbant sèchement la tête, acceptant les remarques.
-Paix, Capitaine. fit Belagos en levant une main, se détournant un instant de sa contemplation du petit parc. C'est le frère Arkaros qui est venu se confier à moi avant son départ. En l'absence de son Chapelain que nous pleurons tous, il ne savait pas vers qui se tourner. Il partage les mêmes craintes que vous, comme beaucoup parmi nous, les anciens du Chapitre. Il craint simplement qu'un jour cela nous porte tort...
-C'est un problème de plus en plus important, il est vrai. acquiesça Honorius. Les temps sont devenus bien trop obscurs pour laisser la place aux doutes, aussi minimes soient ils. Même au sein de notre propre Chapitre. Les vieilles traditions se perdent, et nos nouvelles générations de frères de bataille semblent de plus en plus s'éloigner de la clarté apportée par l'Ordre.
-Qui sommes nous pour les en blâmer, mon frère? intervint doucement Angelius. Ils sont, comme nous, des guerriers de l'Empereur, et par là même, ils servent Terra. Ils pensent être dans un plus droit chemin que nous autres, voilà tout.
-Je le conçois, frère Capitaine, mais je crains que cela amène de la discorde. avoua Honorius, aussitôt approuvé par Belagos et Arius. J'ai encore durement en mémoire les remarques amères du frère Capitaine Tetrak...
-Tetrak est un bon guerrier, au cœur pur et la foi ardente. répondit Angelius. C'est encore un jeune guerrier, même Capitaine, et Fredrich lui même l'a formé à devenir officier, il y a trente ans de cela. Vous savez aussi bien que moi d'où vient cette amertume qui le consume. Nubia, la guerre contre le Chaos et les accusations portées par l'Inquisition contre l'Ordre. Nous ne pouvons nier que depuis plusieurs temps l'Ordre se fait de moins en moins présent parmi nous, et seuls quelques privilégiés savent vraiment ce qu'il est. Nous avons la chance d'en faire partie, mais pas notre frère de la Sixième Compagnie. Et c'est de se retrouver dans l'inconnu qui le fait douter. C'est ce même doute qui l'amène à porter ses critiques à notre encontre, au nom des lois édictées depuis des millénaires par Terra.
-Ce n'est pas dangereux en soi, juste une preuve de la fougue dont fait encore preuve notre jeune frère, sans compter les ravages que la Sixième a connu sur les champs de mort de Nubia. fit Belagos. Mais je rejoins pourtant frère Honorius lorsqu'il dit que tout cela est dangereux car si nous laissons ce genre de différent s'envenimer au sein du Chapitre, nous risquons une dissension qui menacerait jusqu'à l'Ordre lui même. Et chacun d'entre vous sait ce que les Hauts Seigneurs de Terra semblent pensent de l'Ordre. Certains de leurs séides cherchent depuis toujours à le démanteler et à faire brûler ceux qui le dirigent pour le seul crime de vouloir combattre pour la vérité. Cela a déjà failli être le cas sur Nubia.
-Frère Tetrak est actuellement sur Styx avec les restes de la Sixième, et je fait confiance à nos Chapelains là bas pour l'encourager à reprendre ses esprits. Nubia l'a profondément marqué, de même que chaque survivant de la Sixième. tempéra Angelius. Je sais quelles sont vos pensées, Heriak, et croyez moi, en ces temps d'obscurité, elles nous placent en grand danger, bien plus que ce que vous craignez.
-Votre attachement aux vieilles traditions est fort louable mon frère, mais je crains qu'il ne faille le faire discret, du moins le temps que nous puissions empêcher l’innommable d'arriver. reprit Belagos à l'attention de son confrère. Cela a failli emporter nos frères Sun Hawks sur Dolfris II et nos frères Repenters sur Retributor Prime. Et je ne mentionnerai pas les trop nombreux Chapitres à être tombés en disgrâce à cause de leurs mœurs, blasphématoires aux yeux de Terra. Songez au déclin des Relictors ou encore à la suspicion dans laquelle marchent les Flesh Tearers. Trop nombreux sont tombés, et encore plus nombreux sont ceux qui vont tomber si cela continue ainsi. Il nous faut nous méfier de Terra et de son œil vigilant. Car tant que l'Empereur est en sommeil, qui sait ce que leurs divagations peuvent infliger à une Humanité déjà plongée dans le noir?
-Je préfère éviter d'y songer... souffla Arius en secouant la tête. Nous sommes purs à leurs yeux. Restons le. Je suis d'accord avec Belagos. Il nous faut tempérer des frères comme Tetrak, mais il ne faut pour autant pas continuer à nous démarquer ainsi du credo édicté par les Hauts Seigneurs qui prétendent parler au Nom de l'Empereur. Seul Lui peut nous juger. Mais dans l'immédiat, ce sont ces rapaces qui sont les plus à même de nous faire crever pour un écart, aussi ridicule soit il.
-Méfions nous des divergences au sein de notre Chapitre, et ramenons les doucement vers notre propre loi, celle de l'Empereur. ajouta Angelius. Si nous le faisons avec sagesse, même les éléments les plus dubitatifs comme Tetrak rentreront dans les rangs docilement et le cœur apaisé. Dans l'immédiat, il est plus que primordial de veiller à ce que nos plus jeunes frères, ainsi que nos futurs Apprentis ne connaissent pas les mêmes doutes. Heriak, ce n'est pas pour rien que Fredrich vous a mandaté pour les former sur Styx. Il a confiance en vous, et il sait que vous êtes le plus à même de succéder à Maitre Scupios.
-Le Maître Chapelain ne survivra pas longtemps à ses terribles blessures. acquiesça Arius. On murmure qu'il ne sort même plus de sa forteresse sur Styx, laissant frère Agammon se charger seul de la formation des Apprentis aux côtés des Maitres Instructeurs. Il est mourant. La blessure du démon ne l'a pas épargné. Vous seul êtes son plus légitime successeur.
-Soyez conscient de l'honneur qui vous revient, mon frère. fit Belagos. Moi même j'ai longuement parlé avec Maitre Grivus de la nécessité de vous avoir comme prochain Maitre Chapelain. Les temps changent. Soyez là pour nous guider lorsque le moment sera venu.
Honorius hocha gravement de la tête, parfaitement à même de savoir l'étendue de l'honneur qui lui était fait. Il savait depuis longtemps que le conclave des Chapelains avait prononcé son nom pour succéder à leur Maître Chapelain mortellement blessé sur Nubia. Mais jusque là, il avait refusé d'y apporter crédit, ne se sentant pas encore véritablement prêt.
L'un des guerriers restés silencieux s'avança, se tenant sur son lourd bâton énergétique, son visage d'ange blond marqué par le temps et les épreuves, son crâne rasé de près et sa barbe d'or se déversant sur sa poitrine.
-Nous arrivons à un carrefour important de notre destin. prophétisa l'Archiviste Aurelius Orgus, maître du Librarium de Styx. Et il ne s'agit pas seulement du destin de notre Chapitre, ou même de l'Ordre, mais quelque chose de bien plus important. Nous arrivons au seuil d'une nouvelle ère et les arcanes me murmurent qu'un grand changement est sur le point de balayer l'Imperium tout entier, le menant vers un nouvel âge d'or et de triomphe ou vers la destruction.
Tous se retournèrent vers le vénérable Archiviste, pendus à ses paroles. Il était rare qu'Orgus se prononce, mais sa parole était toujours précieuse, et beaucoup, même en dehors du Chapitre, se referaient à ses prédictions et à sa sagesse.
L'Archiviste plissa ses yeux ridés aux paupières tombantes et aux orbites creusées tandis qu'il continuait à parler.
-J'ai expérimenté de nombreux songes ces dernières années, depuis Nubia et même avant, mais pour une raison qui m'est inconnue, je ne parviens pas à démêler les méandres du futur qui se révèle à moi. J'ai vu une nouvelle période de guerre, le Fléau arpentant notre univers pour la treizième fois de sa maudite existence.
-La treizième Croisade Noire... comprit Angelius à voix basse. Cela fait déjà quinze années.
-J'ai vu notre secteur embrasé par la corruption et la sédition. continua Orgus. Nubia. La débâcle. Le démon millénaire renaissant de ses cendres. Des alliances blasphématoires et des trahisons envenimées par la plus abjecte des rancœurs. Mais tout cela vous le savez déjà. J'ai vu l'Imperium secoué par d'ignobles tragédies. Des frères tuant leurs frères, corbeaux de sang se battant bec et ongles pour trouver l'absolution.
-Les Blood Ravens. reconnu Honorius. J'ai entendu parler de ce qui s'était passé. De bien sombres évènements.
-J'ai vu les Dieux Noirs s'esclaffer et l'instant d'après hurler de terreur. poursuivit Orgus, imperturbable. J'ai vu un trône d'or se ternir et mourir, et j'ai vu les Élus marcher à nouveau. J'ai vu nos Pères se relever et guider l'Humanité et j'ai vu nos mondes mourir. J'ai vu notre héritage porté à son firmament et je l'ai vu se flétrir et se perdre. J'ai vu de nouvelles trahisons. De nouveaux secrets révélés. J'ai vu de vieux ennemis resurgirent d'entre les morts et porter le massacre à nos portes. J'ai vu des armées de morts oubliés de tous se lever et reprendre leur moisson. J'ai vu la chute de nos frères face à leurs frères damnés. J'ai vu la gloire de nos seigneurs puis leur trépas. J'ai entendu un démon que nous croyions tombé ricaner, sa victoire à portée de main. J'ai vu l'Empereur hurlant, enferré sur son Trône délabré. J'ai vu la fin et le commencement...
Son visage trembla alors que ses efforts pour translater ce qu'il avait vu se faisaient de plus en plus intenses. Il lâcha un hoquet de douleur et s'assit lourdement sur un banc de pierre, ses deux mains portées à sa tête. Au bout d'un instant il leva des yeux au regard plein de désespoir vers l'assistance choquée qui était encore à son écoute.
-J'ai vu des choses terribles, mes frères. Quelque chose d'affreux va arriver, mais je ne peux pas le voir! sanglota-t-il.
Aucun ne parla, tandis qu'Orgus se lamentait sur ses visions chaotiques qu'il était incapable de comprendre. Honorius reprit le parchemin portant les noms des meilleurs candidats pour devenir leurs nouveaux Apprentis et le considéra pendant un certain temps avant de le fourrer dans sa sacoche et de sortir de la salle sans un mot de plus.
Il était temps pour lui d'embrasser son véritable rôle, celui de transmettre la Vérité de l'Empereur, le savoir du Chapitre et l'héritage de l'Ordre à ceux qui seraient les prochains défenseurs de l'Humanité.
PARÉ DE SON armure de bataille Terminator, Ektelion Herkar marchait du pas lourd d'un demi dieu sur la grande allée qui reliait le Palais à un haut promontoire rocheux depuis lequel on pouvait admirer toute l'étendue du paysage environnant Taygète sur des dizaines de kilomètres de distance. Traversant une large place de plusieurs dizaines de mètres de largeur, il retrouva à la pointe du promontoire une poignée de guerriers de la Première, tous portant la même armure imposante que lui, tous ayant reçu le même honneur et le même devoir que lui.
Herkar salua ses frères d'un bref hochement de tête, son casque calé sous son bras. Vingt quatre élus se tenaient là, regardant au loin la silhouette de la Caserne qui ondoyait sous les vagues de la chaleur infernale de Sparta. Le vieux sergent vint rejoindre l'un des Terminators, un guerrier au visage buriné, aux cheveux rasés et à la courte barbe couleur de neige. Le vétéran l'accueillit avec un sourire, ses yeux aussi glacials que la banquise des grands pôles.
-Frère sergent. salua-t-il d'une voix acérée comme le blizzard. Viens tu toi aussi apprécier l'honneur qui t'es fait?
-Je suis plutôt familier avec cet honneur, Persus. répondit Herkar, ayant senti la plaisanterie dissimulée sous ces propos. J'ose espérer que depuis le temps tu as su me pardonner de t'avoir devancé dans ce genre de récompenses.
Le sergent Persus éclata d'un rire fracassant avant de tourner à nouveau son regard vers la Caserne située plusieurs kilomètres plus loin en contrebas de la cité.
-Ce serait plutôt à toi de me pardonner d'être un tel rabat joie, Ektelion. dit-il en arborant son sourire de prédateur. Ta patience et ton tempérament sont une véritable force chez toi. A moins que ce ne soit ta stupidité bornée qui te permet de rester si calme et plaisantin...
-Les deux, je suppose. consentit Herkar en considérant à son tour les contours de la Caserne.
Un silence se fit entre les deux vieux amis, comme à chaque fois qu'ils venaient de se railler l'un l'autre.
Les deux guerriers se connaissaient depuis longtemps, Persus demeurant le plus ancien, plus vieux que son homologue de presque un siècle et demi. Au début, aucun des deux ne parvenait à se supporter, le plus vieux habitué à des tactiques anciennes consistant en des attaques éclaires, et très porté sur le respect des traditions, le plus jeune bien moins porté sur le passé et ayant suffisamment développé un goût prononcé pour la stratégie pour remettre maintes fois en question les vieilles méthodes d'assaut des Sky Slaughters.
A de nombreuses reprises les deux en étaient presque venus aux mains, à force de désaccords et de provocations, et il y eu même une fois où le Chapelain Scupios dû sévèrement les réprimander pour les troubles qu'engendraient leurs confrontations.
Voués à se détester jusqu'à la mort d'un des deux, ils finirent pourtant par se rapprocher lorsque la Compagnie alla porter le combat sur Canaaon, lors de l'insurrection d'un seigneur de guerre tribal qui noua un pacte avec les Puissances du Chaos. L'intervention était au demeurant routinière et relativement aisée face à des indigènes à la technologie pré nucléaire, les Astartes écrasant les armées de rebelles les unes après les autres, se rapprochant de plus en plus vite de l'épicentre de l'insurrection. Puis tout vira au cauchemar lorsque le despote relâcha les sombres pouvoirs que lui avaient octroyé les Dieux du Warp. Le détachement de la Garde impériale qui les accompagnaient alors fut totalement annihilé par une soudaine tempête de feu dans laquelle tournoyaient d'inimaginables démons assoiffés de sang, et la peste eut raison des survivants, qui une fois trépassés dans d'atroces souffrances allèrent rejoindre les rangs ennemis une fois revenus d'entre les morts.
Au milieu de ce carnage, la Première Compagnie se retrouva coincée dans un étau infernal, attendant dans un baroud d'honneur désespéré que des renforts arrivent.
Durant les combats, Persus et Herkar ne cessèrent de se sauver la vie mutuellement, et ce ne fut que lorsque le Capitaine d'alors, le prédécesseur d'Atavius, accepta un plan du jeune Herkar qui s'avéra d'une efficacité redoutable que Persus consentit à donner du crédit à son rival de toujours. Ce jour là, Herkar avait développé une stratégie s'appuyant à la fois sur les attaques rapides et sur les tirs de barrages destructeurs, et avait immédiatement proposer de confier le commandement de l'attaque rapide à Persus. L'exécution du plan fut couronnée de succès quand les guerriers aux ordres de Persus parvinrent à contourner les forces adverses pour les ronger sur les flancs en plusieurs raids meurtriers, tandis que le reste des forces ennemies, poussées en avant, étaient inexorablement oblitérées par un véritable mur de feu délivré par le reste de la Compagnie.
C'était là une exécution parfaite des plans de bataille traditionnels des Sky Slaughters, et le choix de Herkar d'opter pour une telle solution dans un moment d'urgence, plutôt que de contester comme il avait l'habitude de le faire, parvint à lui faire gagner le respect de son aîné.
Bien des années plus tard, les deux anciens rivaux étaient devenus de proches camarades, sans pour autant oublier leur goût déplacé pour les fausses disputes brodées de répliques acerbes.
Persus inspira l'air chaud de Sparta d'un air satisfait et se détourna de sa contemplation et de ses souvenirs.
-Cela sera mon onzième choix. dit-il. J'espère que celui là comblera Talios comme tout les autres l'ont fait avant lui.
-Tes choix ont toujours été judicieux. reconnut Herkar. Frère Alikas - lequel était-ce? Le quatrième? - s'est avéré être un formidable guerrier, et je suis prêt à parier mon gladius qu'il a encore de beaux jours devant lui.
-Le Capitaine Andronius ne cesse d'en faire l'éloge. A ce que j'ai entendu dire avant notre départ pour Eris, Alikas a intégré sa garde personnelle en tant que sergent vétéran. Garde donc ton gladius, mon frère. Alikas deviendra très sûrement le prochain Capitaine de la Huitième.
Herkar allait répondre quelque chose quand Persus l'interrompit d'un geste de la main, son visage se plissant comme sujet à une profonde réflexion, avant de s'éclairer une poignée de secondes après.
-Le huitième! C'était le huitième choix que j'ai fait. se rappela-t-il, avant de lâcher un ricanement. Un huitième choix pour un futur Huitième Capitaine. N'est ce pas chose étrange que le destin?
Herkar opina en souriant.
-L'Empereur veille sur lui, cela est certain. dit-il.
Une fois encore, un ange passa, laissant les deux vétérans apprécier le panorama qui leur était offert, le soleil de plomb dardant de ses rayons les immenses plaines de Sparta, étonnement verdoyantes considérant la chaleur dégagée. Sur Styx le climat était bien plus aride encore, et tout ce qui s'offrait à la vue du spectateur étaient d’interminables étendues désertiques de sable et de roche stérile, sur lesquelles parfois poussaient quelques téméraires bosquets d'arbustes secs.
La Caserne où s'entraînaient durement les jeunes garçons prétendant au titre prisé d'Apprenti était juchée sur un plateau rocheux débarrassé de toute végétation d'un côté, et jouxtant une jungle luxuriante de l'autre. Tout autour, ce n'étaient que champs, plaines sauvages et terrains d'élevages, sur lesquels fourmillaient les habitants de Taygète, accomplissant leur dur labeur jusqu'au coucher du soleil avant de rejoindre la cité ou les quelques petits villages paysans qui l'entourait comme des petits satellites autour d'une planète mère.
Désireux de profiter un peu plus de la vue, Persus invita son homologue à le suivre alors qu'il entreprenait une marche le long des remparts du promontoire.
Ils prirent silencieusement congé de leurs compagnons d'armes, et prirent un petit chemin de ronde dallé de pierres de calcaire d'un blanc pur, suivant le tracé des créneaux dentelé et des gardes fou de bronze. Parfois, une statue aux traits antiques jetait une ombre fraîche et bienvenue, son visage de pierre tourné vers l'extérieur, comme un gardien de la cité, figé pour l'éternité.
-Et toi, mon frère, combien en comptes tu? demanda le space marine au bout d'un moment de marche silencieuse.
-Si je compte celui qui est mort juste après le Rituel, eh bien cela sera mon vingt et unième choix. répondit Herkar.
-Dommage pour toi qu'il n'y ai pas vingt et une Compagnies. plaisanta Persus. Oui, je me rappelle de celui qui s'en est allé rejoindre ses Ancêtres après le Rituel. Un corps et une âme forgés pour le combat, un vrai potentiel. Dommage toutefois que son équilibre lui ai fait défaut.
Le sergent leva les yeux au ciel comme cherchant quelque chose, puis eut un macabre sourire en coin en désignant un point invisible parmi les nuages.
-N'est ce pas de là qu'il a chuté du landspeeder le ramenant à l'Astroport?
-Ta mémoire te fait défaut, frère. répondit Herkar en ricanant.
Puis il pointa à son tour du doigt l'endroit désigné par Persus et le décala de quelques centimètres, figurant plusieurs centaines de mètres de vol.
-Là. désigna-t-il avec le même demi sourire que son frère sergent. C'est de là que le pauvre bougre a tenté de voler. Je me rappelle encore l'état de la chaumière sur laquelle il avait atterri. Un vrai gâchis.
Ils s'autorisèrent un rire mauvais à l'évocation d'une telle malchance, puis, retrouvant leur sérieux, il reprirent leur marche, et le ton de Persus se fit moins moqueur et plus solennel.
-L'Empereur veille sur lui aussi maintenant qu'il est allé Le rejoindre. dit il avec respect avant de reprendre le fil de leur discussion. Vingt et un. Talios doit t'apprécier aussi j'imagine. De ce que j'en sais tes choix ont rarement été mauvais.
-Disons qu'ils sont restés plus modestes que les tiens. admit Herkar. Tu vois le potentiel d'un frère destiné à diriger des hommes, je me contente de voir les meilleurs à même de suivre ces ordres. En définitive, il n'y a que frère Varias, l'Empereur ai son âme, qui aurait pu connaître un beau destin, je suppose. Il était dans la Sixième Compagnie, et je l'ai recroisé sur Nubia. Il est mort en héros, terrassant des cohortes de démons avant de rendre son âme à notre Père.
-Triste perte, je me souviens. Lui et le Capitaine Angelius était de proches amis.
-Le Capitaine avait appuyé mon choix lorsque j'ai désigné Varias. confirma Herkar en se remémorant le jour de ce Rituel là. J'ai appris plus tard, lorsque Varias est ressorti de la Dixième pour aller rejoindre la Sixième, qu'il était le frère d'un des Anciens de cette ville. Et il s'avère que cet Ancien là connaissait notre Capitaine depuis pas mal de temps.
-Sa mort l'a beaucoup touché. Je l'ai vu dans ses yeux. D'une Compagnie à l'autre, nous restons tous frères après tout. La mort de chacun est une perte douloureuse pour nous tous.
-Et l'élévation de nos futurs frères est une bénédiction dont nous profitons tous. continua Herkar, peu désireux de se plonger à nouveau dans de sombres souvenirs fait de morts et de souffrances passés.
-Puissent-ils tous nous remplir de fierté. fit vœu Persus.
Les deux guerriers s'arrêtèrent à nouveau pour tourner leurs regards vers la Caserne, vieux bâtiment qui contenait tant de potentiel. Grâce à leur vue améliorée, ils purent voir qu'une certaine agitation y régnait dans l'instant, des centaines de minuscules points noirs convergeant vers une haute structure centrale. Leur ouïe affinée parvenait même à déceler parmi les murmures du vent les lointains appels des cornes sonnant un rassemblement exceptionnel.
Toute trace de plaisanterie disparut définitivement de leurs visages qui se figèrent en des expressions de profonde gravité. Herkar croisa les bras sur sa poitrine, et Persus lâcha un soupir d'anticipation.
-Ils sont au courant, maintenant. dit-il. Les choses vont aller bien plus vite à présent, ce choix ne sera pas comme les autres. Nous n'aurons pas le temps de nous abandonner à de tels jeux de devinettes. Le temps joue contre nous.
-Talios sera tout de même satisfait, je présume. rétorqua Herkar en penchant la tête de côté. Nous devrons nous fier à notre jugement pour assurer l'avenir du Chapitre. La guerre nous appelle sans cesse, et bientôt, je crains que certains d'entre nous ne reviennent pas sur Styx.
Persus fit par réflexe le signe de l'aquila sur sa poitrine.
-Il faudra du temps pour rejoindre Caldris. Espérons que nous arriverons à temps et que nous pourrons efficacement contenir les Orks. Sans quoi...
La phrase resta en suspens, lourde de sens. Tout deux savaient à quelle point leur Chapitre était usé par les incessants combats, en dépit de ses apparences de force militaire en bonne santé. La vérité était que l'enchaînement de la Treizième Croisade Noire puis, quinze ans après, du Désastre de Nubia avait creusé leurs rangs, et affaibli les survivants.
Ils avaient eu de la chance, comparé à d'autres armées, comme le Chapitre Repenter fortement diminué, ou la Garde Praetor quasiment exterminée, et ils tenaient bon. Mais pour combien de temps encore?
Herkar se décida à achever le propos de son frère, un insupportable pressentiment lui nouant les entrailles lorsqu'il songeait à l'avenir du Chapitre.
-Espérons le, sans quoi Nubia ne sera rien en comparaison de ce qui va arriver. dit il sombrement.
Beaucoup de choses m'ont occupé, notamment un travail approfondie sur mes écrits des Chroniques de l'Ordre de l'Epée ainsi que le fanfluff qui gravite autour.
Je réalise maintenant que c'est chose difficile de poster avec régularité comme je le voulais, aussi je vais tâcher de garder la cadence, mais hélas il arrivera que je manque de temps et que le loupe le coche quelques fois...
Pour cette partie, il n'y a eu que peu de changements, mais pour coller au fil du roman je la reposte donc.
La seconde néanmoins est totalement inédite.
En attendant, bonne lecture! N'hésitez pas à commenter!
***
LE GRAND HALL du Palais était désert, fait relativement rare, attestant que quelque chose d'important se préparait. Le matin venait de se lever et les premières lueurs du soleil baignait l'entrée d'un grand voile doré. N'ayant eu aucune idée du temps qu'il avait passé en bas, Honorius laissa les serviteurs refermer la lourde grille barrant l'entrée de la Crypte derrière lui et remonta d'un pas énergique la vaste salle aux immenses colonnades auxquelles pendaient d'antiques bannières aux couleurs du Chapitre, la plupart présentant les vénérables marques d'un quelconque combat glorieux, flottant doucement dans la brise qui soufflait depuis l'immense porte d'entrée du Palais. Au pied de chaque colonne se dressait une colossale statue de marbre représentant les héros tombés, des Astartes dont les prouesses avaient fait couler autant d'encre que de sang ennemi et qui même dans la mort continuaient d'être révérés comme les anges de la mort qu'ils furent. Chacune des statues les représentaient dans des postures élancées et héroïques, images figées de leur ardeur au combat, de leur force et de leur sagesse, certains brandissant de magnifiques armes d'un autre temps, d'autres en état de grâce, mains jointes et tête baissée, leur regard bienveillant jeté sur les visiteurs qui arpentaient le hall.
Mais en cette heure, le Chapelain Sky Slaughter était le seul individu à faire résonner ses pas, passant devant chacun des héros en leur jetant un regard plein de reconnaissance, savourant l'honneur de pouvoir poser le regard sur ces figures de héros rendus immortels par leur gloire.
Honorius aboutit à un grand escalier de marbre veiné de rouge et rehaussé de dorures, montant les marches en adressant un salut respectueux et rituel aux deux titanesques statues qui gardaient la grande porte menant au cœur du Palais, deux grands Astartes couronnés de lauriers de jade, leurs armures portant les glorieux insignes du Chapitre, chacun tenant serré dans ses mains une lourde épée, pointe au sol.
A leurs côtés, les deux Space Marines de chair et de sang, de taille plus conventionnelle pour un être vivant, qui gardaient la porte fermée hochèrent la tête en silence à l'arrivée du Chapelain et firent claquer la hampe de leurs hallebardes énergétiques sur le sol poli avant de faire basculer les lourds battants de bois sculpté vers l'intérieur.
Honorius leur rendit leur salut et passa la large porte, non sans jeter un regard habitué aux représentations en bas reliefs de la fameuse Bataille du Ciel Écarlate, qui vit le triomphe mais aussi la mort du légendaire Leonydas, aux côtés de ses trois cents guerriers Space Marines qui se sacrifièrent pour repousser les Orks venus embraser leur système, des millénaires de cela, bien après le fin du Temps de l'Errance.
Les deux battants claquèrent sourdement lorsqu'ils se refermèrent derrière lui et Honorius emprunta un long couloir dont le mur gauche était percé de grandes fenêtres en arc brisé aux délicats vitraux, qui laissaient percer la lumière extérieur en une douce lueur kaléidoscopique. Le côté droit, soutenu par de courtes mais épaisses colonnes, donnait sur un grand parc à la végétation luxuriante mais minutieusement entretenue par une véritable armée de serviteurs, son centre voyant se dresser une immense statue de Robboute Guilliman, le noble Primarque dont descendaient les Sky Slaughters.
Cinq cent mètres plus loin, le couloir assez large pour laisser passer une Chimère tournait sur sa droite, et de même cinq cent mètres plus loin, et ainsi de suite, le tout formant un carré de marche autour du grand parc duquel s'élevaient de douces odeurs fruitées et le chant jovial d'une multitude d'oiseaux.
Honorius suivit le chemin du sanctuaire, et, à mi parcours, pris sur sa gauche, au travers d'une ouverture de pierre taillée en arc de cercle dont le pourtour était sculpté en damier, laissant le parc derrière lui, et entrant dans une salle ombragée, sentant l'encre et le parchemin, de petites fenêtres à vitraux dépourvus de couleurs laissant entrer timidement la lumière du jour naissant.
Le Chapelain resta un moment sur le pas de porte à humer les douces senteurs du savoir gardé par le Chapitre, se souvenant de l'époque où il était lui même attablé à l'un des écritoires usés, alors âgé de quelques décennies à peine, suivant les enseignements de son Maitre Chapelain, bien avant que le Reclusiam se retira définitivement de Sparta pour rejoindre Styx.
Au fond de la salle, un grand tableau d'ardoise était accroché au mur, et une petite porte en bois se démarquait sur la droite. D'habitude fermée à quiconque, elle était en cette heure ouverte, et le Chapelain pouvait entendre des voix provenant de la petite salle privée derrière elle.
Il s'y engagea et salua humblement les guerriers qui s'y trouvaient, son Premier Capitaine, le Second Capitaine, le Second Chapelain et quelques autres Astartes, penchés sur une table couverte de parchemins, ou se rafraichissant grâce aux délicats breuvages produits par les vignes de Sparta.
-Heriak, vous voici enfin! le salua Angelius en souriant, l'invitant à se joindre à eux.
-Où étiez vous donc passé, mon frère? demanda le Second Chapelain, seul avec Honorius à avoir gardé son casque sur la tête, comme le voulait leur tradition.
-Je méditais, frère Belagos. répondit l'interpellé, sans chercher à poursuivre sur ce terrain, en vain.
-Vous étiez encore dans la Crypte, n'est ce pas? lui demanda Belagos en penchant la tête de côté, comme pour percer son confrère à jour.
-J'applaudis votre clairvoyance, mon frère. s'amusa Honorius en hochant la tête. Que voulez vous, je suis probablement trop nostalgique pour renoncer à ces petites choses qui ont fait l'histoire de notre Chapitre.
-Je loue votre sagesse, frère. approuva Belagos. Je suis heureux que certains d'entre nous ne comptent pas oublier de sitôt nos traditions les plus anciennes.
-C'est hélas un fléau de plus en plus répandu chez nos frères. soupira Arius en se joignant à la conversation, tout en tendant un parchemin roulé au Premier Chapelain. Ce sont les notes du Disdaskalos sur ceux qu'il pense être ses meilleures recrues pour le Chapitre. Il nous l'a fait parvenir tôt ce matin.
Tandis qu'Honorius commençait à parcourir les notes, en détaillant chaque Apprenti potentiel, Angelius et Arius étudiant d'autres parchemins, Belagos se plaçant à côté de la petite fenêtre donnant sur une petite court tout aussi fournie que le grand parc, colorée et pleine de vie.
-J'ai entendu dire que vous avez dû une fois encore tempérer les paroles du Capitaine Arius? reprit-il, faisant immédiatement se relever le concerné, sur la défensive.
-Il est vrai. répondit Honorius, levant les yeux des notes du Disdaskalos. Mais je ne peux pas l'en blâmer. Juste le prévenir de rester prudent. Tout le monde n'acceptera pas de telles considérations, loin de là.
-Je regrette de m'être ainsi emporté, frères Chapelains. fit Arius en courbant sèchement la tête, acceptant les remarques.
-Paix, Capitaine. fit Belagos en levant une main, se détournant un instant de sa contemplation du petit parc. C'est le frère Arkaros qui est venu se confier à moi avant son départ. En l'absence de son Chapelain que nous pleurons tous, il ne savait pas vers qui se tourner. Il partage les mêmes craintes que vous, comme beaucoup parmi nous, les anciens du Chapitre. Il craint simplement qu'un jour cela nous porte tort...
-C'est un problème de plus en plus important, il est vrai. acquiesça Honorius. Les temps sont devenus bien trop obscurs pour laisser la place aux doutes, aussi minimes soient ils. Même au sein de notre propre Chapitre. Les vieilles traditions se perdent, et nos nouvelles générations de frères de bataille semblent de plus en plus s'éloigner de la clarté apportée par l'Ordre.
-Qui sommes nous pour les en blâmer, mon frère? intervint doucement Angelius. Ils sont, comme nous, des guerriers de l'Empereur, et par là même, ils servent Terra. Ils pensent être dans un plus droit chemin que nous autres, voilà tout.
-Je le conçois, frère Capitaine, mais je crains que cela amène de la discorde. avoua Honorius, aussitôt approuvé par Belagos et Arius. J'ai encore durement en mémoire les remarques amères du frère Capitaine Tetrak...
-Tetrak est un bon guerrier, au cœur pur et la foi ardente. répondit Angelius. C'est encore un jeune guerrier, même Capitaine, et Fredrich lui même l'a formé à devenir officier, il y a trente ans de cela. Vous savez aussi bien que moi d'où vient cette amertume qui le consume. Nubia, la guerre contre le Chaos et les accusations portées par l'Inquisition contre l'Ordre. Nous ne pouvons nier que depuis plusieurs temps l'Ordre se fait de moins en moins présent parmi nous, et seuls quelques privilégiés savent vraiment ce qu'il est. Nous avons la chance d'en faire partie, mais pas notre frère de la Sixième Compagnie. Et c'est de se retrouver dans l'inconnu qui le fait douter. C'est ce même doute qui l'amène à porter ses critiques à notre encontre, au nom des lois édictées depuis des millénaires par Terra.
-Ce n'est pas dangereux en soi, juste une preuve de la fougue dont fait encore preuve notre jeune frère, sans compter les ravages que la Sixième a connu sur les champs de mort de Nubia. fit Belagos. Mais je rejoins pourtant frère Honorius lorsqu'il dit que tout cela est dangereux car si nous laissons ce genre de différent s'envenimer au sein du Chapitre, nous risquons une dissension qui menacerait jusqu'à l'Ordre lui même. Et chacun d'entre vous sait ce que les Hauts Seigneurs de Terra semblent pensent de l'Ordre. Certains de leurs séides cherchent depuis toujours à le démanteler et à faire brûler ceux qui le dirigent pour le seul crime de vouloir combattre pour la vérité. Cela a déjà failli être le cas sur Nubia.
-Frère Tetrak est actuellement sur Styx avec les restes de la Sixième, et je fait confiance à nos Chapelains là bas pour l'encourager à reprendre ses esprits. Nubia l'a profondément marqué, de même que chaque survivant de la Sixième. tempéra Angelius. Je sais quelles sont vos pensées, Heriak, et croyez moi, en ces temps d'obscurité, elles nous placent en grand danger, bien plus que ce que vous craignez.
-Votre attachement aux vieilles traditions est fort louable mon frère, mais je crains qu'il ne faille le faire discret, du moins le temps que nous puissions empêcher l’innommable d'arriver. reprit Belagos à l'attention de son confrère. Cela a failli emporter nos frères Sun Hawks sur Dolfris II et nos frères Repenters sur Retributor Prime. Et je ne mentionnerai pas les trop nombreux Chapitres à être tombés en disgrâce à cause de leurs mœurs, blasphématoires aux yeux de Terra. Songez au déclin des Relictors ou encore à la suspicion dans laquelle marchent les Flesh Tearers. Trop nombreux sont tombés, et encore plus nombreux sont ceux qui vont tomber si cela continue ainsi. Il nous faut nous méfier de Terra et de son œil vigilant. Car tant que l'Empereur est en sommeil, qui sait ce que leurs divagations peuvent infliger à une Humanité déjà plongée dans le noir?
-Je préfère éviter d'y songer... souffla Arius en secouant la tête. Nous sommes purs à leurs yeux. Restons le. Je suis d'accord avec Belagos. Il nous faut tempérer des frères comme Tetrak, mais il ne faut pour autant pas continuer à nous démarquer ainsi du credo édicté par les Hauts Seigneurs qui prétendent parler au Nom de l'Empereur. Seul Lui peut nous juger. Mais dans l'immédiat, ce sont ces rapaces qui sont les plus à même de nous faire crever pour un écart, aussi ridicule soit il.
-Méfions nous des divergences au sein de notre Chapitre, et ramenons les doucement vers notre propre loi, celle de l'Empereur. ajouta Angelius. Si nous le faisons avec sagesse, même les éléments les plus dubitatifs comme Tetrak rentreront dans les rangs docilement et le cœur apaisé. Dans l'immédiat, il est plus que primordial de veiller à ce que nos plus jeunes frères, ainsi que nos futurs Apprentis ne connaissent pas les mêmes doutes. Heriak, ce n'est pas pour rien que Fredrich vous a mandaté pour les former sur Styx. Il a confiance en vous, et il sait que vous êtes le plus à même de succéder à Maitre Scupios.
-Le Maître Chapelain ne survivra pas longtemps à ses terribles blessures. acquiesça Arius. On murmure qu'il ne sort même plus de sa forteresse sur Styx, laissant frère Agammon se charger seul de la formation des Apprentis aux côtés des Maitres Instructeurs. Il est mourant. La blessure du démon ne l'a pas épargné. Vous seul êtes son plus légitime successeur.
-Soyez conscient de l'honneur qui vous revient, mon frère. fit Belagos. Moi même j'ai longuement parlé avec Maitre Grivus de la nécessité de vous avoir comme prochain Maitre Chapelain. Les temps changent. Soyez là pour nous guider lorsque le moment sera venu.
Honorius hocha gravement de la tête, parfaitement à même de savoir l'étendue de l'honneur qui lui était fait. Il savait depuis longtemps que le conclave des Chapelains avait prononcé son nom pour succéder à leur Maître Chapelain mortellement blessé sur Nubia. Mais jusque là, il avait refusé d'y apporter crédit, ne se sentant pas encore véritablement prêt.
L'un des guerriers restés silencieux s'avança, se tenant sur son lourd bâton énergétique, son visage d'ange blond marqué par le temps et les épreuves, son crâne rasé de près et sa barbe d'or se déversant sur sa poitrine.
-Nous arrivons à un carrefour important de notre destin. prophétisa l'Archiviste Aurelius Orgus, maître du Librarium de Styx. Et il ne s'agit pas seulement du destin de notre Chapitre, ou même de l'Ordre, mais quelque chose de bien plus important. Nous arrivons au seuil d'une nouvelle ère et les arcanes me murmurent qu'un grand changement est sur le point de balayer l'Imperium tout entier, le menant vers un nouvel âge d'or et de triomphe ou vers la destruction.
Tous se retournèrent vers le vénérable Archiviste, pendus à ses paroles. Il était rare qu'Orgus se prononce, mais sa parole était toujours précieuse, et beaucoup, même en dehors du Chapitre, se referaient à ses prédictions et à sa sagesse.
L'Archiviste plissa ses yeux ridés aux paupières tombantes et aux orbites creusées tandis qu'il continuait à parler.
-J'ai expérimenté de nombreux songes ces dernières années, depuis Nubia et même avant, mais pour une raison qui m'est inconnue, je ne parviens pas à démêler les méandres du futur qui se révèle à moi. J'ai vu une nouvelle période de guerre, le Fléau arpentant notre univers pour la treizième fois de sa maudite existence.
-La treizième Croisade Noire... comprit Angelius à voix basse. Cela fait déjà quinze années.
-J'ai vu notre secteur embrasé par la corruption et la sédition. continua Orgus. Nubia. La débâcle. Le démon millénaire renaissant de ses cendres. Des alliances blasphématoires et des trahisons envenimées par la plus abjecte des rancœurs. Mais tout cela vous le savez déjà. J'ai vu l'Imperium secoué par d'ignobles tragédies. Des frères tuant leurs frères, corbeaux de sang se battant bec et ongles pour trouver l'absolution.
-Les Blood Ravens. reconnu Honorius. J'ai entendu parler de ce qui s'était passé. De bien sombres évènements.
-J'ai vu les Dieux Noirs s'esclaffer et l'instant d'après hurler de terreur. poursuivit Orgus, imperturbable. J'ai vu un trône d'or se ternir et mourir, et j'ai vu les Élus marcher à nouveau. J'ai vu nos Pères se relever et guider l'Humanité et j'ai vu nos mondes mourir. J'ai vu notre héritage porté à son firmament et je l'ai vu se flétrir et se perdre. J'ai vu de nouvelles trahisons. De nouveaux secrets révélés. J'ai vu de vieux ennemis resurgirent d'entre les morts et porter le massacre à nos portes. J'ai vu des armées de morts oubliés de tous se lever et reprendre leur moisson. J'ai vu la chute de nos frères face à leurs frères damnés. J'ai vu la gloire de nos seigneurs puis leur trépas. J'ai entendu un démon que nous croyions tombé ricaner, sa victoire à portée de main. J'ai vu l'Empereur hurlant, enferré sur son Trône délabré. J'ai vu la fin et le commencement...
Son visage trembla alors que ses efforts pour translater ce qu'il avait vu se faisaient de plus en plus intenses. Il lâcha un hoquet de douleur et s'assit lourdement sur un banc de pierre, ses deux mains portées à sa tête. Au bout d'un instant il leva des yeux au regard plein de désespoir vers l'assistance choquée qui était encore à son écoute.
-J'ai vu des choses terribles, mes frères. Quelque chose d'affreux va arriver, mais je ne peux pas le voir! sanglota-t-il.
Aucun ne parla, tandis qu'Orgus se lamentait sur ses visions chaotiques qu'il était incapable de comprendre. Honorius reprit le parchemin portant les noms des meilleurs candidats pour devenir leurs nouveaux Apprentis et le considéra pendant un certain temps avant de le fourrer dans sa sacoche et de sortir de la salle sans un mot de plus.
Il était temps pour lui d'embrasser son véritable rôle, celui de transmettre la Vérité de l'Empereur, le savoir du Chapitre et l'héritage de l'Ordre à ceux qui seraient les prochains défenseurs de l'Humanité.
PARÉ DE SON armure de bataille Terminator, Ektelion Herkar marchait du pas lourd d'un demi dieu sur la grande allée qui reliait le Palais à un haut promontoire rocheux depuis lequel on pouvait admirer toute l'étendue du paysage environnant Taygète sur des dizaines de kilomètres de distance. Traversant une large place de plusieurs dizaines de mètres de largeur, il retrouva à la pointe du promontoire une poignée de guerriers de la Première, tous portant la même armure imposante que lui, tous ayant reçu le même honneur et le même devoir que lui.
Herkar salua ses frères d'un bref hochement de tête, son casque calé sous son bras. Vingt quatre élus se tenaient là, regardant au loin la silhouette de la Caserne qui ondoyait sous les vagues de la chaleur infernale de Sparta. Le vieux sergent vint rejoindre l'un des Terminators, un guerrier au visage buriné, aux cheveux rasés et à la courte barbe couleur de neige. Le vétéran l'accueillit avec un sourire, ses yeux aussi glacials que la banquise des grands pôles.
-Frère sergent. salua-t-il d'une voix acérée comme le blizzard. Viens tu toi aussi apprécier l'honneur qui t'es fait?
-Je suis plutôt familier avec cet honneur, Persus. répondit Herkar, ayant senti la plaisanterie dissimulée sous ces propos. J'ose espérer que depuis le temps tu as su me pardonner de t'avoir devancé dans ce genre de récompenses.
Le sergent Persus éclata d'un rire fracassant avant de tourner à nouveau son regard vers la Caserne située plusieurs kilomètres plus loin en contrebas de la cité.
-Ce serait plutôt à toi de me pardonner d'être un tel rabat joie, Ektelion. dit-il en arborant son sourire de prédateur. Ta patience et ton tempérament sont une véritable force chez toi. A moins que ce ne soit ta stupidité bornée qui te permet de rester si calme et plaisantin...
-Les deux, je suppose. consentit Herkar en considérant à son tour les contours de la Caserne.
Un silence se fit entre les deux vieux amis, comme à chaque fois qu'ils venaient de se railler l'un l'autre.
Les deux guerriers se connaissaient depuis longtemps, Persus demeurant le plus ancien, plus vieux que son homologue de presque un siècle et demi. Au début, aucun des deux ne parvenait à se supporter, le plus vieux habitué à des tactiques anciennes consistant en des attaques éclaires, et très porté sur le respect des traditions, le plus jeune bien moins porté sur le passé et ayant suffisamment développé un goût prononcé pour la stratégie pour remettre maintes fois en question les vieilles méthodes d'assaut des Sky Slaughters.
A de nombreuses reprises les deux en étaient presque venus aux mains, à force de désaccords et de provocations, et il y eu même une fois où le Chapelain Scupios dû sévèrement les réprimander pour les troubles qu'engendraient leurs confrontations.
Voués à se détester jusqu'à la mort d'un des deux, ils finirent pourtant par se rapprocher lorsque la Compagnie alla porter le combat sur Canaaon, lors de l'insurrection d'un seigneur de guerre tribal qui noua un pacte avec les Puissances du Chaos. L'intervention était au demeurant routinière et relativement aisée face à des indigènes à la technologie pré nucléaire, les Astartes écrasant les armées de rebelles les unes après les autres, se rapprochant de plus en plus vite de l'épicentre de l'insurrection. Puis tout vira au cauchemar lorsque le despote relâcha les sombres pouvoirs que lui avaient octroyé les Dieux du Warp. Le détachement de la Garde impériale qui les accompagnaient alors fut totalement annihilé par une soudaine tempête de feu dans laquelle tournoyaient d'inimaginables démons assoiffés de sang, et la peste eut raison des survivants, qui une fois trépassés dans d'atroces souffrances allèrent rejoindre les rangs ennemis une fois revenus d'entre les morts.
Au milieu de ce carnage, la Première Compagnie se retrouva coincée dans un étau infernal, attendant dans un baroud d'honneur désespéré que des renforts arrivent.
Durant les combats, Persus et Herkar ne cessèrent de se sauver la vie mutuellement, et ce ne fut que lorsque le Capitaine d'alors, le prédécesseur d'Atavius, accepta un plan du jeune Herkar qui s'avéra d'une efficacité redoutable que Persus consentit à donner du crédit à son rival de toujours. Ce jour là, Herkar avait développé une stratégie s'appuyant à la fois sur les attaques rapides et sur les tirs de barrages destructeurs, et avait immédiatement proposer de confier le commandement de l'attaque rapide à Persus. L'exécution du plan fut couronnée de succès quand les guerriers aux ordres de Persus parvinrent à contourner les forces adverses pour les ronger sur les flancs en plusieurs raids meurtriers, tandis que le reste des forces ennemies, poussées en avant, étaient inexorablement oblitérées par un véritable mur de feu délivré par le reste de la Compagnie.
C'était là une exécution parfaite des plans de bataille traditionnels des Sky Slaughters, et le choix de Herkar d'opter pour une telle solution dans un moment d'urgence, plutôt que de contester comme il avait l'habitude de le faire, parvint à lui faire gagner le respect de son aîné.
Bien des années plus tard, les deux anciens rivaux étaient devenus de proches camarades, sans pour autant oublier leur goût déplacé pour les fausses disputes brodées de répliques acerbes.
Persus inspira l'air chaud de Sparta d'un air satisfait et se détourna de sa contemplation et de ses souvenirs.
-Cela sera mon onzième choix. dit-il. J'espère que celui là comblera Talios comme tout les autres l'ont fait avant lui.
-Tes choix ont toujours été judicieux. reconnut Herkar. Frère Alikas - lequel était-ce? Le quatrième? - s'est avéré être un formidable guerrier, et je suis prêt à parier mon gladius qu'il a encore de beaux jours devant lui.
-Le Capitaine Andronius ne cesse d'en faire l'éloge. A ce que j'ai entendu dire avant notre départ pour Eris, Alikas a intégré sa garde personnelle en tant que sergent vétéran. Garde donc ton gladius, mon frère. Alikas deviendra très sûrement le prochain Capitaine de la Huitième.
Herkar allait répondre quelque chose quand Persus l'interrompit d'un geste de la main, son visage se plissant comme sujet à une profonde réflexion, avant de s'éclairer une poignée de secondes après.
-Le huitième! C'était le huitième choix que j'ai fait. se rappela-t-il, avant de lâcher un ricanement. Un huitième choix pour un futur Huitième Capitaine. N'est ce pas chose étrange que le destin?
Herkar opina en souriant.
-L'Empereur veille sur lui, cela est certain. dit-il.
Une fois encore, un ange passa, laissant les deux vétérans apprécier le panorama qui leur était offert, le soleil de plomb dardant de ses rayons les immenses plaines de Sparta, étonnement verdoyantes considérant la chaleur dégagée. Sur Styx le climat était bien plus aride encore, et tout ce qui s'offrait à la vue du spectateur étaient d’interminables étendues désertiques de sable et de roche stérile, sur lesquelles parfois poussaient quelques téméraires bosquets d'arbustes secs.
La Caserne où s'entraînaient durement les jeunes garçons prétendant au titre prisé d'Apprenti était juchée sur un plateau rocheux débarrassé de toute végétation d'un côté, et jouxtant une jungle luxuriante de l'autre. Tout autour, ce n'étaient que champs, plaines sauvages et terrains d'élevages, sur lesquels fourmillaient les habitants de Taygète, accomplissant leur dur labeur jusqu'au coucher du soleil avant de rejoindre la cité ou les quelques petits villages paysans qui l'entourait comme des petits satellites autour d'une planète mère.
Désireux de profiter un peu plus de la vue, Persus invita son homologue à le suivre alors qu'il entreprenait une marche le long des remparts du promontoire.
Ils prirent silencieusement congé de leurs compagnons d'armes, et prirent un petit chemin de ronde dallé de pierres de calcaire d'un blanc pur, suivant le tracé des créneaux dentelé et des gardes fou de bronze. Parfois, une statue aux traits antiques jetait une ombre fraîche et bienvenue, son visage de pierre tourné vers l'extérieur, comme un gardien de la cité, figé pour l'éternité.
-Et toi, mon frère, combien en comptes tu? demanda le space marine au bout d'un moment de marche silencieuse.
-Si je compte celui qui est mort juste après le Rituel, eh bien cela sera mon vingt et unième choix. répondit Herkar.
-Dommage pour toi qu'il n'y ai pas vingt et une Compagnies. plaisanta Persus. Oui, je me rappelle de celui qui s'en est allé rejoindre ses Ancêtres après le Rituel. Un corps et une âme forgés pour le combat, un vrai potentiel. Dommage toutefois que son équilibre lui ai fait défaut.
Le sergent leva les yeux au ciel comme cherchant quelque chose, puis eut un macabre sourire en coin en désignant un point invisible parmi les nuages.
-N'est ce pas de là qu'il a chuté du landspeeder le ramenant à l'Astroport?
-Ta mémoire te fait défaut, frère. répondit Herkar en ricanant.
Puis il pointa à son tour du doigt l'endroit désigné par Persus et le décala de quelques centimètres, figurant plusieurs centaines de mètres de vol.
-Là. désigna-t-il avec le même demi sourire que son frère sergent. C'est de là que le pauvre bougre a tenté de voler. Je me rappelle encore l'état de la chaumière sur laquelle il avait atterri. Un vrai gâchis.
Ils s'autorisèrent un rire mauvais à l'évocation d'une telle malchance, puis, retrouvant leur sérieux, il reprirent leur marche, et le ton de Persus se fit moins moqueur et plus solennel.
-L'Empereur veille sur lui aussi maintenant qu'il est allé Le rejoindre. dit il avec respect avant de reprendre le fil de leur discussion. Vingt et un. Talios doit t'apprécier aussi j'imagine. De ce que j'en sais tes choix ont rarement été mauvais.
-Disons qu'ils sont restés plus modestes que les tiens. admit Herkar. Tu vois le potentiel d'un frère destiné à diriger des hommes, je me contente de voir les meilleurs à même de suivre ces ordres. En définitive, il n'y a que frère Varias, l'Empereur ai son âme, qui aurait pu connaître un beau destin, je suppose. Il était dans la Sixième Compagnie, et je l'ai recroisé sur Nubia. Il est mort en héros, terrassant des cohortes de démons avant de rendre son âme à notre Père.
-Triste perte, je me souviens. Lui et le Capitaine Angelius était de proches amis.
-Le Capitaine avait appuyé mon choix lorsque j'ai désigné Varias. confirma Herkar en se remémorant le jour de ce Rituel là. J'ai appris plus tard, lorsque Varias est ressorti de la Dixième pour aller rejoindre la Sixième, qu'il était le frère d'un des Anciens de cette ville. Et il s'avère que cet Ancien là connaissait notre Capitaine depuis pas mal de temps.
-Sa mort l'a beaucoup touché. Je l'ai vu dans ses yeux. D'une Compagnie à l'autre, nous restons tous frères après tout. La mort de chacun est une perte douloureuse pour nous tous.
-Et l'élévation de nos futurs frères est une bénédiction dont nous profitons tous. continua Herkar, peu désireux de se plonger à nouveau dans de sombres souvenirs fait de morts et de souffrances passés.
-Puissent-ils tous nous remplir de fierté. fit vœu Persus.
Les deux guerriers s'arrêtèrent à nouveau pour tourner leurs regards vers la Caserne, vieux bâtiment qui contenait tant de potentiel. Grâce à leur vue améliorée, ils purent voir qu'une certaine agitation y régnait dans l'instant, des centaines de minuscules points noirs convergeant vers une haute structure centrale. Leur ouïe affinée parvenait même à déceler parmi les murmures du vent les lointains appels des cornes sonnant un rassemblement exceptionnel.
Toute trace de plaisanterie disparut définitivement de leurs visages qui se figèrent en des expressions de profonde gravité. Herkar croisa les bras sur sa poitrine, et Persus lâcha un soupir d'anticipation.
-Ils sont au courant, maintenant. dit-il. Les choses vont aller bien plus vite à présent, ce choix ne sera pas comme les autres. Nous n'aurons pas le temps de nous abandonner à de tels jeux de devinettes. Le temps joue contre nous.
-Talios sera tout de même satisfait, je présume. rétorqua Herkar en penchant la tête de côté. Nous devrons nous fier à notre jugement pour assurer l'avenir du Chapitre. La guerre nous appelle sans cesse, et bientôt, je crains que certains d'entre nous ne reviennent pas sur Styx.
Persus fit par réflexe le signe de l'aquila sur sa poitrine.
-Il faudra du temps pour rejoindre Caldris. Espérons que nous arriverons à temps et que nous pourrons efficacement contenir les Orks. Sans quoi...
La phrase resta en suspens, lourde de sens. Tout deux savaient à quelle point leur Chapitre était usé par les incessants combats, en dépit de ses apparences de force militaire en bonne santé. La vérité était que l'enchaînement de la Treizième Croisade Noire puis, quinze ans après, du Désastre de Nubia avait creusé leurs rangs, et affaibli les survivants.
Ils avaient eu de la chance, comparé à d'autres armées, comme le Chapitre Repenter fortement diminué, ou la Garde Praetor quasiment exterminée, et ils tenaient bon. Mais pour combien de temps encore?
Herkar se décida à achever le propos de son frère, un insupportable pressentiment lui nouant les entrailles lorsqu'il songeait à l'avenir du Chapitre.
-Espérons le, sans quoi Nubia ne sera rien en comparaison de ce qui va arriver. dit il sombrement.
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+++ Burn the Heretic +++
+++ Purge the Unclean +++
+++ Purge the Unclean +++
Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
Le post du vendredi.
A partir de là, le texte demeure inchangé. La fin du chapitre actuel et tout le chapitre III n'ont subi aucune modifications, je posterai donc la suite avec beaucoup plus de texte d'un coup.
Quant au chapitre IV que j'avais laissé en plan lorsque j'ai décidé de remanier mon écriture, le début et également inchangé, puis ce ne sera alors que de l'inédit, puisque l'écriture poursuivra son cours.
Il en sera d'ailleurs de même pour la partie "Gladius" (à venir), qui suivait le parcours de nouveaux régiments de la Garde Praetor, notamment deux jeunes gardes. Des passages inédits ont été insérés au début, mais toute une partie est demeurée inchangée.
Bonne (re)lecture!
LE HALL DE la caserne principale trônant majestueusement au milieu du complexe des Apprentis était bondé, l'ensemble du personnel rassemblé en toute hâte sur ordre du Disdaskalos, le maître supérieur, responsable de la sélection et de l'entraînement des enfants qui deviendraient peut être plus tard des Apprentis, et, pour les meilleurs d'entre eux, des élus des maîtres du ciel.
L'immense réfectoire avait été débarrassé de son mobilier, et les centaines d'élèves se tenaient debout en rangs parfaits, les plus anciens devant et les plus jeunes à l'arrière, chaque groupe flanqué de son maître tuteur qui les surveillaient d'un regard sévère.
Des serviteurs se tenaient en silence dans un coin, leur travail interrompu de façon soudaine. L'estrade sur laquelle se dressait d'ordinaire la longue table de dîner des maîtres avait été libérée de ses meubles et une rangée de Gardes des Phalanges vétérans, engoncés dans de somptueuses armures de mailles argentée faisaient face aux élèves en silence, leurs longues lances tenues droites, pointes vers le plafond, leurs casques cachant leur visage au profit d'un faciès de métal à l'expression froide et dénuée de tout sentiment.
Se tenant droit aux côtés de ses camarades des baraquements 2B, Theseus jeta un regard interrogateur à son ami Priap qui se contenta de hausser les épaules pour signifier sa propre ignorance face aux évènements qui venaient de briser la routine de leur entraînement infernal. Un jeune homme élancé à la musculature discrète mais terriblement puissante se pencha vers ses deux camarades postés devant lui, parlant à voix basse:
-Qu'est ce qui se passe? Vous savez quelque chose? Pourquoi avons nous été ainsi rassemblés? demanda-t-il.
-Je ne sais pas Jaros, nous avons été nous mêmes interrompus pendant notre entrainement aux armes de jet. répondit Theseus en inclinant légèrement la tête en arrière pour pouvoir murmurer son étonnement.
-J'ai entendu dire que le Disdaskalos était à la haute cité ce matin et qu'il est rentré en toute hâte. ajouta à voix basse Priap, luttant pour diminuer sa voix de baryton naissante. Il s'est passé quelque chose...
-Maître Argos a-t-il dit quelque chose? s'enquit Jaros.
-Je ne sais pas. avoua Priap.
-Il n'était pas avec nous ce matin, nous étions supervisés par le tuteur Hargon. expliqua Theseus.
-Nous étions avec lui sur le champ de course. intervint un autre garçon au regard dur et au visage carré barré d'une cicatrice récente. Il s'est absenté peu avant le zénith et nous ne l'avons revu que lorsque nous avons été appelés ici.
-A-t-il laissé transparaître quelque chose, Persos? le questionna Theseus.
-Non. répondit le questionné. Rien. Il était... distant. Aucun d'entre nous n'a pu entendre sa voix. Mais il est nerveux, ça c'est sûr.
A mesure que les rumeurs enflaient, d'autres apprentis de la section 2B y contribuaient à force de questions et d'observations diverses.
Argos tourna brusquement la tête vers le groupe d'où montait de plus en plus de voix et la sienne tonna comme la tempête:
-Silence dans les rangs! Tenez vous tranquilles! vociféra le Pédotribe.
Le silence plongea à nouveau sur cette portion du hall, et les élèves retrouvèrent une posture de garde à vous qui ferait pâlir même le plus discipliné des Gardes Impériaux.
-Au moins, nous savons qu'il n'a pas perdu sa voix... murmura Theseus en esquissant un sourire en coin, quelques rires étouffés retentissant autour de lui durant quelques secondes.
Le faible brouhaha résultant des quelques messes basses et discussions, malgré la surveillance des Pédotribes des différentes sections, fut instantanément réduit au silence par l'entrée d'un groupe de personnages pénétrant sur l'estrade déserte.
Les nouveaux venus arboraient tous les courtes robes écarlates des maîtres d'apprentissages, excepté l'un d'eux évoluant en tête du cortège, drapé dans une toge bleue bordée de rouge et d'une stature imposante, dépassant de deux têtes le plus haut des individus présents.
L'homme en bleu, au visage ancien mais toujours sec comme une trique et aux yeux irradiant d'une sage sévérité, vint se placer devant le rang parfait formé par le reste des maîtres.
Le silence était à présent complet, et il scruta un instant l'assemblée disciplinée qui se tenait devant lui, prête à obéir au moindre de ses ordres.
Le Disdaskalos Ulixes Homeros s'adressa à l'assistance d'une voix puissante, sans même avoir à hausser le ton ou besoin d'être amplifier, tant le calme était parfait.
-Élèves et maîtres de la Caserne de Taygète, il va y avoir du changement pour ce cycle et pour les cycles suivants! Notre puissant seigneur, Fredrich Grivus, Maître du Chapitre des Sky Slaughters vient de quitter Sparta à la demande de l'Ordre de l’Épée que nous servons tous au Nom de l'Empereur.
A nouveau, un vent de rumeurs traversa les rangs, des murmures étonnés s'élevant de toute part.
D'un simple geste de la main, Homeros y mit un terme, ses yeux semblant lancer des éclairs, son autorité étant absolue en ces murs.
-Avant de partir, Maître Grivus a eu l'extrême bonté de me recevoir personnellement pour m'expliquer les raisons de son départ. Le système de Caldris où les Orks menacent de revenir, fait l'objet d'une attention toute particulière, en ces temps où notre portion de secteur est encore faible suite aux récents conflits qui nous ont ébranlés.
Le Disdaskalos n'eut pas besoin de réprimander à nouveau l'assistance qui garda un silence de plomb, mais il put voir à leur regard que nombreux étaient ceux qui étaient choqués et furieux par cette nouvelle du retour des peaux vertes, l'ennemi juré de tout le système d'Olympus.
-Maître Grivus est parti sur l'heure pour Styx regrouper les Compagnies qui auront l'honneur de partir au combat avec lui. En attendant, ce seront nos seigneurs le Capitaine Angelius et le Chapelain Honorius qui superviseront le Rituel d'Admission auquel vous vous préparez tous. Sachez que celui ci n'aura néanmoins pas lieu aux dates prévues.
Il dû à nouveau réclamer le silence, mais cette fois, ce furent les maîtres qui donnèrent de la voix, troublés par ce changement inopportun.
Lorsque le silence revint, plus difficilement, Homeros reprit gravement.
-Le Rituel se tiendra en fin de semaine, sous la surveillance de nos deux seigneurs choisis et de la Première Compagnie des Sky Slaughters. Cette décision répond au besoin urgent de constituer une Croisade aussi rapide qu'efficace contre les Orks. Les plus valeureux d'entre vous seront élus pour devenir les Apprentis du Chapitre. Ils seront envoyés sur Styx en compagnie du Chapelain Honorius, pour y être dûment entraînés, devant accomplir leurs ultimes épreuves pour recevoir l'honneur de se voir offrir le patrimoine du Chapitre. Maîtres d'apprentissage, il vous appartient à présent de faire en sorte que tous soient prêts pour cet honneur. Élèves, employez vous entièrement à votre accomplissement, et passez le Rituel avec succès. Le temps vous est compté à compter de maintenant. Que l'Empereur vous protège tous et vous accorde la réussite et le droit de parcourir à votre tour les étoiles en Son Nom.
Homeros partit aussi vite qu'il était arrivé, laissant les élèves à leur appréhension et les maîtres à leur étonnement.
L'ENTRAINEMENT N'AVAIT JAMAIS été aussi dur, et une fois de plus Theseus dû apaiser son esprit pour pouvoir continuer la séance, et oublier la douleur. La chaleur était exécrable, le soleil faisant littéralement rôtir le petit stade sur lequel les futurs Apprentis continuaient leur formation, le sable recouvrant le sol devenu brûlant pour les adolescents seulement vêtus de pagnes sales et effilochés.
Après qu'ils eurent été rassemblé par le Disdaskalos deux jours auparavant, les entraînements s'étaient intensifiés, durcis et accélérés, les Maîtres ne laissant pas un instant de tranquillité à leurs élèves, multipliant les exercices toujours plus terribles, et accélérant la sélection parmi leurs effectifs. Ainsi, sur les trente deux élèves du baraquement 2B, seuls onze étaient encore présents, dix huit ayant abandonné, et trois ayant succombé aux exercices de survie.
Theseus repensa un moment aux morts. Nador, Hudar et Jukaros, tout trois décédés lors de leur parcours de survie dans la forêt privée de la Caserne, quand une erreur de manipulation fatale avait fait détonner leur sac d'explosifs, vaporisant en un clignement d’œil les trois jeunes élèves. Le plus vieux n'avait pas encore eu ses seize ans.
Personne n'en fut toutefois bouleversé, et les funérailles n'eurent même pas lieu dans la Caserne. La mort était devenue un sujet récurrent au sein de l'établissement prisé de Taygète, chacun sachant qu'il devait s'en faire une alliée, mais que tôt ou tard il tomberaient à leur tour dans ses bras macabres.
La seule préoccupation de tous était de tout faire pour partir honorablement. Nador, Hudar et Jukaros avaient eu une mort tout sauf honorable, et les prêtres s'étaient contenté d'envoyer leurs restes à leurs familles sans un seul mot de consolation.
Face à Theseus se tenait Qortos, un grand gamin de quinze ans au corps déjà fort développé comme à peu près tous les élèves de la Caserne, et qui démontrait une forte affinité avec les armes blanches. Il se tenait en position de défense, son glaive d'entraînement levé tandis qu'il se campait fermement sur ses deux jambes écartées, le buste courbé en avant, dégoulinant de sueur. Ses yeux bleus étaient rivés dans ceux émeraude de Theseus, sans cligner un seul instant, jaugeant son adversaire pour savoir où porter sa prochaine attaque.
La fois d'avant, il avait manqué son coup de quelques centimètres, et Theseus avait pu répliquer efficacement, comme en témoignait la longue estafilade le long du flanc gauche de Qortos, des perles couleur de rubis se confondant dans la sueur.
Les onze élèves restant étaient regroupés par deux pour s'affronter dans un duel à l'épée, leur tuteur et maître, le vieil Argos, leur tournant autour, sa baguette de Pedotribe tenue nerveusement dans son dos, prête à frapper tout élève fautif. Seul Xanos, sans adversaire, se tenait sur le côté du terrain d'entraînement, droit comme un "i" et les mains derrière le dos, sans bouger d'un micron, observant ses frères enchainer les coups et les parades. C'était le meilleur d'entre eux mais aussi le plus âgé, et Argos l'avait maintes fois dispensé des épreuves depuis que l'élève avait perdu son binôme la veille, le bras amputé juste au dessus du coude durant une épreuve similaire à celle qu'ils pratiquaient en cette heure.
Cela faisait bientôt plus d'une heure que les adolescents s'affrontaient à tour de rôle chaque combat prenant fin lorsque l'un des deux duelliste finissait à terre, désarmé, ou trop gravement blessé. Theseus en était pour sa part à son quatrième duel, et tout son corps lui faisait souffrir le martyr, une longue balafre lui courant de l'omoplate gauche jusqu'en bas du dos dans une vicieuse diagonale. Sa pommette droite tuméfiée avait pris une écœurante teinte violacée, gonflant son œil jusqu'à ce qu'il lui soit presque impossible de l'utiliser, se battant à présent en borgne.
Il était parvenu à jeter à terre son premier adversaire, le jeune Kulios, après avoir évité ce qui lui avait semblé être une véritable tornade de lames virevoltantes, ayant tiré partie d'un seul instant aussi court qu'un battement de cœur pour frapper de l'arrête de son pied dans la plieur du genou de Kulios, le forçant à tomber en avant, puis Theseus l'avait achevé d'un violent coup de garde derrière le crâne.
Son second adversaire, le colosse Priap, son ami, avait été beaucoup plus lent dans ses attaques, mais bien plus endurant, Theseus sachant par ailleurs que si un des coups de son ami portait, il serait bien trop puissant pour qu'il y résiste. Il avait fini par battre Priap en lui bloquant le glaive à l'aide du sien, faisant tournoyer les deux armes jusqu'à ce qu'il arrache celle de son adversaire. Puis il avait tendu son autre bras, frappant Priap du plat de la main tendue en avant, juste en dessous de la trachée, l'asphyxiant sur le coup et clôturant un combat qu'il avait cru ne pas remporter.
Le troisième duel le vit vaincu, lorsqu'il combattit Laros, nerveux et sec, qui avait enchaîné des moulinets extraordinairement violents et rapides, jusqu'à ce qu'un revers ne vienne le forcer à lâcher son arme, se retourner dans la force du choc, avant qu'un deuxième passage de la lame de Laros ne lui entaille le dos. Il était non seulement désarmé, mais la vive douleur qu'il ressentit alors que l'épée adverse lui mordait les chair le fit tomber à genoux dans un grognement étranglé.
Qortos était un adversaire de taille. Rapide, possédant déjà quelques bottes secrètes particulièrement tordues et par dessus tout bien plus agile que ne l'était Theseus. Si il excellait dans le tir à distance, l'adolescent avait encore du mal à trouver son équilibre dans le maniement des armes de corps à corps, préférant alors user d'une tactique défensive plutôt qu'offensive, multipliant les parades en tout genre, tournoyant hors de danger dès qu'il sentait le coup partir, étourdissant son adversaire par ses feintes, et plaçant ses coups lors de situations méticuleusement choisies. La plupart des escrimeurs voyaient leur art comme un danse mortelle répondant à certains codes, tandis que lui voyait plus l'expérience comme une lutte des esprits, une manipulation constante par les gestes et les situations, faisant tout son possible pour amener son ennemi à rentrer dans sa propre danse.
Theseus feignit un vif mouvement de côté, forçant Qortos à suivre le geste, avant de se reporter à toute vitesse dans le sens opposé et de bondir en avant, frappant son adversaire au poignet d'un revers de la main, tandis qu'il dirigeait sa lame droit vers la gorge de se cible. Mais Qortos para le coup porté dans un grognement énervé, laissant la lame de Theseus lui entamer l'avant bras pour mieux la repousser, avant de pivoter sur lui même et de porter un prodigieux coup de pied dans l'estomac de son adversaire. Theseus se sentit projeté en arrière, tout l'air expulsé d'un coup de ses poumons, et sa vision ne se résumant plus qu'à un brouillard de douleur. Mais à son propre étonnement, il retomba fermement sur ses deux pieds, arme en mains, et même si il cherchait toujours désespérément de l'air, son regard embrumé était à nouveau rivé sur son adversaire goguenard.
Feignant d'être trop durement atteint pour répliquer, il laissa ce dernier s'approcher de lui pour délivrer le coup de grâce, et lorsque la distance fut adéquate, il se projeta en avant, bondissant comme un serpent, s'élançant au sol pour atterrir durement sur l'épaule, plaçant au passage un furieux coup de taille qui lacéra la cuisse gauche de Qortos, tombant à genoux dans un beuglement sauvage. Theseus se releva d'un bond acrobatique sur ses deux jambes, et avant que son adversaire ne puisse se relever pour répliquer, il braqua son glaive pointe sur la gorge de Qortos.
Les deux adolescents éreintés se toisèrent un long moment, le regard du vaincu empli de haine tandis qu'il absorbait son échec. Celui de Theseus reflétait son inflexibilité et il ne dévia pas un seul instant ses yeux de ceux de Qortos, jusqu'à que celui ci accepte enfin de les baisser, d'un air amer.
-J'accepte ma défaite, frère. grommela-t-il en jetant son arme à terre.
Theseus retira dans l'instant la sienne de la gorge du vaincu et tendit sa main pour l'aider à se relever. Qortos hésita un instant, considérant l'aide proposée, avant de l'accepter avec un grimace de colère refoulée, en crachant à terre de frustration. Sa cuisse le lançait mais il parvint à se remettre debout en poussant un grondement de douleur. Il lâcha l'avant bras de son camarade, le toisant à nouveau de son regard amer, avant d'esquisser un sourire qui changea totalement son expression en celle d'un ami.
-Félicitation, mon frère! dit il. J'espère pouvoir te battre la prochaine fois.
-Pas moi! répliquant Theseus en riant.
Qortos se joignit à son rire durant quelques secondes avant de plaquer une main sur sa plaie sanguinolente en poussant un nouveau grognement.
-C'était...plutôt inattendu comme attaque... maugréa-t-il.
-J'ai fait ça d'instinct, je n'ai pas vraiment réfléchi. avoua Theseus. J'ai comme eu l'impression que c'était mon corps qui contrôlait mon esprit, et non l'inverse.
-Cela signifie que tu fais des progrès, mon garçon. fit une voix grondante juste derrière lui.
-Maître Argos... salua Theseus en courbant la tête avec respect.
-Ton corps ne possède pas ton esprit, élève. continua Argos, dominant le garçon de presque deux têtes. Tu es en train d'unir ton corps et ton esprit combattif, et lorsque tu pourra de battre sans le besoin d'analyse et de réflexion, alors tu aura atteint un niveau martial supérieur. Ton esprit et ton corps ne constitueront plus qu'une seule entité, frappant alors même qu'elle sait déjà où porter le coup. Ton temps de réaction sera plus court, ton agilité décuplée et ta force plus intense. Entraîne toi encore, Theseus et tu pourra prétendre à un tel niveau de combattivité.
-Merci pour vos sages conseils, Maître Argos. fit Theseus.
-Élève Qortos, tu n'anticipe pas assez les réactions de ton adversaire. poursuivit Argos. Tu es trop préoccupé par tes propres attaques, et tu laisse trop la force de ton corps obscurcir ton esprit. Songe que si l'esprit de guerre s'empare trop de ton corps au détriment de ton esprit, tu plongera dans la décadence meurtrière, et tu ne vaudra pas plus qu'un sauvage. Tu sera puissant, il est vrai, mais aucune gloire ne resplendira de ton combat. Méfie toi de la tentation de céder à sa propre force. Prends garde à la soif de sang et de meurtre. Ainsi tu résistera mieux aux Puissances de la Déchéance, et tu fera un bien meilleur combattant. Vas-t-en faire soigner cette blessure et sur le chemin récite la litanie du guerrier. Si je te revois faire les mêmes fautes lors de ton prochain combat, tu sera puni. Vas, tu as un quart d'heure, pas une seconde de plus.
Qortos hocha vivement de la tête et partit rapidement en claudiquant, tout en récitant les vers demandés, imprimant toujours plus dans son cerveau les règles nécessaires à un bon combattant.
Le Maître Argos se tourna alors vers Xanos, toujours à l'écart du groupe et l'appela en désignant Theseus, toujours essoufflé.
-Elève Xanos, montre à ton frère comment se bat un véritable guerrier, et vois si il est capable de te survivre.
Xanos hocha la tête et partit d'un pas énergique les rejoindre, le visage figé en une expression de dure absence de pitié, faisant nerveusement tournoyer son glaive, la passant d'une main à l'autre pour se chauffer les muscles.
Alors qu'il approchait d'eux pour accepter le duel imposé par Argos, celui ci se retourna vers Theseus et le regarda dans les yeux.
-Tu a un grand potentiel en toi, Theseus. dit il sur un ton étrangement paternel. Ne la gaspille pas.
Alors même qu'il s'en alla de côté pour retourner surveiller les autres élèves, Xanos se planta devant Theseus, glaive levé en un pose agressive. Theseus voulu le saluer du sien comme il le faisait à chaque combat, mais le sauvage Xanos ne lui en laissa aucunement le temps, bondissant en avant en silence, ses yeux meurtriers ne quittant pas sa proie d'un seul instant...
IL EN RESTAIT très peu, trop peu, depuis que les choses s'étaient précipitées suite aux nouvelles provenant de Caldris. Sur la totalité des effectifs qui auraient pu poursuivre la formation jusqu'au Rituel d'Admission, plus des trois quarts avaient été éliminés par la dureté des épreuves, la plupart ayant renoncé, ou s'étant fait trop durement blesser pour continuer, ou, plus radicalement, y avaient succombé.
Ulixes Homeros observait l'un des groupes à travers la baie vitrée de la grande tour de garde de la Caserne, détaillant les Élèves en train de s'affronter dans des duels à l'arme blanche sur un petit stade poussiéreux isolé. Leur épreuve d'entraînement avait commencé depuis près d'une heure, et touchait à présent à sa fin. Deux adolescents s'étaient retirés du groupe, l'un d'eux pleurant à chaudes larmes incapable de digérer son échec, l'autre évacué prestement par deux serviteurs alors qu'il hurlait d'agonie, le ventre horriblement ouvert.
A quelques pas de là, un autre groupe pratiquait les mêmes exercices, mais aucun des jeunes hommes n'avait été renvoyé, tous ayant passé leurs exercices avec succès. Et plus loin encore, un autre groupe se préparait à commencer les leurs, avec appréhension, leurs effectifs ayant été considérablement réduits depuis leur passage dans la terrible forêt qui se dressait juste à côté de la Caserne.
Homeros acheva de boire son verre d'eau fraîche avant de le lever, vide, pour qu'un serviteur s'empressa de venir le remplir à nouveau. la chaleur était étouffante, et même les locaux climatisés réservés aux Maîtres supérieurs semblaient être devenu des fournaises. Tous suffoquaient en silence, alors qu'ils supervisaient les épreuves infernales infligées aux Élèves, sachant que la date fatidique du Rituel approchait à grands pas.
Seul le géant qui se tenait à ses côtés ne semblait aucunement ressentir l'infâme torpeur, malgré la lourde armure sombre qu'il portait et que la simple vue faisait transpirer les plus impitoyables Maîtres.
Le Chapelain Honorius était arrivé sans prévenir en fin de matinée, et avait demandé à voir le Disdaskalos pour qu'il rende des comptes sur l'évolution de la formations des futurs Apprentis. Cela faisait bientôt quinze minutes qu'il se tenait avec lui au sommet de la tour d'observation, et il n'avait prononcé aucune parole, se contentant de rester figé devant la baie vitrée, observant le déroulement des exercices.
Un serf en robe écrue se présenta à Homeros avec une plaque de donnée serrée dans ses mains maigrelettes, et s'inclina respectueusement pour demander à être entendu. Son maître lui fit un vague signe de la main, et le serviteur chétif présenta le document qu'il apportait, sa voix grinçante et monotone filtrée par une grossière grille vox suturée à sa mâchoire inférieure.
-Le groupe 2D est revenu de son périple dans la forêt. Le Maître Astados vous présente ici son récapitulatif.
-Que dit-il? demanda Homeros sans quitter le paysage extérieur des yeux.
-Les éléments restant ont achevé avec brio leur devoir et ramené intact l'objectif, qui était la peau d'un grisours sauvage. Le groupe a subi 75% de pertes. Il ne reste que sept candidats.
-Par le Trône! s'étrangla Homeros à l'entente de telles statistiques. C'est le plus meurtrier des résultats! Que s'est il passé?
-Divisé en quatre groupes pour traquer la bête, une erreur de coordination a mené trois d'entre eux jusqu'au terrier d'une meute de juscuss. Il n'y a eu aucun survivants. Le dernier groupe a perdu trois de ses éléments dans la lutte contre la cible, et deux autres sont grièvement blessés. Maître Astados indique que l'un d'eux s'en remettra sans espoir de devenir un guerrier, et que l'autre devrait selon toute vraisemblance survivre peut être un jour ou deux.
-Consignez les noms des survivants et présentez les à mes gens pour un débriefing complet. interrompit brusquement Honorius. Les meilleurs d'entre eux seront dispensés de la suite des épreuves jusqu'au Rituel. Les autres seront renvoyés dans les rangs ou chez eux.
-A vos ordres monseigneur Chapelain. fit le serviteur avant de se retirer.
-Maître Homeros, combien pensez vous à terme présenter d'Elèves pour le Rituel? demanda Honorius toujours sans se détacher du spectacle extérieur.
-A ce rythme là je ne sais pas trop... avoua le Disdaskalos. En théorie, je dirai une trentaine d'éléments... Cela ferait presque vingt de moins que le cycle passé. Je suis désolé de ces résultats, mons...
-C'est très bien. l'interrompit sèchement Honorius. Nous n'avons pas besoin d'une cohorte d'Apprentis, Maître Disdaskalos. Nous voulons les meilleurs, et étant donné l'enchaînement des épreuves et le parcours hors normes que suivent les Élèves de cette année, il n'y a aucun doutes que ceux qui survivront au Rituel seront l'élite que nous demandons.
-Il y en aura très peu, monseigneur... Le Rituel est une épreuve terrible à passer...
-Seuls les meilleurs parmi les meilleurs seront assez digne pour connaître le succès. Il leur faudra d'autant plus de courage que ce ne sera que le début. Sur Styx, nous demandons bien plus à nos novices. Ceux que vous appelez ici "Apprentis" ne sont guère plus que des larves pour nous.
Homeros se força à ravaler sa désapprobation devant une telle minimisation du produit de ses enseignements. Ses Élèves étaient les meilleurs de tous ici. Mais pourtant il s'imposa silence, sachant au fond de lui même que le Chapelain avait raison. Il le savait car il l'avait vécu.
-Depuis combien de temps êtes vous revenu de Styx, Homeros? demanda Honorius en daignant enfin accorder un regard au Disdaskalos.
-Cela va faire presque soixante années... répondit sombrement celui ci.
-Et vous rappelez vous à quoi cela était dû?
-Je suis revenu parce que j'ai survécu à mon échec. lâcha Homeros dans un souffle amer.
-Et pourtant vous étiez l'une de nos meilleures recrues. acquiesça Honorius en se tournant de nouveau vers ses observations extérieures. Vous avez triomphé du Rituel parmi les premiers, et votre périple sur Styx s'est fait avec brio. Votre transformation de chair fut un succès. Mais vous n'étiez pas assez bon pour atteindre le rang d'Initié. Vous êtes ici comme un ange déchu, le visage fier mais le cœur contrit de douleur. Vous savez donc ce qui les attends tous. Veillez bien à ce qu'il sachent survivre jusqu'au bout. Même un frère de bataille du Chapitre est encore un Apprenti au plus profond de lui. Je ne veux pas que vos Élèves croient qu'il s'agit simplement de passer une ultime épreuve avant d'être consacré Astartes. Je veux qu'ils comprennent que ce n'est que le début d'une épreuve à vie.
Homeros gardait la tête baissée au rappel de ces sombres souvenirs, les yeux rivés vers l'un des groupes s'entraînant en contrebas, portant inconsciemment une main sur sa poitrine, et sentant ses deux cœurs battre de concert. Oui il était presque parvenu à devenir un vrai Space Marine. Mais son parcours d'initiation parmi les scouts du Chapitre tourna au drame lorsqu'il fit une terrible erreur d'estimation et que son escouade fut prise en étau par l'ennemi lors d'une bataille contre les Orks. Des dix Apprentis Astartes, seuls quatre survécurent, et lui même reçut une blessure trop terrible pour lui permettre de poursuivre son ascension. Ce n'était que ses hauts faits et sa soif d'enseigner qui lui avaient épargné une fin misérable. Ses camarades survivants avaient tous témoigné pour confirmer sa faute, mais aussi pour insister sur le fait que c'était également lui qui leur avait permis de s'en tirer de justesse, détruisant au passage tout un avant poste des Xenos.
Malgré cela, le mal était fait, et l'avenir glorieux de Space Marine lui fut refusé.
-Pourquoi n'ai je pas été condamné pour mon erreur, monseigneur? demanda-t-il soudain, le cœur froid.
-Parce que ce n'est pas dans nos traditions. répondit Honorius. Il aurait fallu faire preuve de trahison ou de lâcheté pour avoir été condamné ou exilé. Je sais que dans beaucoup de Chapitres Astartes, ceux qui échouent sont exécutés, ou réduits à l'état détestable de serviteur lobotomisé...ou pire... Nous ne sommes pas ainsi. Lorsque le crime est trop grave, nous envoyons le fautif en exil avec une quête particulière pour lui donner une chance de se racheter. Nous ne condamnons durement que la trahison envers l'Empereur et nos frères, et ça n'est presque jamais arrivé. Je n'ai personnellement jamais connu de cas de trahison à condamner, mais je sais que lorsque c'est arrivé auparavant, le fautif était envoyé devant le Maître de Chapitre pour qu'il rende son jugement, et que à la suite de cette rencontre, plus personne n'entendait plus jamais parler du fautif, ni ne savait ce qui lui était arrivé.
-Par ma faute, six de mes frères sont morts. Je ne méritait pas autant de clémence... insista sombrement Homeros.
-C'est vrai. confirma Honorius. Et vous avez aussi permis d'abattre un refuge de l'ennemi, et sauvé trois de vos autres frères. Sachez que si votre position constitue un grand honneur parmi les mortels, elle constitue une grande honte pour les novices Astartes. Aucun d'entre eux ne veut retourner au statut de mortel. Ne vous laissez pas ronger par la honte. Considérez votre place actuelle, et veillez à ce qu'aucun des futurs Apprentis que vous formez ne connaisse pareil destin que le vôtre.
Homeros resta silencieux un instant, considérant les paroles du Chapelain, et il se sentit étrangement apaisé. Il comprenait que dans son déshonneur, on lui avait confié une tâche difficile mais très importante pour trouver à nouveau grâce auprès de ses anciens frères. Il avait en somme hérité d'une quête personnelle pour trouver l'absolution, et sa quête était de former de meilleurs Apprentis que lui.
Pour la première fois depuis longtemps, il se sentit à la fois soulagé et honoré, sachant qu'il avait un moyen de se faire pardonner.
Honorius le tira une fois de plus de ses pensées, désignant du doigt l'un des groupes de duellistes.
-Qui est cet élève? demanda-t-il.
-Groupe 2B. reconnut Homeros. Il s'agit de l’Élève Priap Agames, une des recrues les plus prometteuses avec Xanos Koros et Theseus Morlis. En fait, le groupe entier est très prometteur.
-En effet, c'est ce que je constate. fit Honorius en hochant du chef. Je veux les voir personnellement. Faites les venir ici.
-Leur entraînement de ce moment devrait être terminé dans quelques instants, monseigneur. informa Homeros. Je vais les faire quérir avant leur départ pour la traque.
-Attendez un instant. l'arrêta Honorius en levant une main. Quelle traque?
-Le programme du groupe 2B était de rejoindre la forêt en compagnie du groupe 2A afin d'y effectuer une traque de bête sauvage, ou une mission de reconnaissance. Ce n'est pas précisé. Toujours est il que c'est en théorie leur dernière épreuve avant le Rituel. Ils doivent normalement compléter les objectifs avant après demain au crépuscule. Après il me semble qu'ils seront envoyés au monastère pour être préparés au Rituel par la méditation et le travail spirituel.
-Bien. Très bien. Ne les faites pas appeler. Je les suivrai dans la forêt pour les surveiller.
Un instant le Disdaskalos voulu parler au Chapelain de ce que la forêt avait de dangereux, des nombreux groupes à n’être jamais réapparus, et ce depuis quelques années. Mais les mots restèrent coincés dans sa gorge et il ne put formuler qu'une question qu'il savait au fond de lui même être totalement inutile.
-Voulez vous une escorte, monseigneur?
Honorius le regarda subitement en gardant le silence, mais Homeros ne put voir derrière son casque le visage à la fois amusé et dédaigneux du Chapelain.
-Homeros, je suis un Space Marine... fit il d'un ton sec mais en ayant du mal à cacher son amusement. Croyez vous qu'un Astartes a besoin d'une escorte pour affronter quelques bêtes sauvages?
-Pardonnez ma stupidité, monseigneur. fit Homeros en baissant la tête, se maudissant pour sa suggestion idiote.
-Ce n'est rien, Maître Disdaskalos. A quelle heure doivent ils partir là bas?
-Dans une heure environ... répondit Homeros en consultant à nouveau sa plaque de données.
-Bien dans ce cas, je devrai me mettre en route sur l'instant.
Honorius se détourna de la baie vitrée et prit le chemin de la porte.
-Silence radio, Maître Homeros. ordonna-t-il en partant. Je veux être seul pour pouvoir les observer. Que personne ne me dérange.
A partir de là, le texte demeure inchangé. La fin du chapitre actuel et tout le chapitre III n'ont subi aucune modifications, je posterai donc la suite avec beaucoup plus de texte d'un coup.
Quant au chapitre IV que j'avais laissé en plan lorsque j'ai décidé de remanier mon écriture, le début et également inchangé, puis ce ne sera alors que de l'inédit, puisque l'écriture poursuivra son cours.
Il en sera d'ailleurs de même pour la partie "Gladius" (à venir), qui suivait le parcours de nouveaux régiments de la Garde Praetor, notamment deux jeunes gardes. Des passages inédits ont été insérés au début, mais toute une partie est demeurée inchangée.
Bonne (re)lecture!
***
LE HALL DE la caserne principale trônant majestueusement au milieu du complexe des Apprentis était bondé, l'ensemble du personnel rassemblé en toute hâte sur ordre du Disdaskalos, le maître supérieur, responsable de la sélection et de l'entraînement des enfants qui deviendraient peut être plus tard des Apprentis, et, pour les meilleurs d'entre eux, des élus des maîtres du ciel.
L'immense réfectoire avait été débarrassé de son mobilier, et les centaines d'élèves se tenaient debout en rangs parfaits, les plus anciens devant et les plus jeunes à l'arrière, chaque groupe flanqué de son maître tuteur qui les surveillaient d'un regard sévère.
Des serviteurs se tenaient en silence dans un coin, leur travail interrompu de façon soudaine. L'estrade sur laquelle se dressait d'ordinaire la longue table de dîner des maîtres avait été libérée de ses meubles et une rangée de Gardes des Phalanges vétérans, engoncés dans de somptueuses armures de mailles argentée faisaient face aux élèves en silence, leurs longues lances tenues droites, pointes vers le plafond, leurs casques cachant leur visage au profit d'un faciès de métal à l'expression froide et dénuée de tout sentiment.
Se tenant droit aux côtés de ses camarades des baraquements 2B, Theseus jeta un regard interrogateur à son ami Priap qui se contenta de hausser les épaules pour signifier sa propre ignorance face aux évènements qui venaient de briser la routine de leur entraînement infernal. Un jeune homme élancé à la musculature discrète mais terriblement puissante se pencha vers ses deux camarades postés devant lui, parlant à voix basse:
-Qu'est ce qui se passe? Vous savez quelque chose? Pourquoi avons nous été ainsi rassemblés? demanda-t-il.
-Je ne sais pas Jaros, nous avons été nous mêmes interrompus pendant notre entrainement aux armes de jet. répondit Theseus en inclinant légèrement la tête en arrière pour pouvoir murmurer son étonnement.
-J'ai entendu dire que le Disdaskalos était à la haute cité ce matin et qu'il est rentré en toute hâte. ajouta à voix basse Priap, luttant pour diminuer sa voix de baryton naissante. Il s'est passé quelque chose...
-Maître Argos a-t-il dit quelque chose? s'enquit Jaros.
-Je ne sais pas. avoua Priap.
-Il n'était pas avec nous ce matin, nous étions supervisés par le tuteur Hargon. expliqua Theseus.
-Nous étions avec lui sur le champ de course. intervint un autre garçon au regard dur et au visage carré barré d'une cicatrice récente. Il s'est absenté peu avant le zénith et nous ne l'avons revu que lorsque nous avons été appelés ici.
-A-t-il laissé transparaître quelque chose, Persos? le questionna Theseus.
-Non. répondit le questionné. Rien. Il était... distant. Aucun d'entre nous n'a pu entendre sa voix. Mais il est nerveux, ça c'est sûr.
A mesure que les rumeurs enflaient, d'autres apprentis de la section 2B y contribuaient à force de questions et d'observations diverses.
Argos tourna brusquement la tête vers le groupe d'où montait de plus en plus de voix et la sienne tonna comme la tempête:
-Silence dans les rangs! Tenez vous tranquilles! vociféra le Pédotribe.
Le silence plongea à nouveau sur cette portion du hall, et les élèves retrouvèrent une posture de garde à vous qui ferait pâlir même le plus discipliné des Gardes Impériaux.
-Au moins, nous savons qu'il n'a pas perdu sa voix... murmura Theseus en esquissant un sourire en coin, quelques rires étouffés retentissant autour de lui durant quelques secondes.
Le faible brouhaha résultant des quelques messes basses et discussions, malgré la surveillance des Pédotribes des différentes sections, fut instantanément réduit au silence par l'entrée d'un groupe de personnages pénétrant sur l'estrade déserte.
Les nouveaux venus arboraient tous les courtes robes écarlates des maîtres d'apprentissages, excepté l'un d'eux évoluant en tête du cortège, drapé dans une toge bleue bordée de rouge et d'une stature imposante, dépassant de deux têtes le plus haut des individus présents.
L'homme en bleu, au visage ancien mais toujours sec comme une trique et aux yeux irradiant d'une sage sévérité, vint se placer devant le rang parfait formé par le reste des maîtres.
Le silence était à présent complet, et il scruta un instant l'assemblée disciplinée qui se tenait devant lui, prête à obéir au moindre de ses ordres.
Le Disdaskalos Ulixes Homeros s'adressa à l'assistance d'une voix puissante, sans même avoir à hausser le ton ou besoin d'être amplifier, tant le calme était parfait.
-Élèves et maîtres de la Caserne de Taygète, il va y avoir du changement pour ce cycle et pour les cycles suivants! Notre puissant seigneur, Fredrich Grivus, Maître du Chapitre des Sky Slaughters vient de quitter Sparta à la demande de l'Ordre de l’Épée que nous servons tous au Nom de l'Empereur.
A nouveau, un vent de rumeurs traversa les rangs, des murmures étonnés s'élevant de toute part.
D'un simple geste de la main, Homeros y mit un terme, ses yeux semblant lancer des éclairs, son autorité étant absolue en ces murs.
-Avant de partir, Maître Grivus a eu l'extrême bonté de me recevoir personnellement pour m'expliquer les raisons de son départ. Le système de Caldris où les Orks menacent de revenir, fait l'objet d'une attention toute particulière, en ces temps où notre portion de secteur est encore faible suite aux récents conflits qui nous ont ébranlés.
Le Disdaskalos n'eut pas besoin de réprimander à nouveau l'assistance qui garda un silence de plomb, mais il put voir à leur regard que nombreux étaient ceux qui étaient choqués et furieux par cette nouvelle du retour des peaux vertes, l'ennemi juré de tout le système d'Olympus.
-Maître Grivus est parti sur l'heure pour Styx regrouper les Compagnies qui auront l'honneur de partir au combat avec lui. En attendant, ce seront nos seigneurs le Capitaine Angelius et le Chapelain Honorius qui superviseront le Rituel d'Admission auquel vous vous préparez tous. Sachez que celui ci n'aura néanmoins pas lieu aux dates prévues.
Il dû à nouveau réclamer le silence, mais cette fois, ce furent les maîtres qui donnèrent de la voix, troublés par ce changement inopportun.
Lorsque le silence revint, plus difficilement, Homeros reprit gravement.
-Le Rituel se tiendra en fin de semaine, sous la surveillance de nos deux seigneurs choisis et de la Première Compagnie des Sky Slaughters. Cette décision répond au besoin urgent de constituer une Croisade aussi rapide qu'efficace contre les Orks. Les plus valeureux d'entre vous seront élus pour devenir les Apprentis du Chapitre. Ils seront envoyés sur Styx en compagnie du Chapelain Honorius, pour y être dûment entraînés, devant accomplir leurs ultimes épreuves pour recevoir l'honneur de se voir offrir le patrimoine du Chapitre. Maîtres d'apprentissage, il vous appartient à présent de faire en sorte que tous soient prêts pour cet honneur. Élèves, employez vous entièrement à votre accomplissement, et passez le Rituel avec succès. Le temps vous est compté à compter de maintenant. Que l'Empereur vous protège tous et vous accorde la réussite et le droit de parcourir à votre tour les étoiles en Son Nom.
Homeros partit aussi vite qu'il était arrivé, laissant les élèves à leur appréhension et les maîtres à leur étonnement.
L'ENTRAINEMENT N'AVAIT JAMAIS été aussi dur, et une fois de plus Theseus dû apaiser son esprit pour pouvoir continuer la séance, et oublier la douleur. La chaleur était exécrable, le soleil faisant littéralement rôtir le petit stade sur lequel les futurs Apprentis continuaient leur formation, le sable recouvrant le sol devenu brûlant pour les adolescents seulement vêtus de pagnes sales et effilochés.
Après qu'ils eurent été rassemblé par le Disdaskalos deux jours auparavant, les entraînements s'étaient intensifiés, durcis et accélérés, les Maîtres ne laissant pas un instant de tranquillité à leurs élèves, multipliant les exercices toujours plus terribles, et accélérant la sélection parmi leurs effectifs. Ainsi, sur les trente deux élèves du baraquement 2B, seuls onze étaient encore présents, dix huit ayant abandonné, et trois ayant succombé aux exercices de survie.
Theseus repensa un moment aux morts. Nador, Hudar et Jukaros, tout trois décédés lors de leur parcours de survie dans la forêt privée de la Caserne, quand une erreur de manipulation fatale avait fait détonner leur sac d'explosifs, vaporisant en un clignement d’œil les trois jeunes élèves. Le plus vieux n'avait pas encore eu ses seize ans.
Personne n'en fut toutefois bouleversé, et les funérailles n'eurent même pas lieu dans la Caserne. La mort était devenue un sujet récurrent au sein de l'établissement prisé de Taygète, chacun sachant qu'il devait s'en faire une alliée, mais que tôt ou tard il tomberaient à leur tour dans ses bras macabres.
La seule préoccupation de tous était de tout faire pour partir honorablement. Nador, Hudar et Jukaros avaient eu une mort tout sauf honorable, et les prêtres s'étaient contenté d'envoyer leurs restes à leurs familles sans un seul mot de consolation.
Face à Theseus se tenait Qortos, un grand gamin de quinze ans au corps déjà fort développé comme à peu près tous les élèves de la Caserne, et qui démontrait une forte affinité avec les armes blanches. Il se tenait en position de défense, son glaive d'entraînement levé tandis qu'il se campait fermement sur ses deux jambes écartées, le buste courbé en avant, dégoulinant de sueur. Ses yeux bleus étaient rivés dans ceux émeraude de Theseus, sans cligner un seul instant, jaugeant son adversaire pour savoir où porter sa prochaine attaque.
La fois d'avant, il avait manqué son coup de quelques centimètres, et Theseus avait pu répliquer efficacement, comme en témoignait la longue estafilade le long du flanc gauche de Qortos, des perles couleur de rubis se confondant dans la sueur.
Les onze élèves restant étaient regroupés par deux pour s'affronter dans un duel à l'épée, leur tuteur et maître, le vieil Argos, leur tournant autour, sa baguette de Pedotribe tenue nerveusement dans son dos, prête à frapper tout élève fautif. Seul Xanos, sans adversaire, se tenait sur le côté du terrain d'entraînement, droit comme un "i" et les mains derrière le dos, sans bouger d'un micron, observant ses frères enchainer les coups et les parades. C'était le meilleur d'entre eux mais aussi le plus âgé, et Argos l'avait maintes fois dispensé des épreuves depuis que l'élève avait perdu son binôme la veille, le bras amputé juste au dessus du coude durant une épreuve similaire à celle qu'ils pratiquaient en cette heure.
Cela faisait bientôt plus d'une heure que les adolescents s'affrontaient à tour de rôle chaque combat prenant fin lorsque l'un des deux duelliste finissait à terre, désarmé, ou trop gravement blessé. Theseus en était pour sa part à son quatrième duel, et tout son corps lui faisait souffrir le martyr, une longue balafre lui courant de l'omoplate gauche jusqu'en bas du dos dans une vicieuse diagonale. Sa pommette droite tuméfiée avait pris une écœurante teinte violacée, gonflant son œil jusqu'à ce qu'il lui soit presque impossible de l'utiliser, se battant à présent en borgne.
Il était parvenu à jeter à terre son premier adversaire, le jeune Kulios, après avoir évité ce qui lui avait semblé être une véritable tornade de lames virevoltantes, ayant tiré partie d'un seul instant aussi court qu'un battement de cœur pour frapper de l'arrête de son pied dans la plieur du genou de Kulios, le forçant à tomber en avant, puis Theseus l'avait achevé d'un violent coup de garde derrière le crâne.
Son second adversaire, le colosse Priap, son ami, avait été beaucoup plus lent dans ses attaques, mais bien plus endurant, Theseus sachant par ailleurs que si un des coups de son ami portait, il serait bien trop puissant pour qu'il y résiste. Il avait fini par battre Priap en lui bloquant le glaive à l'aide du sien, faisant tournoyer les deux armes jusqu'à ce qu'il arrache celle de son adversaire. Puis il avait tendu son autre bras, frappant Priap du plat de la main tendue en avant, juste en dessous de la trachée, l'asphyxiant sur le coup et clôturant un combat qu'il avait cru ne pas remporter.
Le troisième duel le vit vaincu, lorsqu'il combattit Laros, nerveux et sec, qui avait enchaîné des moulinets extraordinairement violents et rapides, jusqu'à ce qu'un revers ne vienne le forcer à lâcher son arme, se retourner dans la force du choc, avant qu'un deuxième passage de la lame de Laros ne lui entaille le dos. Il était non seulement désarmé, mais la vive douleur qu'il ressentit alors que l'épée adverse lui mordait les chair le fit tomber à genoux dans un grognement étranglé.
Qortos était un adversaire de taille. Rapide, possédant déjà quelques bottes secrètes particulièrement tordues et par dessus tout bien plus agile que ne l'était Theseus. Si il excellait dans le tir à distance, l'adolescent avait encore du mal à trouver son équilibre dans le maniement des armes de corps à corps, préférant alors user d'une tactique défensive plutôt qu'offensive, multipliant les parades en tout genre, tournoyant hors de danger dès qu'il sentait le coup partir, étourdissant son adversaire par ses feintes, et plaçant ses coups lors de situations méticuleusement choisies. La plupart des escrimeurs voyaient leur art comme un danse mortelle répondant à certains codes, tandis que lui voyait plus l'expérience comme une lutte des esprits, une manipulation constante par les gestes et les situations, faisant tout son possible pour amener son ennemi à rentrer dans sa propre danse.
Theseus feignit un vif mouvement de côté, forçant Qortos à suivre le geste, avant de se reporter à toute vitesse dans le sens opposé et de bondir en avant, frappant son adversaire au poignet d'un revers de la main, tandis qu'il dirigeait sa lame droit vers la gorge de se cible. Mais Qortos para le coup porté dans un grognement énervé, laissant la lame de Theseus lui entamer l'avant bras pour mieux la repousser, avant de pivoter sur lui même et de porter un prodigieux coup de pied dans l'estomac de son adversaire. Theseus se sentit projeté en arrière, tout l'air expulsé d'un coup de ses poumons, et sa vision ne se résumant plus qu'à un brouillard de douleur. Mais à son propre étonnement, il retomba fermement sur ses deux pieds, arme en mains, et même si il cherchait toujours désespérément de l'air, son regard embrumé était à nouveau rivé sur son adversaire goguenard.
Feignant d'être trop durement atteint pour répliquer, il laissa ce dernier s'approcher de lui pour délivrer le coup de grâce, et lorsque la distance fut adéquate, il se projeta en avant, bondissant comme un serpent, s'élançant au sol pour atterrir durement sur l'épaule, plaçant au passage un furieux coup de taille qui lacéra la cuisse gauche de Qortos, tombant à genoux dans un beuglement sauvage. Theseus se releva d'un bond acrobatique sur ses deux jambes, et avant que son adversaire ne puisse se relever pour répliquer, il braqua son glaive pointe sur la gorge de Qortos.
Les deux adolescents éreintés se toisèrent un long moment, le regard du vaincu empli de haine tandis qu'il absorbait son échec. Celui de Theseus reflétait son inflexibilité et il ne dévia pas un seul instant ses yeux de ceux de Qortos, jusqu'à que celui ci accepte enfin de les baisser, d'un air amer.
-J'accepte ma défaite, frère. grommela-t-il en jetant son arme à terre.
Theseus retira dans l'instant la sienne de la gorge du vaincu et tendit sa main pour l'aider à se relever. Qortos hésita un instant, considérant l'aide proposée, avant de l'accepter avec un grimace de colère refoulée, en crachant à terre de frustration. Sa cuisse le lançait mais il parvint à se remettre debout en poussant un grondement de douleur. Il lâcha l'avant bras de son camarade, le toisant à nouveau de son regard amer, avant d'esquisser un sourire qui changea totalement son expression en celle d'un ami.
-Félicitation, mon frère! dit il. J'espère pouvoir te battre la prochaine fois.
-Pas moi! répliquant Theseus en riant.
Qortos se joignit à son rire durant quelques secondes avant de plaquer une main sur sa plaie sanguinolente en poussant un nouveau grognement.
-C'était...plutôt inattendu comme attaque... maugréa-t-il.
-J'ai fait ça d'instinct, je n'ai pas vraiment réfléchi. avoua Theseus. J'ai comme eu l'impression que c'était mon corps qui contrôlait mon esprit, et non l'inverse.
-Cela signifie que tu fais des progrès, mon garçon. fit une voix grondante juste derrière lui.
-Maître Argos... salua Theseus en courbant la tête avec respect.
-Ton corps ne possède pas ton esprit, élève. continua Argos, dominant le garçon de presque deux têtes. Tu es en train d'unir ton corps et ton esprit combattif, et lorsque tu pourra de battre sans le besoin d'analyse et de réflexion, alors tu aura atteint un niveau martial supérieur. Ton esprit et ton corps ne constitueront plus qu'une seule entité, frappant alors même qu'elle sait déjà où porter le coup. Ton temps de réaction sera plus court, ton agilité décuplée et ta force plus intense. Entraîne toi encore, Theseus et tu pourra prétendre à un tel niveau de combattivité.
-Merci pour vos sages conseils, Maître Argos. fit Theseus.
-Élève Qortos, tu n'anticipe pas assez les réactions de ton adversaire. poursuivit Argos. Tu es trop préoccupé par tes propres attaques, et tu laisse trop la force de ton corps obscurcir ton esprit. Songe que si l'esprit de guerre s'empare trop de ton corps au détriment de ton esprit, tu plongera dans la décadence meurtrière, et tu ne vaudra pas plus qu'un sauvage. Tu sera puissant, il est vrai, mais aucune gloire ne resplendira de ton combat. Méfie toi de la tentation de céder à sa propre force. Prends garde à la soif de sang et de meurtre. Ainsi tu résistera mieux aux Puissances de la Déchéance, et tu fera un bien meilleur combattant. Vas-t-en faire soigner cette blessure et sur le chemin récite la litanie du guerrier. Si je te revois faire les mêmes fautes lors de ton prochain combat, tu sera puni. Vas, tu as un quart d'heure, pas une seconde de plus.
Qortos hocha vivement de la tête et partit rapidement en claudiquant, tout en récitant les vers demandés, imprimant toujours plus dans son cerveau les règles nécessaires à un bon combattant.
Le Maître Argos se tourna alors vers Xanos, toujours à l'écart du groupe et l'appela en désignant Theseus, toujours essoufflé.
-Elève Xanos, montre à ton frère comment se bat un véritable guerrier, et vois si il est capable de te survivre.
Xanos hocha la tête et partit d'un pas énergique les rejoindre, le visage figé en une expression de dure absence de pitié, faisant nerveusement tournoyer son glaive, la passant d'une main à l'autre pour se chauffer les muscles.
Alors qu'il approchait d'eux pour accepter le duel imposé par Argos, celui ci se retourna vers Theseus et le regarda dans les yeux.
-Tu a un grand potentiel en toi, Theseus. dit il sur un ton étrangement paternel. Ne la gaspille pas.
Alors même qu'il s'en alla de côté pour retourner surveiller les autres élèves, Xanos se planta devant Theseus, glaive levé en un pose agressive. Theseus voulu le saluer du sien comme il le faisait à chaque combat, mais le sauvage Xanos ne lui en laissa aucunement le temps, bondissant en avant en silence, ses yeux meurtriers ne quittant pas sa proie d'un seul instant...
IL EN RESTAIT très peu, trop peu, depuis que les choses s'étaient précipitées suite aux nouvelles provenant de Caldris. Sur la totalité des effectifs qui auraient pu poursuivre la formation jusqu'au Rituel d'Admission, plus des trois quarts avaient été éliminés par la dureté des épreuves, la plupart ayant renoncé, ou s'étant fait trop durement blesser pour continuer, ou, plus radicalement, y avaient succombé.
Ulixes Homeros observait l'un des groupes à travers la baie vitrée de la grande tour de garde de la Caserne, détaillant les Élèves en train de s'affronter dans des duels à l'arme blanche sur un petit stade poussiéreux isolé. Leur épreuve d'entraînement avait commencé depuis près d'une heure, et touchait à présent à sa fin. Deux adolescents s'étaient retirés du groupe, l'un d'eux pleurant à chaudes larmes incapable de digérer son échec, l'autre évacué prestement par deux serviteurs alors qu'il hurlait d'agonie, le ventre horriblement ouvert.
A quelques pas de là, un autre groupe pratiquait les mêmes exercices, mais aucun des jeunes hommes n'avait été renvoyé, tous ayant passé leurs exercices avec succès. Et plus loin encore, un autre groupe se préparait à commencer les leurs, avec appréhension, leurs effectifs ayant été considérablement réduits depuis leur passage dans la terrible forêt qui se dressait juste à côté de la Caserne.
Homeros acheva de boire son verre d'eau fraîche avant de le lever, vide, pour qu'un serviteur s'empressa de venir le remplir à nouveau. la chaleur était étouffante, et même les locaux climatisés réservés aux Maîtres supérieurs semblaient être devenu des fournaises. Tous suffoquaient en silence, alors qu'ils supervisaient les épreuves infernales infligées aux Élèves, sachant que la date fatidique du Rituel approchait à grands pas.
Seul le géant qui se tenait à ses côtés ne semblait aucunement ressentir l'infâme torpeur, malgré la lourde armure sombre qu'il portait et que la simple vue faisait transpirer les plus impitoyables Maîtres.
Le Chapelain Honorius était arrivé sans prévenir en fin de matinée, et avait demandé à voir le Disdaskalos pour qu'il rende des comptes sur l'évolution de la formations des futurs Apprentis. Cela faisait bientôt quinze minutes qu'il se tenait avec lui au sommet de la tour d'observation, et il n'avait prononcé aucune parole, se contentant de rester figé devant la baie vitrée, observant le déroulement des exercices.
Un serf en robe écrue se présenta à Homeros avec une plaque de donnée serrée dans ses mains maigrelettes, et s'inclina respectueusement pour demander à être entendu. Son maître lui fit un vague signe de la main, et le serviteur chétif présenta le document qu'il apportait, sa voix grinçante et monotone filtrée par une grossière grille vox suturée à sa mâchoire inférieure.
-Le groupe 2D est revenu de son périple dans la forêt. Le Maître Astados vous présente ici son récapitulatif.
-Que dit-il? demanda Homeros sans quitter le paysage extérieur des yeux.
-Les éléments restant ont achevé avec brio leur devoir et ramené intact l'objectif, qui était la peau d'un grisours sauvage. Le groupe a subi 75% de pertes. Il ne reste que sept candidats.
-Par le Trône! s'étrangla Homeros à l'entente de telles statistiques. C'est le plus meurtrier des résultats! Que s'est il passé?
-Divisé en quatre groupes pour traquer la bête, une erreur de coordination a mené trois d'entre eux jusqu'au terrier d'une meute de juscuss. Il n'y a eu aucun survivants. Le dernier groupe a perdu trois de ses éléments dans la lutte contre la cible, et deux autres sont grièvement blessés. Maître Astados indique que l'un d'eux s'en remettra sans espoir de devenir un guerrier, et que l'autre devrait selon toute vraisemblance survivre peut être un jour ou deux.
-Consignez les noms des survivants et présentez les à mes gens pour un débriefing complet. interrompit brusquement Honorius. Les meilleurs d'entre eux seront dispensés de la suite des épreuves jusqu'au Rituel. Les autres seront renvoyés dans les rangs ou chez eux.
-A vos ordres monseigneur Chapelain. fit le serviteur avant de se retirer.
-Maître Homeros, combien pensez vous à terme présenter d'Elèves pour le Rituel? demanda Honorius toujours sans se détacher du spectacle extérieur.
-A ce rythme là je ne sais pas trop... avoua le Disdaskalos. En théorie, je dirai une trentaine d'éléments... Cela ferait presque vingt de moins que le cycle passé. Je suis désolé de ces résultats, mons...
-C'est très bien. l'interrompit sèchement Honorius. Nous n'avons pas besoin d'une cohorte d'Apprentis, Maître Disdaskalos. Nous voulons les meilleurs, et étant donné l'enchaînement des épreuves et le parcours hors normes que suivent les Élèves de cette année, il n'y a aucun doutes que ceux qui survivront au Rituel seront l'élite que nous demandons.
-Il y en aura très peu, monseigneur... Le Rituel est une épreuve terrible à passer...
-Seuls les meilleurs parmi les meilleurs seront assez digne pour connaître le succès. Il leur faudra d'autant plus de courage que ce ne sera que le début. Sur Styx, nous demandons bien plus à nos novices. Ceux que vous appelez ici "Apprentis" ne sont guère plus que des larves pour nous.
Homeros se força à ravaler sa désapprobation devant une telle minimisation du produit de ses enseignements. Ses Élèves étaient les meilleurs de tous ici. Mais pourtant il s'imposa silence, sachant au fond de lui même que le Chapelain avait raison. Il le savait car il l'avait vécu.
-Depuis combien de temps êtes vous revenu de Styx, Homeros? demanda Honorius en daignant enfin accorder un regard au Disdaskalos.
-Cela va faire presque soixante années... répondit sombrement celui ci.
-Et vous rappelez vous à quoi cela était dû?
-Je suis revenu parce que j'ai survécu à mon échec. lâcha Homeros dans un souffle amer.
-Et pourtant vous étiez l'une de nos meilleures recrues. acquiesça Honorius en se tournant de nouveau vers ses observations extérieures. Vous avez triomphé du Rituel parmi les premiers, et votre périple sur Styx s'est fait avec brio. Votre transformation de chair fut un succès. Mais vous n'étiez pas assez bon pour atteindre le rang d'Initié. Vous êtes ici comme un ange déchu, le visage fier mais le cœur contrit de douleur. Vous savez donc ce qui les attends tous. Veillez bien à ce qu'il sachent survivre jusqu'au bout. Même un frère de bataille du Chapitre est encore un Apprenti au plus profond de lui. Je ne veux pas que vos Élèves croient qu'il s'agit simplement de passer une ultime épreuve avant d'être consacré Astartes. Je veux qu'ils comprennent que ce n'est que le début d'une épreuve à vie.
Homeros gardait la tête baissée au rappel de ces sombres souvenirs, les yeux rivés vers l'un des groupes s'entraînant en contrebas, portant inconsciemment une main sur sa poitrine, et sentant ses deux cœurs battre de concert. Oui il était presque parvenu à devenir un vrai Space Marine. Mais son parcours d'initiation parmi les scouts du Chapitre tourna au drame lorsqu'il fit une terrible erreur d'estimation et que son escouade fut prise en étau par l'ennemi lors d'une bataille contre les Orks. Des dix Apprentis Astartes, seuls quatre survécurent, et lui même reçut une blessure trop terrible pour lui permettre de poursuivre son ascension. Ce n'était que ses hauts faits et sa soif d'enseigner qui lui avaient épargné une fin misérable. Ses camarades survivants avaient tous témoigné pour confirmer sa faute, mais aussi pour insister sur le fait que c'était également lui qui leur avait permis de s'en tirer de justesse, détruisant au passage tout un avant poste des Xenos.
Malgré cela, le mal était fait, et l'avenir glorieux de Space Marine lui fut refusé.
-Pourquoi n'ai je pas été condamné pour mon erreur, monseigneur? demanda-t-il soudain, le cœur froid.
-Parce que ce n'est pas dans nos traditions. répondit Honorius. Il aurait fallu faire preuve de trahison ou de lâcheté pour avoir été condamné ou exilé. Je sais que dans beaucoup de Chapitres Astartes, ceux qui échouent sont exécutés, ou réduits à l'état détestable de serviteur lobotomisé...ou pire... Nous ne sommes pas ainsi. Lorsque le crime est trop grave, nous envoyons le fautif en exil avec une quête particulière pour lui donner une chance de se racheter. Nous ne condamnons durement que la trahison envers l'Empereur et nos frères, et ça n'est presque jamais arrivé. Je n'ai personnellement jamais connu de cas de trahison à condamner, mais je sais que lorsque c'est arrivé auparavant, le fautif était envoyé devant le Maître de Chapitre pour qu'il rende son jugement, et que à la suite de cette rencontre, plus personne n'entendait plus jamais parler du fautif, ni ne savait ce qui lui était arrivé.
-Par ma faute, six de mes frères sont morts. Je ne méritait pas autant de clémence... insista sombrement Homeros.
-C'est vrai. confirma Honorius. Et vous avez aussi permis d'abattre un refuge de l'ennemi, et sauvé trois de vos autres frères. Sachez que si votre position constitue un grand honneur parmi les mortels, elle constitue une grande honte pour les novices Astartes. Aucun d'entre eux ne veut retourner au statut de mortel. Ne vous laissez pas ronger par la honte. Considérez votre place actuelle, et veillez à ce qu'aucun des futurs Apprentis que vous formez ne connaisse pareil destin que le vôtre.
Homeros resta silencieux un instant, considérant les paroles du Chapelain, et il se sentit étrangement apaisé. Il comprenait que dans son déshonneur, on lui avait confié une tâche difficile mais très importante pour trouver à nouveau grâce auprès de ses anciens frères. Il avait en somme hérité d'une quête personnelle pour trouver l'absolution, et sa quête était de former de meilleurs Apprentis que lui.
Pour la première fois depuis longtemps, il se sentit à la fois soulagé et honoré, sachant qu'il avait un moyen de se faire pardonner.
Honorius le tira une fois de plus de ses pensées, désignant du doigt l'un des groupes de duellistes.
-Qui est cet élève? demanda-t-il.
-Groupe 2B. reconnut Homeros. Il s'agit de l’Élève Priap Agames, une des recrues les plus prometteuses avec Xanos Koros et Theseus Morlis. En fait, le groupe entier est très prometteur.
-En effet, c'est ce que je constate. fit Honorius en hochant du chef. Je veux les voir personnellement. Faites les venir ici.
-Leur entraînement de ce moment devrait être terminé dans quelques instants, monseigneur. informa Homeros. Je vais les faire quérir avant leur départ pour la traque.
-Attendez un instant. l'arrêta Honorius en levant une main. Quelle traque?
-Le programme du groupe 2B était de rejoindre la forêt en compagnie du groupe 2A afin d'y effectuer une traque de bête sauvage, ou une mission de reconnaissance. Ce n'est pas précisé. Toujours est il que c'est en théorie leur dernière épreuve avant le Rituel. Ils doivent normalement compléter les objectifs avant après demain au crépuscule. Après il me semble qu'ils seront envoyés au monastère pour être préparés au Rituel par la méditation et le travail spirituel.
-Bien. Très bien. Ne les faites pas appeler. Je les suivrai dans la forêt pour les surveiller.
Un instant le Disdaskalos voulu parler au Chapelain de ce que la forêt avait de dangereux, des nombreux groupes à n’être jamais réapparus, et ce depuis quelques années. Mais les mots restèrent coincés dans sa gorge et il ne put formuler qu'une question qu'il savait au fond de lui même être totalement inutile.
-Voulez vous une escorte, monseigneur?
Honorius le regarda subitement en gardant le silence, mais Homeros ne put voir derrière son casque le visage à la fois amusé et dédaigneux du Chapelain.
-Homeros, je suis un Space Marine... fit il d'un ton sec mais en ayant du mal à cacher son amusement. Croyez vous qu'un Astartes a besoin d'une escorte pour affronter quelques bêtes sauvages?
-Pardonnez ma stupidité, monseigneur. fit Homeros en baissant la tête, se maudissant pour sa suggestion idiote.
-Ce n'est rien, Maître Disdaskalos. A quelle heure doivent ils partir là bas?
-Dans une heure environ... répondit Homeros en consultant à nouveau sa plaque de données.
-Bien dans ce cas, je devrai me mettre en route sur l'instant.
Honorius se détourna de la baie vitrée et prit le chemin de la porte.
-Silence radio, Maître Homeros. ordonna-t-il en partant. Je veux être seul pour pouvoir les observer. Que personne ne me dérange.
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+++ Burn the Heretic +++
+++ Purge the Unclean +++
+++ Purge the Unclean +++
Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
Comme dit précédemment, à compter de maintenant, le texte d'origine demeure inchangé. L'entier chapitre III et la majorité du IV n'ont subi aucun changements. Ainsi, afin de présenter un récit en bonne et due forme, dans sa continuité, je posterai ces parties d'un bloc, afin de pouvoir rattraper au plus vite l'endroit où j'ai arrêté avant de remanier le texte.
Après cela, ce ne sera donc que du nouveau et de l'inédit.
Bonne (re)lecture!
C’ÉTAIT PRESQUE COMME entrer dans un four construit en plein désert et brûlant à plein régime. Theseus leva ses yeux plissés vers les feuillages qui leur cachait le ciel, et se demanda comment par tous les enfers était il possible que les zones d'ombre au sein de la forêt étaient plus étouffante que de se tenir en plein soleil.
La végétation touffue et chaotique était difficilement pénétrable, et l'un des Élèves du groupe venait de délaisser sa machette qui s'était brisée net sur une racine gargantuesque qui leur barrait le passage.
Par endroits, les arbres étaient tellement touffus et resserrés que les adolescents avaient l'impression d'évoluer en pleine nuit, avant que le soleil ne revienne les rôtir dès qu'ils passaient dans une zone dégagée.
Des nuées d'insectes alourdissaient davantage l'atmosphère étouffante de la jungle, les dévorant tout en leur donnant l'impression d'évoluer au travers d'un rideau de ronces, tandis qu'ils pataugeaient dans d'immondes marécages au vapeurs nauséabondes.
Et pour renforcer l'ambiance d'écrasement, se repérer dans cet enfer vert était proprement impossible pour un être normalement constitué.
Le groupe 2B avait été laissé sans leur Maître tuteur à l'une des entrées de la forêt avec pour seul équipement une radio vox pour que Arkos puisse communiquer avec eux, un maigre sac de victuailles pour la plupart d'un aspect peu ragoûtant, une plaquette de données contenant leurs objectifs ainsi qu'une oreillette vox chacun pour pouvoir communiquer entre eux, et seulement entre eux, la fréquence ayant été bloquée.
Chacun d'eux était vêtu d'une toge de toile écrue sur laquelle ils avaient revêtu une armure légère constituée de plaques de fer grossières et de bandes de cuir fatiguées. Pour tout armement, chacun possédait un couteau de combat standard, comme ceux que possédait la Garde, et un fusil à pompe aux munitions plus que limitées. Un seul d'entre eux, Priap, eu l'honneur de recevoir un petit lance flammes, et deux autres avaient reçu une grosse machette, dont une était donc à présent brisée.
Theseus s'adossa à un arbre noueux au tronc deux fois plus large qu'un fût de canon Baneblade, et regarda aux alentours, le fusil plaqué contre son poitrail, les yeux plissés pour tenter de percer la lumière aveuglante qui dardait le marécage puant, des petits nuages de brouillard verdâtre accrochés à sa surface visqueuse et saumâtre. Il leva enfin un poing et fit signe en silence à son groupe que la voie était dégagée.
Les dix autres adolescents passèrent devant lui en tentant de minimiser le son de leurs pas empêtrés dans la vase, un affreux bruit de succion retentissant au moindre geste.
Xanos passa à ses côtés et s'arrêta un moment, regardant dans la même direction que l'éclaireur qu'il avait désigné.
-On doit contourner se marais, Theseus, sinon, on va se déshydrater à toute vitesse... souffla-t-il.
-Je suis d'accord. Mais par où on passe? Je n'ai repéré aucun autre passage. Notre seule voie passe par ce foutu limon.
-Le lance flammes? demanda Xanos en haussant un sourcil.
-Trop voyant. répondit simplement Theseus en continuant d'observer le décor devant eux, le reste du groupe agglutiné derrière un énorme tronc abattu, attendant les directives de Xanos, désigné chef de groupe.
-Dans ce cas on a pas trop le choix. répondit ce dernier en serrant les dents de crispation. Va falloir aller vite, mais sans efforts inutiles si on veut pas se retrouver aussi sec que des triques.
-Dis aux autres de rationner l'eau, on va pas en trouver de fraîche ici. ajouta Theseus en pointant du menton deux adolescent avalant de grande goulée du liquide précieux.
Xanos jura et se dirigea nerveusement vers les deux fautifs pour les admonester, leur faisant immédiatement ranger leurs gourdes avec interdiction de s'en servir sans ordre. Resté en arrière, Theseus fut rejoint par son ami Priap, tenant gauchement le lance flammes éteint en bandoulière sur son épaule.
-Pas de passage sûr? demanda -t-il dans un murmure en se penchant contre le tronc, tournant la tête dans la même direction que le regard de son camarade.
-Aucun. On va prendre un joli teint bronzé dans pas si longtemps que ça... Je ne vois aucune autre solution. répondit Theseus, scrutant inlassablement le marécage.
-Ça a l'air de bien se passer avec Xanos... fit Priap, changeant brutalement de sujet.
-Pourquoi est ce que nous devrions être en mauvais termes? s'étonna Theseus, d'un ton malgré tout acide. Notre combat fut rapide et nous avons tous deux perdu suivant la règle établie par Maître Arkos. Je l'ai touché en faisant une erreur, et j'ai payé ma rapidité par le sang, tandis que lui a vengé sa défaite d'un dernier coup. Aucun de nous n'a vaincu l'autre. Il n'y a pas lieu d'être rancunier l'un envers l'autre quand aucun n'a surpassé l'autre.
-Il t'a pourtant bien amoché... fit Priap d'un ton absent.
-Ce n'est rien, des cicatrices, j'en récolterais d'autres... répondit Theseus en haussant les épaules, avant d'effleurer la profonde coupure qui était venu lui marquer la joue gauche sur toute la longueur. Malgré les points de suture, elle saignait encore, et des perles de sang séché s'en détachaient.
Xanos se tourna vers eux et leur fit signe de les rejoindre d'un geste de la main. Sa discussion avec Priap encore toute fraîche, Theseus ne put s'empêcher de jeter un coup d’œil à la cicatrice tout aussi fraiche qui courait dans le dos de son chef de groupe, qu'il avait tenté de vaincre de la même manière qu'il avait vaincu Qortos. Lorsqu'il s'était lancé en avant, Xanos avait eu juste le temps se pivoter sur lui même pour éviter un coup porté aux conséquences graves, et la pointe de son propre glaive était venu mordre dans le visage de Theseus. Les deux adolescents s'étaient ainsi retrouvés à terre au même moment, versant leur sang et ayant lâché leurs armes sur le coup de la stupeur d'être touché. Maître Arkos s'était contenté de sourire d'un air satisfait avant de déclarer le duel nul par égalité.
-Je suis heureux de t'entendre dire que ton cœur ne connait aucune haine envers celui qui t'a blessé. fit fièrement Priap. Cela prouve que contrairement à certains d'entre nous, tu as compris la valeur d'un frère, même dans l'adversité, et que tu ne le trahira jamais. Les Ancêtres soient remerciés pour ta sagesse, mon ami.
Le jeune garçon alla rejoindre Xanos et le reste du groupe, talonné par Theseus, souriant et heureux de se sentir ainsi soudé au groupe, à Xanos, Qortos, Priap et les autres, ses frères, sa famille.
Il s'arrêta brusquement, l'oreille tendue et se tourna pour regarder vers les profondeurs de la jungle infernale. Il était persuadé d'avoir entendu un craquement, ou du moins quelque chose de massif se déplacer. Mais rien. Il resta un moment ainsi, la respiration bloquée, les sens en alerte. Finalement il ne se passa rien, et il balada son regard une dernière fois avant d'aller rejoindre son groupe en secouant la tête de dépit.
Xanos l'accueillit en lui jetant un regard inquiet.
-Que s'est il passé? demanda-t-il.
-Rien, j'ai cru entendre du mouvement, mais il n'y avait rien que les ténèbres de la forêt. répondit Theseus en haussant les épaules avant de rajouter en faisant la moue. Cette maudite chaleur me joue des tour peut être...
-Concentres toi alors. répliqua sèchement Xanos. Nous sommes encore loin de notre premier objectif, et nous devons être à pleines capacités.
-Je serai en alerte, frère. Ce genre d'hésitation ne se reproduira plus. promit Theseus.
-Bien, je te fais confiance. Nous sommes sûrement encore dans la zone d'entrée sud est de la forêt, et la balise que nous devons rejoindre se trouve plus au nord. On a de la route à faire et je ne veux pas que nous gaspillions nos ressources, alors rationnez vous et faites preuve de force pour surpasser ces conditions d'enfer. Notre tâche première est de reprendre contact avec 2A, puis de converger avec eux vers notre objectif premier, à savoir une reconnaissance standard d'un terrain désigné "Gladius". Une fois la reconnaissance effectuée, nous devons récupérer l'objet désigné comme étant le "Bouclier". Aucune indication quant à ce que c'est, mais 2A possède des informations à ce sujet. Tout ce que nous savons c'est qu'il nous faudra utiliser le "Bouclier" pour abattre la créature désigné comme cible prioritaire. Maître Arkos devrait nous donner d'autres directives d'ici ce soir.
-Comment procédons nous? demanda Priap.
-Theseus, d'après toi où en sommes nous? demanda Xanos en présentant une petite carte de la forêt, sommairement schématisée.
-D'après notre vitesse de progression et les alentours, nous avons progressé sur près de trois ou quatre kilomètres en partant de l'entrée sud est. La dernière émission de la balise de 2A provenait de cette zone, à près de six kilomètre nord ouest, il y a exactement trente deux minutes et douze secondes. A cette allure, si nous allons droit, nous pouvons les rallier en moins de deux heures.
-Bien, j’étais arrivé à la même conclusion, à ceci près que je pensais prendre ce chemin comme détour potentiel. indiqua Xanos.
-Trop long, on risque de s'éloigner. répliqua un élève du nom de Karios, immédiatement approuvé par Theseus.
-Notre itinéraire doit rester le plus droit possible pour respecter les délais. expliqua ce dernier. Pour le moment nous n'avons pas rencontré d'obstacles significatifs, donc espérons que ça reste le cas.
-Les Ancêtres nous guideront, et l'Empereur nous protègera. fit Priap d'un ton cérémonieux. Ses camarades le regardèrent un instant, surpris, avant d'acquiescer ensemble.
-Et ce trajet là? demanda Qortos en indiquant un tracé douteux sur la carte.
-C'est là que 3A est tombé dans un embuscade contre des juscuss, et j'ai entendu dire que 2D a connu ce matin le même échec, mais avec encore plus de pertes. répliqua Jaros en secouant vivement la tête. Ils étaient quarante, nous ne sommes que onze...donc...
-A éviter donc...conclu Xanos. Le trajet qu'indique Theseus semble être le seul adéquat, et celui que nous allons prendre. En route, mes frères.
Tous approuvèrent et se mirent en route sans d'autres remarques.
Theseus devait partir en avant en compagnie de Qortos, pour assumer son rôle d'éclaireur. En partant, il jeta un dernier coup d'oeil en arrière, toujours certain d'avoir décelé du mouvement.
Puis il abandonna et continua sa progression au pas de course pour ouvrir la voie.
HONORIUS SORTIT ENFIN des ténèbres, son armure noire l'ayant dissimulé à la perfection. Mais l'un d'eux l'avait remarqué, sans pour autant parvenir à le débusquer. Brillant...
Mais le Chapelain restait de plus en plus intéressé par l’Élève du nom de Priap, qui semblait empli d'une profonde piété et débordant de foi. Il ferait sûrement un excellent Apprenti auprès de lui...
Honorius attendit que le groupe le distança quelque peu, puis partit sur leurs talons, ses sens génétiquement améliorés lui permettant de les suivre à la trace sans aucun effort.
ENFONCÉ JUSQU'AUX GENOUX dans le bourbier nauséabond, le groupe d’Élèves progressait lentement dans le marécage, tenant leur équipement en hauteur pour éviter de le détériorer, Theseus loin en tête du groupe, et Qortos fermant la marche. Le soleil était sans pitié et à de nombreuses reprises, des Élèves du groupe manquèrent de se laisser terrasser par la chaleur, vacillant au milieu de leur avancée, avant que Xanos ne les invective pour les pousser à passer outre leur désagrément.
La fin de ce calvaire infernal se rapprochait tandis qu'ils distinguaient une rive boueuse bordée d'arbres massifs et tordus, d'épaisses lianes terreuses trainassant à terre ou à moitié enfoncée dans la fange, comme d'épais câblages rouillés depuis des siècles. Par moments, le terrain se relevait et ils pouvaient arpenter une terre à peu près stable, mais très spongieuse, et ils devaient mettre tous leurs sens en alerte pour éviter d'être happés dans le piège mortel de sables mouvants, parfois repérables aux quelques ossements qui en dépassaient comme une macabre mise en garde. Beaucoup de ces vestiges morbides disséminés ça et là sur des terrains à l'allure avantageuse arboraient des reliquats d'étoffes bleues, vêtement des Élèves de la Caserne.
De gros troncs noueux et pourris crevaient régulièrement la surface du limon comme d'autres ossements, une épaisse mousse gluante les ayant depuis longtemps recouverts, et de gros rochers grisâtres couverts de végétation humide parsemaient le décor putride. Une épouvantable odeur de décomposition parachevait ce tableau d'horreur marécageuse, faisant suffoquer les futurs Apprentis tandis qu'ils peinaient à garder une bonne cadence de progression.
Theseus posa le premier un pied mal assuré sur le rivage vaseux et se retourna pour indiquer au reste du groupe qu'ils arrivaient à la fin de leur calvaire. Xanos s'empressa de le rejoindre, suivi de Priap, Karios, et des autres, jusqu'à ce que Qortos s'extrait en dernier de l'eau saumâtre et collante, non sans exprimer son soulagement par un grognement d'impatience.
Xanos envoya immédiatement Hukarios et Gonok, deux des adolescents, en avant pour établir une reconnaissance, les punissant par la même occasion de leur manque de discipline survenu plus tôt lorsqu'ils avaient étanché leur soif sans en avoir demandé la permission. Les autres se tinrent en alerte, et le chef de groupe rejoignit Theseus occupé à essorer le bas de sa tunique souillée.
-Nous sommes trop lent. dit il simplement, en jetant un regard anxieux au marécage qu'ils venaient de quitter.
-Je sais. répondit Theseus sans se détourner de son occupation. Nous avons mis presque trente minutes de trop. Certains membres du groupe sont trop faibles pour suivre notre rythme. Je doute qu'ils aillent jusqu'au Rituel.
-Desquels veux tu parler, frère? demanda Xanos, sachant pourtant la réponse évidente, mais souhaitant confirmation.
-Gonok, Hukarios et Junos sont déjà épuisés, et Kulios présente des difficultés de concentration évidentes.
-Laros? questionna Xanos, au sujet de l'autre Élève dont il doutait.
-Non, pas lui. Il est juste renfermé, mais je peux sentir que sa détermination est aussi forte que la nôtre et sa concentration encore plus. Il est juste taciturne.
-Je l'ai vu boiter... se justifia Xanos.
-Il a pris un mauvais coup hier. Ca ne lui portera pas préjudice.
-Noté. Quelles sont tes impressions pour la suite?
-Suivre le chemin décidé est la seule chose à faire. Mais nous devons forcer la cadence. répondit Theseus en se relevant, avant de rajouter d'un air sombre. Avec ou sans les trainards.
Xanos considéra les dernières paroles de son éclaireur, pesant attentivement les répercussions qu'aurait une telle décision. L'une des règles de la Caserne était de ne jamais abandonner l'un d'entre eux derrière à moins qu'il ne fasse lui même ce choix de bon cœur. Autrement dit, si ils voulaient se débarrasser des éléments faibles, il leur faudrait les en persuader. Or c'était un rôle que Xanos ne pensait pas pouvoir endosser.
Priap, qui les avait rejoint, senti le manque de certitude du chef de groupe et se sentit le devoir de lui venir en aide.
-Laisse moi leur parler, frère. dit il d'un ton calme. Je saurais les convaincre de redoubler d'effort. Si ils n'ont pas le coeur assez pur pour honorer leurs devoirs envers nous et notre tâche, alors ils resteront en arrière et subiront les conséquences de leur échec.
-Merci Priap. fit Xanos en posant une main amicale sur l'épaule du colosse, reconnaissant. Je sais conduire des troupes, mais j'admets que je crains de leur parler.
-Chacun sa tâche, frère. l'apaisa Priap avec un sourire. Je rallumerai l'ardeur dans leur coeur et leurs âmes et ils nous suivront.
-Tu ferais un bon meneur... déclara Xanos avant de garder le silence quelques instants en regardant le groupe récupérer de leur avancée difficile. Va les préparer, nous allons repartir dès que Gonok et Hukarios reviendront de leur surveillance.
Priap hocha la tête et s'en alla préparer les autres Élèves à reprendre leur périple. Xanos se pencha vers Theseus, le visage subitement fermé en une expression de crainte.
-Je ne peux pas continuer ainsi, frère... lâcha-t-il avec difficulté, comme si les mots avaient du mal à sortir de sa gorge.
-De quoi parles tu? s'étonna son interlocuteur.
-De ça. répliqua amèrement Xanos en désignant le groupe d'un signe de tête. Tout le monde sait que je suis le favori d'Arkos, mais je ne m'en sens pas le droit. Je ne suis en rien un leader. Toi, ou Priap, en revanche...
-Ne dis pas des choses comme ça, Xanos! le contra sèchement Theseus. Tu as été désigné comme chef de groupe, tu dois donc honorer ton devoir! Le doute ne nous est pas permis!
-Cesses donc de réciter tes leçons, Theseus! siffla Xanos, le regard implorant, presque pathétique. Je n'ai pris aucune décision jusque là sans t'avoir consulté, ou sans avoir eu l'appui de Priap. Je ne sais pas ce qu'il faut dire ou faire! Je suis...perdu!
Il fut interrompu dans ses jérémiades lorsque Theseus le mit à terre d'un violent coup de poing au menton, avant de le remettre durement sur pieds, en l'agrippant par les épaules, et rivant un regard brûlant de rage contenue dans ses yeux larmoyants.
-Ressaisis toi Xanos! l'invectiva-t-il. Tu as reçu une mission, et tu n'aura de aucun repos avant notre objectif accompli! Tel est ton devoir, alors cesse de douter et remplis le! Tu n'as pas le choix! Si Arkos nous entendais actuellement, tu repartirais de la Caserne les pieds devant! Alors respecte les engagements que tu as pris et la mission qui t'as été confiée, ou par Terra je te jure que ce sera moi qui t’abattrai!
Un silence de mort tomba sur le groupe entier, uniquement troublé par les palpitations de la forêt, les sept Elèves contemplant stupéfaits leurs deux camarades agrippés. Theseus relâcha Xanos dans un dernier regard de braise avant de ramasser ses affaires et se diriger vers l'orée de la jungle. Xanos resta interdit un moment avant de secouer la tête et de suivre les pas de son éclaireur, juste alors que revenaient Gonok et Hukarios, l'air surpris, haletants.
-Que se passe-t-il? demanda Gonok. On a entendu crier...
-Rien. fit Xanos d'un ton cassant. Rapport?
-Rien à signaler, le chemin semble dégagé. répondit Gonok.
-"Semble dégagé", ou "est dégagé"? insista Xanos, le regard sombre.
-Y'a rien devant nous. confirma Hukarios. Que de la végétation plus touffue que els avants bras de Maître Arkos.
Cette remarque ne manqua pas de faire sourire quelques Elèves, et intérieurement Hukarios fut satisfait d'avoir pu détendre une atmosphère apparemment tendue. Il savait que certains doutaient de ses capacités, mais il était bien décider à ne rien leur lâcher.
Theseus hocha la tête en souriant à son tour et s'avança vers eux, en direction de la jungle qui les attendaient en donnant une tape satisfaite sur l'épaule des deux éclaireurs lorsqu'il leur passa à côté.
Xanos prit la suite, se forçant lui aussi à sourire, l'estomac noué par son épisode nerveux, se concentrant pour retrouver ses esprits. Il ne savait même pas pourquoi il avait à ce point failli. Il savait qu'il avait le devoir de commander. Qu'est ce qui avait pu bien le faire vaciller à ce point? La chaleur?
En lui passant devant, il vit à son visage que Priap avait deviné ses doutes et avait senti sa résolution refaire surface. Mais il se méfiait. Xanos accéléra le pas sans un mot pour emmener son groupe dans l'enfer vert, sentant son malaise grandir et tentant de le contrôler. Il ne devait plus faillir devant ses hommes. Plus jamais!
Alors que Theseus partait à nouveau remplir sa fonction d'éclaireur attitré, le groupe des onze Élèves reprit sa marche dans la jungle luxuriante et étouffante, Qortos une fois de plus en fin de cortège, aux aguets.
Pas suffisamment toutefois pour déceler la silhouette noire et massive qui se faufilait sans efforts quelques mètres seulement derrière eux.
HONORIUS FRONCA LES sourcils en suivant la progression du groupe. Ce qui s'était passé aurait pu être normal, un Elève qui craque, la pression de l'épreuve trop forte, et sa résolution le quittant. Mais là ce n'était pas pareil. Il y avait autre chose, quelque chose de bien trop familier pour le vieux guerrier qu'il était.
Un élément avait flanché, tandis que d'autres avaient brillé, et en particulier ceux qui intéressaient le Chapelain. Ce Theseus semblait armé d'une volonté d'acier, et son jeune ami Priap était pour sa part un exemple vivant de foi armée. D'autres éléments semblaient tout aussi bien se détacher du lot, comme Hukarios, qui était pourtant apparu au départ comme un élément faible, et qui avait fini par briller en éclaireur d'un moment, subtil et discret comme un fantôme.
Mais Xanos? Un élément si encensé par son maître, aux résultats si probants? Montrer une telle faiblesse?
Honorius ne le quitta plus des yeux, attentif au moindre de ses mouvements. Il espérait en son for intérieur avoir tort, et que c'était uniquement la tension de la situation qui avait fait vaciller la volonté de cet Élève prometteur, mais son esprit lui criait le contraire.
Et sur sa langue palpitait le goût infâme de la magie, comme partout dans cette forêt infernale...
L’AVANCÉE SE FAISAIT DE PLUS EN PLUS PÉNIBLE, à mesure qu'ils progressaient dans l'enfer vert, la végétation se faisant de plus en plus dense, les obstacles de plus en plus difficiles à éviter, la chaleur toujours autant intolérable. Le bruit produit par la faune locale était assourdissant, des milliers d'insectes crissant de concert, des dizaines d'oiseaux étranges faisant frémir les arbres touffus, augmentant la tension déjà à son summum. La lumière du soleil implacable perçait difficilement dans cette zone, et une pénombre moite avait remplacé l'éclatante clarté de l'astre, ce qui ne changea pas pour autant leur impression d'évoluer dans un four lancé à plein régime.
La boue avait fait place à une terre sèche et poussiéreuse, craquelée et veinée de racines entremêlées, parcourue de nuées d'insectes aux carapaces noires. Les arbres tordus de la jungle étaient d'une circonférence proprement gigantesque, leurs troncs faisant parfois plusieurs mètres de diamètre, ramassés, rabougris, tassés les uns sur les autres, à tel point qu'il était parfois difficile de savoir s'il s'agissait d'un seul plant ou de de plusieurs agglutinés en un tas difforme de bois et de feuilles titanesques. Les rochers étaient dissimulés sous l'écrasante présence de cette végétation touffue et sauvage, et il était parfois impossible de savoir qu'ils étaient là, comme l'avait expérimenté Xanos en ébréchant sa machette sur l'un d'eux, pensant trancher une racine leur barrant la route.
Par moments, le groupe devait enjamber de petits ruisseaux boueux, suintant au travers de ce décor impénétrable, charriant dans ces flots visqueux quantité de végétaux morts et de restes d'animaux morts, le tout formant une pâte à l'odeur écœurante se frayant un chemin sinueux comme un magma de matière pourrie.
L'humidité était telle malgré l'écrasante chaleur que même ce sol desséché devenait pas endroits aussi glissant que de la glace, et les onze Élèves se retrouvèrent assez vite couverts de boue et de déchets organiques dont ils se refusaient à deviner l'origine.
Au détour d'un arbre abattu dont le tronc gorgé d'eau moisissait lentement en attirant des nuées d'insectes, Theseus leva le poing en se figeant en un clin d’œil, arrêtant le groupe dans la demi seconde qui suivit son geste. En silence, il leva deux doigts et les pointa vers une formation végétale qui semblait ravagée, et fit un mouvement latéral de son bras comme pour mimer un débroussaillement massif. Xanos hocha la tête et l'éclaireur partit prudemment en avant, s’arrêtant au beau milieu de ce qui s'avérait effectivement comme une succession de branches tranchées ou brisées. Il s'agenouilla lentement et étendit un bras pour palper le sol du bout de ses doigts, tandis que de l'autre main il effleurait les branchages malmenés. Il leva la tête vers d'autres branches cassées et suivit doucement du regard le parcours que suivait ce passage de force. Au bout d'un examen attentif qui dura moins d'une minute, il se releva et rejoignit le groupe avec la grâce d'un prédateur à l'affut.
Xanos l'interrogea silencieusement du regard et Theseus lui désigna le sentier tracé par les branchages brisés.
"Dix personnes, peut être douze. En file indienne, et à une allure rapide. Les coups ont été donnés à l'aide d'une lame en mauvais état, probablement de même facture que nos machettes. C'est frais, peut être une demi heure, pas plus.
-2A, tu penses? demanda Xanos.
-C'est impossible frère. intervint Qortos. 2A ont été recensés à trente six combattants lors de leur entrée dans la forêt. Et leur dernière émission les situe à un ou deux kilomètres plus à l'est.
-C'est juste. acquiesça Theseus en hochant la tête. Et le cheminement de ceux qui sont passés par là va justement vers l'est. Si c'était 2A, il serait en notre direction.
-Alors qui? demanda l’Élève Nektoos. Un autre groupe?
-Leur formation et les marques qu'ils ont laissées suggère en effet des Élèves de la Caserne. confirma Theseus. Mais normalement nous devrions être seuls avec 2A pour cette session.
-En effet, Maître Argos nous aurait avertis. ajouta Xanos.
Une brusque envolée d'oiseaux les interrompit et tous se tournèrent dans la direction des volatiles, Theseus n'ayant aucun besoin de leur notifier que ça provenait de la zone dans laquelle était supposé évoluer le groupe inconnu. Un court instant après, des tirs éclatèrent, dans un écho lointain, mais s'arrêtèrent aussitôt. Xanos et Theseus échangèrent un regard préoccupé, avant que le chef du groupe ne prenne sa décision en ordonnant de suivre les traces laissées par le groupe inconnu, probablement à l'origine du court échange de tirs. Theseus consulta brièvement sa carte, selon laquelle la direction qu'ils prenaient ne devait pas les éloigner de trop loin de leur chemin initial.
Le groupe partit au pas de course sur un chemin déjà tracé, armes levées, prêts à affronter un quelconque menace. Theseus, toujours en avant, tous ses sens aux aguets, mesura la distance qui était sensée les séparer de leur nouvel objectif, et constata qu'à cette allure soutenue, ils devraient l'atteindre en seulement quelques minutes.
Soudain il se sentit violemment partir en avant et réalisa qu'il venait de déboucher sur une brusque pente. Il chuta en se maudissant intérieurement pour son manque de vigilance, et tomba lourdement sur le dos, ses poumons se vidant d'un seul coup, une violente douleur lui perçant le bas du dos. Le souffle coupé, il parvint toutefois à se remettre debout en un instant, crispant les dents sous le coup de la douleur, et jeta un regard alentour pour déceler tout danger, avant de siffler trois fois de suite, avertissant ainsi ses camarades de la pente dangereuse.
Le reste du groupe finit par le rejoindre sans faire la même erreur stupide, et Xanos s'approcha de lui avec un froncement de sourcils réprobateur.
-Tu es blessé, frère. dit il simplement en désignant du doigt la tache de sang grandissant dans le dos de l'éclaireur.
-Je ferai pénitence pour ma faute. déclara Theseus, sans se préoccuper davantage de sa plaie. J'ai été idiot.
-Je t'ai dit que tu étais blessé, je me fiche pas mal de t'entendre dire que tu es un fou inconscient. lui rétorqua Xanos avec une moue de dédain. Tu t'occupera de ta pénitence plus tard, pour le moment nous avons d'autres baratis à fouetter!
Sans laisser de temps à son éclaireur pour répondre, il s'avança vers lui et arracha brusquement la branche qui était fichée dans le bas de son dos, arrachant un glapissement de douleur à Theseus. Il jeta la brindille ensanglantée de côté et considéra la blessure.
-Superficiel. Tu t'en sortira. dit il sèchement. Maintenant, qu'en est il de la situation? Où sommes nous?
-Nous sommes proche de la zone de tirs supposée. Les traces de ceux que nous suivons sont plus clairsemées et les coups portés plus hasardeux, on dirait qu'ils étaient en train de courir. Pour quelle raison je ne le sait pas, mais visiblement ils étaient en chasse.
-Ou en fuite. observa Priap, en soulevant du bout du pied un morceau de tissu sale.
Theseus se pencha pour le ramasser, et leva les yeux vers Xanos avec une expression de doute.
-Un morceau d'étoffe provenant de la Caserne. fit il en levant le morceaux de tissu. Mais il est rouge. Aucun groupe supposé être ici n'est sensé porter du rouge. C'est la couleur...
-Des baraquements 1. acheva Xanos. C'est impossible... Les baraquements 1 ne font pas partie des sections concernées par le Rituel, et leurs épreuves se déroulent hors de Taygète. Un indice sur leur groupe?
-Non, pas d'insigne. fit Theseus en retournant le morceau d'étoffe. Ça a été arraché, et son porteur est blessé. Il y a du sang dessus.
-Les baraquements 1 ne sont pas supposés être déjà passés par le Rituel? s'étonna Qortos qui venait de les rejoindre.
-Si c'est ce que je viens de dire. fit Xanos. Ils doivent être en dehors de Taygète, pour ce qui est des reclus et de ceux qui ont échoué. Ceux qui sont devenus Apprentis sont déjà partis sur Styx depuis un an...
-C'est quoi ce cirque alors? Comment un groupe des baraquements 1 est sensé se trouver dans la forêt depuis un an sans que personne ne s'en soit rendu compte?
-Les morts ne sont pas cherchés... marmonna Priap, perdu dans ses pensées, avant de se reprendre et de rajouter à voix haute. Le groupe 1C! Vous vous rappelez?
-Oui, c'est le groupe qui a été entièrement décimé l'an passé lors de leur passage ici... se remémora Theseus. Tu crois que c'est eux? Que ce sont des survivants?
-Mais ça n'a pas de sens! observa Hukarios. Tout le monde sait que les survivants de l'épreuve sont extraits par appel radio une fois leur mission remplie...
-Et si la mission n'est pas remplie? demanda Theseus, s'attendant parfaitement à la réponse.
-Tu crois qu'on ne les a pas extraits parce qu'ils n'ont pas rempli leur objectif dans le temps demandé? s'étonna Qortos.
-Après tout, Maître Arkos ne nous a pas dit ce qui se passerai si nous avions échoué... remarqua Xanos. Vous croyez vraiment qu'ils nous abandonneraient ici?
Pas un ne répondit, car aucun ne voulait ne serait-ce qu'imaginer cela de la part de ceux qui les entraînaient à être les meilleurs. Un tel acte irait même à l'encontre de leur code d'honneur même, ceux qui échouent ne se voyant jamais humiliés ou rejetés, et ayant toujours une place dans l'organisation sociale, politique ou militaire d'Olympus tout entier. Non un abandon était inenvisageable. Xanos finit par briser le silence en récupérant l'étoffe ensanglantée, mettant son fusil en bandoulière.
-Je n'y croit pas. Il doit y avoir une autre raison. assura-t-il. et nous allons aller la trouver.
Ce disant, il fit signe au groupe de reprendre leur chemin vers ce qui était devenu leur objectif principal. Theseus progressa aux côtés de leur chef de groupe.
-Nous ne devrions plus êtres très loin. dit il. Et le chemin que nous prenons ne nous éloigne en rien de notre mission. 2A devrait se trouver non loin d'ici...
-Parfait. fit Xanos en affichant un sourire satisfait. Part en avant pour faire une reconnaissance complète. Et attention où tu mets tes pieds cette fois.
-Bien. acquiesça Theseus avant de rajouter à voix basse. Content que tu te sois repris, frère, ton rôle est essentiel pour nous tous.
-De quoi parles tu? s'étonna Xanos, faisant s'arrêter brusquement Theseus sur sa lancée.
-Eh bien, je suis content que ce qui s'est passé tout à l'heure soit du passé, que tu ai retrouvé tes esprits et ta résolution, c'est tout... s'expliqua ce dernier.
-Quoi? Mais enfin de quoi est ce que tu parles? s'exclama Xanos, les sourcils froncés.
Theseus resta interdit devant cette réaction. Un instant il crut à une blague de mauvais goût, mais réalisa qu'il s'agissait là de Xanos, et que celui ci n'était certainement pas réputé pour avoir un quelconque don pour l'humour. Aurait-il alors tout simplement oublié son craquage de nerfs? Peu probable à vrai dire, et Theseus se sentit soudain terriblement mal à l'aise.
Xanos le dardait d'un regard exigeant des clarifications, clairement dans l'ignorance au sujet de ce qui s'était passé entre eux deux une heure auparavant.
Theseus secoua la tête, un véritable ouragan de doutes assaillant son esprit.
-Rien...dit il en se détournant. Rien, je suis... Je suis juste content que ça soit toi qui commande... C'est tout...
-Pourquoi, tu croyais que ça serait quelqu'un d'autre? fit Xanos, en riant de bon cœur. Et qui cela aurait-il pu être? Toi? Priap? Laros? Voyons, Theseus, je suis le seul qui a les bonnes qualités pour prétendre au commandement de ce groupe, tu le sais bien...
-Je... Je n'ai pas dit le contraire, frère... balbutia Theseus, à présent certain que quelque chose ne tournait pas rond.
-Tant mieux alors... fit Xanos en lui donnant une tape amicale dans le dos. Merci de ton compliment dans ce cas. Allons mon frère, au travail!
Theseus partit en avant sans mot dire, la mâchoire crispée, son esprit ressassant encore et encore le souvenir d'un Xanos effondré et geignant, le confrontant à celui d'un Xanos à nouveau sûr de lui, mais amnésique...
Priap vint rejoindre son camarade, son lance flammes en bandoulière dans le dos.
-J'ai entendu, Theseus. dit il à voix basse. Quelque chose ne va pas...
-Heureux de te l'entendre dire, frère... soupira l'éclaireur. Au moins je sais que ce n'est pas moi qui hallucine. Nous devons être très prudents à présent. On ne peut savoir qui d'autre est atteint, ni pourquoi, et encore moins par quoi...
-Que les Ancêtres nous protège... murmura Priap en faisant le signe de l'aquila. Pars en avant, je garde les yeux ouverts ici.
Theseus hocha du chef et accéléra son pas pour distancer le groupe et effectuer son devoir. Mais il ne put s'empêcher d'éprouver un terrible malaise, sentant un situation infernale se mettre en place, entre ce mystérieux groupe qu'ils suivaient et un Xanos à l'esprit visiblement perturbé.
A son tour, revigoré par le soutien de son ami, il murmura une prière à ses ancêtres, les yeux braqués au devant, à l'affut de toute trace de leur proie.
LE DISDASKALOS HOMEROS fut interrompu durant sa rédaction d'un des nombreux rapports au Capitaine Angelius lorsque la porte de son bureau s'ouvrit à la volée, laissant entrer le Maître Arkos et ses serviteurs.
Homeros se leva, surpris par cette intrusion si peu coutumière de la façon d'agir du Pédotribe, et fronça les sourcils en constatant la mine ouvertement inquiète d'Arkos.
-Que se passe-t-il, Maître Arkos? demanda-t-il. Que justifie cette arrivée tonitruante?
-Le groupe 2B, je n'ai plus aucun contact avec eux depuis quelques heures. Les communications ne passent plus. Mes serviteurs ont perdu leur trace depuis quelques minutes. Ils sont entrés dans la zone noire.
-Ce sont des choses qui arrivent là bas, Maître Arkos, vous le savez, n'est ce pas? l'interrompit Homeros en levant deux mains apaisantes. La zone noire est ainsi faite pour provoquer une coupure des communications afin de voir comment ils réagiront eux même à cet imprévu...
-Je le sais bien, éminent Maître, mais même leur trace suivie depuis les services en orbite a disparue. Cela fait trois fois que je contacte la station Phalanx, mais ils ne reçoivent rien.
-Voilà qui est préoccupant en effet, mais je vous en prie, tempérez vous, Maître Arkos. continua de l'apaiser Homeros. Peut être un dysfonctionnement qui bloque toutes les communications, même indécelables, avec cette zone noire...
-Non, seule la leur est coupée. contra Arkos. En revanche, depuis que leur signal a disparu nous avons capté celui ci. ajouta-t-il en jetant une plaque de données sur le bureau en face du Disdaskalos qui la regarda attentivement, le front plissé en une cascade de rides préoccupées.
-Le groupe 1A? Mais ce signal... commença-t-il.
-A disparu depuis un an, jour pour jour. acheva Arkos avec insistance.
-Mais c'est impossible! 1A a été entièrement décimé! s'étonna Homeros, la mine grave.
-D'où ma préoccupation, Maître. Parce que 1A a précisément disparu dans la zone noire et n'a plus émis depuis...
Homeros se représenta petit à petit la situation en train de se former, et il jeta un regard plein de crainte à Arkos, se maudissant de n'avoir rien dit au Chapelain Honorius de ce qui se passait depuis peu. Par peur sans doute. Cette émotion que les Space Marines ne pouvait pas ressentir. Mais il n'en était pas un. Il avait échoué, et malgré ce que lui avait dit le Chapelain plus tôt, le vieux Disdaskalos ressentit durement ce nouvel échec.
-Contactez immédiatement Honorius!
-Le Chapelain? Mais il a demandé à n'être dérangé en aucun cas...
-Contactez le immédiatement, Maître Arkos! le coupa brutalement Homeros. Il doit savoir ce qui se passe. Ils courent un grave danger!
"Par ma faute" rajouta-t-il pour lui même, au comble du malaise.
BONDISSANT D'UN ROCHER à l'autre tel un prédateur en chasse, Theseus continuait sa reconnaissance, pratiquement invisible, une main serrée autour de son couteau de combat et l'autre plaquant son fusil contre son flanc. Plus il suivait les traces laissées par ceux qu'ils poursuivaient, et plus il s'enfonçait dans une région de plus en plus sombre de la jungle, la luminosité étant par endroits tombée trop bas pour qu'on se croit encore en pleine journée. Les reliefs rocheux se faisaient de plus en plus fréquents, et la végétation de plus en plus éparse et mourante, comme si cette zone avait été asséchée, laissant place à des feuillages brunis et rabougris et des plaques d'argile craquelé au sol. L'air était plus frais et sec et une brume se jetait peu à peu dans les alentours. L'éclaireur contourna un énorme rocher recouvert de lichen noirci et se pencha sur ce qui venait d'attirer son regard. Un nouveau morceau d'étoffe rouge, sale et effiloché. Cette fois, il y avait aussi quelques douilles rouillées et à demi ensevelies dans la terre séchée, ainsi qu'un petit tas de linges couverts d'un sang marron, visiblement abandonnés là depuis très longtemps.
L'adolescent ramassa l'une des douilles et l'examina de plus près, constatant que c'était exactement le même calibre qu'il utilisait lui même pour son fusil. Cela confirma en tout cas qu'elles furent laissées là par des Élèves de la Caserne, mais l'état des douilles abandonnées et des pansements usagés démontrait que cela datait de longtemps. Ce n'était pas le cas du morceau d'étoffe arraché, qui était vraisemblablement tombé récemment à terre, son état loin d'être neuf et propre, mais suffisamment peu abimé et souillé par la terre pour que Theseus soit sûr que celui qui le portait l'avait perdu depuis quelques instants.
Il passa la paume de sa main gauche sur la surface du rocher, tenant toujours le tissu rouge dans l'autre main, et en palpa les contours, à la recherche d'un quelconque indice. Très vite, ses doigts trouvèrent des marques profondes laissées dans la pierre, et Theseus se rapprocha pour constater qu'il s'agissait de traces de griffures, aussi surprenant cela puisse paraître, ou tout du moins démontrant que la bête qui avait donné un coup ici était dotée d'une force prodigieuse pour entamer ainsi le rocher. Il observa les traces profondes et jugea à leur aspect qu'elles étaient probablement assez récentes, ne présentant pas le même coloris que le reste du rocher, oxydé par le temps et le climat, une fine poussière s'étant déposée au creux des marques, au grain clair, prouvant qu'elle était tombé là depuis peu de temps.
L'adolescent se releva et jeta un regard circulaire, les oreilles aux aguets, sentant la jungle palpiter, éprouvant chacun de ses mouvements, de ses bruits, et finit par repérer un tas de buisson aux brindilles cassées en tout sens, traçant un passage chaotique, comme laissé par quelqu'un qui fuyait. Arrivé plus près, il remarqua au sol trois empreintes différentes, appartenant à trois humains différents qui étaient passés par là. Un peu plus loin, il remarqua un mince arbuste étrangement penché, et découvrit également les marques de passage de quatre autres individus.
Plus loin encore, un escarpement rocheux s'enfonçant vers un espèce de ravin descendant sur deux ou trois mètres présentait les traces du passage d'un groupe constitué d'au moins dix personnes.
Et toutes les marques étaient fraîches. Il touchait au but.
Retraçant les différents points de passages, il déduisit qu'un groupe initial d'à peu près quinze personnes s'était regroupé autour du gros rocher aux côtés duquel gisaient les douilles et les vieux bandages. Les marques de griffures indiquaient qu'ils avaient été attaqués par une créature probablement de forte stature et d'une grande force, et avaient fui en se séparant en trois groupes, l'un partant vers le nord, l'autre un peu plus à l'est, et le plus important vers l'ouest, et cet espèce de sentier s'enfonçant sous une grosse masse rocheuse.
Theseus était persuadé qu'ils avaient fui, car aucune trace de combat n'était visible, aucune douille récente, aucune tache de sang, aucun trace d'affrontement au corps à corps. Mais il fut également surpris par le fait qu'il n'y avait aucune trace de la créature ayant porté l'assaut, et pourtant, étant donné la force qu'il avait fallu pour entamer à ce point la roche, elle devait être puissante et grande.
Il chercha durant quelques minutes, en vain, et abandonna pour décider de la démarche à suivre. Il porta un doigt au vox communicateur plaqué à sa gorge, et appela Xanos. Un grésillement résonna dans son oreillette, et il appela à nouveau. Sans succès. Les communications étaient hors service. Impossible. C'était du matériel neuf et leur fréquence était unique. Il était également peu envisageable que ce soit simplement l'humidité qui ait rendu inactif son appareil de communication.
Il poussa un grognement de dépit et renonça à contacter le reste du groupe. Il avait alors deux choix devant lui. Les rejoindre, ou continuer sa surveillance. En tant qu'éclaireur il était dans l'obligation de faire un rapport de situation et ladite situation était suffisamment étrange pour qu'il doivent les rejoindre pour en rendre compte à Xanos. Mais elle était aussi assez étrange pour piquer sa curiosité et il jeta un regard perplexe vers l'endroit où s'était dirigé le gros des fuyards. Si il y avait un caverne par là, il était pratiquement sûr de pouvoir y trouver davantage d'indices pour comprendre la situation.
Les enseignements de la Caserne lui revinrent à l'esprit, et il savait qu'il devait rebrousser chemin. Mais il finit par céder à son envie d'en savoir plus, et parti en direction du sentier de pierre s'enfonçant entre des rochers de plus en plus gros et de plus en plus haut. Il s'engagea dans le chemin, suivant les traces laissées par ses proies et avança prudemment, arme levée et chargée, tout son corps tendu par la concentration et l’excitation.
Au bout d'un court instant, il se retrouva effectivement perdu au milieu d'un labyrinthe de roche, le chemin de plus en plus étroit, les rochers s'élevant bien haut au dessus de sa tête. Et comme il l'avait suggéré, il finit par atteindre l'entrée d'une caverne. En y pénétrant, il fut immédiatement plongé dans les ténèbres, et accueillit avec soulagement une fraicheur plus que bienvenue après qu'il eut enduré l'étouffante chaleur de la jungle.
Il ferma les yeux un instant pour se déshabituer de la lumière extérieure, et le rouvrit, voyant un peu mieux, sa rétine à présent plus à même de percevoir le décorum, plongé dans une obscurité tenace.
Il avança à pas de loup dans l'entrée, laissant derrière lui la seule issue et détailla chaque reliefs attentivement, afin de ne rien manquer. Au bout d'un moment, l'obscurité était trop profonde et il se résolut à user d'un tube de lumière qu'il craqua rapidement pour le placer sous sa toge, afin d'en atténuer l'éclat, tout en s'assurant un minimum de clarté.
Il déboucha finalement sur un vaste hall de roche au centre duquel reposait paisiblement un petit lac d'eau cristalline. Il s'arrêta un instant pour reconnaître les alentours par plusieurs tours de regard, avant de constater qu'il n'y avait rien, pas âme qui vive. La soif vint prendre la place de la curiosité, et, passant son fusil en bandoulière, il marcha d'un pas nerveux vers le lac souterrain et se jeta à genoux pour y plonger la tête, tout son corps frémissant d'un plaisir contenu de pouvoir enfin se désaltérer. Il but plusieurs gorgées, les yeux clos de bonheur, et savoura doucement chaque lampée.
Un craquement soudain le fit se figer et il tenta de se retourner arme en main. Mais avant même qu'il ait touché la courroie de son fusil, il sentit une vive douleur à l'arrière du crâne et sa vision se brouilla instantanément.
La dernière chose qu'il sentit fut la délectable fraîcheur de l'eau de source dans laquelle chuta son corps, son ouïe immédiatement assourdie par la plongée dans le lac, et par les ténèbres qui l'envahissaient.
Puis il ne sentit plus rien.
Après cela, ce ne sera donc que du nouveau et de l'inédit.
Bonne (re)lecture!
***
Chapitre 3:
La jungle - Corruption
Chapitre 3:
La jungle - Corruption
C’ÉTAIT PRESQUE COMME entrer dans un four construit en plein désert et brûlant à plein régime. Theseus leva ses yeux plissés vers les feuillages qui leur cachait le ciel, et se demanda comment par tous les enfers était il possible que les zones d'ombre au sein de la forêt étaient plus étouffante que de se tenir en plein soleil.
La végétation touffue et chaotique était difficilement pénétrable, et l'un des Élèves du groupe venait de délaisser sa machette qui s'était brisée net sur une racine gargantuesque qui leur barrait le passage.
Par endroits, les arbres étaient tellement touffus et resserrés que les adolescents avaient l'impression d'évoluer en pleine nuit, avant que le soleil ne revienne les rôtir dès qu'ils passaient dans une zone dégagée.
Des nuées d'insectes alourdissaient davantage l'atmosphère étouffante de la jungle, les dévorant tout en leur donnant l'impression d'évoluer au travers d'un rideau de ronces, tandis qu'ils pataugeaient dans d'immondes marécages au vapeurs nauséabondes.
Et pour renforcer l'ambiance d'écrasement, se repérer dans cet enfer vert était proprement impossible pour un être normalement constitué.
Le groupe 2B avait été laissé sans leur Maître tuteur à l'une des entrées de la forêt avec pour seul équipement une radio vox pour que Arkos puisse communiquer avec eux, un maigre sac de victuailles pour la plupart d'un aspect peu ragoûtant, une plaquette de données contenant leurs objectifs ainsi qu'une oreillette vox chacun pour pouvoir communiquer entre eux, et seulement entre eux, la fréquence ayant été bloquée.
Chacun d'eux était vêtu d'une toge de toile écrue sur laquelle ils avaient revêtu une armure légère constituée de plaques de fer grossières et de bandes de cuir fatiguées. Pour tout armement, chacun possédait un couteau de combat standard, comme ceux que possédait la Garde, et un fusil à pompe aux munitions plus que limitées. Un seul d'entre eux, Priap, eu l'honneur de recevoir un petit lance flammes, et deux autres avaient reçu une grosse machette, dont une était donc à présent brisée.
Theseus s'adossa à un arbre noueux au tronc deux fois plus large qu'un fût de canon Baneblade, et regarda aux alentours, le fusil plaqué contre son poitrail, les yeux plissés pour tenter de percer la lumière aveuglante qui dardait le marécage puant, des petits nuages de brouillard verdâtre accrochés à sa surface visqueuse et saumâtre. Il leva enfin un poing et fit signe en silence à son groupe que la voie était dégagée.
Les dix autres adolescents passèrent devant lui en tentant de minimiser le son de leurs pas empêtrés dans la vase, un affreux bruit de succion retentissant au moindre geste.
Xanos passa à ses côtés et s'arrêta un moment, regardant dans la même direction que l'éclaireur qu'il avait désigné.
-On doit contourner se marais, Theseus, sinon, on va se déshydrater à toute vitesse... souffla-t-il.
-Je suis d'accord. Mais par où on passe? Je n'ai repéré aucun autre passage. Notre seule voie passe par ce foutu limon.
-Le lance flammes? demanda Xanos en haussant un sourcil.
-Trop voyant. répondit simplement Theseus en continuant d'observer le décor devant eux, le reste du groupe agglutiné derrière un énorme tronc abattu, attendant les directives de Xanos, désigné chef de groupe.
-Dans ce cas on a pas trop le choix. répondit ce dernier en serrant les dents de crispation. Va falloir aller vite, mais sans efforts inutiles si on veut pas se retrouver aussi sec que des triques.
-Dis aux autres de rationner l'eau, on va pas en trouver de fraîche ici. ajouta Theseus en pointant du menton deux adolescent avalant de grande goulée du liquide précieux.
Xanos jura et se dirigea nerveusement vers les deux fautifs pour les admonester, leur faisant immédiatement ranger leurs gourdes avec interdiction de s'en servir sans ordre. Resté en arrière, Theseus fut rejoint par son ami Priap, tenant gauchement le lance flammes éteint en bandoulière sur son épaule.
-Pas de passage sûr? demanda -t-il dans un murmure en se penchant contre le tronc, tournant la tête dans la même direction que le regard de son camarade.
-Aucun. On va prendre un joli teint bronzé dans pas si longtemps que ça... Je ne vois aucune autre solution. répondit Theseus, scrutant inlassablement le marécage.
-Ça a l'air de bien se passer avec Xanos... fit Priap, changeant brutalement de sujet.
-Pourquoi est ce que nous devrions être en mauvais termes? s'étonna Theseus, d'un ton malgré tout acide. Notre combat fut rapide et nous avons tous deux perdu suivant la règle établie par Maître Arkos. Je l'ai touché en faisant une erreur, et j'ai payé ma rapidité par le sang, tandis que lui a vengé sa défaite d'un dernier coup. Aucun de nous n'a vaincu l'autre. Il n'y a pas lieu d'être rancunier l'un envers l'autre quand aucun n'a surpassé l'autre.
-Il t'a pourtant bien amoché... fit Priap d'un ton absent.
-Ce n'est rien, des cicatrices, j'en récolterais d'autres... répondit Theseus en haussant les épaules, avant d'effleurer la profonde coupure qui était venu lui marquer la joue gauche sur toute la longueur. Malgré les points de suture, elle saignait encore, et des perles de sang séché s'en détachaient.
Xanos se tourna vers eux et leur fit signe de les rejoindre d'un geste de la main. Sa discussion avec Priap encore toute fraîche, Theseus ne put s'empêcher de jeter un coup d’œil à la cicatrice tout aussi fraiche qui courait dans le dos de son chef de groupe, qu'il avait tenté de vaincre de la même manière qu'il avait vaincu Qortos. Lorsqu'il s'était lancé en avant, Xanos avait eu juste le temps se pivoter sur lui même pour éviter un coup porté aux conséquences graves, et la pointe de son propre glaive était venu mordre dans le visage de Theseus. Les deux adolescents s'étaient ainsi retrouvés à terre au même moment, versant leur sang et ayant lâché leurs armes sur le coup de la stupeur d'être touché. Maître Arkos s'était contenté de sourire d'un air satisfait avant de déclarer le duel nul par égalité.
-Je suis heureux de t'entendre dire que ton cœur ne connait aucune haine envers celui qui t'a blessé. fit fièrement Priap. Cela prouve que contrairement à certains d'entre nous, tu as compris la valeur d'un frère, même dans l'adversité, et que tu ne le trahira jamais. Les Ancêtres soient remerciés pour ta sagesse, mon ami.
Le jeune garçon alla rejoindre Xanos et le reste du groupe, talonné par Theseus, souriant et heureux de se sentir ainsi soudé au groupe, à Xanos, Qortos, Priap et les autres, ses frères, sa famille.
Il s'arrêta brusquement, l'oreille tendue et se tourna pour regarder vers les profondeurs de la jungle infernale. Il était persuadé d'avoir entendu un craquement, ou du moins quelque chose de massif se déplacer. Mais rien. Il resta un moment ainsi, la respiration bloquée, les sens en alerte. Finalement il ne se passa rien, et il balada son regard une dernière fois avant d'aller rejoindre son groupe en secouant la tête de dépit.
Xanos l'accueillit en lui jetant un regard inquiet.
-Que s'est il passé? demanda-t-il.
-Rien, j'ai cru entendre du mouvement, mais il n'y avait rien que les ténèbres de la forêt. répondit Theseus en haussant les épaules avant de rajouter en faisant la moue. Cette maudite chaleur me joue des tour peut être...
-Concentres toi alors. répliqua sèchement Xanos. Nous sommes encore loin de notre premier objectif, et nous devons être à pleines capacités.
-Je serai en alerte, frère. Ce genre d'hésitation ne se reproduira plus. promit Theseus.
-Bien, je te fais confiance. Nous sommes sûrement encore dans la zone d'entrée sud est de la forêt, et la balise que nous devons rejoindre se trouve plus au nord. On a de la route à faire et je ne veux pas que nous gaspillions nos ressources, alors rationnez vous et faites preuve de force pour surpasser ces conditions d'enfer. Notre tâche première est de reprendre contact avec 2A, puis de converger avec eux vers notre objectif premier, à savoir une reconnaissance standard d'un terrain désigné "Gladius". Une fois la reconnaissance effectuée, nous devons récupérer l'objet désigné comme étant le "Bouclier". Aucune indication quant à ce que c'est, mais 2A possède des informations à ce sujet. Tout ce que nous savons c'est qu'il nous faudra utiliser le "Bouclier" pour abattre la créature désigné comme cible prioritaire. Maître Arkos devrait nous donner d'autres directives d'ici ce soir.
-Comment procédons nous? demanda Priap.
-Theseus, d'après toi où en sommes nous? demanda Xanos en présentant une petite carte de la forêt, sommairement schématisée.
-D'après notre vitesse de progression et les alentours, nous avons progressé sur près de trois ou quatre kilomètres en partant de l'entrée sud est. La dernière émission de la balise de 2A provenait de cette zone, à près de six kilomètre nord ouest, il y a exactement trente deux minutes et douze secondes. A cette allure, si nous allons droit, nous pouvons les rallier en moins de deux heures.
-Bien, j’étais arrivé à la même conclusion, à ceci près que je pensais prendre ce chemin comme détour potentiel. indiqua Xanos.
-Trop long, on risque de s'éloigner. répliqua un élève du nom de Karios, immédiatement approuvé par Theseus.
-Notre itinéraire doit rester le plus droit possible pour respecter les délais. expliqua ce dernier. Pour le moment nous n'avons pas rencontré d'obstacles significatifs, donc espérons que ça reste le cas.
-Les Ancêtres nous guideront, et l'Empereur nous protègera. fit Priap d'un ton cérémonieux. Ses camarades le regardèrent un instant, surpris, avant d'acquiescer ensemble.
-Et ce trajet là? demanda Qortos en indiquant un tracé douteux sur la carte.
-C'est là que 3A est tombé dans un embuscade contre des juscuss, et j'ai entendu dire que 2D a connu ce matin le même échec, mais avec encore plus de pertes. répliqua Jaros en secouant vivement la tête. Ils étaient quarante, nous ne sommes que onze...donc...
-A éviter donc...conclu Xanos. Le trajet qu'indique Theseus semble être le seul adéquat, et celui que nous allons prendre. En route, mes frères.
Tous approuvèrent et se mirent en route sans d'autres remarques.
Theseus devait partir en avant en compagnie de Qortos, pour assumer son rôle d'éclaireur. En partant, il jeta un dernier coup d'oeil en arrière, toujours certain d'avoir décelé du mouvement.
Puis il abandonna et continua sa progression au pas de course pour ouvrir la voie.
HONORIUS SORTIT ENFIN des ténèbres, son armure noire l'ayant dissimulé à la perfection. Mais l'un d'eux l'avait remarqué, sans pour autant parvenir à le débusquer. Brillant...
Mais le Chapelain restait de plus en plus intéressé par l’Élève du nom de Priap, qui semblait empli d'une profonde piété et débordant de foi. Il ferait sûrement un excellent Apprenti auprès de lui...
Honorius attendit que le groupe le distança quelque peu, puis partit sur leurs talons, ses sens génétiquement améliorés lui permettant de les suivre à la trace sans aucun effort.
ENFONCÉ JUSQU'AUX GENOUX dans le bourbier nauséabond, le groupe d’Élèves progressait lentement dans le marécage, tenant leur équipement en hauteur pour éviter de le détériorer, Theseus loin en tête du groupe, et Qortos fermant la marche. Le soleil était sans pitié et à de nombreuses reprises, des Élèves du groupe manquèrent de se laisser terrasser par la chaleur, vacillant au milieu de leur avancée, avant que Xanos ne les invective pour les pousser à passer outre leur désagrément.
La fin de ce calvaire infernal se rapprochait tandis qu'ils distinguaient une rive boueuse bordée d'arbres massifs et tordus, d'épaisses lianes terreuses trainassant à terre ou à moitié enfoncée dans la fange, comme d'épais câblages rouillés depuis des siècles. Par moments, le terrain se relevait et ils pouvaient arpenter une terre à peu près stable, mais très spongieuse, et ils devaient mettre tous leurs sens en alerte pour éviter d'être happés dans le piège mortel de sables mouvants, parfois repérables aux quelques ossements qui en dépassaient comme une macabre mise en garde. Beaucoup de ces vestiges morbides disséminés ça et là sur des terrains à l'allure avantageuse arboraient des reliquats d'étoffes bleues, vêtement des Élèves de la Caserne.
De gros troncs noueux et pourris crevaient régulièrement la surface du limon comme d'autres ossements, une épaisse mousse gluante les ayant depuis longtemps recouverts, et de gros rochers grisâtres couverts de végétation humide parsemaient le décor putride. Une épouvantable odeur de décomposition parachevait ce tableau d'horreur marécageuse, faisant suffoquer les futurs Apprentis tandis qu'ils peinaient à garder une bonne cadence de progression.
Theseus posa le premier un pied mal assuré sur le rivage vaseux et se retourna pour indiquer au reste du groupe qu'ils arrivaient à la fin de leur calvaire. Xanos s'empressa de le rejoindre, suivi de Priap, Karios, et des autres, jusqu'à ce que Qortos s'extrait en dernier de l'eau saumâtre et collante, non sans exprimer son soulagement par un grognement d'impatience.
Xanos envoya immédiatement Hukarios et Gonok, deux des adolescents, en avant pour établir une reconnaissance, les punissant par la même occasion de leur manque de discipline survenu plus tôt lorsqu'ils avaient étanché leur soif sans en avoir demandé la permission. Les autres se tinrent en alerte, et le chef de groupe rejoignit Theseus occupé à essorer le bas de sa tunique souillée.
-Nous sommes trop lent. dit il simplement, en jetant un regard anxieux au marécage qu'ils venaient de quitter.
-Je sais. répondit Theseus sans se détourner de son occupation. Nous avons mis presque trente minutes de trop. Certains membres du groupe sont trop faibles pour suivre notre rythme. Je doute qu'ils aillent jusqu'au Rituel.
-Desquels veux tu parler, frère? demanda Xanos, sachant pourtant la réponse évidente, mais souhaitant confirmation.
-Gonok, Hukarios et Junos sont déjà épuisés, et Kulios présente des difficultés de concentration évidentes.
-Laros? questionna Xanos, au sujet de l'autre Élève dont il doutait.
-Non, pas lui. Il est juste renfermé, mais je peux sentir que sa détermination est aussi forte que la nôtre et sa concentration encore plus. Il est juste taciturne.
-Je l'ai vu boiter... se justifia Xanos.
-Il a pris un mauvais coup hier. Ca ne lui portera pas préjudice.
-Noté. Quelles sont tes impressions pour la suite?
-Suivre le chemin décidé est la seule chose à faire. Mais nous devons forcer la cadence. répondit Theseus en se relevant, avant de rajouter d'un air sombre. Avec ou sans les trainards.
Xanos considéra les dernières paroles de son éclaireur, pesant attentivement les répercussions qu'aurait une telle décision. L'une des règles de la Caserne était de ne jamais abandonner l'un d'entre eux derrière à moins qu'il ne fasse lui même ce choix de bon cœur. Autrement dit, si ils voulaient se débarrasser des éléments faibles, il leur faudrait les en persuader. Or c'était un rôle que Xanos ne pensait pas pouvoir endosser.
Priap, qui les avait rejoint, senti le manque de certitude du chef de groupe et se sentit le devoir de lui venir en aide.
-Laisse moi leur parler, frère. dit il d'un ton calme. Je saurais les convaincre de redoubler d'effort. Si ils n'ont pas le coeur assez pur pour honorer leurs devoirs envers nous et notre tâche, alors ils resteront en arrière et subiront les conséquences de leur échec.
-Merci Priap. fit Xanos en posant une main amicale sur l'épaule du colosse, reconnaissant. Je sais conduire des troupes, mais j'admets que je crains de leur parler.
-Chacun sa tâche, frère. l'apaisa Priap avec un sourire. Je rallumerai l'ardeur dans leur coeur et leurs âmes et ils nous suivront.
-Tu ferais un bon meneur... déclara Xanos avant de garder le silence quelques instants en regardant le groupe récupérer de leur avancée difficile. Va les préparer, nous allons repartir dès que Gonok et Hukarios reviendront de leur surveillance.
Priap hocha la tête et s'en alla préparer les autres Élèves à reprendre leur périple. Xanos se pencha vers Theseus, le visage subitement fermé en une expression de crainte.
-Je ne peux pas continuer ainsi, frère... lâcha-t-il avec difficulté, comme si les mots avaient du mal à sortir de sa gorge.
-De quoi parles tu? s'étonna son interlocuteur.
-De ça. répliqua amèrement Xanos en désignant le groupe d'un signe de tête. Tout le monde sait que je suis le favori d'Arkos, mais je ne m'en sens pas le droit. Je ne suis en rien un leader. Toi, ou Priap, en revanche...
-Ne dis pas des choses comme ça, Xanos! le contra sèchement Theseus. Tu as été désigné comme chef de groupe, tu dois donc honorer ton devoir! Le doute ne nous est pas permis!
-Cesses donc de réciter tes leçons, Theseus! siffla Xanos, le regard implorant, presque pathétique. Je n'ai pris aucune décision jusque là sans t'avoir consulté, ou sans avoir eu l'appui de Priap. Je ne sais pas ce qu'il faut dire ou faire! Je suis...perdu!
Il fut interrompu dans ses jérémiades lorsque Theseus le mit à terre d'un violent coup de poing au menton, avant de le remettre durement sur pieds, en l'agrippant par les épaules, et rivant un regard brûlant de rage contenue dans ses yeux larmoyants.
-Ressaisis toi Xanos! l'invectiva-t-il. Tu as reçu une mission, et tu n'aura de aucun repos avant notre objectif accompli! Tel est ton devoir, alors cesse de douter et remplis le! Tu n'as pas le choix! Si Arkos nous entendais actuellement, tu repartirais de la Caserne les pieds devant! Alors respecte les engagements que tu as pris et la mission qui t'as été confiée, ou par Terra je te jure que ce sera moi qui t’abattrai!
Un silence de mort tomba sur le groupe entier, uniquement troublé par les palpitations de la forêt, les sept Elèves contemplant stupéfaits leurs deux camarades agrippés. Theseus relâcha Xanos dans un dernier regard de braise avant de ramasser ses affaires et se diriger vers l'orée de la jungle. Xanos resta interdit un moment avant de secouer la tête et de suivre les pas de son éclaireur, juste alors que revenaient Gonok et Hukarios, l'air surpris, haletants.
-Que se passe-t-il? demanda Gonok. On a entendu crier...
-Rien. fit Xanos d'un ton cassant. Rapport?
-Rien à signaler, le chemin semble dégagé. répondit Gonok.
-"Semble dégagé", ou "est dégagé"? insista Xanos, le regard sombre.
-Y'a rien devant nous. confirma Hukarios. Que de la végétation plus touffue que els avants bras de Maître Arkos.
Cette remarque ne manqua pas de faire sourire quelques Elèves, et intérieurement Hukarios fut satisfait d'avoir pu détendre une atmosphère apparemment tendue. Il savait que certains doutaient de ses capacités, mais il était bien décider à ne rien leur lâcher.
Theseus hocha la tête en souriant à son tour et s'avança vers eux, en direction de la jungle qui les attendaient en donnant une tape satisfaite sur l'épaule des deux éclaireurs lorsqu'il leur passa à côté.
Xanos prit la suite, se forçant lui aussi à sourire, l'estomac noué par son épisode nerveux, se concentrant pour retrouver ses esprits. Il ne savait même pas pourquoi il avait à ce point failli. Il savait qu'il avait le devoir de commander. Qu'est ce qui avait pu bien le faire vaciller à ce point? La chaleur?
En lui passant devant, il vit à son visage que Priap avait deviné ses doutes et avait senti sa résolution refaire surface. Mais il se méfiait. Xanos accéléra le pas sans un mot pour emmener son groupe dans l'enfer vert, sentant son malaise grandir et tentant de le contrôler. Il ne devait plus faillir devant ses hommes. Plus jamais!
Alors que Theseus partait à nouveau remplir sa fonction d'éclaireur attitré, le groupe des onze Élèves reprit sa marche dans la jungle luxuriante et étouffante, Qortos une fois de plus en fin de cortège, aux aguets.
Pas suffisamment toutefois pour déceler la silhouette noire et massive qui se faufilait sans efforts quelques mètres seulement derrière eux.
HONORIUS FRONCA LES sourcils en suivant la progression du groupe. Ce qui s'était passé aurait pu être normal, un Elève qui craque, la pression de l'épreuve trop forte, et sa résolution le quittant. Mais là ce n'était pas pareil. Il y avait autre chose, quelque chose de bien trop familier pour le vieux guerrier qu'il était.
Un élément avait flanché, tandis que d'autres avaient brillé, et en particulier ceux qui intéressaient le Chapelain. Ce Theseus semblait armé d'une volonté d'acier, et son jeune ami Priap était pour sa part un exemple vivant de foi armée. D'autres éléments semblaient tout aussi bien se détacher du lot, comme Hukarios, qui était pourtant apparu au départ comme un élément faible, et qui avait fini par briller en éclaireur d'un moment, subtil et discret comme un fantôme.
Mais Xanos? Un élément si encensé par son maître, aux résultats si probants? Montrer une telle faiblesse?
Honorius ne le quitta plus des yeux, attentif au moindre de ses mouvements. Il espérait en son for intérieur avoir tort, et que c'était uniquement la tension de la situation qui avait fait vaciller la volonté de cet Élève prometteur, mais son esprit lui criait le contraire.
Et sur sa langue palpitait le goût infâme de la magie, comme partout dans cette forêt infernale...
L’AVANCÉE SE FAISAIT DE PLUS EN PLUS PÉNIBLE, à mesure qu'ils progressaient dans l'enfer vert, la végétation se faisant de plus en plus dense, les obstacles de plus en plus difficiles à éviter, la chaleur toujours autant intolérable. Le bruit produit par la faune locale était assourdissant, des milliers d'insectes crissant de concert, des dizaines d'oiseaux étranges faisant frémir les arbres touffus, augmentant la tension déjà à son summum. La lumière du soleil implacable perçait difficilement dans cette zone, et une pénombre moite avait remplacé l'éclatante clarté de l'astre, ce qui ne changea pas pour autant leur impression d'évoluer dans un four lancé à plein régime.
La boue avait fait place à une terre sèche et poussiéreuse, craquelée et veinée de racines entremêlées, parcourue de nuées d'insectes aux carapaces noires. Les arbres tordus de la jungle étaient d'une circonférence proprement gigantesque, leurs troncs faisant parfois plusieurs mètres de diamètre, ramassés, rabougris, tassés les uns sur les autres, à tel point qu'il était parfois difficile de savoir s'il s'agissait d'un seul plant ou de de plusieurs agglutinés en un tas difforme de bois et de feuilles titanesques. Les rochers étaient dissimulés sous l'écrasante présence de cette végétation touffue et sauvage, et il était parfois impossible de savoir qu'ils étaient là, comme l'avait expérimenté Xanos en ébréchant sa machette sur l'un d'eux, pensant trancher une racine leur barrant la route.
Par moments, le groupe devait enjamber de petits ruisseaux boueux, suintant au travers de ce décor impénétrable, charriant dans ces flots visqueux quantité de végétaux morts et de restes d'animaux morts, le tout formant une pâte à l'odeur écœurante se frayant un chemin sinueux comme un magma de matière pourrie.
L'humidité était telle malgré l'écrasante chaleur que même ce sol desséché devenait pas endroits aussi glissant que de la glace, et les onze Élèves se retrouvèrent assez vite couverts de boue et de déchets organiques dont ils se refusaient à deviner l'origine.
Au détour d'un arbre abattu dont le tronc gorgé d'eau moisissait lentement en attirant des nuées d'insectes, Theseus leva le poing en se figeant en un clin d’œil, arrêtant le groupe dans la demi seconde qui suivit son geste. En silence, il leva deux doigts et les pointa vers une formation végétale qui semblait ravagée, et fit un mouvement latéral de son bras comme pour mimer un débroussaillement massif. Xanos hocha la tête et l'éclaireur partit prudemment en avant, s’arrêtant au beau milieu de ce qui s'avérait effectivement comme une succession de branches tranchées ou brisées. Il s'agenouilla lentement et étendit un bras pour palper le sol du bout de ses doigts, tandis que de l'autre main il effleurait les branchages malmenés. Il leva la tête vers d'autres branches cassées et suivit doucement du regard le parcours que suivait ce passage de force. Au bout d'un examen attentif qui dura moins d'une minute, il se releva et rejoignit le groupe avec la grâce d'un prédateur à l'affut.
Xanos l'interrogea silencieusement du regard et Theseus lui désigna le sentier tracé par les branchages brisés.
"Dix personnes, peut être douze. En file indienne, et à une allure rapide. Les coups ont été donnés à l'aide d'une lame en mauvais état, probablement de même facture que nos machettes. C'est frais, peut être une demi heure, pas plus.
-2A, tu penses? demanda Xanos.
-C'est impossible frère. intervint Qortos. 2A ont été recensés à trente six combattants lors de leur entrée dans la forêt. Et leur dernière émission les situe à un ou deux kilomètres plus à l'est.
-C'est juste. acquiesça Theseus en hochant la tête. Et le cheminement de ceux qui sont passés par là va justement vers l'est. Si c'était 2A, il serait en notre direction.
-Alors qui? demanda l’Élève Nektoos. Un autre groupe?
-Leur formation et les marques qu'ils ont laissées suggère en effet des Élèves de la Caserne. confirma Theseus. Mais normalement nous devrions être seuls avec 2A pour cette session.
-En effet, Maître Argos nous aurait avertis. ajouta Xanos.
Une brusque envolée d'oiseaux les interrompit et tous se tournèrent dans la direction des volatiles, Theseus n'ayant aucun besoin de leur notifier que ça provenait de la zone dans laquelle était supposé évoluer le groupe inconnu. Un court instant après, des tirs éclatèrent, dans un écho lointain, mais s'arrêtèrent aussitôt. Xanos et Theseus échangèrent un regard préoccupé, avant que le chef du groupe ne prenne sa décision en ordonnant de suivre les traces laissées par le groupe inconnu, probablement à l'origine du court échange de tirs. Theseus consulta brièvement sa carte, selon laquelle la direction qu'ils prenaient ne devait pas les éloigner de trop loin de leur chemin initial.
Le groupe partit au pas de course sur un chemin déjà tracé, armes levées, prêts à affronter un quelconque menace. Theseus, toujours en avant, tous ses sens aux aguets, mesura la distance qui était sensée les séparer de leur nouvel objectif, et constata qu'à cette allure soutenue, ils devraient l'atteindre en seulement quelques minutes.
Soudain il se sentit violemment partir en avant et réalisa qu'il venait de déboucher sur une brusque pente. Il chuta en se maudissant intérieurement pour son manque de vigilance, et tomba lourdement sur le dos, ses poumons se vidant d'un seul coup, une violente douleur lui perçant le bas du dos. Le souffle coupé, il parvint toutefois à se remettre debout en un instant, crispant les dents sous le coup de la douleur, et jeta un regard alentour pour déceler tout danger, avant de siffler trois fois de suite, avertissant ainsi ses camarades de la pente dangereuse.
Le reste du groupe finit par le rejoindre sans faire la même erreur stupide, et Xanos s'approcha de lui avec un froncement de sourcils réprobateur.
-Tu es blessé, frère. dit il simplement en désignant du doigt la tache de sang grandissant dans le dos de l'éclaireur.
-Je ferai pénitence pour ma faute. déclara Theseus, sans se préoccuper davantage de sa plaie. J'ai été idiot.
-Je t'ai dit que tu étais blessé, je me fiche pas mal de t'entendre dire que tu es un fou inconscient. lui rétorqua Xanos avec une moue de dédain. Tu t'occupera de ta pénitence plus tard, pour le moment nous avons d'autres baratis à fouetter!
Sans laisser de temps à son éclaireur pour répondre, il s'avança vers lui et arracha brusquement la branche qui était fichée dans le bas de son dos, arrachant un glapissement de douleur à Theseus. Il jeta la brindille ensanglantée de côté et considéra la blessure.
-Superficiel. Tu t'en sortira. dit il sèchement. Maintenant, qu'en est il de la situation? Où sommes nous?
-Nous sommes proche de la zone de tirs supposée. Les traces de ceux que nous suivons sont plus clairsemées et les coups portés plus hasardeux, on dirait qu'ils étaient en train de courir. Pour quelle raison je ne le sait pas, mais visiblement ils étaient en chasse.
-Ou en fuite. observa Priap, en soulevant du bout du pied un morceau de tissu sale.
Theseus se pencha pour le ramasser, et leva les yeux vers Xanos avec une expression de doute.
-Un morceau d'étoffe provenant de la Caserne. fit il en levant le morceaux de tissu. Mais il est rouge. Aucun groupe supposé être ici n'est sensé porter du rouge. C'est la couleur...
-Des baraquements 1. acheva Xanos. C'est impossible... Les baraquements 1 ne font pas partie des sections concernées par le Rituel, et leurs épreuves se déroulent hors de Taygète. Un indice sur leur groupe?
-Non, pas d'insigne. fit Theseus en retournant le morceau d'étoffe. Ça a été arraché, et son porteur est blessé. Il y a du sang dessus.
-Les baraquements 1 ne sont pas supposés être déjà passés par le Rituel? s'étonna Qortos qui venait de les rejoindre.
-Si c'est ce que je viens de dire. fit Xanos. Ils doivent être en dehors de Taygète, pour ce qui est des reclus et de ceux qui ont échoué. Ceux qui sont devenus Apprentis sont déjà partis sur Styx depuis un an...
-C'est quoi ce cirque alors? Comment un groupe des baraquements 1 est sensé se trouver dans la forêt depuis un an sans que personne ne s'en soit rendu compte?
-Les morts ne sont pas cherchés... marmonna Priap, perdu dans ses pensées, avant de se reprendre et de rajouter à voix haute. Le groupe 1C! Vous vous rappelez?
-Oui, c'est le groupe qui a été entièrement décimé l'an passé lors de leur passage ici... se remémora Theseus. Tu crois que c'est eux? Que ce sont des survivants?
-Mais ça n'a pas de sens! observa Hukarios. Tout le monde sait que les survivants de l'épreuve sont extraits par appel radio une fois leur mission remplie...
-Et si la mission n'est pas remplie? demanda Theseus, s'attendant parfaitement à la réponse.
-Tu crois qu'on ne les a pas extraits parce qu'ils n'ont pas rempli leur objectif dans le temps demandé? s'étonna Qortos.
-Après tout, Maître Arkos ne nous a pas dit ce qui se passerai si nous avions échoué... remarqua Xanos. Vous croyez vraiment qu'ils nous abandonneraient ici?
Pas un ne répondit, car aucun ne voulait ne serait-ce qu'imaginer cela de la part de ceux qui les entraînaient à être les meilleurs. Un tel acte irait même à l'encontre de leur code d'honneur même, ceux qui échouent ne se voyant jamais humiliés ou rejetés, et ayant toujours une place dans l'organisation sociale, politique ou militaire d'Olympus tout entier. Non un abandon était inenvisageable. Xanos finit par briser le silence en récupérant l'étoffe ensanglantée, mettant son fusil en bandoulière.
-Je n'y croit pas. Il doit y avoir une autre raison. assura-t-il. et nous allons aller la trouver.
Ce disant, il fit signe au groupe de reprendre leur chemin vers ce qui était devenu leur objectif principal. Theseus progressa aux côtés de leur chef de groupe.
-Nous ne devrions plus êtres très loin. dit il. Et le chemin que nous prenons ne nous éloigne en rien de notre mission. 2A devrait se trouver non loin d'ici...
-Parfait. fit Xanos en affichant un sourire satisfait. Part en avant pour faire une reconnaissance complète. Et attention où tu mets tes pieds cette fois.
-Bien. acquiesça Theseus avant de rajouter à voix basse. Content que tu te sois repris, frère, ton rôle est essentiel pour nous tous.
-De quoi parles tu? s'étonna Xanos, faisant s'arrêter brusquement Theseus sur sa lancée.
-Eh bien, je suis content que ce qui s'est passé tout à l'heure soit du passé, que tu ai retrouvé tes esprits et ta résolution, c'est tout... s'expliqua ce dernier.
-Quoi? Mais enfin de quoi est ce que tu parles? s'exclama Xanos, les sourcils froncés.
Theseus resta interdit devant cette réaction. Un instant il crut à une blague de mauvais goût, mais réalisa qu'il s'agissait là de Xanos, et que celui ci n'était certainement pas réputé pour avoir un quelconque don pour l'humour. Aurait-il alors tout simplement oublié son craquage de nerfs? Peu probable à vrai dire, et Theseus se sentit soudain terriblement mal à l'aise.
Xanos le dardait d'un regard exigeant des clarifications, clairement dans l'ignorance au sujet de ce qui s'était passé entre eux deux une heure auparavant.
Theseus secoua la tête, un véritable ouragan de doutes assaillant son esprit.
-Rien...dit il en se détournant. Rien, je suis... Je suis juste content que ça soit toi qui commande... C'est tout...
-Pourquoi, tu croyais que ça serait quelqu'un d'autre? fit Xanos, en riant de bon cœur. Et qui cela aurait-il pu être? Toi? Priap? Laros? Voyons, Theseus, je suis le seul qui a les bonnes qualités pour prétendre au commandement de ce groupe, tu le sais bien...
-Je... Je n'ai pas dit le contraire, frère... balbutia Theseus, à présent certain que quelque chose ne tournait pas rond.
-Tant mieux alors... fit Xanos en lui donnant une tape amicale dans le dos. Merci de ton compliment dans ce cas. Allons mon frère, au travail!
Theseus partit en avant sans mot dire, la mâchoire crispée, son esprit ressassant encore et encore le souvenir d'un Xanos effondré et geignant, le confrontant à celui d'un Xanos à nouveau sûr de lui, mais amnésique...
Priap vint rejoindre son camarade, son lance flammes en bandoulière dans le dos.
-J'ai entendu, Theseus. dit il à voix basse. Quelque chose ne va pas...
-Heureux de te l'entendre dire, frère... soupira l'éclaireur. Au moins je sais que ce n'est pas moi qui hallucine. Nous devons être très prudents à présent. On ne peut savoir qui d'autre est atteint, ni pourquoi, et encore moins par quoi...
-Que les Ancêtres nous protège... murmura Priap en faisant le signe de l'aquila. Pars en avant, je garde les yeux ouverts ici.
Theseus hocha du chef et accéléra son pas pour distancer le groupe et effectuer son devoir. Mais il ne put s'empêcher d'éprouver un terrible malaise, sentant un situation infernale se mettre en place, entre ce mystérieux groupe qu'ils suivaient et un Xanos à l'esprit visiblement perturbé.
A son tour, revigoré par le soutien de son ami, il murmura une prière à ses ancêtres, les yeux braqués au devant, à l'affut de toute trace de leur proie.
LE DISDASKALOS HOMEROS fut interrompu durant sa rédaction d'un des nombreux rapports au Capitaine Angelius lorsque la porte de son bureau s'ouvrit à la volée, laissant entrer le Maître Arkos et ses serviteurs.
Homeros se leva, surpris par cette intrusion si peu coutumière de la façon d'agir du Pédotribe, et fronça les sourcils en constatant la mine ouvertement inquiète d'Arkos.
-Que se passe-t-il, Maître Arkos? demanda-t-il. Que justifie cette arrivée tonitruante?
-Le groupe 2B, je n'ai plus aucun contact avec eux depuis quelques heures. Les communications ne passent plus. Mes serviteurs ont perdu leur trace depuis quelques minutes. Ils sont entrés dans la zone noire.
-Ce sont des choses qui arrivent là bas, Maître Arkos, vous le savez, n'est ce pas? l'interrompit Homeros en levant deux mains apaisantes. La zone noire est ainsi faite pour provoquer une coupure des communications afin de voir comment ils réagiront eux même à cet imprévu...
-Je le sais bien, éminent Maître, mais même leur trace suivie depuis les services en orbite a disparue. Cela fait trois fois que je contacte la station Phalanx, mais ils ne reçoivent rien.
-Voilà qui est préoccupant en effet, mais je vous en prie, tempérez vous, Maître Arkos. continua de l'apaiser Homeros. Peut être un dysfonctionnement qui bloque toutes les communications, même indécelables, avec cette zone noire...
-Non, seule la leur est coupée. contra Arkos. En revanche, depuis que leur signal a disparu nous avons capté celui ci. ajouta-t-il en jetant une plaque de données sur le bureau en face du Disdaskalos qui la regarda attentivement, le front plissé en une cascade de rides préoccupées.
-Le groupe 1A? Mais ce signal... commença-t-il.
-A disparu depuis un an, jour pour jour. acheva Arkos avec insistance.
-Mais c'est impossible! 1A a été entièrement décimé! s'étonna Homeros, la mine grave.
-D'où ma préoccupation, Maître. Parce que 1A a précisément disparu dans la zone noire et n'a plus émis depuis...
Homeros se représenta petit à petit la situation en train de se former, et il jeta un regard plein de crainte à Arkos, se maudissant de n'avoir rien dit au Chapelain Honorius de ce qui se passait depuis peu. Par peur sans doute. Cette émotion que les Space Marines ne pouvait pas ressentir. Mais il n'en était pas un. Il avait échoué, et malgré ce que lui avait dit le Chapelain plus tôt, le vieux Disdaskalos ressentit durement ce nouvel échec.
-Contactez immédiatement Honorius!
-Le Chapelain? Mais il a demandé à n'être dérangé en aucun cas...
-Contactez le immédiatement, Maître Arkos! le coupa brutalement Homeros. Il doit savoir ce qui se passe. Ils courent un grave danger!
"Par ma faute" rajouta-t-il pour lui même, au comble du malaise.
BONDISSANT D'UN ROCHER à l'autre tel un prédateur en chasse, Theseus continuait sa reconnaissance, pratiquement invisible, une main serrée autour de son couteau de combat et l'autre plaquant son fusil contre son flanc. Plus il suivait les traces laissées par ceux qu'ils poursuivaient, et plus il s'enfonçait dans une région de plus en plus sombre de la jungle, la luminosité étant par endroits tombée trop bas pour qu'on se croit encore en pleine journée. Les reliefs rocheux se faisaient de plus en plus fréquents, et la végétation de plus en plus éparse et mourante, comme si cette zone avait été asséchée, laissant place à des feuillages brunis et rabougris et des plaques d'argile craquelé au sol. L'air était plus frais et sec et une brume se jetait peu à peu dans les alentours. L'éclaireur contourna un énorme rocher recouvert de lichen noirci et se pencha sur ce qui venait d'attirer son regard. Un nouveau morceau d'étoffe rouge, sale et effiloché. Cette fois, il y avait aussi quelques douilles rouillées et à demi ensevelies dans la terre séchée, ainsi qu'un petit tas de linges couverts d'un sang marron, visiblement abandonnés là depuis très longtemps.
L'adolescent ramassa l'une des douilles et l'examina de plus près, constatant que c'était exactement le même calibre qu'il utilisait lui même pour son fusil. Cela confirma en tout cas qu'elles furent laissées là par des Élèves de la Caserne, mais l'état des douilles abandonnées et des pansements usagés démontrait que cela datait de longtemps. Ce n'était pas le cas du morceau d'étoffe arraché, qui était vraisemblablement tombé récemment à terre, son état loin d'être neuf et propre, mais suffisamment peu abimé et souillé par la terre pour que Theseus soit sûr que celui qui le portait l'avait perdu depuis quelques instants.
Il passa la paume de sa main gauche sur la surface du rocher, tenant toujours le tissu rouge dans l'autre main, et en palpa les contours, à la recherche d'un quelconque indice. Très vite, ses doigts trouvèrent des marques profondes laissées dans la pierre, et Theseus se rapprocha pour constater qu'il s'agissait de traces de griffures, aussi surprenant cela puisse paraître, ou tout du moins démontrant que la bête qui avait donné un coup ici était dotée d'une force prodigieuse pour entamer ainsi le rocher. Il observa les traces profondes et jugea à leur aspect qu'elles étaient probablement assez récentes, ne présentant pas le même coloris que le reste du rocher, oxydé par le temps et le climat, une fine poussière s'étant déposée au creux des marques, au grain clair, prouvant qu'elle était tombé là depuis peu de temps.
L'adolescent se releva et jeta un regard circulaire, les oreilles aux aguets, sentant la jungle palpiter, éprouvant chacun de ses mouvements, de ses bruits, et finit par repérer un tas de buisson aux brindilles cassées en tout sens, traçant un passage chaotique, comme laissé par quelqu'un qui fuyait. Arrivé plus près, il remarqua au sol trois empreintes différentes, appartenant à trois humains différents qui étaient passés par là. Un peu plus loin, il remarqua un mince arbuste étrangement penché, et découvrit également les marques de passage de quatre autres individus.
Plus loin encore, un escarpement rocheux s'enfonçant vers un espèce de ravin descendant sur deux ou trois mètres présentait les traces du passage d'un groupe constitué d'au moins dix personnes.
Et toutes les marques étaient fraîches. Il touchait au but.
Retraçant les différents points de passages, il déduisit qu'un groupe initial d'à peu près quinze personnes s'était regroupé autour du gros rocher aux côtés duquel gisaient les douilles et les vieux bandages. Les marques de griffures indiquaient qu'ils avaient été attaqués par une créature probablement de forte stature et d'une grande force, et avaient fui en se séparant en trois groupes, l'un partant vers le nord, l'autre un peu plus à l'est, et le plus important vers l'ouest, et cet espèce de sentier s'enfonçant sous une grosse masse rocheuse.
Theseus était persuadé qu'ils avaient fui, car aucune trace de combat n'était visible, aucune douille récente, aucune tache de sang, aucun trace d'affrontement au corps à corps. Mais il fut également surpris par le fait qu'il n'y avait aucune trace de la créature ayant porté l'assaut, et pourtant, étant donné la force qu'il avait fallu pour entamer à ce point la roche, elle devait être puissante et grande.
Il chercha durant quelques minutes, en vain, et abandonna pour décider de la démarche à suivre. Il porta un doigt au vox communicateur plaqué à sa gorge, et appela Xanos. Un grésillement résonna dans son oreillette, et il appela à nouveau. Sans succès. Les communications étaient hors service. Impossible. C'était du matériel neuf et leur fréquence était unique. Il était également peu envisageable que ce soit simplement l'humidité qui ait rendu inactif son appareil de communication.
Il poussa un grognement de dépit et renonça à contacter le reste du groupe. Il avait alors deux choix devant lui. Les rejoindre, ou continuer sa surveillance. En tant qu'éclaireur il était dans l'obligation de faire un rapport de situation et ladite situation était suffisamment étrange pour qu'il doivent les rejoindre pour en rendre compte à Xanos. Mais elle était aussi assez étrange pour piquer sa curiosité et il jeta un regard perplexe vers l'endroit où s'était dirigé le gros des fuyards. Si il y avait un caverne par là, il était pratiquement sûr de pouvoir y trouver davantage d'indices pour comprendre la situation.
Les enseignements de la Caserne lui revinrent à l'esprit, et il savait qu'il devait rebrousser chemin. Mais il finit par céder à son envie d'en savoir plus, et parti en direction du sentier de pierre s'enfonçant entre des rochers de plus en plus gros et de plus en plus haut. Il s'engagea dans le chemin, suivant les traces laissées par ses proies et avança prudemment, arme levée et chargée, tout son corps tendu par la concentration et l’excitation.
Au bout d'un court instant, il se retrouva effectivement perdu au milieu d'un labyrinthe de roche, le chemin de plus en plus étroit, les rochers s'élevant bien haut au dessus de sa tête. Et comme il l'avait suggéré, il finit par atteindre l'entrée d'une caverne. En y pénétrant, il fut immédiatement plongé dans les ténèbres, et accueillit avec soulagement une fraicheur plus que bienvenue après qu'il eut enduré l'étouffante chaleur de la jungle.
Il ferma les yeux un instant pour se déshabituer de la lumière extérieure, et le rouvrit, voyant un peu mieux, sa rétine à présent plus à même de percevoir le décorum, plongé dans une obscurité tenace.
Il avança à pas de loup dans l'entrée, laissant derrière lui la seule issue et détailla chaque reliefs attentivement, afin de ne rien manquer. Au bout d'un moment, l'obscurité était trop profonde et il se résolut à user d'un tube de lumière qu'il craqua rapidement pour le placer sous sa toge, afin d'en atténuer l'éclat, tout en s'assurant un minimum de clarté.
Il déboucha finalement sur un vaste hall de roche au centre duquel reposait paisiblement un petit lac d'eau cristalline. Il s'arrêta un instant pour reconnaître les alentours par plusieurs tours de regard, avant de constater qu'il n'y avait rien, pas âme qui vive. La soif vint prendre la place de la curiosité, et, passant son fusil en bandoulière, il marcha d'un pas nerveux vers le lac souterrain et se jeta à genoux pour y plonger la tête, tout son corps frémissant d'un plaisir contenu de pouvoir enfin se désaltérer. Il but plusieurs gorgées, les yeux clos de bonheur, et savoura doucement chaque lampée.
Un craquement soudain le fit se figer et il tenta de se retourner arme en main. Mais avant même qu'il ait touché la courroie de son fusil, il sentit une vive douleur à l'arrière du crâne et sa vision se brouilla instantanément.
La dernière chose qu'il sentit fut la délectable fraîcheur de l'eau de source dans laquelle chuta son corps, son ouïe immédiatement assourdie par la plongée dans le lac, et par les ténèbres qui l'envahissaient.
Puis il ne sentit plus rien.
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+++ Burn the Heretic +++
+++ Purge the Unclean +++
+++ Purge the Unclean +++
Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
Suite et fin du Chapitre 3
TEL UNE OMBRE au milieu de cet enfer végétal, Honorius suivait à distance de sécurité le groupe d'Elèves, se mouvant entre les arbres, les lianes épaisses, les rochers glissants et les dénivellations gorgées de boue, agile comme un prédateur, discret comme un eldar. Il ne quittait pas le groupe un seul instant, ses augmentiques et ses sens génétiquement améliorés ne lui faisant perdre aucune miette de ce qui se passait, percevant chaque parole prononcée, chaque geste effectué. Le Chapelain pouvait sentir résonner les pulsations de leurs cœurs, écouter leurs respirations. Il pouvait presque lire dans leurs esprits comme dans un livre ouvert, par la simple observation de leur comportement.
D'une impulsion nerveuse, il afficha sur ses oculaires son horloge intégrée, et nota que le groupe était dans la jungle depuis maintenant six heures. Selon leurs instructions, ils disposaient encore d'une journée et demi pour mener leurs objectifs à terme.
D'un clignement de l’œil, il fit s'afficher une carte détaillée de la zone forestière, et pu suivre leur parcours effectué. Il étaient encore peu enfoncés dans la jungle, et étaient vraisemblablement encore distants de leur objectif premier de quelques kilomètres.
Il contourna un énorme rocher, sans les perdre de vue, et grimpa silencieusement une courte colline de mousse et de plante pourrissantes pour pouvoir les observer en hauteur. Levant son regard, il pu constater en l'espace de deux secondes qu'ils arrivaient à proximité d'une zone rocailleuse, cerclée par quelques marécages, bien que la végétation écrasante de la jungle ne diminuait pas pour autant, les arbres toujours aussi serrés et le ciel de plus en plus caché par leurs branches difformes.
D'un autre clignement d’œil, il fit s'afficher sur sa carte l'emplacement de l'objectif premier du groupe, le lieu de rencontre avec le groupe 2C. Ce devait être un bunker abandonné situé à une dizaine de kilomètres au delà de la zone rocheuse, proche d'une petite clairière située de l'autre côté d'une rivière, le bunker sensé faire office de point de passage contrôlé, à côté du pont qui enjambait le cours d'eau. 2C devaient les rejoindre là bas pour leur remettre des informations importantes quant à leur cible, ainsi que leur délivrer le Bouclier, objet qui leur permettrait de poursuivre leur chasse ensemble.
Honorius n'avait que brièvement parcouru les notes du Disdaskalos, et ne savait pas ce qu'était ce Bouclier, mais cette information ne lui était pas d'une grande utilité, étant donné que sa première préoccupation était de surveiller le groupe d'Elèves afin de pouvoir reconnaître lesquels seraient des recrues de choix. Son choix personnel était déjà en train de se faire - encore fallait il que son favori parvienne à passer les épreuves du Rituel avec succès - et il avait également repéré ceux qui selon lui seraient trop faibles pour triompher de leurs péripéties. Il savait que certains parmi ceux qui ne réussiraient pas feraient des recruteurs de choix, ou au mieux des serviteurs convenables sur Styx. D'autres demeureraient sur Sparta en tant que reclus, vivant en dehors de la civilisation, couverts de honte. Ce n'était pour autant pas une vie si difficile et sans gloire, puisque l'Histoire de Sparta comportait beaucoup d'actes importants auxquels avaient participé ces exclus, certains devenant des ermites, d'autres des mercenaires et d'autres encore de puissant héros solitaires. Mais même dans leur gloire potentielle, ils demeureraient toujours aux yeux du peuple ceux qui avaient échoué dans leur quête d'immortalité, et apparaissaient bien souvent comme des anges déchus, vision fantasque d'une chute irrémédiable.
Le chef de groupe, celui qui se nommait Xanos, leva le poing, faisant immédiatement stopper l'avancée de ses camarades qui se figèrent à l'unisson. Honorius resta sur son perchoir et augmenta la portée de ses capteurs augmentiques pour pouvoir parfaitement percevoir les échanges entre les Élèves, et observer leurs comportements.
Xanos paraissait nerveux, ou préoccupé, et ordonna au groupe de faire halte. Le fait qu'il décréta une pause si soudaine ne manqua pas de surprendre certains de ses camarades, en particulier ceux qui étaient demeurés en arrières, ceux qui se nommaient Priap et Qortos, qui n'avaient cessé durant le trajet d'observer leur leader du moment et leurs camarades. Honorius avait lu de la suspicion dans leurs yeux, et sentait qu'ils se méfiait de quelque chose chez le jeune Xanos. Son changement de tempérament probablement... Il était vrai que l'adolescent avait par moments agit de manière surprenante, sinon totalement étrange, et Honorius s'était alors demandé si l'adolescent n'avait pas cédé à la pression de se retrouver placé à la tête d'un groupe, ce qui constituait toujours une lourde responsabilité pour celui qui n'en a jamais fait l'expérience. Honorius lui même avait connu cela lorsqu'il avait été nommé Chapelain, et il savait qu'il était en train de le revivre en cet instant où ses frères voulaient qu'il devienne leur nouveau Maître Chapelain, ce qui l’amènerait à avoir la responsabilité de la loyauté et de la santé de toutes les âmes du Chapitre, et non plus seulement de sa Compagnie. Cette seule pensée suffit à lui procurer de la sympathie pour ce Xanos, qui en dehors de ses sautés d'humeur, se montrait depuis le début un excellent meneur, prenant toujours l'avis de ses frères, et ne prenant aucune décision à la hâte.
Il vit Xanos appeler celui qui s'appelait Hukarios, et qui semblait être le second meilleur éclaireur après Theseus, celui qui était parti en avant du groupe depuis vingt minutes. Honorius trouvait d'ailleurs que ça faisait trop longtemps, le jeune homme ayant auparavant fait preuve d'une extraordinaire rapidité dans ses reconnaissances, faisant parvenir ses rapports par vox toutes les cinq minutes, ou venant le présenter en personne lorsqu'il le jugeait utile.
Il se trouva que Xanos partageait son avis, et Honorius l'entendit envoyer Hukarios en avant pour retrouver la trace de Theseus. Qortos et Priap s'étaient mis à l'écart, et le plus proche ami du garçon recherché ne quittait pas son chef de groupe des yeux, les sourcils froncés. Celui qui ne parlait jamais, Laros, vint les trouver à son tour, et donna une tape sur l'épaule de Priap, voulant sans doute afficher son soutien en cas de réel problème. Mais Priap ne sembla pas réagir, et se contenta d'observer Xanos encore pendant quelques instants, avant de tourner son regard dans la direction supposée où était allé son camarade.
Xanos héla Qortos, qui transportait la radio portative, et lui ordonna de tenter de joindre Theseus, ce que fit immédiatement l'adolescent, avant de froncer les sourcils en tendant le casque à son leader.
-De la friture. dit il. On dirait que son com vox n'émet plus...
-Essaye encore. ordonna Xanos, son langage corporel trahissant une nervosité grandissante. Si tu parviens à entendre quoi que ce soit préviens moi immédiatement.
-Que faisons nous en attendant? demanda celui qui se nommait Persos, un grand gaillard au teint cuivré.
-Rien. Nous attendons. répondit sèchement Xanos. Hukarios devrait nous communiquer son rapport incessamment sous peu.
-Nous ne pouvons attendre. déclara Priap d'une voix ferme. Nous avons une mission à accomplir, et nous perdons du temps.
-Je croyais que Theseus était ton ami? s'offusqua Xanos. Il est peut être blessé, ou s'est perdu, va savoir, mais nous allons le retrouver. On ne continue pas sans lui.
-Je connais Theseus. affirma Priap, avec la même fermeté. Il ne se perd jamais. C'est le meilleur dans ce qu'il fait. Il nous retrouvera. En attendant nous devons poursuivre notre objectif, nous avons assez perdu de temps comme ça en poursuivant un groupe fantôme. 2C nous attendent, et nous avons encore à peine une journée pour accomplir notre chasse.
-Depuis quand est ce qu'il te revient de donner des ordres? s'énerva Xanos. Je suis chargé de ce groupe, dois je te le rappeler?
-Alors agis en tant que tel. lâcha Priap d'un ton glacial. Nous ne pouvons attendre Theseus davantage! Il faut avancer.
-Et s'il est blessé...ou pire? tenta Xanos, la mâchoire crispée par la colère.
-L'Empereur veillera sur lui. répondit Priap avec assurance. Et s'il succombe, alors nous devons d'autant plus honorer sa mémoire en accomplissant notre devoir.
Les paroles du jeune homme semblèrent faire effet, car Xanos ne répondit pas, tandis que tous écoutait Priap d'un air conquis. Il avait un grand talent d'orateur, et se servait prodigieusement bien de sa foi pour enhardir ses camarades, ce qui était une qualité à surveiller de près se dit Honorius.
Xanos secoua la tête de dépit et se détourna de Priap avec un geste de la main méprisant.
-On bougera quand j'en donnerai l'ordre. siffla-t-il avec hésitation, comme pour s'en convaincre lui même. Qortos, est ce que Hukarios a fait son rapport?
-Non frère, toute la fréquence semble perturbée. Je ne reçois rien, et je crois que je n'émets rien non plus...
-Frères, test de com vox immédiat! ordonna Xanos, le regard sombre, en joignant l'acte à la parole, appuyant sur son oreillette pour l'enclencher. Il se tordit immédiatement en grimaçant de douleur avant d'arracher l'objet de son oreille en le jetant par terre.
D'autres Elèves vécurent la même expérience désagréable, et Honorius perçu les horribles sifflements qui jaillissaient des oreillettes, qui crachaient un flot ininterrompu de bouillie sonore. Il comprit alors que leurs transmissions étaient brouillées, et, consultant ses fichiers, s'assura qu'ils n'étaient pas encore rentrés dans la zone noire, cette zone qui était effectivement brouillée par les Maîtres, seulement sur la fréquence des groupes déployés, afin d'observer leurs réflexes d'organisation. Le Chapelain fronça les sourcils derrière son masque de mort, alors que la carte et les données qui s'affichaient sur ses rétines oculaires assuraient qu'ils se trouvaient en dehors.
Un bruissement soudain de feuilles attira l'attention de tout le groupe, qui leva les armes, avant qu'un Hukarios essoufflé apparu. Xanos marcha vers lui avec une vague expression d'espoir.
-Alors? L'as tu trouvé? demanda-t-il.
-Non. Aucune trace. Sa piste s'arrête non loin de ces petits massifs rocheux. J'ai trouvé un autre bout d'étoffe rouge, ainsi que des traces anciennes de campement. Mais rien d'autre. Il semble qu'il ait disparu.
Xanos sembla se ravager l’esprit à chercher une solution, tandis que Priap se rapprochait de lui.
-Il n'y a rien à faire pour lui, du moins pour le moment. dit il. Nous n'avons aucun moyen de le joindre. Nous devons continuer, en priant les Ancêtres de le protéger. La mission, Xanos. C'est ce qu'il aurait choisi...
Le jeune leader ne répondit pas tout de suite, la mine extrêmement sombre, avant de lâcher un grognement rageur. Il ramassa son paquetage et ordonna aux autre de faire de même, avant de reprendre la route. Il suivit les conseils de Priap, et le groupe progressa à nouveau vers leur objectif premier.
Honorius glissa au bas de son point d'observation, et les suivit prudemment, jetant au passage un regard vers les reliefs de pierre vers lesquels devait s'être égaré le jeune Theseus. Au fond de lui, le vieux Chapelain espéra que rien n'était arrivé. Il replaça sa concentration sur le reste du groupe et recommença à progresser comme un fantôme, indécelable.
Au summum de sa concentration, il ne remarqua pas les parasites envahissant ses transmissions peu à peu, faisant frémir sa vision oculaire et grésiller ses écouteurs...
IL ÉMERGEA DES ténèbres comme s'il venait d'atteindre la surface d'un océan sans fond, encore en proie à l'étourdissement, nauséeux et perdu, et avait l'impression que son crâne allait exploser. Theseus se rendit vite compte que ce n'était pas que la douleur sourde qui palpitait au creux de sa boîte crânienne, mais quelque chose d'autre, et le temps que sa vision s’accommode et que le flou s'estompe, il réalisa que la raison de son état maladif résultait de sa position particulièrement inconfortable.
Il était attaché grossièrement par les chevilles, tête en bas, ses bras battant mollement dans le vide, ses poignets fermement liés par une corde rustique. Levant les yeux -ou plutôt, les baissant vers le sol, il vit une petite flaque de sang séché, provenant sans doute de la blessure qui s'étalait à l'arrière de sa tête, et qu'il parvenait à se représenter à la manière dont la petite brise fraiche s'accrochait à elle, lui donnant l'impression d'avoir une couche de givre collée au bas de la nuque.
Il sentit de violents vertiges l'assaillir tandis que le sang qui lui montait à la tête lui semblait enserrer ses tempes entre deux féroces étaux. Il tenta de se relever mais son corps trop affaiblit après avoir gardé cette pose trop longtemps refusa d'obéir.
Le garçon referma les yeux et combattit de toutes ses forces cette affreuse impression de chute continue et d'envie de vomir. Il se rappela avec difficulté les exercices qu'il n'avait cessé de répéter à la caserne sous la supervision de leur tuteur, et parvint enfin à faire le calme dans son esprit, apaisant la douleur lancinante qui lui vrillait le corps et retrouvant progressivement ses esprits.
Première chose, reconnaître l'environnement. Il faisait sombre, et froid, et humide. Un faible écho aux grincements de ses attaches et un bruit régulier de gouttes s'écrasant au sol. Pas de son pouvant attester de la présence d'un quelconque individu dans les parages. En rouvrant les yeux, il s'était accommodé à l'obscurité tenace et put discerner les reliefs qui l'entouraient, ses yeux reconnaissant ce que son esprit avait déjà déduit à l'analyse rapide de son environnement. Il était retenu prisonnier dans une caverne. Sûrement la même que celle dans laquelle il était entré, s'il pouvait se fier à la roche relativement identique et aux bruits lointains d'eau se déversant par minces filets en de petits ruisseaux, probablement pour aller courir jusqu'au lac souterrain devant lequel il se trouvait avant de plonger dans une inconscience brutale.
Seconde chose, prendre connaissance de sa condition. Il n'avait pas vraiment besoin de s'assurer une fois encore qu'il était attaché, cependant il éprouva un petit instant ses liens, et réalisa qu'ils étaient certes de facture grossière, mais fermement placés, lui interdisant pour le moment toute tentative de fuite. Il ferma à nouveau les yeux et laissa son corps lui parler.
La douleur la plus persistante résultait de sa position inversée, son crâne éprouvant durement les effets de la gravité, ses jambes devenues presque insensibles à force de manquer d'un bon apport en flux sanguin. Ses poignets ne semblaient pas avoir trop soufferts des liens, pas plus que ses chevilles. La blessure laissée par son assaillant derrière son crâne ne semblait pas grave, probablement une simple entaille résultant d'un coup latéral d'un objet contondant, manié avec une force brute et aucune finesse. Il risquait tout au plus une méchante migraine, mais rien de plus. Aucune autre blessure à déplorer, il était en bonne santé et en état de combattre s'il parvenait à se libérer.
Troisième chose, chercher une trace immédiate de ses agresseurs. Il rouvrit alors les yeux et les firent se balader dans la périphérie limitée de son champ de vision, bloqué en un angle bancal par sa position. Il distingua un foyer éteint, primitif, monceau de bois mort brisé et non coupé, étalé au milieu d'un cercle imparfait de pierres de différentes tailles. Il y avait ça et là des débris, des bris d'os, ou des morceaux de tissus sales et non identifiables. Mais aucun individu dans la zone qu'il venait d'analyser, pas âme qui vive. Il resta un moment sans bouger à écouter les murmures de la caverne pour s'assurer que personne ne s'y trouvait.
Quatrième chose, tenter de se sortir de là. Theseus contracta tous les muscles de son torse pour pouvoir se relever un maximum vers les liens enserrant ses chevilles, mais l'inversion soudaine qui fit refluer son sang lui procura immédiatement un violent vertige, et il se laissa retomber lourdement, sentant son corps vibrer douloureusement, son poids ayant tiré sur ses jambes attachées. C'était un coup à se déboîter un membre, dans le meilleur des cas... Il attendit un instant et tenta à nouveau, en se préparant à encaisser le brusque reflux sanguin, et cette fois parvint à s'agripper aux cordages qui retenaient ses chevilles prisonnières. Dans les six secondes que son corps sous tension lui accorda pour observer les liens avant de lâcher, le forçant une fois de plus à en revenir à se balancer tête vers le sol, Theseus eut le temps de compter trois cordes de tailels différentes, cinq noeuds grossiers, et une chaine rouillée ralliant le tout pour aller s'accrocher au plafond de roche. Il fit jouer son esprit pour se représenter du mieux qu'il put cette combinaison de liens à la fois médiocre et complexe, et fit jouer ses doigts pour les préparer à opérer le plus plus rapidement possible.
Le jeune homme prit trois grandes inspirations successives et remonta une fois encore vers ses chevilles entravées, son buste secoué de tremblement tandis que tous ses muscles se gonflaient sous l'effort fourni pour lui permettre d'atteindre la bonne hauteur.
Ses mains partirent aussitôt en avant, toujours liées, et ses doigts agrippèrent fermement l'un des noeud pour éprouver sa solidité et tenter de le défaire. Il sentit les tresses de corde se relâcher un temps et raffermit son geste pour pouvoir accélérer la libération de ses jambes. Le noeud lâcha brutalement, le renvoyant dégringoler tête en bas, et l'espace d'un instant il sentit avec horreur les liens lâcher, l'envoyant se fracasser le crâne à terre. Mais ils résistèrent, et à la place il ressentit une vive douleur au creux de sa hanche gauche, ce qu'il avait redouté auparavant s'étant produit, la chute et la force en résultant lui ayant pratiquement disloqué le fémur. La douleur s'effaça bien assez vite pour laisser place à un engourdissement sourd, et Theseus lâcha une courte prière de remerciement à ses ancêtres.
Reportant son attention sur l'objet de ses cabrioles, il parvint à faiblement remuer sa jambe droite, et sentit les liens glisser en frottant les uns contre les autres, puis arrêta immédiatement. Il y avait là deux possibilités, soit le tout allait lâcher, soit seule une de ses jambes allait être libérée, menaçant l'autre de se briser, pour de toute manière se retrouver dans une posture insupportable.
Il attendit un instant afin de s'assurer que les liens n'allaient pas se rompre de la mauvaise manière, puis gigota légèrement la jambe pour ne plus avoir de doute. Le tout tenait, et il ne risquait pas de mauvaise chute. Theseus inspira un grand bol d'air avant de se relever, pour la dernière fois espéra-t-il, agrippant immédiatement le noeud dont il avait fait son objectif, celui qui logiquement allait totalement le libérer. Affaiblit par le dénouement du précédent, le noeud ne résista pas longtemps et lâcha doucement, entraînant avec lui les quatre autres qui en étaient dépendant, envoyant alors Theseus rouler au sol à une vitesse contrôlée, de façon à ce qu'il puisse se rétablir promptement sans risquer de se rompre le cou ou de se briser la colonne vertébrale.
Le jeune homme se releva d'un bond et s'approcha d'un rocher au profil tranchant, y frottant frénétiquement les liens qui gardaient ses mains prisonnières, et après un minutes de va et viens produisant une légère odeur de brûlé, les liens lâchèrent dans un minuscule nuage de particules, laissant à Theseus la satisfaction de pouvoir séparer ses mains, dans de grands gestes de bras d'avant en arrière pour s'étirer. Il acheva de se masser les poignets avec un sourire d'appréciation et s'adonna une fois de plus à l'observation des alentours.
Ses affaires lui avaient été prises, et il ne portait que son pagne bleu pour tout vêtement. Il fit le tour de la portion de caverne qui avait constitué sa prison, et entreprit de fouiller un peu plus les débris qu'il avait aperçu auparavant. Pour la plupart, il ne s'agissait que de résidus de repas sauvages, mais il retrouva également des morceaux de tissus de la même couleur et de la même facture que ces mystérieux bouts de tissu rouge que Theseus avaient suivi pour aboutir ici. Il trouva également quelques douilles rouillées, qui, à la différence de celles qu'il avait retrouvées dehors, n'avaient pas été percutées. Des balles pour fusil d'entraînement, au vu de leur calibre et de leurs marquages, en théorie uniquement utilisées au sein de la Caserne. Le jeune apprenti fut un peu interloqué par cette nouvelle découverte attestant un peu plus la thèse du groupe d'Elèves disparus, poursuivant une mission terminée depuis longtemps. Et si ils étaient devenus fous après tout ce temps? Etait-ce possible venant de la part d'apprentis élevés dans les préceptes de la Caserne de Taygète où la force de l'esprit prédomine? Theseus se refusa pour le moment à de telles suppositions. Il pouvait tout aussi bien s'agir de bêtes sauvages qui les auraient massacrés ici même, dans cette caverne reculée de tout.
Il abandonna ses trouvailles et entreprit de continuer son chemin, empruntant un boyau à peine assez large pour faire passer un Astartes, une lueur rougeoyante scintillant à l'autre bout. A mesure qu'il avançait, ses sens exercés perçurent des bruits caractéristiques dénotant au moins trois individus conversant, ou se grognant dessus, et le craquement sec et sporadique d'un feu de bois.
Theseus se baissa pour progresser le plus silencieusement et discrètement possible et déboucha bientôt sur une autre petite pièce caverneuse, basse de plafond, ses parois accidentées illuminée par la danse spectrale des flammes ronflant doucement dans un foyer mourant, quatre silhouettes déformées au delà de toute reconnaissance se découpant en taches obscures frémissantes tout autour de l'habitacle. Plusieurs gros rochers reposaient au sol, immobiles des temps immémoriaux, et par chance l'un des plus gros tout près de la position de Theseus lui offrit le couvert idéal pour pouvoir observer les êtres regroupés autour du feu. Il se plaqua contre le manteau froid du bloc de pierre anguleux et lissé par le temps, et se blottit contre un deuxième rocher adossé au premier, un stalagmite aux couleurs ocres dépassant juste devant la maigre séparation entre les deux blocs, offrant là une cachette toute désignée de même qu'un point d'observation privilégié.
Il fallait tout de même que Theseus se redresse au risque d'être remarqué pour pouvoir voir les individus aussi préféra-t-il dans un premier temps se fier à ce qu’il entendait.
A en juger par leurs voix grasses et profondes, ses ravisseurs devaient être d'une taille assez conséquente, ou bien ils avaient tous une malformation du larynx. Leur élocution elle même laissait à désirer, transformant leurs paroles incertaines en bribes de mots inintelligibles, de grognements et de raclements de gorge. Toutefois, au bout d'un court instant, Theseus put faire abstraction de leur parler absurde et identifier des mots, des phrases, puis un véritable échange vocale et animé d'une intelligence. Et en langage commun de Sparta.
-On ne peut rester ici plus longtemps! grogna une voix traînante et abyssale. Notre repaire est compromis, les proies vont se transformer en chasseurs.
-Pas de panique, frère. répondit une autre voix semblable au choc de deux grosses pierres lancées l'une contre l'autre. Aucun d'eux ne nous a découvert, et Gorlos a rapporté qu'ils s'éloignaient de notre territoire à présent.
-Il nous reste celui que Jukzas a capturé tout à l'heure! intervint une voix sifflante et hésitante, comme si son porteur avait les poumons à l'état d'éponge gorgée de fluides malades. Qu'allons nous en faire? Il ne satisfera pas tout le groupe, ça non!
-Premiers arrivés, premiers servis! répliqua sèchement la première voix. Tant pis pour les autres, ils n'ont qu'à être là quand le chef les réclame! Si les autres en veulent pas, je m'en satisferai bien tout seul!
-Karkos, tu ne peux garder une proie pour toi tout seul. gronda une quatrième voix, brutale et profonde, cinglante comme un coup de tonnerre. Et puis le chef a dis que la proie serait livrée aux vents.
-J'en ai marre de bouffer des animaux maigrichons! se lamenta la première voix.
Theseus fit une moue dégoûtée en silence en comprenant quel sort funeste aurait pu l'attendre s'il n'avait pas repris conscience. Il était donc tombé sur des cannibales, et s'il en jugeait par leurs voix déformées, sûrement des primitifs des récifs de Juno, qui par quelques hasards s'étaient retrouvés dans la forêt de la Caserne, pourtant lourdement gardée, ou alors, chose plus improbable, des mutants ayant survécu aux purges et étant sortis des bas fonds de Taygète. Son estomac se contracta de haine d'écoeurement à l'idée d'être si proche de telles créatures. Manger son semblable était un crime inimaginable, impensable, impardonnable. Il se résolut à en écouter davantage pour obtenir plus d'information sur la situation, mais se promis de tous les tuer sitôt qu'il déciderait de poursuivre son chemin.
C'est à ce moment qu'il réalisé qu'il était toujours dépourvu de son matériel, sans défenses.
Contenant sa frustration, il reporta son attention sur les voix difformes de ses ignobles gardiens.
-T'en fait pas Karkos, tu satisfera bientôt ton appétit dément, tu le sais. poursuivit la voix de tuberculeux. D'autres proies approchent. Plus faibles. Six des nôtres sont partis vers eux.
-Y'a intérêt à ce qu'ils se les fassent pas tout seuls, parce que je peux t'assurer que j’offrirai leurs crânes à qui de droit, tu le sais Shirkis! grogna le dénommé Karkos, la première voix. Un sifflement écoeurant qui s'avéra être un rire malade lui répondit.
-Tu t'accroche encore à ses promesses, hein? demanda Shirkis, celui à la voix de pestiféré, encore secoué par son rire immonde. Tu sais pourtant que la vie de ses serviteurs est éphémère... Encore plus que celle des serviteurs du Trône d'Or!
La phrase fut ponctuée par le bruit déplaisant d'un crachat bileux jeté à terre.
Theseus fut de plus en plus surpris par la tournure de la conversation, et sentit ses tripes se nouer alors que se dessinait une affreuse possibilité dans son esprit.
-Cessez de vous chamailler vous deux! claqua la voix brutale. Le chef a ordonné que nous ne reparlions pas des seigneurs des proies ici. Sinon, les vents hurleraient et vous savez tous ce que ça provoquerai...Ce que ça a provoqué...
-Bénie soit ta sagesse, Hairas! se réjouit la voix rocailleuse. Tu es l'un des préférés des vents, et je commence à croire que la raison en est ta clairvoyance et ton autorité.
-Cesses donc de me cirer les bottes, Irkas, maudit sois tu, toi et tes paroles empoisonnées! répliqua brutalement le nommé Hairas, auquel son interlocuteur répondit par un rire obscène.
-Alors qu'est ce qu'on fait de lui à la fin? s'impatienta Karkos, se référant sans aucun doute possible à Theseus. On le bouffe ou on le refile au Maboule?
-Respecte la Voix! tonna Hairas. Il est notre guide, et parle directement aux vents. Même le chef le respecte et le craint. Je te conseille de faire de même si tu ne veux pas perdre ta tête.
-Si c'est le cas, pense à la dédier à ton seigneur et maître avant qu'elle ne tombe... ricana Shirkis en produisant d'affreux bruits de succion visqueuse.
-Sois maudit, le pestiféré! vociféra Karkos, et Theseus sentit un mouvement brusque, suivit d'un bruit horrible de craquement d'os et de viande arrachée.
Il y eut un court silence, puis un son encore plus abjecte retentit, un gargouillis inimaginable qui s'avérait être la voix de Shirkis affreusement déformée, comme si son cou s'était liquéfié et qu'on l'étranglait.
-Le vent de la haine rends tellement idiot... ricana-t-il en gargouillant de plus belle. Vois comme celui des mouches m'a rendu fort! Vois à quel point tu es ridicule, esclave du Crâne de Sang!
Theseus eut l'impression qu'on le frappait en plein estomac lorsque les paroles, et surtout les noms, parvinrent à ses oreilles, et il eut l'impression de suffoquer.
Il n'en pouvait plus et devait en avoir le coeur net, bien que les recoins de son âme lui hurlaient déjà la terrible vérité. Il se releva juste assez pour jeter un coup d'oeil vers le groupe d'hérétiques et ce qu'il vit le glaça sur place aussi sûrement que l'aurait fait la Mort en l'embrassant dans ses bras de désespoir et d'oubli...
Il parvint à peine à articuler une prière de protection à ses ancêtres, tant il était sur le point de vomir de dégoût devant ce qu'il observait à présent.
La situation était bien plus désespérée que ce qu'il croyait, et il allait lui falloir tout le courage de l'univers en ce moment précis pour surpasser la terrible épreuve qui s'était présentée à lui.
-DISDASKALOS, RÉPONDEZ! ICI Honorius, répondez!
Le Chapelain tentait pour la quatrième fois de contacter le centre de commandement de la Caserne, en vain. Ses oreillettes continuaient à donner un rendu inaudible, de sifflements et de friture. Avec un sifflement de colère, Honorius déconnecta son vox communicateur, et en changea la fréquence.
-Ici Honorius. Spartacus, me recevez vous? tenta-t-il.
Le babillage inaudible s'était intensifié, noyé par les parasites. Il essaya de réguler la fréquence, mais rien n'y fit, et il coupa à nouveau son communicateur. Quelque chose n'allait pas... Il se remémora les plaques de données auxquelles il avait pu accéder concernant la forêt de la Caserne et ses particularités, et se souvint de la "zone noire", zone placée sous l'effet d'un puissant brouillage de communication afin de mettre à l'épreuve les talents de stratèges des élèves, coupés du monde, voir si ils étaient capables de poursuivre leur mission sans aide extérieure. Mais ce qui fit froncer les sourcils au Chapelain, c'était que d'après ses relevés topographiques, ils se trouvaient actuellement en dehors de la zone noire, et que de plus, le brouillage créé par les tuteurs de la Caserne ne verrouillait en théorie que les communications des élèves envoyés en mission, et aucune autre. Chaque groupe envoyé disposait d'une fréquence spécialement ouverte et surveillée, et c'était seulement cette fréquence qui devait être compromise par le brouillage. Or, la propre fréquence personnelle du Chapelain était touchée. Il ne pouvait donc pas s'agir de la zone noire, quelque chose d'autre les brouillait.
Honorius quitta son couvert pour rejoindre la butte de terre envahie de fougères aux dimensions démesurées, d'où il pouvait observer en toute discrétion le groupe 2B. Les neuf élèves continuaient leur avancée dans la jungle, après que leur chef de groupe désigné, sur les conseils d'un de ses camarades, eut décidé de continuer sans leur éclaireur porté disparu, allant droit vers la position supposée de leur premier objectif.
Le garçon en tête pris sur sa gauche, suivi par les autres en file indienne, le porteur de lance flammes clôturant la marche, lançant fréquemment des regards en arrière, arme levée et prête à cracher une mort incandescente.
Honorius attendit qu'il eut tourné la tête et se leva pour les suivre. Soudain il se figea sur place, une main portée à son casque, rendu aveugle par la brusque coupure de ses oculaires. L'affichage revint après trois secondes de coupure, dans un premier temps ne lui permettant uniquement une observation brute des alentours avant que les systèmes avancés ne se réenclenchent et ne rallument une multitude d'icônes et de runes stratégiques sur sa visière. Le Chapelain, à la fois surpris et sur ses gardes par ce défaut inattendu, resta sur place pour s'assurer que ce serait le seul sursaut, mais à peine cinq secondes après ré-enclenchement, la visière connut à nouveau une interruption d'activité. En tout, son système visuel flancha trois fois de suite, avant de se stabiliser faiblement, l'affichage saturé de parasites et de sursaut de rendu image. Le brouillage semblait affecter l'ensemble de ses équipements électroniques, comme si une bombe électromagnétique avait explosé à côté de lui.
Honorius renonça à attendre plus longtemps et préféra désactiver complètement son casque désormais hors service, ses lentilles oculaires retrouvant une simple fonction de protection basique, sans aucun support tactique, comme de simples lunettes de protection.
Ne désirant pas rester là plus longtemps, il se lança à nouveau après le groupe 2B afin de suivre leur avancée. Le doute grandissait en lui, et il vérifia grâce à son com vox l'intensité du brouillage. Plus ils avançaient, plus il était puissant.
Ils se dirigeaient droit vers le point d'origine et Honorius supposa que ce même point d'origine serait également une première réelle mise à l'épreuve pour eux.
Ma la question qui commençait réellement à le travailler était de savoir qui, ou quoi produisait un brouillage d'une telle intensité. Y'avait il une autre force dans cette forêt que les deux groupes supposés s'y trouver? Une force hostile?
Son cerveau l'inonda de pensées et de réflexions sur ce qui pouvait potentiellement les attendre, si bien que le Chapelain sentit sa nervosité monter d'un cran.
Il fut brusquement tiré de ses pensées quand il entendit des hurlements sauvages monter de quelque part en face d'eux, comme si une meute entière de bêtes sauvages s'était mise à hurler à l'unisson. Instinctivement, il dégaina son pistolet bolter, mais il savait qu'en aucun cas il ne devait intervenir. Quoique ça puisse être, ça serait partie intégrante de l'épreuve des élèves.
Mais on n'est jamais trop prudent, se dit-il. Avec satisfaction, il observa le groupe 2B se disperser rapidement pour se préparer à se confronter à la menace, quelle qu'elle soit. Dans quelques instants à en juger à la proximité d'un nouveau hurlement bestial, il allait pouvoir enfin juger les prouesses martiales des élèves. Leur premier baptême du feu semblait fondre sur eux à tout vitesse. Ca allait être un affrontement féroce, pensa Honorius.
Il ne le savait pas encore, mais ça allait être bien pire que cela...
LA VISION D'HORREUR qui s'offrit à lui dépassait de loin ce qu'il avait pu anticiper, et il lui fallut toute sa résolution pour ne pas laisser la rage l'envahir d'un coup. Les quatre êtres difformes qui étaient regroupés autour du feu étaient l'incarnation même de la corruption dont Sparta était censée être débarrassée depuis dix ans, depuis les Jours Sombres. Et pourtant, il semblait bien que le Mal ait subsisté, et Theseus en contemplait toute l'absurde immondice. Beaucoup avaient répandu d'étranges rumeurs quant à la disparition inexpliquée de 1C. Certains disaient que tous les élèves étaient morts, d'autres qu'ils étaient perdus sans aucune conscience du temps qui passait, poursuivant inlassablement leur mission, ne sachant pas combien de temps était passé. D'autres encore arguaient que les jeunes prétendants Astartes étaient devenus fous, l'isolement ayant pris le dessus sur leur conditionnement de guerriers en voie de devenir des demis dieux.
La réalité était bien plus terrible. Les quatre créatures face à Theseus portaient des vestiges des uniformes de 1C, des tuniques déchirées de couleur écarlate tachée de boue et d'immondices, et certains arboraient des restes d'armes et d'équipement que la nature sauvage et le temps avaient altéré pour n'en laisser que des fragments dérisoires, inutilisables. Leurs corps quant à eux étaient boursouflés, déformés, tantôt ayant développé une musculature improbable, tantôt des membres supplémentaires bien loin des standards de l'anatomie humaine, ou encore étaient des réceptacles de maladies, des furoncles crevés et des organes palpitant à l'air libre attestant d'un égarement bien au delà de celui dont beaucoup parlaient. C'était bien pire qu'un simple échec lors d'une mission, c'était un échec de leur vie elle même. Leur corps ne portait plus la souillure du Chaos, ils étaient devenus la souillure du Chaos.
Theseus se sentit dans un premier temps désemparé face à telle situation, réalisant à quel point cruel il était en position de faiblesse, nu et sans armes, contrairement à ces caricatures odieuses d'humains. L'un des monstres tourna sa tête couverte d'écailles rouge sang, ses yeux flamboyant d'une sauvagerie meurtrière, et sa bouche sans lèvres s'ouvrit sur des rangées de crocs pointus, émettant un sifflement de colère semblant provenir des Enfers eux mêmes.
-La proie! beugla-t-il, et Theseus reconnut la voix d’outre tombe de Karkos. La proie s'enfuie, mes frères!
Theseus reconnu sans peine le deuxième mutant à s'exprimer, son corps gonflé par la maladie, et un chapelet d'intestins putréfiés pendant au travers de son ventre verdâtre que les lambeaux de sa tunique n'arrivaient même pas à contenir. Sa tête pendait mollement sur le côté, son cou crevé laissant entrapercevoir les reliefs blanchâtres d'os brisés. Shirkis. Avatar pestiféré de tous les maux imaginables de l'univers.
-Capturez le! gargouilla-t-il en levant un bras tuméfié et couvert de varices. Les vents le réclament!
Les deux autres furent les premiers à bouger vers lui, le premier un colosse tout en muscles surdimensionnés, la peau rugueuse veinée de noir, sa tête semblable à celle d'un molosse, aux poils hirsutes et au museau fumant, des crocs dégoûtant et une haleine de viande rassie, surement le collecteur de crânes, Hairas. L'autre était tout maigrelet, et semblait se mouvoir comme une vipère, sa peau luisante et serpentine, un visage reptilien rosâtre avec dans ses yeux blancs sans pupilles toute l'expression d'une mort inéluctable et vorace. De longues griffes étaient venues crever ses mains dont il ne restaient plus que deux moignons rabougris pendouillant misérablement. Quand il bougeait, Theseus jurait qu'il percevait des râles d'agonies entremêlés comme un chœur d'âmes torturées.
Les griffes noires et chitineuses de cet être qui devait être le dénommé Irkas s'abattirent sur le rocher derrière lequel se tenait Theseus, et il parvint à bondir suffisamment en arrière pour éviter d'être tranché en deux.
-Ne le tuez pas! râlait Shirkis de sa voix insupportable de macchabée vivant. Il est le cadeau aux vents!
-La peste! hurla Karkos. Il est à moi! J'ai faim, trop faim pour attendre encore!
Le démon aux écailles de sang se projeta en avant pour saisir Theseus accroupi mais le jeune homme poussa de toutes ses forces sur ses deux jambes pour aller voltiger au dessus de la tête de son assaillant et alla se rétablir juste à côté du feu, tendant une main à l'aveuglette pour se saisir d'un morceau de bois en train de se consumer, s'en faisant un gourdin incandescent avec lequel il alla frapper Irkas sur le côté de la tête.
Le mutant fut projeté de côté en poussant un hurlement affreusement aigu tandis que la peau lisse de son crâne déformé se cloquait sous l'effet des flammes qui étaient restées accrochées pour le dévorer. En basculant de côté, sa tunique rouge et émaciée entrouverte, il laissa entrevoir à Theseus toute l'horreur de sa mutation, ses jambes s'étant éclatée en une multitude de tentacules frétillants.
Le jeune garçon tenta de porter un coup en avant vers la gueule ouverte du monstre, mais dû une fois encore battre en retraite d'un bond alors que Hairas fonçait vers lui, l'écume sur ses babines retroussées, un grognement sourd montant de sa gorge musculeuse. Son bras velu brassa du vide, mais il parvint néanmoins à entailler le flanc à nu de Theseus, arrosant la terre des premières gouttes d'un sang qui n'était pas corrompu.
L'adolescent ignora la douleur du mieux qu'il le put et renvoya un coup de pied latéral qui vint s'écraser sur la joue osseuse du monstre, faisant retentir un bruit écoeurant d'os brisés, suivit du beuglement de rage de la bête blessée. Son talon meurtri par la réplique, Theseus se retrouva à nouveau accroupi en position de défense, prêt à bondir hors de portée du danger, sentant Irkas et Karkos foncer vers lui de chaque côtés. Il roula en avant au dernier moment, laissant les deux mutants se percuter, et ne put réprimer un petit cri de victoire en voyant les griffes d'Irkas s'enfoncer dans la poitrine de son ignoble camarade pour aller ressortir de l'autre côté dans une gerbe de sang noir. La férocité de son attaque l'avait empêché de s'arrêter à temps et il venait d'empaler son compagnon, faisant la première victime d'un duel inégal. Karkos s'écroula à terre, secoué de spasmes furieux, ses crocs serrés au point d'éclater,e t il laissa échapper un gémissement résonnant d'un affreux gargouillis, écho du sang qui venait envahir ses poumons crevés.
-J'ai faim, si faim.... furent ses dernières paroles.
Irkas resta un moment interdit devant le cadavre de Karkos, ses griffes démesurées ruisselantes de sang poisseux, puis sa tête retomba vers l'arrière et il poussa un sifflement suraigu avant de se jeter sur le corps pour arracher de gros morceaux de chair sanguinolente pour s'en repaître, oubliant alors totalement le combat initial, trop tenaillé par une faim depuis longtemps non satisfaite.
Theseus faillit vomir devant tant de bestialité, avant de revenir à la réalité immédiate quand Shirkis tenta mollement de l'agripper par derrière de ses mains gangrénées. Theseus roula en avant, portant un coup en arrière de son bout de bois éteint, et le sentit se bloquer dans un surface molle. Shirkis poussa un grognement de douleur, et arracha le branchage fiché dans son ventre boursouflé avant de reprendre son avancée d'un pas trainant, ses boyaux dansant horriblement alors qu'il avançaient, comme le pendule d'une horloge maudite égrainant le temps qui passait alors que la maladie le consumait. Un de ses bras obèses et crevassés s'abattit vers l'avant, et Theseus sauta de côté pour éviter le coup, mais ne put du coup pas anticiper l'arrivée fracassante de Hairas qui le souleva de côté pour aller le projeter contre un stalagmite qui se fracassa sous le choc. Theseus sentit tout son dos craquer sous le choc, et éructa bruyamment tandis que l'air était chassé de ses poumons. Prenant maladroitement appui sur ses coudes pour se relever, crachant du sang à terre, il put statuer en deux secondes qu'il avait trois côtes cassées, et sûrement une vertèbre ou deux de déplacées. Il se redressa en tanguant de plus belle, ayant la désagréable impression qu'une multitude d'épées chauffées à blanc lui perforaient le dos. Hairas s'approcha de lui en montrant ses horribles crocs, sa bave dégoulinant jusqu'à terre en fumant, l'un de ses énormes poings enserrant une hache primitive faite d'une grosse branche et d'un éclat de métal - sûrement les vestiges de leurs anciennes armures - fiché en travers.
En beuglant toute sa rage, il leva l'arme rudimentaire pour l'abattre vers le cou qui lui était offert.
-Du sang! vociféra-t-il. Des crânes pour mon maître!
Theseus sentit le souffle d'air provoqué par la descente de la lame rouillée, et se lança en avant en serrant les dents pour refouler la douleur qui lui tenaillait le dos, se projetant entre les jambes arquées du mutant, allant se rétablir juste derrière lui, sa main enserrant un éclat de stalagmite brisée qu'il alla écraser dans le dos de son agresseur. Usant de toute sa force et de tout son désespoir, il parvint à enfoncer l'éclat rocheux dans le bas de la nuque noueuse de la bête, crevant son épiderme rugueux, tranchant ses muscles d'airain et ses tendons, avant de caler contre les os de la nuque, sa main s'arrachant de la pierre restée plantée. Hairas tituba en grognant de douleur, sa tête pendant en avant, ses muscles et tendons détruits ne lui permettant plus de relever son crâne bestial. Il voulut frapper de revers, mais la force déployée par son bras ne fit qu'empirer les choses, son mouvement l'emmenant tourner brusquement sur le côté, écorchant un peu plus sa nuque blessée et il se mit à mugir de plus belle, ses yeux ardents roulant dans ses orbites, une bave mousseuse dégoulinant de ses babines frémissantes.
Theseus l'abandonna à son calvaire quand il dû éviter une nouvelle tentative de Shirkis qui tenta de l'attraper par la taille en grognant de frustration quand la vitesse du garçon le porta au dehors de la poigne lente et pataude du mutant croulant sous les infections.
Son bond porta Theseus juste aux côtés d'Irkas, qui dévorait de bon coeur ce qui restait du corps de Karkos, son visage serpentin éclaboussé de sang et de viande. Le monstre cannibale leva son regard fou vers le nouvel arrivant et siffla comme un chat sauvage qui venait d'être perturbé dans son repas. L'un de ses membres griffus se porta en avant, et Theseus se baissa assez rapidement pour éviter d'être décapité, ce mouvement brusque irradiant aussitôt son corps d'une douleur vive qui lui fit serrer des dents pour éviter de hurler. Il porta aussitôt l'une de ses mains au dessus de lui et saisit l'un des membres fragiles mais mortels de la créatures sinueuse. De son autre main, il attrapa un point opposé à sa première prise, et d'une brusque torsion, se projetant en avant, retourna le membre dans un affreux bruit d'os brisés, faisant hurler de plus belle Irkas qui ouvrit une gueule démesurée. Theseus ignora Shirkis qui se trainait vers eux, sa tête au cou rompu se balançant mollement de côté pour le regarder par intermittence, ses bras immondes portés en avant pour le saisir. Le garçon ne prêta nulle attention aux paroles obscènes que vociférait l'être pestiféré, et tira un grand coup sur le bras cassé de son autre ennemi, avec assez de force pour produire une autre série de craquement écoeurant, les hurlements atroces de douleur redoublant, et après un nouveau mouvement d'épaule vers l'avant, le bras mutilé posé dessus pour affermir sa prise, il fit se rompre muscles, peau et tendons et fut jeté en avant, tenant avec force le bras arraché et secoué de spasmes, tandis qu'Irkas s'avachit à terre en beuglant de plus belles, son épaule éclatée vomissant un sang noir à gros bouillons.
Theseus fit tourner le membre mort dans ses mains, portant les griffes inertes en avant, et fonça vers Shirkis en hurlant de rage, portant un coup ascendant, sa macabre épée allant trancher net les bras tendus de son adversaire qui gargouillant quelques ignobles jurons en se rejetant en arrière.
Theseus fit tournoyer son arme improvisée et d'un second coup, il ouvrit le corps gonflé du monstre de l'épaule droite jusqu'à la hanche gauche, un flot d'immondices qu'il se refusa à identifier allant asperger le sol tandis que la tête déformée gigota au bout de son cou brisé pour multiplier les insultes qui aurait donné une crise cardiaque à un Inquisiteur. Las de cette démonstration d’obscénités, Theseus fit remonter les griffes trempées de sang malade vers le haut et abattit telle une faux son arme de chair pour décapité son horrible ennemi qui s'effondra au sol en convulsionnant de plus belle, arrosant tout le pourtour d'un sang puant et collant.
Le garçon laissa le cadavre spasmodique de sa victime pour aller achever l'ancien propriétaire de son arme, et Irkas ne se détourna même pas du coup qui lui était destiné, ses yeux de vipère fixant ceux de son bourreau. Theseus eut même la désagréable impression que sa nouvelle victime avait poussé un soupir extasié quand ses propres griffes lui perforèrent le cou pour séparer sa tête du reste de son corps abject.
Le jeune garçon n'eut pas le loisir de philosopher sur cette impression dérangeante, son univers s'écroulant d'un coup alors qu'il eut l'impression très nette qu'un tank venait de le percuter de plain fouet sur le côté.
Allant rouler jusqu'au feu, ne pouvant réprimer un cri de douleur quand il lui sembla que son dos meurtri se brisait au delà du possible, il acheva sa course au plus près des flammes, et sentit sa peau se cloquer sous l'effet de la chaleur des braises qui étaient venues avidement l'embrasser.
Il vit Hairas, tête prostré, écumant de rage et de douleur, foncer vers lui à toute vitesse, sa hache trainant à terre alors qu'il n'avait plus la force nécessaire pour la soulever, n'usant plus que de son crâne massif pour réduire son tortionnaire en bouillie.
-Tu vas mourir au terme de mille souffrances, sale rat! beugla-t-il en venant à sa rencontre.
Theseus roula de côté en hurlant à nouveau, son passage d'urgence l'ayant forcé à écraser sous son corps quelques braises ardentes qui lui laissèrent de conséquentes brûlures dans le dos. Il sauta sur ses jambes, les yeux emplis de larmes de douleur, ses yeux irradiant d'une froide colère.
Hairas chargea à nouveau vers lui après avoir peiné pour prendre la bonne direction, son cou ballant lui interdisant tout mouvement fluide. Theseus l'évita de nouveau d'un petit bond sur le côté, et chercha des yeux une arme efficace, le cadavre d'Irkas trop loin de lui pour le moment.
-Je vais bouffer tes intestins et offrir ton crâne aux vents, morveux! déblatérait Hairas en fonçant à nouveau vers lui.
Un petit bond et Theseus l'évita, en considérant un instant la hache primitive que le colosse agrippait toujours. Le jeune homme attendit la nouvelle charge et roula de côté en saisissant de toute ses forces l'arme de son adversaire, l'arrachant à sa prise originale, envoyant Hairas rouler dans la poussière, sa nuque déchirée projetant du sang jusqu'au plafond de pierre, et ses hurlements ayant dû résonner jusqu'à Taygète. Theseus fit faiblement passer sa nouvelle acquisition dans sa main gauche, sentant que le choc lui avait démit l'épaule droite. Il claudiqua vers son adversaire encore à se débattre à terre, la hache serrée dans son poing gauche, son bras droit pendouillant mollement contre son flanc ensanglanté. Son visage avait perdu de sa jeunesse, devenu une mosaique de chair écorchée, brûlée et tuméfiée, un masque de colère blessée, l'incarnation du dégoût qu'il éprouvait depuis sa découverte, et de l'inexorable justice qui devait être appliquée.
Hairas se releva mais ses jambes finirent par flancher, et il resta agenouillé devant celui qui venait pour l'exécuter.
-Je vais te bouffer les entrailles et souiller ton âme! grogna-t-il, à bout de force, sa haine lui donnant toujours l'illusion qu'il pourrait se relever et combattre, son corps lui montrant l'inverse. Je vais t'écarteler pour t'offrir en pièces aux vents!
Theseus se planta face à lui, son visage crispé en un masque de mépris.
-Par le Trône, vous ne pouvez donc pas mourir en silence? lâcha-t-il.
Il leva la hache, et sans attendre de réponse ou autres insultes de la créature, l'abattit sur la blessure derrière sa nuque, achevant de briser les cervicales et de trancher la viande corrompue, la tête hirsute tombant lourdement à terre, suivie du reste du corps, brusquement privé de vie.
Lâchant l'instrument du châtiment impérial qu'il venait d'administrer, Theseus sentit la douleur et la fatigue l'assaillir et il tituba avant de succomber aux vertiges qui venaient obscurcir son esprit, et il s'écroula pesamment sur le dos dans un hoquet, ne sentant même plus la même douleur aigu lui vriller le dos, qu'une souffrance ténue et lointaine.
Il resta là à respirer profondément, fixant la voûte caverneuse, sa tête encore envahie par le stress des combats et la peur de la mort. Il mit cinq bonnes minutes à faire refluer cette panique martiale qu'un apprenti se devait de refouler si il voulait être digne de fouler les étoiles aux côtés de ses maîtres Astartes.
Il mit cinq autres minutes à user d'un des rites que leur tuteur leur avait appris pour calmer la douleur et regagner un maximum de force pour continuer.
Il se redressa lentement, et fit jouer son dos qui craqua de plus belle, le faisant vaguement grimacer, avant de considérer son épaule démise. Il se força à tendre le bras, prenant appui dessus, et plaqua son autre main sur l'épaule déboîtée, en respirant avec force, se préparant au choc. Trois inspirations plus tard, sans hésiter, il pesa de tout son poids et de toute sa force sur son articulation et serra les dents sans plus pousser qu'un grognement étranglé quand l'épaule se remboîta dans un craquement horrible et sourd. Il retomba sur le dos, sujet à une vague terrible de douleur sourde, reprenant un rythme de respiration plus calme, fermant les yeux en récitant un autres des rites d'apaisement.
Deux minutes passèrent et il se redressa, en faisant délicatement jouer son épaule meurtrie et son bras, puis avec de plus en plus de vigueur pour retrouver toute sa capacité. Satisfait, la douleur s'étant apaisée, Theseus se releva complètement et récupéra la hache trempant dans une large flaque de sang visqueux, juste devant la nuque tranchée d'Hairas.
Il fit jouer l'arme dans sa main droite, saisissant une branche enflammée de l'autre, s'enfonça dans un des boyaux adjacents sans se retourner, et s'éloigna de la pièce et des cadavres, se mettant en quête de retrouver l'ensemble de son matériel, ou à défaut une sortie pour pouvoir aller rapidement trouver le reste de son groupe, et leur rapporter sa terrible découverte.
LES ELEVES SE mirent en formation défensive en l'espace de dix secondes, Priap apprêtant son lance flammes, Laros à ses côtés en couverture derrière un tronc épais. Gonok, Persos et Kulios se déployèrent sur la gauche, derrière un rideau de rochers leur arrivant à hauteur de poitrine, comme des dents dépassant de la boue, Nektoos, Karios et Hukarios filant à l'opposé pour se mettre en ligne derrière un tronc abattu et pourrissant. Xanos et Qortos gardèrent la tête de la formation, à quelques pas de Priap et Laros, le jeune chef de groupe serrant fermement sa machette dans une main et la crosse de son fusil dans l'autre, prenant une position de défi, fermement campé sur ses jambes, le visage resplendissant d'une sauvage détermination.
Une nouvelle série de hurlements retentit et les adolescents levèrent leurs armes dans sa direction à l'unisson, pas un ne présentant l'once d'un début de peur. Les hautes fougères leur faisant face commencèrent à trembler de plus belle comme si un troupeau sauvage leur filait dessus à toute vitesse, et Xanos leva sa lame grossière pour leur indiquer de se préparer à l'attaque.
Avant même que le premier hostile ne franchisse le mur végétal qui les séparaient de leurs proies, trois tirs claquèrent et Nektoos tomba en arrière dans un grognement, une légère brume rougeâtre flottant à l'endroit où il s'était tenu une seconde avant, avant de se dissiper. Xanos poussa un cri rageur en abaissa sa machette en direction de ceux qui s'étaient clairement identifés comme des ennemis, et les élèves ouvrirent un feu discipliné. Nektoos, l'épaule gauche ravagée par le tir qui l'avait atteint se joignit à la fusillade, le visage tordu de colère et de douleur.
Une ombre massive se projeta dans un feulement diabolique des hautes fougères et fut aussitôt pulvérisée par les tirs pour retomber en un agglomérat de viande palpitante. Un cône de flammes grondantes vint consumer les premiers plans de fougères, carbonisant le rempart végétal, les restes du premier ennemi et deux autres qui s'écroulèrent à terre dans des hurlement de douleur.
Les balles achevaient de déchiqueter le décor en produisant une brume d'échardes, de feuilles éclatées et d'éclaboussures de sang.
Quatre formes humanoïdes s'élancèrent à leur tour derrière les cadavres des trois premiers arrivants, et trois parvinrent à traverser le rideau de feu mortel, la quatrième éclatant dans une grotesque explosion humide d'os et de viscères.
Xanos était le plus proche des trois ennemis qui fonçaient déjà vers lui, et ce qu'il vit le révulsa immédiatement.
Vêtus de lambeaux de tuniques rouges, dont certains arboraient encore à peine le symbole de la Caserne de Taygète, les assaillants étaient tous d'horribles monstres difformes aux traits bestiaux, certains ayant vu leur anatomie prendre des proportions improbables, d'autres semblant tous droits surgis des Enfers.
-Démons! hurla Qortos en épaulant son fusil pour cribler de balles la créature de tête.
-Purifiez les, mes frères! Par le feu et le sang, pour l'Empereur et Ses Enfants, repoussez l'engeance du Mal! s'époumona Priap en déployant une nouvelle langue de feu mortelle.
Xanos resta un moment pétrifié sur place alors que ses frères accentuaient leurs tirs, la précision d'un de ceux de Laros lui sauvant la vie en décapitant le démon qui s'élançait sur lui.
Il sortit immédiatement de sa torpeur, et à la grande surprise de ses camarades, un gémissement désastreux monta de sa gorge, tandis qu'il laissa tomber à terre son fusil et sa machette en reculant de quelques pas. La peur lui dévora les entrailles, et il sentit tout son corps frémir, se tendre au point de lui faire mal. Derrière lui Qortos lui hurla quelque chose qu'il n'entendit pas. De nouveau monstres arrivaient par groupes sans se soucier des tirs fatals qui emportaient leurs camarades les uns après les autres.
-Six contacts sur la gauche! hurla Kulios.
-Quatre sur la droite! ajouta Hukarios. Non, il y en a six de plus!
-Mais d'où sortent-ils tous? grogna Nektoos en partant se plaquer contre un tronc situé un peu plus en avant, se servant de son fusil d'une main, son autre bras à l'épaule meurtrie plaqué contre son torse.
Priap arriva à hauteur de Xanos mais au moment où il s'apprêtait à durement l'invectiver pour sa soudaine lâcheté, le jeune chef de groupe hurla de toutes ses forces et de toute sa haine, avant de se jeter en avant après avoir récupéré sa machette, les yeux exorbités, et massacra en l'espace de quelques secondes pas moins de cinq monstres, projetant tout autour de lui des giclées de sang noir, de lambeaux de chair et d'organes pulvérisés. Sans s'arrêter un seul moment de vociférer, comme si il extériorisait une haine refoulée depuis une éternité, il s'acharna sur ses ennemis, même une fois morts, et fit preuve d'une sauvagerie qui déconcerta totalement ses frères, dont certains s'arrêtèrent même de tirer.
Il s'élança, tout poisseux de sang, et étripa un autre monstre qui venait de fondre sur lui, avant de retourner sa machette pour l'enfoncer de moitié dans le poitrail d'un autre. La lame resta coincée, et Xanos se jeta dans l'instant qui suivit sur la créature pour la finir à mains nues, frappant de toutes ses forces le monstre tombé à la renverse, jusqu'à ce que ses poings ne traversent la peau et les os, éclatant la tête de son ennemi au sol, répandant sa matière cérébrale et une mare de sang aux alentours.
Priap profita qu'il se fut éloigné de sa ligne de mire pour réactiver son engin de mort, et incendia le point d'arrivée des ennemis par de lents allés retours latéraux, afin de couvrir un maximum de la zone hostile. Au bout de quelques instants durant lesquels la température avait affreusement augmenté, plus aucune créature ne fit son apparition, et Priap relâcha le bouton d'injection, ravalant la langue enflammée pour à nouveau tourner son attention vers Xanos.
Il sentit son estomac se nouer quand il constata que leur chef de groupe avait disparu, laissant sur place des reliquats de cadavres éparpillés, comme si on les avaient regroupés juste au dessus d'une bombe, repeignant le sol bourbeux et la végétation alentour d'un épais manteau de sang visqueux et d'entrailles frémissantes.
-2B, regroupement! Avec moi! appela-t-il en levant le poing, sans détourner les yeux de cet abominable spectacle.
Les huit autres élèves se rapprochèrent de lui assez rapidement, Laros en dernier, s'arrêtant seulement à un moment sur sa route pour délivrer le coup de grâce à un des monstres mourants.
Priap se tourna vers eux, et essuya la sueur de son front d'un revers de bras, avant de lâcher un soupir de soulagement après ce brusque combat, ses yeux grands ouverts dans lesquels on pouvait voir s'agiter la tension de la guerre et la fierté de s'en être tiré sans pertes, mais aussi la peur et le doute.
-Raport. demanda-t-il.
-Personne est touché à part Nektoos, frère. répondit Qortos en désignant du chef l'élève à l'épaule blessée. Où est Xanos?
-Je l'ai perdu. admit Priap. L'un de vous l'a-t-il aperçu?
Les élèves firent tous non de la tête, et Priap lâcha cette fois un soupir exaspéré.
-Que lui est il arrivé, par Terra? Pourquoi n'a-t-il pas attaqué? s'étonna enfin Karios, posant là la question que tous n'osaient pas formuler.
Priap lança un regard en biais à Qortos, le seul assez proche pour avoir vu la sauvagerie de ce qui s'était passé ensuite. Croisant celui de Laros en retour, il sut que le tireur taciturne avait lui aussi observé le macabre spectacle.
-Il n'a pas fui tout de même? s'offusqua Persos. C'est le plus vieux et le plus expérimenté d'entre nous!
-Quelque chose s'est emparé de lui. l'interrompit brutalement Laros. Quelque chose de mauvais.
Le jeune garçon d'ordinaire si silencieux était à la moitié de ses quinze années le plus vieux d'entre eux après Xanos. Et sans aucun doute le second prétendant au rang de leader. Ses yeux sombres recelaient une grande maturité et une grande force. Et autre chose, mais personne ne s'était déjà aventuré à vouloir en savoir plus, Laros étant de par son caractère quelqu'un qu'on respectait dans son choix de rester en retrait des autres.
Priap retourna sa phrase dans sa tête avant de gravement hocher de la tête.
-Il y a quelque chose ici, dans cette portion de la forêt qui n'est pas net. Ces...monstres, quoi qu'ils puissent être, ne devraient pas s'y trouver. Comment sont ils arrivés jusqu'ici, et que sont ils?
-De la même manière que nous mon frère. fit sombrement Laros avec un sourire en coin morbide. Et qui sont ils? Ils sont...nous.
Du bout du pied, il retourna violemment le démon qu'il avait achevé, et pointa du canon de son fusil une portion des haillons carmins dont était vêtue la créature. Il le posa exactement sur ce qui restait du blason de la Caserne de Taygète avant de replacer son regard abyssal dans celui de Priap, l'abjecte vérité leur sautant au visage, comme un bolt tiré à bout portant, et ils restèrent tous muets d'horreur. Tous sauf Laros qui accentua son sourire en coin en jetant un regard lointain par dessus son épaule, vers là d'où ils arrivaient.
Honorius eut la désagréable impression que le jeune homme le fixait de son regard obscur. Il savait.
Mais que savait-il d'autre?...
****
TEL UNE OMBRE au milieu de cet enfer végétal, Honorius suivait à distance de sécurité le groupe d'Elèves, se mouvant entre les arbres, les lianes épaisses, les rochers glissants et les dénivellations gorgées de boue, agile comme un prédateur, discret comme un eldar. Il ne quittait pas le groupe un seul instant, ses augmentiques et ses sens génétiquement améliorés ne lui faisant perdre aucune miette de ce qui se passait, percevant chaque parole prononcée, chaque geste effectué. Le Chapelain pouvait sentir résonner les pulsations de leurs cœurs, écouter leurs respirations. Il pouvait presque lire dans leurs esprits comme dans un livre ouvert, par la simple observation de leur comportement.
D'une impulsion nerveuse, il afficha sur ses oculaires son horloge intégrée, et nota que le groupe était dans la jungle depuis maintenant six heures. Selon leurs instructions, ils disposaient encore d'une journée et demi pour mener leurs objectifs à terme.
D'un clignement de l’œil, il fit s'afficher une carte détaillée de la zone forestière, et pu suivre leur parcours effectué. Il étaient encore peu enfoncés dans la jungle, et étaient vraisemblablement encore distants de leur objectif premier de quelques kilomètres.
Il contourna un énorme rocher, sans les perdre de vue, et grimpa silencieusement une courte colline de mousse et de plante pourrissantes pour pouvoir les observer en hauteur. Levant son regard, il pu constater en l'espace de deux secondes qu'ils arrivaient à proximité d'une zone rocailleuse, cerclée par quelques marécages, bien que la végétation écrasante de la jungle ne diminuait pas pour autant, les arbres toujours aussi serrés et le ciel de plus en plus caché par leurs branches difformes.
D'un autre clignement d’œil, il fit s'afficher sur sa carte l'emplacement de l'objectif premier du groupe, le lieu de rencontre avec le groupe 2C. Ce devait être un bunker abandonné situé à une dizaine de kilomètres au delà de la zone rocheuse, proche d'une petite clairière située de l'autre côté d'une rivière, le bunker sensé faire office de point de passage contrôlé, à côté du pont qui enjambait le cours d'eau. 2C devaient les rejoindre là bas pour leur remettre des informations importantes quant à leur cible, ainsi que leur délivrer le Bouclier, objet qui leur permettrait de poursuivre leur chasse ensemble.
Honorius n'avait que brièvement parcouru les notes du Disdaskalos, et ne savait pas ce qu'était ce Bouclier, mais cette information ne lui était pas d'une grande utilité, étant donné que sa première préoccupation était de surveiller le groupe d'Elèves afin de pouvoir reconnaître lesquels seraient des recrues de choix. Son choix personnel était déjà en train de se faire - encore fallait il que son favori parvienne à passer les épreuves du Rituel avec succès - et il avait également repéré ceux qui selon lui seraient trop faibles pour triompher de leurs péripéties. Il savait que certains parmi ceux qui ne réussiraient pas feraient des recruteurs de choix, ou au mieux des serviteurs convenables sur Styx. D'autres demeureraient sur Sparta en tant que reclus, vivant en dehors de la civilisation, couverts de honte. Ce n'était pour autant pas une vie si difficile et sans gloire, puisque l'Histoire de Sparta comportait beaucoup d'actes importants auxquels avaient participé ces exclus, certains devenant des ermites, d'autres des mercenaires et d'autres encore de puissant héros solitaires. Mais même dans leur gloire potentielle, ils demeureraient toujours aux yeux du peuple ceux qui avaient échoué dans leur quête d'immortalité, et apparaissaient bien souvent comme des anges déchus, vision fantasque d'une chute irrémédiable.
Le chef de groupe, celui qui se nommait Xanos, leva le poing, faisant immédiatement stopper l'avancée de ses camarades qui se figèrent à l'unisson. Honorius resta sur son perchoir et augmenta la portée de ses capteurs augmentiques pour pouvoir parfaitement percevoir les échanges entre les Élèves, et observer leurs comportements.
Xanos paraissait nerveux, ou préoccupé, et ordonna au groupe de faire halte. Le fait qu'il décréta une pause si soudaine ne manqua pas de surprendre certains de ses camarades, en particulier ceux qui étaient demeurés en arrières, ceux qui se nommaient Priap et Qortos, qui n'avaient cessé durant le trajet d'observer leur leader du moment et leurs camarades. Honorius avait lu de la suspicion dans leurs yeux, et sentait qu'ils se méfiait de quelque chose chez le jeune Xanos. Son changement de tempérament probablement... Il était vrai que l'adolescent avait par moments agit de manière surprenante, sinon totalement étrange, et Honorius s'était alors demandé si l'adolescent n'avait pas cédé à la pression de se retrouver placé à la tête d'un groupe, ce qui constituait toujours une lourde responsabilité pour celui qui n'en a jamais fait l'expérience. Honorius lui même avait connu cela lorsqu'il avait été nommé Chapelain, et il savait qu'il était en train de le revivre en cet instant où ses frères voulaient qu'il devienne leur nouveau Maître Chapelain, ce qui l’amènerait à avoir la responsabilité de la loyauté et de la santé de toutes les âmes du Chapitre, et non plus seulement de sa Compagnie. Cette seule pensée suffit à lui procurer de la sympathie pour ce Xanos, qui en dehors de ses sautés d'humeur, se montrait depuis le début un excellent meneur, prenant toujours l'avis de ses frères, et ne prenant aucune décision à la hâte.
Il vit Xanos appeler celui qui s'appelait Hukarios, et qui semblait être le second meilleur éclaireur après Theseus, celui qui était parti en avant du groupe depuis vingt minutes. Honorius trouvait d'ailleurs que ça faisait trop longtemps, le jeune homme ayant auparavant fait preuve d'une extraordinaire rapidité dans ses reconnaissances, faisant parvenir ses rapports par vox toutes les cinq minutes, ou venant le présenter en personne lorsqu'il le jugeait utile.
Il se trouva que Xanos partageait son avis, et Honorius l'entendit envoyer Hukarios en avant pour retrouver la trace de Theseus. Qortos et Priap s'étaient mis à l'écart, et le plus proche ami du garçon recherché ne quittait pas son chef de groupe des yeux, les sourcils froncés. Celui qui ne parlait jamais, Laros, vint les trouver à son tour, et donna une tape sur l'épaule de Priap, voulant sans doute afficher son soutien en cas de réel problème. Mais Priap ne sembla pas réagir, et se contenta d'observer Xanos encore pendant quelques instants, avant de tourner son regard dans la direction supposée où était allé son camarade.
Xanos héla Qortos, qui transportait la radio portative, et lui ordonna de tenter de joindre Theseus, ce que fit immédiatement l'adolescent, avant de froncer les sourcils en tendant le casque à son leader.
-De la friture. dit il. On dirait que son com vox n'émet plus...
-Essaye encore. ordonna Xanos, son langage corporel trahissant une nervosité grandissante. Si tu parviens à entendre quoi que ce soit préviens moi immédiatement.
-Que faisons nous en attendant? demanda celui qui se nommait Persos, un grand gaillard au teint cuivré.
-Rien. Nous attendons. répondit sèchement Xanos. Hukarios devrait nous communiquer son rapport incessamment sous peu.
-Nous ne pouvons attendre. déclara Priap d'une voix ferme. Nous avons une mission à accomplir, et nous perdons du temps.
-Je croyais que Theseus était ton ami? s'offusqua Xanos. Il est peut être blessé, ou s'est perdu, va savoir, mais nous allons le retrouver. On ne continue pas sans lui.
-Je connais Theseus. affirma Priap, avec la même fermeté. Il ne se perd jamais. C'est le meilleur dans ce qu'il fait. Il nous retrouvera. En attendant nous devons poursuivre notre objectif, nous avons assez perdu de temps comme ça en poursuivant un groupe fantôme. 2C nous attendent, et nous avons encore à peine une journée pour accomplir notre chasse.
-Depuis quand est ce qu'il te revient de donner des ordres? s'énerva Xanos. Je suis chargé de ce groupe, dois je te le rappeler?
-Alors agis en tant que tel. lâcha Priap d'un ton glacial. Nous ne pouvons attendre Theseus davantage! Il faut avancer.
-Et s'il est blessé...ou pire? tenta Xanos, la mâchoire crispée par la colère.
-L'Empereur veillera sur lui. répondit Priap avec assurance. Et s'il succombe, alors nous devons d'autant plus honorer sa mémoire en accomplissant notre devoir.
Les paroles du jeune homme semblèrent faire effet, car Xanos ne répondit pas, tandis que tous écoutait Priap d'un air conquis. Il avait un grand talent d'orateur, et se servait prodigieusement bien de sa foi pour enhardir ses camarades, ce qui était une qualité à surveiller de près se dit Honorius.
Xanos secoua la tête de dépit et se détourna de Priap avec un geste de la main méprisant.
-On bougera quand j'en donnerai l'ordre. siffla-t-il avec hésitation, comme pour s'en convaincre lui même. Qortos, est ce que Hukarios a fait son rapport?
-Non frère, toute la fréquence semble perturbée. Je ne reçois rien, et je crois que je n'émets rien non plus...
-Frères, test de com vox immédiat! ordonna Xanos, le regard sombre, en joignant l'acte à la parole, appuyant sur son oreillette pour l'enclencher. Il se tordit immédiatement en grimaçant de douleur avant d'arracher l'objet de son oreille en le jetant par terre.
D'autres Elèves vécurent la même expérience désagréable, et Honorius perçu les horribles sifflements qui jaillissaient des oreillettes, qui crachaient un flot ininterrompu de bouillie sonore. Il comprit alors que leurs transmissions étaient brouillées, et, consultant ses fichiers, s'assura qu'ils n'étaient pas encore rentrés dans la zone noire, cette zone qui était effectivement brouillée par les Maîtres, seulement sur la fréquence des groupes déployés, afin d'observer leurs réflexes d'organisation. Le Chapelain fronça les sourcils derrière son masque de mort, alors que la carte et les données qui s'affichaient sur ses rétines oculaires assuraient qu'ils se trouvaient en dehors.
Un bruissement soudain de feuilles attira l'attention de tout le groupe, qui leva les armes, avant qu'un Hukarios essoufflé apparu. Xanos marcha vers lui avec une vague expression d'espoir.
-Alors? L'as tu trouvé? demanda-t-il.
-Non. Aucune trace. Sa piste s'arrête non loin de ces petits massifs rocheux. J'ai trouvé un autre bout d'étoffe rouge, ainsi que des traces anciennes de campement. Mais rien d'autre. Il semble qu'il ait disparu.
Xanos sembla se ravager l’esprit à chercher une solution, tandis que Priap se rapprochait de lui.
-Il n'y a rien à faire pour lui, du moins pour le moment. dit il. Nous n'avons aucun moyen de le joindre. Nous devons continuer, en priant les Ancêtres de le protéger. La mission, Xanos. C'est ce qu'il aurait choisi...
Le jeune leader ne répondit pas tout de suite, la mine extrêmement sombre, avant de lâcher un grognement rageur. Il ramassa son paquetage et ordonna aux autre de faire de même, avant de reprendre la route. Il suivit les conseils de Priap, et le groupe progressa à nouveau vers leur objectif premier.
Honorius glissa au bas de son point d'observation, et les suivit prudemment, jetant au passage un regard vers les reliefs de pierre vers lesquels devait s'être égaré le jeune Theseus. Au fond de lui, le vieux Chapelain espéra que rien n'était arrivé. Il replaça sa concentration sur le reste du groupe et recommença à progresser comme un fantôme, indécelable.
Au summum de sa concentration, il ne remarqua pas les parasites envahissant ses transmissions peu à peu, faisant frémir sa vision oculaire et grésiller ses écouteurs...
IL ÉMERGEA DES ténèbres comme s'il venait d'atteindre la surface d'un océan sans fond, encore en proie à l'étourdissement, nauséeux et perdu, et avait l'impression que son crâne allait exploser. Theseus se rendit vite compte que ce n'était pas que la douleur sourde qui palpitait au creux de sa boîte crânienne, mais quelque chose d'autre, et le temps que sa vision s’accommode et que le flou s'estompe, il réalisa que la raison de son état maladif résultait de sa position particulièrement inconfortable.
Il était attaché grossièrement par les chevilles, tête en bas, ses bras battant mollement dans le vide, ses poignets fermement liés par une corde rustique. Levant les yeux -ou plutôt, les baissant vers le sol, il vit une petite flaque de sang séché, provenant sans doute de la blessure qui s'étalait à l'arrière de sa tête, et qu'il parvenait à se représenter à la manière dont la petite brise fraiche s'accrochait à elle, lui donnant l'impression d'avoir une couche de givre collée au bas de la nuque.
Il sentit de violents vertiges l'assaillir tandis que le sang qui lui montait à la tête lui semblait enserrer ses tempes entre deux féroces étaux. Il tenta de se relever mais son corps trop affaiblit après avoir gardé cette pose trop longtemps refusa d'obéir.
Le garçon referma les yeux et combattit de toutes ses forces cette affreuse impression de chute continue et d'envie de vomir. Il se rappela avec difficulté les exercices qu'il n'avait cessé de répéter à la caserne sous la supervision de leur tuteur, et parvint enfin à faire le calme dans son esprit, apaisant la douleur lancinante qui lui vrillait le corps et retrouvant progressivement ses esprits.
Première chose, reconnaître l'environnement. Il faisait sombre, et froid, et humide. Un faible écho aux grincements de ses attaches et un bruit régulier de gouttes s'écrasant au sol. Pas de son pouvant attester de la présence d'un quelconque individu dans les parages. En rouvrant les yeux, il s'était accommodé à l'obscurité tenace et put discerner les reliefs qui l'entouraient, ses yeux reconnaissant ce que son esprit avait déjà déduit à l'analyse rapide de son environnement. Il était retenu prisonnier dans une caverne. Sûrement la même que celle dans laquelle il était entré, s'il pouvait se fier à la roche relativement identique et aux bruits lointains d'eau se déversant par minces filets en de petits ruisseaux, probablement pour aller courir jusqu'au lac souterrain devant lequel il se trouvait avant de plonger dans une inconscience brutale.
Seconde chose, prendre connaissance de sa condition. Il n'avait pas vraiment besoin de s'assurer une fois encore qu'il était attaché, cependant il éprouva un petit instant ses liens, et réalisa qu'ils étaient certes de facture grossière, mais fermement placés, lui interdisant pour le moment toute tentative de fuite. Il ferma à nouveau les yeux et laissa son corps lui parler.
La douleur la plus persistante résultait de sa position inversée, son crâne éprouvant durement les effets de la gravité, ses jambes devenues presque insensibles à force de manquer d'un bon apport en flux sanguin. Ses poignets ne semblaient pas avoir trop soufferts des liens, pas plus que ses chevilles. La blessure laissée par son assaillant derrière son crâne ne semblait pas grave, probablement une simple entaille résultant d'un coup latéral d'un objet contondant, manié avec une force brute et aucune finesse. Il risquait tout au plus une méchante migraine, mais rien de plus. Aucune autre blessure à déplorer, il était en bonne santé et en état de combattre s'il parvenait à se libérer.
Troisième chose, chercher une trace immédiate de ses agresseurs. Il rouvrit alors les yeux et les firent se balader dans la périphérie limitée de son champ de vision, bloqué en un angle bancal par sa position. Il distingua un foyer éteint, primitif, monceau de bois mort brisé et non coupé, étalé au milieu d'un cercle imparfait de pierres de différentes tailles. Il y avait ça et là des débris, des bris d'os, ou des morceaux de tissus sales et non identifiables. Mais aucun individu dans la zone qu'il venait d'analyser, pas âme qui vive. Il resta un moment sans bouger à écouter les murmures de la caverne pour s'assurer que personne ne s'y trouvait.
Quatrième chose, tenter de se sortir de là. Theseus contracta tous les muscles de son torse pour pouvoir se relever un maximum vers les liens enserrant ses chevilles, mais l'inversion soudaine qui fit refluer son sang lui procura immédiatement un violent vertige, et il se laissa retomber lourdement, sentant son corps vibrer douloureusement, son poids ayant tiré sur ses jambes attachées. C'était un coup à se déboîter un membre, dans le meilleur des cas... Il attendit un instant et tenta à nouveau, en se préparant à encaisser le brusque reflux sanguin, et cette fois parvint à s'agripper aux cordages qui retenaient ses chevilles prisonnières. Dans les six secondes que son corps sous tension lui accorda pour observer les liens avant de lâcher, le forçant une fois de plus à en revenir à se balancer tête vers le sol, Theseus eut le temps de compter trois cordes de tailels différentes, cinq noeuds grossiers, et une chaine rouillée ralliant le tout pour aller s'accrocher au plafond de roche. Il fit jouer son esprit pour se représenter du mieux qu'il put cette combinaison de liens à la fois médiocre et complexe, et fit jouer ses doigts pour les préparer à opérer le plus plus rapidement possible.
Le jeune homme prit trois grandes inspirations successives et remonta une fois encore vers ses chevilles entravées, son buste secoué de tremblement tandis que tous ses muscles se gonflaient sous l'effort fourni pour lui permettre d'atteindre la bonne hauteur.
Ses mains partirent aussitôt en avant, toujours liées, et ses doigts agrippèrent fermement l'un des noeud pour éprouver sa solidité et tenter de le défaire. Il sentit les tresses de corde se relâcher un temps et raffermit son geste pour pouvoir accélérer la libération de ses jambes. Le noeud lâcha brutalement, le renvoyant dégringoler tête en bas, et l'espace d'un instant il sentit avec horreur les liens lâcher, l'envoyant se fracasser le crâne à terre. Mais ils résistèrent, et à la place il ressentit une vive douleur au creux de sa hanche gauche, ce qu'il avait redouté auparavant s'étant produit, la chute et la force en résultant lui ayant pratiquement disloqué le fémur. La douleur s'effaça bien assez vite pour laisser place à un engourdissement sourd, et Theseus lâcha une courte prière de remerciement à ses ancêtres.
Reportant son attention sur l'objet de ses cabrioles, il parvint à faiblement remuer sa jambe droite, et sentit les liens glisser en frottant les uns contre les autres, puis arrêta immédiatement. Il y avait là deux possibilités, soit le tout allait lâcher, soit seule une de ses jambes allait être libérée, menaçant l'autre de se briser, pour de toute manière se retrouver dans une posture insupportable.
Il attendit un instant afin de s'assurer que les liens n'allaient pas se rompre de la mauvaise manière, puis gigota légèrement la jambe pour ne plus avoir de doute. Le tout tenait, et il ne risquait pas de mauvaise chute. Theseus inspira un grand bol d'air avant de se relever, pour la dernière fois espéra-t-il, agrippant immédiatement le noeud dont il avait fait son objectif, celui qui logiquement allait totalement le libérer. Affaiblit par le dénouement du précédent, le noeud ne résista pas longtemps et lâcha doucement, entraînant avec lui les quatre autres qui en étaient dépendant, envoyant alors Theseus rouler au sol à une vitesse contrôlée, de façon à ce qu'il puisse se rétablir promptement sans risquer de se rompre le cou ou de se briser la colonne vertébrale.
Le jeune homme se releva d'un bond et s'approcha d'un rocher au profil tranchant, y frottant frénétiquement les liens qui gardaient ses mains prisonnières, et après un minutes de va et viens produisant une légère odeur de brûlé, les liens lâchèrent dans un minuscule nuage de particules, laissant à Theseus la satisfaction de pouvoir séparer ses mains, dans de grands gestes de bras d'avant en arrière pour s'étirer. Il acheva de se masser les poignets avec un sourire d'appréciation et s'adonna une fois de plus à l'observation des alentours.
Ses affaires lui avaient été prises, et il ne portait que son pagne bleu pour tout vêtement. Il fit le tour de la portion de caverne qui avait constitué sa prison, et entreprit de fouiller un peu plus les débris qu'il avait aperçu auparavant. Pour la plupart, il ne s'agissait que de résidus de repas sauvages, mais il retrouva également des morceaux de tissus de la même couleur et de la même facture que ces mystérieux bouts de tissu rouge que Theseus avaient suivi pour aboutir ici. Il trouva également quelques douilles rouillées, qui, à la différence de celles qu'il avait retrouvées dehors, n'avaient pas été percutées. Des balles pour fusil d'entraînement, au vu de leur calibre et de leurs marquages, en théorie uniquement utilisées au sein de la Caserne. Le jeune apprenti fut un peu interloqué par cette nouvelle découverte attestant un peu plus la thèse du groupe d'Elèves disparus, poursuivant une mission terminée depuis longtemps. Et si ils étaient devenus fous après tout ce temps? Etait-ce possible venant de la part d'apprentis élevés dans les préceptes de la Caserne de Taygète où la force de l'esprit prédomine? Theseus se refusa pour le moment à de telles suppositions. Il pouvait tout aussi bien s'agir de bêtes sauvages qui les auraient massacrés ici même, dans cette caverne reculée de tout.
Il abandonna ses trouvailles et entreprit de continuer son chemin, empruntant un boyau à peine assez large pour faire passer un Astartes, une lueur rougeoyante scintillant à l'autre bout. A mesure qu'il avançait, ses sens exercés perçurent des bruits caractéristiques dénotant au moins trois individus conversant, ou se grognant dessus, et le craquement sec et sporadique d'un feu de bois.
Theseus se baissa pour progresser le plus silencieusement et discrètement possible et déboucha bientôt sur une autre petite pièce caverneuse, basse de plafond, ses parois accidentées illuminée par la danse spectrale des flammes ronflant doucement dans un foyer mourant, quatre silhouettes déformées au delà de toute reconnaissance se découpant en taches obscures frémissantes tout autour de l'habitacle. Plusieurs gros rochers reposaient au sol, immobiles des temps immémoriaux, et par chance l'un des plus gros tout près de la position de Theseus lui offrit le couvert idéal pour pouvoir observer les êtres regroupés autour du feu. Il se plaqua contre le manteau froid du bloc de pierre anguleux et lissé par le temps, et se blottit contre un deuxième rocher adossé au premier, un stalagmite aux couleurs ocres dépassant juste devant la maigre séparation entre les deux blocs, offrant là une cachette toute désignée de même qu'un point d'observation privilégié.
Il fallait tout de même que Theseus se redresse au risque d'être remarqué pour pouvoir voir les individus aussi préféra-t-il dans un premier temps se fier à ce qu’il entendait.
A en juger par leurs voix grasses et profondes, ses ravisseurs devaient être d'une taille assez conséquente, ou bien ils avaient tous une malformation du larynx. Leur élocution elle même laissait à désirer, transformant leurs paroles incertaines en bribes de mots inintelligibles, de grognements et de raclements de gorge. Toutefois, au bout d'un court instant, Theseus put faire abstraction de leur parler absurde et identifier des mots, des phrases, puis un véritable échange vocale et animé d'une intelligence. Et en langage commun de Sparta.
-On ne peut rester ici plus longtemps! grogna une voix traînante et abyssale. Notre repaire est compromis, les proies vont se transformer en chasseurs.
-Pas de panique, frère. répondit une autre voix semblable au choc de deux grosses pierres lancées l'une contre l'autre. Aucun d'eux ne nous a découvert, et Gorlos a rapporté qu'ils s'éloignaient de notre territoire à présent.
-Il nous reste celui que Jukzas a capturé tout à l'heure! intervint une voix sifflante et hésitante, comme si son porteur avait les poumons à l'état d'éponge gorgée de fluides malades. Qu'allons nous en faire? Il ne satisfera pas tout le groupe, ça non!
-Premiers arrivés, premiers servis! répliqua sèchement la première voix. Tant pis pour les autres, ils n'ont qu'à être là quand le chef les réclame! Si les autres en veulent pas, je m'en satisferai bien tout seul!
-Karkos, tu ne peux garder une proie pour toi tout seul. gronda une quatrième voix, brutale et profonde, cinglante comme un coup de tonnerre. Et puis le chef a dis que la proie serait livrée aux vents.
-J'en ai marre de bouffer des animaux maigrichons! se lamenta la première voix.
Theseus fit une moue dégoûtée en silence en comprenant quel sort funeste aurait pu l'attendre s'il n'avait pas repris conscience. Il était donc tombé sur des cannibales, et s'il en jugeait par leurs voix déformées, sûrement des primitifs des récifs de Juno, qui par quelques hasards s'étaient retrouvés dans la forêt de la Caserne, pourtant lourdement gardée, ou alors, chose plus improbable, des mutants ayant survécu aux purges et étant sortis des bas fonds de Taygète. Son estomac se contracta de haine d'écoeurement à l'idée d'être si proche de telles créatures. Manger son semblable était un crime inimaginable, impensable, impardonnable. Il se résolut à en écouter davantage pour obtenir plus d'information sur la situation, mais se promis de tous les tuer sitôt qu'il déciderait de poursuivre son chemin.
C'est à ce moment qu'il réalisé qu'il était toujours dépourvu de son matériel, sans défenses.
Contenant sa frustration, il reporta son attention sur les voix difformes de ses ignobles gardiens.
-T'en fait pas Karkos, tu satisfera bientôt ton appétit dément, tu le sais. poursuivit la voix de tuberculeux. D'autres proies approchent. Plus faibles. Six des nôtres sont partis vers eux.
-Y'a intérêt à ce qu'ils se les fassent pas tout seuls, parce que je peux t'assurer que j’offrirai leurs crânes à qui de droit, tu le sais Shirkis! grogna le dénommé Karkos, la première voix. Un sifflement écoeurant qui s'avéra être un rire malade lui répondit.
-Tu t'accroche encore à ses promesses, hein? demanda Shirkis, celui à la voix de pestiféré, encore secoué par son rire immonde. Tu sais pourtant que la vie de ses serviteurs est éphémère... Encore plus que celle des serviteurs du Trône d'Or!
La phrase fut ponctuée par le bruit déplaisant d'un crachat bileux jeté à terre.
Theseus fut de plus en plus surpris par la tournure de la conversation, et sentit ses tripes se nouer alors que se dessinait une affreuse possibilité dans son esprit.
-Cessez de vous chamailler vous deux! claqua la voix brutale. Le chef a ordonné que nous ne reparlions pas des seigneurs des proies ici. Sinon, les vents hurleraient et vous savez tous ce que ça provoquerai...Ce que ça a provoqué...
-Bénie soit ta sagesse, Hairas! se réjouit la voix rocailleuse. Tu es l'un des préférés des vents, et je commence à croire que la raison en est ta clairvoyance et ton autorité.
-Cesses donc de me cirer les bottes, Irkas, maudit sois tu, toi et tes paroles empoisonnées! répliqua brutalement le nommé Hairas, auquel son interlocuteur répondit par un rire obscène.
-Alors qu'est ce qu'on fait de lui à la fin? s'impatienta Karkos, se référant sans aucun doute possible à Theseus. On le bouffe ou on le refile au Maboule?
-Respecte la Voix! tonna Hairas. Il est notre guide, et parle directement aux vents. Même le chef le respecte et le craint. Je te conseille de faire de même si tu ne veux pas perdre ta tête.
-Si c'est le cas, pense à la dédier à ton seigneur et maître avant qu'elle ne tombe... ricana Shirkis en produisant d'affreux bruits de succion visqueuse.
-Sois maudit, le pestiféré! vociféra Karkos, et Theseus sentit un mouvement brusque, suivit d'un bruit horrible de craquement d'os et de viande arrachée.
Il y eut un court silence, puis un son encore plus abjecte retentit, un gargouillis inimaginable qui s'avérait être la voix de Shirkis affreusement déformée, comme si son cou s'était liquéfié et qu'on l'étranglait.
-Le vent de la haine rends tellement idiot... ricana-t-il en gargouillant de plus belle. Vois comme celui des mouches m'a rendu fort! Vois à quel point tu es ridicule, esclave du Crâne de Sang!
Theseus eut l'impression qu'on le frappait en plein estomac lorsque les paroles, et surtout les noms, parvinrent à ses oreilles, et il eut l'impression de suffoquer.
Il n'en pouvait plus et devait en avoir le coeur net, bien que les recoins de son âme lui hurlaient déjà la terrible vérité. Il se releva juste assez pour jeter un coup d'oeil vers le groupe d'hérétiques et ce qu'il vit le glaça sur place aussi sûrement que l'aurait fait la Mort en l'embrassant dans ses bras de désespoir et d'oubli...
Il parvint à peine à articuler une prière de protection à ses ancêtres, tant il était sur le point de vomir de dégoût devant ce qu'il observait à présent.
La situation était bien plus désespérée que ce qu'il croyait, et il allait lui falloir tout le courage de l'univers en ce moment précis pour surpasser la terrible épreuve qui s'était présentée à lui.
-DISDASKALOS, RÉPONDEZ! ICI Honorius, répondez!
Le Chapelain tentait pour la quatrième fois de contacter le centre de commandement de la Caserne, en vain. Ses oreillettes continuaient à donner un rendu inaudible, de sifflements et de friture. Avec un sifflement de colère, Honorius déconnecta son vox communicateur, et en changea la fréquence.
-Ici Honorius. Spartacus, me recevez vous? tenta-t-il.
Le babillage inaudible s'était intensifié, noyé par les parasites. Il essaya de réguler la fréquence, mais rien n'y fit, et il coupa à nouveau son communicateur. Quelque chose n'allait pas... Il se remémora les plaques de données auxquelles il avait pu accéder concernant la forêt de la Caserne et ses particularités, et se souvint de la "zone noire", zone placée sous l'effet d'un puissant brouillage de communication afin de mettre à l'épreuve les talents de stratèges des élèves, coupés du monde, voir si ils étaient capables de poursuivre leur mission sans aide extérieure. Mais ce qui fit froncer les sourcils au Chapelain, c'était que d'après ses relevés topographiques, ils se trouvaient actuellement en dehors de la zone noire, et que de plus, le brouillage créé par les tuteurs de la Caserne ne verrouillait en théorie que les communications des élèves envoyés en mission, et aucune autre. Chaque groupe envoyé disposait d'une fréquence spécialement ouverte et surveillée, et c'était seulement cette fréquence qui devait être compromise par le brouillage. Or, la propre fréquence personnelle du Chapelain était touchée. Il ne pouvait donc pas s'agir de la zone noire, quelque chose d'autre les brouillait.
Honorius quitta son couvert pour rejoindre la butte de terre envahie de fougères aux dimensions démesurées, d'où il pouvait observer en toute discrétion le groupe 2B. Les neuf élèves continuaient leur avancée dans la jungle, après que leur chef de groupe désigné, sur les conseils d'un de ses camarades, eut décidé de continuer sans leur éclaireur porté disparu, allant droit vers la position supposée de leur premier objectif.
Le garçon en tête pris sur sa gauche, suivi par les autres en file indienne, le porteur de lance flammes clôturant la marche, lançant fréquemment des regards en arrière, arme levée et prête à cracher une mort incandescente.
Honorius attendit qu'il eut tourné la tête et se leva pour les suivre. Soudain il se figea sur place, une main portée à son casque, rendu aveugle par la brusque coupure de ses oculaires. L'affichage revint après trois secondes de coupure, dans un premier temps ne lui permettant uniquement une observation brute des alentours avant que les systèmes avancés ne se réenclenchent et ne rallument une multitude d'icônes et de runes stratégiques sur sa visière. Le Chapelain, à la fois surpris et sur ses gardes par ce défaut inattendu, resta sur place pour s'assurer que ce serait le seul sursaut, mais à peine cinq secondes après ré-enclenchement, la visière connut à nouveau une interruption d'activité. En tout, son système visuel flancha trois fois de suite, avant de se stabiliser faiblement, l'affichage saturé de parasites et de sursaut de rendu image. Le brouillage semblait affecter l'ensemble de ses équipements électroniques, comme si une bombe électromagnétique avait explosé à côté de lui.
Honorius renonça à attendre plus longtemps et préféra désactiver complètement son casque désormais hors service, ses lentilles oculaires retrouvant une simple fonction de protection basique, sans aucun support tactique, comme de simples lunettes de protection.
Ne désirant pas rester là plus longtemps, il se lança à nouveau après le groupe 2B afin de suivre leur avancée. Le doute grandissait en lui, et il vérifia grâce à son com vox l'intensité du brouillage. Plus ils avançaient, plus il était puissant.
Ils se dirigeaient droit vers le point d'origine et Honorius supposa que ce même point d'origine serait également une première réelle mise à l'épreuve pour eux.
Ma la question qui commençait réellement à le travailler était de savoir qui, ou quoi produisait un brouillage d'une telle intensité. Y'avait il une autre force dans cette forêt que les deux groupes supposés s'y trouver? Une force hostile?
Son cerveau l'inonda de pensées et de réflexions sur ce qui pouvait potentiellement les attendre, si bien que le Chapelain sentit sa nervosité monter d'un cran.
Il fut brusquement tiré de ses pensées quand il entendit des hurlements sauvages monter de quelque part en face d'eux, comme si une meute entière de bêtes sauvages s'était mise à hurler à l'unisson. Instinctivement, il dégaina son pistolet bolter, mais il savait qu'en aucun cas il ne devait intervenir. Quoique ça puisse être, ça serait partie intégrante de l'épreuve des élèves.
Mais on n'est jamais trop prudent, se dit-il. Avec satisfaction, il observa le groupe 2B se disperser rapidement pour se préparer à se confronter à la menace, quelle qu'elle soit. Dans quelques instants à en juger à la proximité d'un nouveau hurlement bestial, il allait pouvoir enfin juger les prouesses martiales des élèves. Leur premier baptême du feu semblait fondre sur eux à tout vitesse. Ca allait être un affrontement féroce, pensa Honorius.
Il ne le savait pas encore, mais ça allait être bien pire que cela...
LA VISION D'HORREUR qui s'offrit à lui dépassait de loin ce qu'il avait pu anticiper, et il lui fallut toute sa résolution pour ne pas laisser la rage l'envahir d'un coup. Les quatre êtres difformes qui étaient regroupés autour du feu étaient l'incarnation même de la corruption dont Sparta était censée être débarrassée depuis dix ans, depuis les Jours Sombres. Et pourtant, il semblait bien que le Mal ait subsisté, et Theseus en contemplait toute l'absurde immondice. Beaucoup avaient répandu d'étranges rumeurs quant à la disparition inexpliquée de 1C. Certains disaient que tous les élèves étaient morts, d'autres qu'ils étaient perdus sans aucune conscience du temps qui passait, poursuivant inlassablement leur mission, ne sachant pas combien de temps était passé. D'autres encore arguaient que les jeunes prétendants Astartes étaient devenus fous, l'isolement ayant pris le dessus sur leur conditionnement de guerriers en voie de devenir des demis dieux.
La réalité était bien plus terrible. Les quatre créatures face à Theseus portaient des vestiges des uniformes de 1C, des tuniques déchirées de couleur écarlate tachée de boue et d'immondices, et certains arboraient des restes d'armes et d'équipement que la nature sauvage et le temps avaient altéré pour n'en laisser que des fragments dérisoires, inutilisables. Leurs corps quant à eux étaient boursouflés, déformés, tantôt ayant développé une musculature improbable, tantôt des membres supplémentaires bien loin des standards de l'anatomie humaine, ou encore étaient des réceptacles de maladies, des furoncles crevés et des organes palpitant à l'air libre attestant d'un égarement bien au delà de celui dont beaucoup parlaient. C'était bien pire qu'un simple échec lors d'une mission, c'était un échec de leur vie elle même. Leur corps ne portait plus la souillure du Chaos, ils étaient devenus la souillure du Chaos.
Theseus se sentit dans un premier temps désemparé face à telle situation, réalisant à quel point cruel il était en position de faiblesse, nu et sans armes, contrairement à ces caricatures odieuses d'humains. L'un des monstres tourna sa tête couverte d'écailles rouge sang, ses yeux flamboyant d'une sauvagerie meurtrière, et sa bouche sans lèvres s'ouvrit sur des rangées de crocs pointus, émettant un sifflement de colère semblant provenir des Enfers eux mêmes.
-La proie! beugla-t-il, et Theseus reconnut la voix d’outre tombe de Karkos. La proie s'enfuie, mes frères!
Theseus reconnu sans peine le deuxième mutant à s'exprimer, son corps gonflé par la maladie, et un chapelet d'intestins putréfiés pendant au travers de son ventre verdâtre que les lambeaux de sa tunique n'arrivaient même pas à contenir. Sa tête pendait mollement sur le côté, son cou crevé laissant entrapercevoir les reliefs blanchâtres d'os brisés. Shirkis. Avatar pestiféré de tous les maux imaginables de l'univers.
-Capturez le! gargouilla-t-il en levant un bras tuméfié et couvert de varices. Les vents le réclament!
Les deux autres furent les premiers à bouger vers lui, le premier un colosse tout en muscles surdimensionnés, la peau rugueuse veinée de noir, sa tête semblable à celle d'un molosse, aux poils hirsutes et au museau fumant, des crocs dégoûtant et une haleine de viande rassie, surement le collecteur de crânes, Hairas. L'autre était tout maigrelet, et semblait se mouvoir comme une vipère, sa peau luisante et serpentine, un visage reptilien rosâtre avec dans ses yeux blancs sans pupilles toute l'expression d'une mort inéluctable et vorace. De longues griffes étaient venues crever ses mains dont il ne restaient plus que deux moignons rabougris pendouillant misérablement. Quand il bougeait, Theseus jurait qu'il percevait des râles d'agonies entremêlés comme un chœur d'âmes torturées.
Les griffes noires et chitineuses de cet être qui devait être le dénommé Irkas s'abattirent sur le rocher derrière lequel se tenait Theseus, et il parvint à bondir suffisamment en arrière pour éviter d'être tranché en deux.
-Ne le tuez pas! râlait Shirkis de sa voix insupportable de macchabée vivant. Il est le cadeau aux vents!
-La peste! hurla Karkos. Il est à moi! J'ai faim, trop faim pour attendre encore!
Le démon aux écailles de sang se projeta en avant pour saisir Theseus accroupi mais le jeune homme poussa de toutes ses forces sur ses deux jambes pour aller voltiger au dessus de la tête de son assaillant et alla se rétablir juste à côté du feu, tendant une main à l'aveuglette pour se saisir d'un morceau de bois en train de se consumer, s'en faisant un gourdin incandescent avec lequel il alla frapper Irkas sur le côté de la tête.
Le mutant fut projeté de côté en poussant un hurlement affreusement aigu tandis que la peau lisse de son crâne déformé se cloquait sous l'effet des flammes qui étaient restées accrochées pour le dévorer. En basculant de côté, sa tunique rouge et émaciée entrouverte, il laissa entrevoir à Theseus toute l'horreur de sa mutation, ses jambes s'étant éclatée en une multitude de tentacules frétillants.
Le jeune garçon tenta de porter un coup en avant vers la gueule ouverte du monstre, mais dû une fois encore battre en retraite d'un bond alors que Hairas fonçait vers lui, l'écume sur ses babines retroussées, un grognement sourd montant de sa gorge musculeuse. Son bras velu brassa du vide, mais il parvint néanmoins à entailler le flanc à nu de Theseus, arrosant la terre des premières gouttes d'un sang qui n'était pas corrompu.
L'adolescent ignora la douleur du mieux qu'il le put et renvoya un coup de pied latéral qui vint s'écraser sur la joue osseuse du monstre, faisant retentir un bruit écoeurant d'os brisés, suivit du beuglement de rage de la bête blessée. Son talon meurtri par la réplique, Theseus se retrouva à nouveau accroupi en position de défense, prêt à bondir hors de portée du danger, sentant Irkas et Karkos foncer vers lui de chaque côtés. Il roula en avant au dernier moment, laissant les deux mutants se percuter, et ne put réprimer un petit cri de victoire en voyant les griffes d'Irkas s'enfoncer dans la poitrine de son ignoble camarade pour aller ressortir de l'autre côté dans une gerbe de sang noir. La férocité de son attaque l'avait empêché de s'arrêter à temps et il venait d'empaler son compagnon, faisant la première victime d'un duel inégal. Karkos s'écroula à terre, secoué de spasmes furieux, ses crocs serrés au point d'éclater,e t il laissa échapper un gémissement résonnant d'un affreux gargouillis, écho du sang qui venait envahir ses poumons crevés.
-J'ai faim, si faim.... furent ses dernières paroles.
Irkas resta un moment interdit devant le cadavre de Karkos, ses griffes démesurées ruisselantes de sang poisseux, puis sa tête retomba vers l'arrière et il poussa un sifflement suraigu avant de se jeter sur le corps pour arracher de gros morceaux de chair sanguinolente pour s'en repaître, oubliant alors totalement le combat initial, trop tenaillé par une faim depuis longtemps non satisfaite.
Theseus faillit vomir devant tant de bestialité, avant de revenir à la réalité immédiate quand Shirkis tenta mollement de l'agripper par derrière de ses mains gangrénées. Theseus roula en avant, portant un coup en arrière de son bout de bois éteint, et le sentit se bloquer dans un surface molle. Shirkis poussa un grognement de douleur, et arracha le branchage fiché dans son ventre boursouflé avant de reprendre son avancée d'un pas trainant, ses boyaux dansant horriblement alors qu'il avançaient, comme le pendule d'une horloge maudite égrainant le temps qui passait alors que la maladie le consumait. Un de ses bras obèses et crevassés s'abattit vers l'avant, et Theseus sauta de côté pour éviter le coup, mais ne put du coup pas anticiper l'arrivée fracassante de Hairas qui le souleva de côté pour aller le projeter contre un stalagmite qui se fracassa sous le choc. Theseus sentit tout son dos craquer sous le choc, et éructa bruyamment tandis que l'air était chassé de ses poumons. Prenant maladroitement appui sur ses coudes pour se relever, crachant du sang à terre, il put statuer en deux secondes qu'il avait trois côtes cassées, et sûrement une vertèbre ou deux de déplacées. Il se redressa en tanguant de plus belle, ayant la désagréable impression qu'une multitude d'épées chauffées à blanc lui perforaient le dos. Hairas s'approcha de lui en montrant ses horribles crocs, sa bave dégoulinant jusqu'à terre en fumant, l'un de ses énormes poings enserrant une hache primitive faite d'une grosse branche et d'un éclat de métal - sûrement les vestiges de leurs anciennes armures - fiché en travers.
En beuglant toute sa rage, il leva l'arme rudimentaire pour l'abattre vers le cou qui lui était offert.
-Du sang! vociféra-t-il. Des crânes pour mon maître!
Theseus sentit le souffle d'air provoqué par la descente de la lame rouillée, et se lança en avant en serrant les dents pour refouler la douleur qui lui tenaillait le dos, se projetant entre les jambes arquées du mutant, allant se rétablir juste derrière lui, sa main enserrant un éclat de stalagmite brisée qu'il alla écraser dans le dos de son agresseur. Usant de toute sa force et de tout son désespoir, il parvint à enfoncer l'éclat rocheux dans le bas de la nuque noueuse de la bête, crevant son épiderme rugueux, tranchant ses muscles d'airain et ses tendons, avant de caler contre les os de la nuque, sa main s'arrachant de la pierre restée plantée. Hairas tituba en grognant de douleur, sa tête pendant en avant, ses muscles et tendons détruits ne lui permettant plus de relever son crâne bestial. Il voulut frapper de revers, mais la force déployée par son bras ne fit qu'empirer les choses, son mouvement l'emmenant tourner brusquement sur le côté, écorchant un peu plus sa nuque blessée et il se mit à mugir de plus belle, ses yeux ardents roulant dans ses orbites, une bave mousseuse dégoulinant de ses babines frémissantes.
Theseus l'abandonna à son calvaire quand il dû éviter une nouvelle tentative de Shirkis qui tenta de l'attraper par la taille en grognant de frustration quand la vitesse du garçon le porta au dehors de la poigne lente et pataude du mutant croulant sous les infections.
Son bond porta Theseus juste aux côtés d'Irkas, qui dévorait de bon coeur ce qui restait du corps de Karkos, son visage serpentin éclaboussé de sang et de viande. Le monstre cannibale leva son regard fou vers le nouvel arrivant et siffla comme un chat sauvage qui venait d'être perturbé dans son repas. L'un de ses membres griffus se porta en avant, et Theseus se baissa assez rapidement pour éviter d'être décapité, ce mouvement brusque irradiant aussitôt son corps d'une douleur vive qui lui fit serrer des dents pour éviter de hurler. Il porta aussitôt l'une de ses mains au dessus de lui et saisit l'un des membres fragiles mais mortels de la créatures sinueuse. De son autre main, il attrapa un point opposé à sa première prise, et d'une brusque torsion, se projetant en avant, retourna le membre dans un affreux bruit d'os brisés, faisant hurler de plus belle Irkas qui ouvrit une gueule démesurée. Theseus ignora Shirkis qui se trainait vers eux, sa tête au cou rompu se balançant mollement de côté pour le regarder par intermittence, ses bras immondes portés en avant pour le saisir. Le garçon ne prêta nulle attention aux paroles obscènes que vociférait l'être pestiféré, et tira un grand coup sur le bras cassé de son autre ennemi, avec assez de force pour produire une autre série de craquement écoeurant, les hurlements atroces de douleur redoublant, et après un nouveau mouvement d'épaule vers l'avant, le bras mutilé posé dessus pour affermir sa prise, il fit se rompre muscles, peau et tendons et fut jeté en avant, tenant avec force le bras arraché et secoué de spasmes, tandis qu'Irkas s'avachit à terre en beuglant de plus belles, son épaule éclatée vomissant un sang noir à gros bouillons.
Theseus fit tourner le membre mort dans ses mains, portant les griffes inertes en avant, et fonça vers Shirkis en hurlant de rage, portant un coup ascendant, sa macabre épée allant trancher net les bras tendus de son adversaire qui gargouillant quelques ignobles jurons en se rejetant en arrière.
Theseus fit tournoyer son arme improvisée et d'un second coup, il ouvrit le corps gonflé du monstre de l'épaule droite jusqu'à la hanche gauche, un flot d'immondices qu'il se refusa à identifier allant asperger le sol tandis que la tête déformée gigota au bout de son cou brisé pour multiplier les insultes qui aurait donné une crise cardiaque à un Inquisiteur. Las de cette démonstration d’obscénités, Theseus fit remonter les griffes trempées de sang malade vers le haut et abattit telle une faux son arme de chair pour décapité son horrible ennemi qui s'effondra au sol en convulsionnant de plus belle, arrosant tout le pourtour d'un sang puant et collant.
Le garçon laissa le cadavre spasmodique de sa victime pour aller achever l'ancien propriétaire de son arme, et Irkas ne se détourna même pas du coup qui lui était destiné, ses yeux de vipère fixant ceux de son bourreau. Theseus eut même la désagréable impression que sa nouvelle victime avait poussé un soupir extasié quand ses propres griffes lui perforèrent le cou pour séparer sa tête du reste de son corps abject.
Le jeune garçon n'eut pas le loisir de philosopher sur cette impression dérangeante, son univers s'écroulant d'un coup alors qu'il eut l'impression très nette qu'un tank venait de le percuter de plain fouet sur le côté.
Allant rouler jusqu'au feu, ne pouvant réprimer un cri de douleur quand il lui sembla que son dos meurtri se brisait au delà du possible, il acheva sa course au plus près des flammes, et sentit sa peau se cloquer sous l'effet de la chaleur des braises qui étaient venues avidement l'embrasser.
Il vit Hairas, tête prostré, écumant de rage et de douleur, foncer vers lui à toute vitesse, sa hache trainant à terre alors qu'il n'avait plus la force nécessaire pour la soulever, n'usant plus que de son crâne massif pour réduire son tortionnaire en bouillie.
-Tu vas mourir au terme de mille souffrances, sale rat! beugla-t-il en venant à sa rencontre.
Theseus roula de côté en hurlant à nouveau, son passage d'urgence l'ayant forcé à écraser sous son corps quelques braises ardentes qui lui laissèrent de conséquentes brûlures dans le dos. Il sauta sur ses jambes, les yeux emplis de larmes de douleur, ses yeux irradiant d'une froide colère.
Hairas chargea à nouveau vers lui après avoir peiné pour prendre la bonne direction, son cou ballant lui interdisant tout mouvement fluide. Theseus l'évita de nouveau d'un petit bond sur le côté, et chercha des yeux une arme efficace, le cadavre d'Irkas trop loin de lui pour le moment.
-Je vais bouffer tes intestins et offrir ton crâne aux vents, morveux! déblatérait Hairas en fonçant à nouveau vers lui.
Un petit bond et Theseus l'évita, en considérant un instant la hache primitive que le colosse agrippait toujours. Le jeune homme attendit la nouvelle charge et roula de côté en saisissant de toute ses forces l'arme de son adversaire, l'arrachant à sa prise originale, envoyant Hairas rouler dans la poussière, sa nuque déchirée projetant du sang jusqu'au plafond de pierre, et ses hurlements ayant dû résonner jusqu'à Taygète. Theseus fit faiblement passer sa nouvelle acquisition dans sa main gauche, sentant que le choc lui avait démit l'épaule droite. Il claudiqua vers son adversaire encore à se débattre à terre, la hache serrée dans son poing gauche, son bras droit pendouillant mollement contre son flanc ensanglanté. Son visage avait perdu de sa jeunesse, devenu une mosaique de chair écorchée, brûlée et tuméfiée, un masque de colère blessée, l'incarnation du dégoût qu'il éprouvait depuis sa découverte, et de l'inexorable justice qui devait être appliquée.
Hairas se releva mais ses jambes finirent par flancher, et il resta agenouillé devant celui qui venait pour l'exécuter.
-Je vais te bouffer les entrailles et souiller ton âme! grogna-t-il, à bout de force, sa haine lui donnant toujours l'illusion qu'il pourrait se relever et combattre, son corps lui montrant l'inverse. Je vais t'écarteler pour t'offrir en pièces aux vents!
Theseus se planta face à lui, son visage crispé en un masque de mépris.
-Par le Trône, vous ne pouvez donc pas mourir en silence? lâcha-t-il.
Il leva la hache, et sans attendre de réponse ou autres insultes de la créature, l'abattit sur la blessure derrière sa nuque, achevant de briser les cervicales et de trancher la viande corrompue, la tête hirsute tombant lourdement à terre, suivie du reste du corps, brusquement privé de vie.
Lâchant l'instrument du châtiment impérial qu'il venait d'administrer, Theseus sentit la douleur et la fatigue l'assaillir et il tituba avant de succomber aux vertiges qui venaient obscurcir son esprit, et il s'écroula pesamment sur le dos dans un hoquet, ne sentant même plus la même douleur aigu lui vriller le dos, qu'une souffrance ténue et lointaine.
Il resta là à respirer profondément, fixant la voûte caverneuse, sa tête encore envahie par le stress des combats et la peur de la mort. Il mit cinq bonnes minutes à faire refluer cette panique martiale qu'un apprenti se devait de refouler si il voulait être digne de fouler les étoiles aux côtés de ses maîtres Astartes.
Il mit cinq autres minutes à user d'un des rites que leur tuteur leur avait appris pour calmer la douleur et regagner un maximum de force pour continuer.
Il se redressa lentement, et fit jouer son dos qui craqua de plus belle, le faisant vaguement grimacer, avant de considérer son épaule démise. Il se força à tendre le bras, prenant appui dessus, et plaqua son autre main sur l'épaule déboîtée, en respirant avec force, se préparant au choc. Trois inspirations plus tard, sans hésiter, il pesa de tout son poids et de toute sa force sur son articulation et serra les dents sans plus pousser qu'un grognement étranglé quand l'épaule se remboîta dans un craquement horrible et sourd. Il retomba sur le dos, sujet à une vague terrible de douleur sourde, reprenant un rythme de respiration plus calme, fermant les yeux en récitant un autres des rites d'apaisement.
Deux minutes passèrent et il se redressa, en faisant délicatement jouer son épaule meurtrie et son bras, puis avec de plus en plus de vigueur pour retrouver toute sa capacité. Satisfait, la douleur s'étant apaisée, Theseus se releva complètement et récupéra la hache trempant dans une large flaque de sang visqueux, juste devant la nuque tranchée d'Hairas.
Il fit jouer l'arme dans sa main droite, saisissant une branche enflammée de l'autre, s'enfonça dans un des boyaux adjacents sans se retourner, et s'éloigna de la pièce et des cadavres, se mettant en quête de retrouver l'ensemble de son matériel, ou à défaut une sortie pour pouvoir aller rapidement trouver le reste de son groupe, et leur rapporter sa terrible découverte.
LES ELEVES SE mirent en formation défensive en l'espace de dix secondes, Priap apprêtant son lance flammes, Laros à ses côtés en couverture derrière un tronc épais. Gonok, Persos et Kulios se déployèrent sur la gauche, derrière un rideau de rochers leur arrivant à hauteur de poitrine, comme des dents dépassant de la boue, Nektoos, Karios et Hukarios filant à l'opposé pour se mettre en ligne derrière un tronc abattu et pourrissant. Xanos et Qortos gardèrent la tête de la formation, à quelques pas de Priap et Laros, le jeune chef de groupe serrant fermement sa machette dans une main et la crosse de son fusil dans l'autre, prenant une position de défi, fermement campé sur ses jambes, le visage resplendissant d'une sauvage détermination.
Une nouvelle série de hurlements retentit et les adolescents levèrent leurs armes dans sa direction à l'unisson, pas un ne présentant l'once d'un début de peur. Les hautes fougères leur faisant face commencèrent à trembler de plus belle comme si un troupeau sauvage leur filait dessus à toute vitesse, et Xanos leva sa lame grossière pour leur indiquer de se préparer à l'attaque.
Avant même que le premier hostile ne franchisse le mur végétal qui les séparaient de leurs proies, trois tirs claquèrent et Nektoos tomba en arrière dans un grognement, une légère brume rougeâtre flottant à l'endroit où il s'était tenu une seconde avant, avant de se dissiper. Xanos poussa un cri rageur en abaissa sa machette en direction de ceux qui s'étaient clairement identifés comme des ennemis, et les élèves ouvrirent un feu discipliné. Nektoos, l'épaule gauche ravagée par le tir qui l'avait atteint se joignit à la fusillade, le visage tordu de colère et de douleur.
Une ombre massive se projeta dans un feulement diabolique des hautes fougères et fut aussitôt pulvérisée par les tirs pour retomber en un agglomérat de viande palpitante. Un cône de flammes grondantes vint consumer les premiers plans de fougères, carbonisant le rempart végétal, les restes du premier ennemi et deux autres qui s'écroulèrent à terre dans des hurlement de douleur.
Les balles achevaient de déchiqueter le décor en produisant une brume d'échardes, de feuilles éclatées et d'éclaboussures de sang.
Quatre formes humanoïdes s'élancèrent à leur tour derrière les cadavres des trois premiers arrivants, et trois parvinrent à traverser le rideau de feu mortel, la quatrième éclatant dans une grotesque explosion humide d'os et de viscères.
Xanos était le plus proche des trois ennemis qui fonçaient déjà vers lui, et ce qu'il vit le révulsa immédiatement.
Vêtus de lambeaux de tuniques rouges, dont certains arboraient encore à peine le symbole de la Caserne de Taygète, les assaillants étaient tous d'horribles monstres difformes aux traits bestiaux, certains ayant vu leur anatomie prendre des proportions improbables, d'autres semblant tous droits surgis des Enfers.
-Démons! hurla Qortos en épaulant son fusil pour cribler de balles la créature de tête.
-Purifiez les, mes frères! Par le feu et le sang, pour l'Empereur et Ses Enfants, repoussez l'engeance du Mal! s'époumona Priap en déployant une nouvelle langue de feu mortelle.
Xanos resta un moment pétrifié sur place alors que ses frères accentuaient leurs tirs, la précision d'un de ceux de Laros lui sauvant la vie en décapitant le démon qui s'élançait sur lui.
Il sortit immédiatement de sa torpeur, et à la grande surprise de ses camarades, un gémissement désastreux monta de sa gorge, tandis qu'il laissa tomber à terre son fusil et sa machette en reculant de quelques pas. La peur lui dévora les entrailles, et il sentit tout son corps frémir, se tendre au point de lui faire mal. Derrière lui Qortos lui hurla quelque chose qu'il n'entendit pas. De nouveau monstres arrivaient par groupes sans se soucier des tirs fatals qui emportaient leurs camarades les uns après les autres.
-Six contacts sur la gauche! hurla Kulios.
-Quatre sur la droite! ajouta Hukarios. Non, il y en a six de plus!
-Mais d'où sortent-ils tous? grogna Nektoos en partant se plaquer contre un tronc situé un peu plus en avant, se servant de son fusil d'une main, son autre bras à l'épaule meurtrie plaqué contre son torse.
Priap arriva à hauteur de Xanos mais au moment où il s'apprêtait à durement l'invectiver pour sa soudaine lâcheté, le jeune chef de groupe hurla de toutes ses forces et de toute sa haine, avant de se jeter en avant après avoir récupéré sa machette, les yeux exorbités, et massacra en l'espace de quelques secondes pas moins de cinq monstres, projetant tout autour de lui des giclées de sang noir, de lambeaux de chair et d'organes pulvérisés. Sans s'arrêter un seul moment de vociférer, comme si il extériorisait une haine refoulée depuis une éternité, il s'acharna sur ses ennemis, même une fois morts, et fit preuve d'une sauvagerie qui déconcerta totalement ses frères, dont certains s'arrêtèrent même de tirer.
Il s'élança, tout poisseux de sang, et étripa un autre monstre qui venait de fondre sur lui, avant de retourner sa machette pour l'enfoncer de moitié dans le poitrail d'un autre. La lame resta coincée, et Xanos se jeta dans l'instant qui suivit sur la créature pour la finir à mains nues, frappant de toutes ses forces le monstre tombé à la renverse, jusqu'à ce que ses poings ne traversent la peau et les os, éclatant la tête de son ennemi au sol, répandant sa matière cérébrale et une mare de sang aux alentours.
Priap profita qu'il se fut éloigné de sa ligne de mire pour réactiver son engin de mort, et incendia le point d'arrivée des ennemis par de lents allés retours latéraux, afin de couvrir un maximum de la zone hostile. Au bout de quelques instants durant lesquels la température avait affreusement augmenté, plus aucune créature ne fit son apparition, et Priap relâcha le bouton d'injection, ravalant la langue enflammée pour à nouveau tourner son attention vers Xanos.
Il sentit son estomac se nouer quand il constata que leur chef de groupe avait disparu, laissant sur place des reliquats de cadavres éparpillés, comme si on les avaient regroupés juste au dessus d'une bombe, repeignant le sol bourbeux et la végétation alentour d'un épais manteau de sang visqueux et d'entrailles frémissantes.
-2B, regroupement! Avec moi! appela-t-il en levant le poing, sans détourner les yeux de cet abominable spectacle.
Les huit autres élèves se rapprochèrent de lui assez rapidement, Laros en dernier, s'arrêtant seulement à un moment sur sa route pour délivrer le coup de grâce à un des monstres mourants.
Priap se tourna vers eux, et essuya la sueur de son front d'un revers de bras, avant de lâcher un soupir de soulagement après ce brusque combat, ses yeux grands ouverts dans lesquels on pouvait voir s'agiter la tension de la guerre et la fierté de s'en être tiré sans pertes, mais aussi la peur et le doute.
-Raport. demanda-t-il.
-Personne est touché à part Nektoos, frère. répondit Qortos en désignant du chef l'élève à l'épaule blessée. Où est Xanos?
-Je l'ai perdu. admit Priap. L'un de vous l'a-t-il aperçu?
Les élèves firent tous non de la tête, et Priap lâcha cette fois un soupir exaspéré.
-Que lui est il arrivé, par Terra? Pourquoi n'a-t-il pas attaqué? s'étonna enfin Karios, posant là la question que tous n'osaient pas formuler.
Priap lança un regard en biais à Qortos, le seul assez proche pour avoir vu la sauvagerie de ce qui s'était passé ensuite. Croisant celui de Laros en retour, il sut que le tireur taciturne avait lui aussi observé le macabre spectacle.
-Il n'a pas fui tout de même? s'offusqua Persos. C'est le plus vieux et le plus expérimenté d'entre nous!
-Quelque chose s'est emparé de lui. l'interrompit brutalement Laros. Quelque chose de mauvais.
Le jeune garçon d'ordinaire si silencieux était à la moitié de ses quinze années le plus vieux d'entre eux après Xanos. Et sans aucun doute le second prétendant au rang de leader. Ses yeux sombres recelaient une grande maturité et une grande force. Et autre chose, mais personne ne s'était déjà aventuré à vouloir en savoir plus, Laros étant de par son caractère quelqu'un qu'on respectait dans son choix de rester en retrait des autres.
Priap retourna sa phrase dans sa tête avant de gravement hocher de la tête.
-Il y a quelque chose ici, dans cette portion de la forêt qui n'est pas net. Ces...monstres, quoi qu'ils puissent être, ne devraient pas s'y trouver. Comment sont ils arrivés jusqu'ici, et que sont ils?
-De la même manière que nous mon frère. fit sombrement Laros avec un sourire en coin morbide. Et qui sont ils? Ils sont...nous.
Du bout du pied, il retourna violemment le démon qu'il avait achevé, et pointa du canon de son fusil une portion des haillons carmins dont était vêtue la créature. Il le posa exactement sur ce qui restait du blason de la Caserne de Taygète avant de replacer son regard abyssal dans celui de Priap, l'abjecte vérité leur sautant au visage, comme un bolt tiré à bout portant, et ils restèrent tous muets d'horreur. Tous sauf Laros qui accentua son sourire en coin en jetant un regard lointain par dessus son épaule, vers là d'où ils arrivaient.
Honorius eut la désagréable impression que le jeune homme le fixait de son regard obscur. Il savait.
Mais que savait-il d'autre?...
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+++ Burn the Heretic +++
+++ Purge the Unclean +++
+++ Purge the Unclean +++
Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
Ca y est! dernier post de rattrapage! Il s'agit d'une partie du Chapitre IV, jusqu'au moment où j'ai stoppé l'écriture pour le remaniement. La boucle est bouclée, nous en reviendrons désormais à du post "classique" (partie par partie) étant donné que tout a été rattrapé et que désormais tout ce qui suit sera de l'inédit.
Bonne (re)lecture, et bientôt la suite (la vrai!)
SA PROGRESSION DANS les réseaux obscurs de la caverne se fit lentement, sa progression mesurée et prudente, ne sachant pas s'il allait tomber sur d'autres de ces monstres. Si une partie de lui était fière d'avoir surmonter l'horreur de ces monstres et d'avoir triomphé d'eux, une autre partie était bien plus triste, portant le deuil de frères tombés dans la déchéance.
Son épaule ne lui faisait plus mal, en revanche, il souffrait toujours de plusieurs contusions mineures et était toujours sans défenses, hormis cette hache primitive qu'il tenait fermement dans sa main.
Theseus déboucha sur un couloir plus étroit, et lorsqu'il entendit des rumeurs semblables à des grognements étouffés, il éteignit sa torche en l'écrasant à terre, et se mit à avancer en position d'attaque, le corps vouté et l'arme en avant, prête à frapper.
Au bout du boyau, il aboutit sur une petite pièce qui avait été selon toute vraisemblance creusée par des mains humaines, et non pas les caprices de la nature. Il rampa presque dans la pénombre, et perçut bien vite des formes nettes, ses yeux s'adaptant à l'obscurité. Il y avait un foyer éteint au centre de la pièce, et quelques tapis de sol usés jetés autour. Sur les parois rocheuses des murs, des râteliers vides et envahis par les toiles d'araignée ainsi que certains containers dans le même état, attestaient que la salle était ancienne.
Les grognements persistaient, mais où qu'il put regarder, il ne repéra pas de danger immédiat, et après un instant de parfaite immobilité, tous ses sens employés à s'assurer de la sécurité du lieu, il prit le risque de se détendre et de baisser son arme.
Il n'avait pas vraiment besoin de torche, sa vision à nouveau faite au noir parvenait à lui offrir une vue suffisamment détaillée de là où il se trouvait. Il considéra le mobilier délabré et les tapis usés jetés au sol, et après un moment de réflexion, il se décida à s'en approcher pour les étudier de près. Très vite, il recensa plusieurs fois la présence du même symbole sur certaines caisses, sur un ou deux bidons ou jerrican, ou sur les râteliers vides. Le symbole de la Caserne de Taygète.
C'était sûrement là que s'étaient regroupés les membres du groupe d'élèves perdus, ceux là même qui par la suite étaient inexplicablement passés au Chaos sans espoir de rédemption.
A mesure qu'il trouvait de plus en plus d'indices prouvant cette information, il s’aperçut qu'il se rapprochait de plus en plus du grognement saccadé qui l'avait fait se plonger dans la sécurité précaire de l'obscurité.
Ralentissant sa démarche et levant à nouveau son arme, il se focalisa sur le bruit et tenta d'en trouver l'origine. Au détour d'un virage rocheux serré, il se détendit aussitôt en tombant sur un vieux générateur délabré, grinçant et toussotant, mais produisant encore un semblant d'énergie, grognant comme un animal blessé. C'était un appareil haut comme la jambe d'un adulte, et ses diodes crasseuses étouffaient les pâles lumières de sécurité, tandis que sa base vomissait un flot de câbles qui partaient serpenter dans les profondeurs de la caverne vers des destinations inconnues.
Le jeune homme posa sa main sur le dispositif et sentit une douce chaleur s'y répandre. Il était vieux, mais fonctionnait encore à plein régime. Mais dans quel but? Il avait reconnu le modèle et c'était un générateur de survie, employé le plus souvent pour recharger les armes, entretenir les armures et équipements, ou encore maintenir assez de courant pour alimenter un dispositif radio. Pourtant, de ce qu'il se rappelait, les élèves renégats qu'il avait dû tuer s'apparentaient plus à des êtres retombés dans la sauvagerie, ne portant rien d'autre que des haillons et des armes ridiculement rudimentaires et s'éclairaient et se chauffaient au feu de bois. Quel intérêt avait donc ce générateur bon pour la casse?
Il se releva pour considérer la salle à l'abandon qui avait été le premier pied à terre des élèves perdus, et se mit à fouiller certaines caisses et autres containers, la plupart vides ou emplis de matériel trop usé pour être utilisé ou tout simplement inutile.
Réprimant un cri de triomphe, il trouva enfin l'objet de ses recherches, une vieille armure d'entraînement usée et rongée par le temps, consistant en une blouse matelassée et faiblement blindée sur la poitrine et les cuisses. Il l'enfila précipitamment en tentant de faire abstraction de la désagréable sensation de démangeaison due à l'état du costume, et accrocha son arme de fortune à sa ceinture.
Entreprenant plus de recherches, il ne récupéra qu'une barre de ration qu'il dévora sans se poser de question, et un fusil à moitié rouillé et vide, qu'il finit par abandonner plutôt que de risquer un mal-fonctionnement qui le blesserait à coup sûr.
Il repartit alors vers le générateur et commença à suivre le trajet emprunté par les câbles, arme en main et prêt à bondir au moindre hostile rencontré. Ce générateur fonctionnait pour une raison, et étant donné ce qui était arrivé aux élèves perdus, leur damnation, ce ne pouvait être qu'une très mauvaise raison.
Au bout d'un certain moment, Theseus s'aperçut que le boyau s'élargissait et qu'une lumière naturelle perçait et, suivant son entraînement, se fondit un peu plus dans la pénombre, évitant la clarté nouvelle, prêt à repérer et neutraliser tout intrus. Son regard passant rapidement des câbles à la lueur, il vit enfin une sortie, et ne put retenir une prière soulagée aux Ancêtres de quitter ses lèvres en un murmure satisfait.
Il longea les rochers jouxtant l'ouverture, et tendit l'oreille. Accroupi tel un prédateur, il attendit une minute avant de se relever soulagé. Personne. Seul le murmure de la jungle toujours aussi étouffante parvenait à ses tympans. Il suivit à nouveau les câbles et arriva bientôt en vue d'un vieux bunker désaffecté et non gardé. Il se faufila discrètement jusqu'à l'entrée, sa hache collée contre la poitrine, prête à frapper, et se rua à l'intérieur. Toujours personne, mais la satisfaction de savoir à quoi servait le générateur.
Un vieux cogitateur ronronnait, assaillit par une multitude de câbles similaires à ceux qu'il avait suivi. Il devait y avoir d'autres générateurs. Theseus se pencha sur la console pleine de poussière et à moitié recouverte de végétation et regarda l'écran tremblotant qui affichait une succession de lignes de codes que seul un adepte du Dieu Machine pouvait comprendre. Néanmoins, sa réflexion exercée l'amena à deviner assez vite la fonction de l'engin quand il vit dans un coin de l'écran plusieurs codes d'identifiants barrés de rouge. Des identifiants de communicateurs. Un brouilleur.
Voilà ce qui expliquait les abominables interférences qu'ils avaient subies alors qu'ils approchaient de cet endroit.
Il ne savait pas si il y avait d'autres de ces dispositifs, mais une chose était sûre, il devait lever le brouillage pour pouvoir retrouver son équipe. N'étant pas qualifié pour user de pareille technologie et encore moins versé dans l'art qui faisait la fierté de Mars, Theseus opta pour la solution radical et se mit à frapper les câbles de sa hache, suffisamment de fois pour qu'ils se rompent un à un. La console émit un gémissement binaire désolant et s'éteignit, tout courant brutalement supprimé, son devoir définitivement stoppé. De la même manière qu'un corps décapité cesse de vivre...
Il ne pouvait pour autant pas savoir si les communications avaient été rétablies, son équipement lui manquant toujours, et notamment son oreillette personnelle. Il devait retourner dans la caverne des damnés pour la retrouver. De même que son fusil, ce qui le rassurerai pas mal.
Mais avant même qu'il ne puisse rejoindre les ténèbres du repaire de ses ennemis, il entendit du mouvement et se jeta à couvert derrière une des meurtrières du bunker. Il se focalisa sur les bruits et dénombra quelques huit individus, approchant d'un pas empressé. Il entendit des grognements animales et des bribes de discussions aux accents barbares et à la diction désastreuse ne laissant aucun doute: des mutants, ses ennemis.
Il tenta le tout pour le tout et jeta un oeil au travers de la meurtrière.
Il avait raison. Ils étaient bien huit, et c'étaient bel et bien des monstres délirants, portant les vestiges d'uniformes de la Caserne. Leurs faciès hideux étaient marqués par la rage et la haine, et il nota que certains étaient blessés.
-Les proies sont fortes! siffla l'un des mutants en secouant sa tête atrophiée.
-Ils sont forts, mais certains sont déjà sensibles aux vents! Patience! Les Dieux les compteront bientôt à leurs côtés! répliqua un autre à la tête de lézard sanguinaire.
-Ils ont tué beaucoup des nôtres... renchérit un colosse de muscles hypertrophiés. Ils sont puissants. Nous devons les affaiblir avant de les attaquer à nouveau.
-Silence, larves! claqua une voix.
Theseus vit arriver un neuvième individu, tout aussi difforme que les autres, mais à l'aura terriblement plus ténébreuse. Vouté comme un vieillard, des yeux semblant brûler du feu d'une colère millénaire, sa voix profonde résonnant de milliers de murmures. Les huit anciens élèves dégénérés tombèrent tous à genoux, et Theseus put sentir la démoniaque puissance qui possédait l'être. Contrairement aux autres, celui ci ne portait rien qui renvoyait à la Caserne, mais arborait à la place une tunique d'un bleu criard aux reflets improbables, comme si le tissu était en constante mutation. Son visage obscène était un agglomérat de chair et d'os, une bouche hideuse garnie de crocs et une unique corne difforme s'échappant de son front volumineux, crevant sa peau pâle comme la neige, sous laquelle palpitaient d'affreuses veines noires.
Lorsque le jeune homme entendit les huit mutants clamer son nom avec une voix teintée d'un mélange de crainte et de respect, il sut qu'il avait devant lui cette fameuse Voix, dont ses premières victimes avaient parlé.
Et il su qu'il avait surtout à quelques pas de lui son plus terrible défi...
LE GROUPE AVAIT repris sa difficile progression dans les étendues de l'enfer végétal, tous murés dans un silence choqué, encore sous l'émotion de la terrible découverte de Laros. Priap avait sobrement pris la tête du groupe, et les menaient calmement mais avec fermeté, interdisant un seul instant de distraction pouvant les amener à ruminer ce qui s'était produit et s'écarter ainsi dangereusement de leurs objectifs principaux. Nektoos suivait sans montrer de signe de faiblesse, un épais bandage simpliste autour de sa blessure, le bras posé sur son fusil passé en bandoulière. Il avait la mine grave, et Priap savait pertinemment qu'une fois la mission terminée, l'élève se placerait de lui même en pénitence pour sa négligence à leur retour à la Caserne. Il faisait d'ors et déjà preuve d'une profonde humilité et ne se pardonnait aucune faute. Priap savait que le jugement ne lui revenait pas, mais il savait que Nektoos ferait une recrue de choix pour leurs seigneurs de l'Astartes.
Laissant passer les autres au devant, Priap ralentit pour arriver à hauteur de l'élève blessé. Celui ci n'accorda pas un regard à son camarade, gardant les yeux bas, suivant la marche sans une parole.
-Tu n'a pas à te blâmer pour cette blessure, frère. fit Priap après un moment de réflexion.
-J'ai laissé mon esprit s'égarer sur ce qui arrivait à Xanos. répondit sèchement Nektoos. J'ai été blessé pour ma négligence, et j'aurai pu faire blesser ou tuer l'un des nôtres. Je n'étais pas concentré. Si, Priap. Je suis à blâmer. Et je suis prêt à faire face aux conséquences.
-Il n'y en aura aucune Nektoos. Tu t'es battu bravement, et nous n'avons aucune perte à déplorer. Tu as fais ton devoir, et même une fois blessé, tu n'a pas baissé les armes. Il n'y a rien à punir.
-Je te remercie pour ces belles paroles, Priap. fit Nektoos avec un pâle et triste sourire. Mais ma décision est prise. J'ai fauté. Une fois rentrés, je me soumettrai à la pénitence de l'égaré.
Priap ne répondit pas, se contentant de hocher la tête gravement. Demander soi même une telle punition était un acte de dévotion important, et il savait que les Maîtres se montreraient fiers de Nektoos une fois qu'il aurait purgé son esprit du doute et de l'hésitation.
Priap lui même était passé par là, l'an passé, après qu'il eu manqué de contrôle, et blessé un élève à la mâchoire lors d'un exercice de lutte. Pour être tout à fait honnête, il lui avait proprement fracassé la mâchoire, et l'élève avait dû passer une journée entière chez le guérisseur, puis une semaine à se remettre du coup. Durant ce temps, Priap avait été envoyé en pénitence, et avait effectué ses prières de repentir, entièrement nu dans une des cryptes de la Caserne, agenouillé sur un sol hérissé de cristaux de verre. Durant deux semaines, il n'avait changé de posture que pour trouver quelques minutes de repos ou trouver de quoi ses sustenter, tantôt des insectes, tantôt de petits rongeurs. L'air dans les cryptes était glacial, au contraire de la surface et Priap s'était surpris lui même à supporter de telles conditions, alors que son développement physique n'était pas encore à son apogée.
Lorsqu'il était sorti des cryptes avec l'accord d'un Maître Pénitent, il était en sang, amaigri et transi de froid, mais l'esprit pur et serein. L'élève qu'il avait blessé fut celui qui vint le chercher, et Priap pleura de regret quand il vit son infortunée victime arborer un implant grossier en lieu et place de sa mâchoire inférieur. Le jeune homme défiguré l'avait pardonné en l'étreignant et ils étaient repartis tout deux auprès de leurs frères d'armes, unis malgré ce regrettable incident. Deux jours plus tard, l'élève à la mâchoire brisée fut tué par un prédateur lors d'un des nombreux entraînements en bordure de la forêt...
Personne en revanche ne viendrait chercher Nektoos, car il avait fauté envers lui même. Mais il savait qu'une fois son repentir effectué, l'élève reviendrait à son groupe inchangé à leurs yeux. Il serait toujours un frère, et serait salué pour son geste comme un être à l'âme pure et sage.
De plus en plus, Priap sentait ce besoin de protection envers les siens grandir en lui, et ce sentiment de confiance et d'inspiration qu'il voulait leur inspirer. Il ne désirait pas pour autant devenir un leader ou un quelconque chef, mais il pouvait de moins en moins ignorer ce sentiment. Par peur que ce ne fusse de l'orgueil, il se jura intérieurement d'aller voir dès leur retour le Maître Arkos pour qu'il le conseille, et au besoin lui indique la pénitence à effectuer. Priap ne pouvait se résoudre à échouer si près du but pour une bête question de sentiments mal placés. Jalousait-il depuis le début Xanos pour sa position de favori? Et voilà où il en était réduit: avoir laissé ses peurs prendre le dessus et disparaître, laissant ses frères sans chef. Il avait beau être le favori d'Arkos, en définitive c'était un lâche. Un traître. Une vulgaire déjection...
Priap se figea brusquement sur place, surpris et horrifié par la violence soudaine de ses pensées. Était-ce vraiment lui qui pensait ça? C'est vrai il n'avait jamais vraiment apprécié Xanos, mais c'était son frère de combat, et il l'aimait et le respectait en tant que tel. Le jeune homme secoua la tête, comme s'il venait de s'éveiller après avoir été étourdi.
Le groupe s'arrêta un peu plus loin, sur un sifflement de Laros qui vint vers Priap.
-Un problème, frère? demanda-t-il. Tu semble fatigué.
-Ce n'est rien, Laros. répondit Priap en se massant son front moite de sueur. Je... Je ressens une impression étrange. Comme si cet endroit m'oppressait et m'amenait à... A penser des choses que je ne désire pas penser. Qui ne sont pas de moi.
-Cet endroit est hostile, Priap. le rassura Laros à voix basse. Son emprise peut revêtir bien des formes. Xanos a sombré dans la folie, et toi tu sens d'étranges pensées éclore en toi. Tu n'es pas seul.
-D'autres sont affectés? demanda Priap en se rapprochant de lui.
-Hukarios ne cesse d'entendre des sons qui n'existent pas, et Kulios parle tout seul. Et tout le monde semble trop nerveux. Il se passe quelque chose d'anormal. Je recommande la prudence...
-Et toi comment te sens tu? hasarda Priap. Tu sembles tellement calme.
-Je ne le suis pas, frère. Loin de là. le contredit Laros en secouant la tête. Mais j'ai appris de longue date à contrôler mes tempéraments. Nous sommes suivis. Je ne sais pas par qui, mais ça dure depuis un bon moment déjà. Avant même notre rencontre avec ces mutants. Le fait que "ça" ne nous ai pas encore attaqué me porte à croire que "ça" ne nous veut pas de mal. Pas encore du moins.
-En as-tu parlé aux autres?
-Non, ils sont déjà bien déstabilisés comme ça pour en rajouter une couche. Tu es le premier auquel j'en parle. Crois moi, je pense que nous sommes les deux seuls encore un tant soit peu droits dans leurs bottes ici.
-Qortos a l'air normal...
-Ca fait depuis notre départ du lieu où Xanos a disparu que Qortos murmure tout seul et triture sa radio comme un dément. Non, il a déraillé aussi. Cet endroit nous pousse dans les recoins de notre équilibre mental. Un grand mal y règne...
-Tu veux dire...
-Le Chaos? Au vu de ce qui est arrivé à 1C, c'est très certainement possible.
-Alors il nous faut redoubler de ferveur et de vigilance. Je pense que nous pouvons compter sur Nektoos aussi.
-Oui, mais peut il se faire confiance à lui même?
-Il est marqué par sa blessure, mais garde l'esprit vif et alerte. Il ne faillira pas. Pas cette fois.
Laros jeta un regard absent vers l'élève blessé, et celui ci lui en rendit un qui scintillait d'une ferveur redoublée. Sa blessure était un cuisant échec pour lui. Il n'en connaîtrait pas de deuxième.
-Entendu. fit Laros. Il nous faut continuer, frère. Nous devons à tout prix parvenir à joindre Tayguète pour faire un rapport de situation.
Comme si le destin avait voulu lui faire une mauvaise blague, ce fut à la fin même de cette phrase que Qortos s'écria d'une voix trépignante et folle:
-Les communications! Loué soit l'Empereur, nous avons retrouvé les communications! Les canaux sont libres!
Et avant même que Laros ou Priap ne réagissent pour lui ordonner de contacter Arkos en urgence, une longue plainte déchirante se leva dans la jungle, suivie presque immédiatement de grognements bestiaux.
Priap avait déjà saisi son fusil et le pointait vers le bruit.
-Frères! Tenez vous prêts, ils reviennent! cria-t-il, retrouvant tout son bon sens tandis que l'approche du combat inondait ses veines d'adrénaline.
LES MUTANTS QUI avaient été autrefois les élèves du groupes 1C étaient prosternés devant l'être qu'ils avaient nommé "la Voix", créature difforme et à l'abjecte constitution, qui semblait tout droit sortie du plus terrible des enfers. Theseus sentit ses poils se hérisser et vit un givre surnaturel se former sur le sol en se frayant un chemin comme de diaboliques serpents sur une terre boueuse qui un court instant auparavant était surchauffée par la torpeur de la jungle. Il ressentit sur la langue un goût métallique et porta une main vers sa tête, ses doigts se posant sur sa tempe, alors qu'un bourdonnement naissait et croissait dans son crâne. Le jeune homme crispa la mâchoire et secoua vivement la tête pour se débarrasser de cet désagréable impression, avant de reporter son attention sur la scène extérieur, faisant appel à toute sa concentration et en se remémorant tout ses entraînements pour résister à la pression maléfique qui pesait à présent sur lui.
La Voix descendit de son perchoir rocheux, ses robes déchirées flottant autour de ses jambes, donnant plus l'impression que le démon flottait plus qu'il ne marchait. Il se tenait accroché à un bâton tordu comme une branche malade, au sommet duquel s'élevait une hideuse étoile à huit branches. Bien qu'il ignora pourquoi, la seule vue de cette image donna la nausée à Theseus et il se sentit en proie à une terreur grandissante. Il ralentit sa respiration, et apaisa les pulsations de son coeur, s'accrochant à ce qu'on lui avait appris pour s'empêcher de basculer dans la folie.
L'infâme créature parvint au centre du cercle inconsciemment formé par les huit élèves renégats, et leva son bâton bien haut, dessinant de son autre main des traits entre les élèves qui fit apparaître leur formation similaire à l'étoile perchée sur son appui. Se tenant au centre de cette plus grande étoile mauvaise, la Voix commença à parler à chacun d'une voix emplie de malice et de haine, sa main crochue allant d'un front à l'autre.
-Les proies succomberont bientôt à nos efforts, et nous nous repaîtrons de leurs chairs et de leurs âmes. Nous danserons au milieu des quatre vents et nous célèbrerons les Dieux immortels pour qu'ils récompensent notre dévotion. Et ceux parmi les faibles qui se montreront assez forts les servirons à leur tour. Voilà bien longtemps que je vous observe, et vous m'avez trouvé. Je vous ai montré la voie et maintenant c'est à vous de la montrer à vos frères perdus, esclaves du Dieu Cadavre perché sur son Trône d'Or sanguinolent!
Ces paroles étaient à ce point empoisonnées que Theseus ne put s'empêcher de vomir, tâchant de calmer au maximum ses spasmes pour empêcher le bruit de trahir sa présence. Les larmes perlaient à ses yeux et il se plaqua les mains sur les oreilles, faisant une nouvelle fois appel aux enseignements de la Caserne pour lui permettre de surmonter cette épreuve.
Se répétant sans cesse les sages paroles de son maître Arkos, et ses paroles de dévotion envers l'Empereur, il ferma les yeux et, progressivement, parvint à se détacher du discours blasphématoire du monstre hérétique. Il trouva à nouveau le calme et sa résolution, et ses mains quittèrent ses oreilles. Les paroles virulentes et acides de la Voix lui parvinrent à nouveau mais cette fois elle ne lui apportèrent nulle douleur, mais avivèrent en lui un feu vengeur. Il saisit sa hache et la serra suffisamment pour canaliser sa colère montante et riva à nouveau son regard vers le groupe de créatures.
La Voix était toujours plongée dans un discours haineux que les huit mutants écoutaient avidement, et tandis qu'il parlait, Theseus vit d'autres ombres approcher. D'autres mutants difformes apparurent, d'autres élèves, et Theseus sentit ses entrailles se serrer alors qu'il voyait plus d'uniformes de la Caserne, mais cette fois, il n'y avait pas que celui porté par 1C. D'autres couleurs, et d'autres héraldiques, correspondant à autant d'années différentes et de groupes différents. 1C n'étaient donc pas les seuls, d'autres étaient également tombés sous l'emprise du perfide serviteur des Dieux Sombres.
Avec peine, il reconnu les couleurs censées être portées par 2C sur un garçon dont la mutation en était encore à un stade peu développé, et conclu que le groupe d'élèves qu'ils devaient rejoindre en accord avec leurs objectifs principaux était lui aussi tombé. Peut être y avait-il des survivants, mais la présence d'un des leurs ici n'augurait rien de bon. Il en vit un deuxième, puis un troisième suivre.
Et comme pour confirmer ses doutes, Theseus observa, impuissant et horrifié, les nouveaux venus charrier avec eux des corps mutilés et figés dans des poses défiant toute anatomie, mais portant les couleurs de 2C. Comptant les corps brisés, et selon ce qu'il avait entendu d'eux, Theseus constata que tout le reste du groupe était là. Trois étaient tombés dans la damnation, et le reste avait péri. Neuf élèves dont la vie avait été arrachée de la plus affreuse des façons, offerte à la voracité des divinités du Chaos.
La colère monta irrésistiblement en lui, et Theseus dû faire preuve d'un extraordinaire contrôle de soi pour ne pas jaillir hors du bunker, hache levée, pour les massacrer. L'inverse se serait bien trop vite produit, lui étant seul contre à présent une quinzaine d'êtres abominablement corrompus.
Son entraînement avait été conséquent, et donner la mort était devenu chose aisée pour lui, mais devant un si grand nombre, la sagesse de ses enseignements lui imposait de rester à couvert en attendant une meilleure opportunité.
Les créatures déposèrent leurs macabres prises aux pieds de la Voix, et s'agenouillèrent à leur tour. Le démon huma lentement les cadavres encore chauds des élèves et montra des crocs jaunis et pointus en poussant un infâme sifflement. Il grogna quelque chose d'insensé, et ses disciples se jetèrent sur les corps pour commencer à les dépecer et les consommer.
Theseus se détourna de l'abject spectacle et se laissa glisser assis le long du mur du bunker. Il devait absolument trouver un moyen de rejoindre les siens avant que ces monstres leur tombent dessus. Mais alors qu'il était coincé, il fallait au moins pouvoir les prévenir du danger. Il devait au plus vite retrouver ses affaires dans la caverne...
HONORIUS SUIVAIT TOUJOURS le groupe d'élèves et demeurait discret comme une ombre, étudiant les futures recrues comme il le faisait depuis le début, à ceci près qu'il évoluait désormais armes en main. Son crozius était encore en sommeil, car l'activer trahirait sa position, mais il ne quittait pas sa main droite, tandis que sa gauche restait toujours à proximité de son pistolet plasma dont le holster était ouvert.
Le Chapelain n'était pas intervenu lors de la première rixe, car il y voyait là l'occasion d'enfin pouvoir observer ce qu'il attendait de futurs néophytes Astartes, leur attitude au combat et leurs capacités martiales. Néanmoins, à la seule vue des assaillants, il n'avait plus aucun doutes: le Chaos était à l'oeuvre dans cette horrible jungle et il sentait monter en lui une profonde fureur envers le Grand Ennemi mais aussi envers les autorités de Taygète pour ne pas avoir su détecter une telle menace. Que le Warp puisse avoir une telle emprise sur une planète sous la protection du Chapitre était un fait intolérable, et les coupables allaient devoir être châtiés. Avant tout, il voulait surtout savoir comment une telle horreur avait pu se développer ici, depuis combien de temps, et quelle en était sa source. Détecter un cancer était une chose, estimer sa gravité en était une autre. La purification s'imposait mais à quel stade?
Il savait que le Warp et les Puissances de la Ruine pouvaient s'insinuer partout, même les mondes les plus surveillés et les plus sanctifiés, mais il ne pouvait pardonner le fait qu'ici, des élèves de la Caserne, des futurs recrues potentielles pour le Chapitre, aient pu être corrompues. Cela remettait en fait totalement en question l'intégrité des Sky Slaughters et la menace planait sur eux d'avoir dans leurs rangs des frères, même en toute inconscience, condamnés par la corruption du Chaos. Honorius ne voyait pas ici une contamination bénigne comme il s'en produit tous les jours dans l'Imperium, mais bien un risque énorme pour le Chapitre. Un risque de chute et d'extinction.
Il sentait la salissure du Warp à mesure qu'ils avançaient, et pouvait observer avec tension que déjà plusieurs des élèves de 2B montraient des signes d'agitation inquiétante. Si danger véritable il y avait, il les abattrait tous sans une seule once de remord, mais la vitesse à laquelle leur comportement changeait suggérer que la menace était déjà très forte. Plus il les observait, plus il voyait ceux qui ne survivraient pas. Et ils étaient nombreux. Le groupe déplorait déjà deux pertes, celles de leur chef tombé dans la corruption, et l'un de ses éclaireurs évanoui dans la nature sans laisser de traces. Deux autres étaient sur le point de connaître le même sort que le jeune Xanos, de ce que pouvait observer Honorius, et trois étaient tellement sur les nerfs qu'ils craqueraient sûrement si la situation dégénérait, risquant de se tuer ou de tuer un de leurs camarades.
Honorius constatait en revanche la forte détermination de trois autres. Priap, le jeune au charisme radieux, Nektoos, le jeune plongé dans sa foi avec douleur, et Laros, celui qui restait le plus étranger au groupe. Celui aussi qui inquiétait Honorius dans le sens où il était persuadé qu'il l'avait repéré, chose impossible pour un gamin de son âge face à un vétéran comme lui. A moins... A moins de posséder un don qui l'aidait à mieux voir.
Depuis le début, le Chapelain n'avait eu de cesse de décortiquer leurs personnalités pour savoir ceux qui deviendraient des Apprentis du Chapitre, et ce qu'ils pourraient bien devenir en son sein. De façon inconsciente, il avait déjà tracé le destin de quelques uns, et à cette pensée, Honorius savait qu'il pouvait se méprendre sur leur compte. Sa preuve était bien la chute de Xanos, qu'il voyait depuis le début du périple comme étant taillé pour devenir chef d'escouade, voire peut être même plus haut dans la hiérarchie. A présent, ce n'était qu'un enfant qui avait échoué dans son épreuve. Un enfant qui allait mourir pour avoir faillit.
Son écouteur grésilla brusquement, et il faillit activer son crozius sous l'effet de la surprise. Le code d'identification s'afficha sur sa visière et il reconnu celui du Disdaskalos Homeros. C'était la première fois depuis plus de trois heures qu'une communication passait clairement. Plus de brouillage. Il s'était passé quelque chose...
D'une impulsion cérébrale, il activa son vox et ouvrit la transmission entrante.
-Disdaskalos. salua-t-il d'une voix sèche. Je suppose que vous avez compris que quelque chose ne tournait pas rond ici...
-Chapelain Honorius, le Trône soit remercié vous êtes encore vivant! s'exclama Homeros.
-Il en faudra davantage pour m'abattre! grogna le Chapelain, réponds à cette remarque stupide par un profond mépris. Que se passe-t-il ici?
-Ca fait bientôt plus de deux heures que nous essayons de vous joindre, mais les transmissions ne passaient plus. Vous étiez complètement isolés du reste de Sparta...
-Merci du renseignement, Homeros, mais vous arrivez trop tard. coupa brutalement Honorius. Je vous demande de m'expliquer pourquoi nous avons été brouillés de la sorte. Il me semblait avoir compris que seule la fréquence de 2B le serait pour leur exercice, pas toutes les fréquences!
-Oui, en effet, c'est ce qui était sensé arriver. Mais vous vous êtes apparemment déplacés vers une partie de la zone noire qui était signalée comme "zone hostile purgée". Il semblerait que ce ne soit aucunement le cas. Chapelain, nous avons détecté depuis l'orbite, en plus de la signature de 2B, celle du groupe d'élèves 1C, porté disparu depuis l'an passé, et dans des circonstances similaires.
-Nous avons retrouvé vos élèves perdus, Disdaskalos. Ils ont été corrompu. Aucun n'est récupérable. 2B est également compromis. Ils ont subi deux pertes, et j'en prévois davantage à venir.
-Corrompus? Mais c'est impossible! Nous n'avons pas eu d'activité du Grand Ennemi ici depuis longtemps! Nos relevés sont clairs!
-Et comment êtes vous sûrs que cette fameuse zone hostile et soi-disant purgée a bien répondu à vos scans? Ce brouillage que nous avons subi est peut être plus subtil et dangereux que vous ne le pensez...
-Le Chaos... Ici, en Tayguète...
Le Disdaskalos se tut un instant, trop choqué pour parler. Honorius était sur le point de lui donner de nouvelles directives pour contrer la menace, lorsque la voix d'Homeros s'éveilla à nouveau, sur un ton ferme.
-Il n'y a qu'une seule explication à cela. Et que l'Empereur nous protège ce n'est pas bon du tout. Je pense savoir de quand date cette corruption, ce qui expliquerait dans le même temps d'autres disparitions non élucidées.
-Vous avez mentionné la disparition de 1C l'an dernier. se souvint Honorius.
-Non c'est beaucoup plus vieux que ça. fit sombrement Homeros. Elle date de la Treizième Croisade Noire du Fléau, il y a plus de quinze ans...
-Comment est-il possible que la corruption ait subsisté aussi longtemps? répliqua Honorius, choqué par la révélation. La Première Compagnie a procédé à la purge totale de Sparta après la défaite du Sanglant, et le Purgateur y a même assigné certains de ses meilleurs agents pour assistance.
-Il est vrai. reconnu Homeros. A ceci près que la jungle de la Caserne fut épargnée par le processus.
-Et pour quelle raison? demanda Honorius, s'attendant au pire.
-Par ordre direct de votre Maître Chapelain. répondit Homeros dans un souffle, comme si on venait de lui extirper le plus affreux des aveux.
-Impossible! Jamais Scupios n'aurait ordonné pareille folie! C'est même lui qui a mené la purge au côté du Capitaine Angelius!
-Précisément pour sauvegarder certaines zones corrompues proches de la Caserne et des autres zones de test des recrues. expliqua Homeros. Le Seigneur Chapelain Scupios avait fait placer ces zones sous haute surveillance afin de limiter les zones touchées par le Chaos, et ceci afin d'en faire plus tard des zones de test ultime pour nos sujets, avant le Rituel. C'était l'épreuve la plus importante mais aussi la plus secrète: déterminer qui des élèves serait assez fort pour supporter la corruption, et qui succomberait. Nous avions des équipes spécialisées dans la traque des déchus pour les achever et les faire disparaître. Mais il y a eu des incidents, et monseigneur Scupios a fait fermer le projet. Nous avons totalement éradiqué tout signe de corruption et purifié les zones de test, il y a sept ou huit ans de cela.
-Visiblement, vous avez merdé quelque part, Homeros! cracha Honorius. Qui est au courant?
-A l'époque, le seigneur Scupios, moi même et le Gardien, qui supervisait les équipes d'interventions. répondit Homeros, choqué par le soudain franc parler du Chapelain. Ces équipes étaient anonymes et gardées dans le secret le plus total. Ils étaient conditionnés pour être protégés contre la corruption et isolés du reste de Sparta. Après l'arrêt des opérations, monseigneur Scupios les a fait purifier, eux aussi, et seuls quatre ont survécu. Le dernier d'entre eux est mort l'hiver passé, et seul le Gardien est encore en vie.
-Donc ni le Gouverneur, ni le Maître de Chapitre ne sont au courant?
-C'est exact. Scupios nous avait interdit d'en parler. Mais je suppose que la situation a suffisamment dégénéré comme ça.
-En effet! Comment expliquez vous que ça ait à ce point débordé?
-Lors de la purge finale, certains éléments ennemis ont disparu, et ont probablement trouvé refuge dans ce secteur, à l'insu de tous. J'ai pratiqué des recherches quand je tentais de vous joindre, et il semble que seule la zone de la jungle est touchée, les relevés des autres zones sont parfaitement normaux. Ici, la zone noire est atteinte par l'ancienne zone de corruption, ce qui signifie que celle ci s'est réveillée et brutalement étendue de plusieurs kilomètres. Je n'ai d'autre explication que de suggérer que l'un des hérétiques qui a échappé à nos purges ait pu se réfugier ici et développer un pouvoir plus puissant grâce à ce puits de noirceur...
-Etes vous conscient que vous et ceux qui ont participé à cela ont risqué la perte de Sparta et la déchéance au sein du Chapitre? grogna Honorius, la colère lui vrillant les entrailles.
-Je... Je n'ai jamais pensé que ça irait aussi loin. Je faisais confiance à Maître Scupios, voilà tout.
-Scupios répondra de ses crimes, mais que ce soit clair entre nous, vous y répondrez à ses côtés. Puissent l'Empereur et nos Ancêtres vous pardonner pour votre folie!
Ivre de rage, se sentant trahi, Honorius coupa brutalement la communication et sortit en trombe de son couvert, marchant armes en mains droit vers les élèves, dont la plupart tombèrent à genoux, tétanisés par une telle apparition.
Voyant approcher ce géant au corps d'obsidienne et au masque de mort, Priap et Laros s'inclinèrent avec crainte, tandis que Nektoos resta droit comme un i, le regard brillant d'une résolution indestructible. Honorius parvint à eux, et, d'un geste presque négligeant, leur ordonna de se redresser.
-Votre entraînement est terminé, vous qui pensez pouvoir prétendre devenir des Astartes. Le Chaos est ici, et nous allons le purger! Gardez l'âme pure et le bras sûr, et je n'aurai pas à achever votre misérable existence. En route!
-Droiture et Honneur. termina Nektoos en exécutant le signe de l'aquila avant de partir en avant de tous, arme en main.
Honorius hocha la tête de satisfaction. Certains d'entre eux semblaient au déjà au delà du risque de corruption. S'il condamnait fermement l'expérience hérétique de son Maître Chapelain, il devait bien reconnaître que l'exercice, aussi cruel soit il, avait porté ses fruits.
Le géant et les adolescents s'enfoncèrent dans la jungle tandis que résonnaient à nouveaux les hurlements bestiaux des ennemis corrompus par le Warp. Mais cette fois ils ne les attendraient pas. Ils iraient les chercher directement pour leur apporter la mort, le seul châtiment que ces abominations méritaient.
LE CHAPELAIN A leur tête, les recrues retrouvèrent une grande ardeur, et ceux qui commençaient à souffrir de l'exposition malsaine au Warp semblèrent à nouveau focalisés sur leur mission. Honorius les mena de l'avant, armes au clair, vers l'endroit d'où semblaient s'élever les cris de sauvages carnassiers. Il n'y avait plus besoin d'être discret, et Honorius abattait son Crozius crépitant d'énergie sur les branchages de la jungles qui se consumaient instantanément pour leur libérer le passage. Priap avait prit la tête du groupe d'adolescent sans qu'aucun n'y trouva à redire, et son lance flammes crachotait régulièrement pour aider à dégager leur chemin. Le jeune homme jeta un regard en arrière et considéra les huit garçons qui le suivaient. Certains comme Gonok et Junos avaient connu de grosses difficultés au début de l'exercice, pour se concentrer ou suivre les ordres, et à présent leurs visages irradiaient de détermination. Hukarios, l'apprenti éclaireur timide et maladroit marchait d'un pas sûr et son regard était devenu aussi acéré que celui d'un rapace. Laros, le sombre et taciturne Laros que tous pensaient qu'il serait le premier à tomber dans la démence, était devenu un exemple de droiture et de détermination. Qortos s'était calmé et Kulios aussi, leurs signes alarmants de stress s'étant évanouis. Nektoos avançait tel le héros blessé refusant d'être vaincu, pâle et courbé, mais le regard brillant d'un moral féroce. Persos, qui fermait la marche, gardait toujours son fusil levé, ses sens en alerte. 2B était à nouveau ce groupe si prometteur, même en l'absence de leur chef de groupe original et de leur premier éclaireur.
Priap priait intérieurement que rien ne soit arrivé à son ami, même si l'absence de Theseus était trop longue pour augurer du bien. Il était peut être déjà mort, ou pire... Le Chapelain Sky Slaughter sembla deviner ce que le jeune garçon ruminait, et, sans ralentir sa cadence de colosse, il s'adressa à lui, son casque rendant une voix abyssale et terrible.
-Nous pleurerons nos morts un autre jour, garçon. fit il. Ce n'est pas le moment de se laisser distraire par ceux qui sont tombés.
-Mon esprit est clair et préparé, monseigneur. l'assura Priap.
-Tu ne peux le savoir avec certitude. Pouvoir affirmer que l'on est prêt à servir lors d'une situation difficile, et l'être réellement requiert un long entraînement. Mais ton esprit est fort, et si tu ne connais pas la mort ici, tu deviendra un bon néophyte. Peut être même un jour un des nôtres.
-Mon existence est vouée à la réussite d'une telle existence.
-Non!
La voix du Chapelain claqua comme une détonation, et cette fois il s'arrêta pour se tourner vers l'adolescent, sa haute stature de demi dieu le dépassant totalement. Priap se sentit défaillir mais se força à rester debout, à faire face à ce géant, quoi qu'il advienne de lui.
-Ton existence est vouée à l'Empereur, et à rien d'autre. Si tu te détourne de Lui, alors tu mourras. reprit Honorius, sombrement. Rappelle toi bien ceci, Priap de Taygète. Et peut être que tu survivra assez longtemps pour comprendre le véritable sens de ce devoir.
Pripa hocha la tête, déglutissant avec peine. Ce n'était pas vraiment un reproche que le Chapelain lui avait fait, mais le poids de ses paroles pesait lourdement sur ses épaules. Et il n'était pas seul. Il sentit tout le groupe tressaillir à l'entente de ces mots de foi pure.
Honorius reprit son chemin sans un mot de plus, et les élèves le suivirent sans bruit.
Un hurlement bestial retentit tout prêt d'eux et ils se braquèrent tous en sa direction. Honorius fut intérieurement satisfait d'observer que chacun des élèves avait son arme prête à servir, sans avoir fait l'erreur de s'en servir sans plus y penser. Il leva une main pour qu'ils baissent leurs fusils et s'approcha de la source du cri, écartant sans mal les lianes et hautes herbes sur son passage, comme si la nature elle même s'inclinait devant son aura de puissance.
Le Chapelain trouva enfin la source des cris et fut immédiatement révulsé par leur nature ignominieuse. On ne pouvait vraiment savoir ce qu'avait été cette pauvre chose auparavant, un animal ou un être humain, tant elle était déformée au delà de toute raison par la corruption du Chaos, amas de chair informe ruisselant de sang, de bile, d'excréments et d'autres fluides impossibles à identifier, gargouillant, poussant des gémissements terrifiants. Sa tête hypertrophiée reposait sur le côté, son poids anormal la tirant lentement et douloureusement au sol. Deux bras aux articulations impossibles étaient cruellement cloués à un tronc massif, et ses jambes réduites à deux moignons sanglants pendaient dans le vide. La créature ne devait pas faire plus d'un mètre de haut et pourtant elle vagissait comme toute une horde de bêtes à l'agonie, épinglée comme elle l'était sur cet énorme tronc, portant multitude de marques de tortures. Sur le sol et tout le pourtour du moignon d'arbre étaient gravés d'infâmes symboles dont l'origine n'était en aucun cas sujet au doute pour Honorius. Sur le torse boursouflé de la chose secouée de spasmes et de frémissements était étalée une large étoile à huit branches, taillée profondément dans la chair, et qui semblait irradier d'une énergie nauséabonde. Deux yeux laiteux fixaient désespérément le Space Marine, semblables à des bubons jaillissant des replis de peau gangrénée. Honorius y lut de la pitié et une tourmente inimaginable.
Il appela les élèves auprès de lui et leur montra l'affreux spectacle de son Crozius.
-Regardez, jeunes mortels, où mène le chemin damné du Chaos. Contemplez ce qui représente votre plus mortel ennemi.
Plusieurs élèves vomirent instantanément à la vue du cauchemar hurlant, d'autres laissèrent échapper un chapelet de prières. Honorius les laissa assimiler la macabre vision, avant de dégainer son pistolet et d'en appuyer le canon sur le crâne fripé de la créature.
-Il n'y a aucune rédemption possible lorsque vous succombez aux Forces de la Ruine. Et si le Chaos ne vous consume pas lui même, nous vous purgerons pour votre faute. Comprenez ceci: le Chaos, en dépit de toutes ses infectes promesses, ne mène qu'à une seule issue. La mort.
Il appuya sur la détente et la moitié du corps de la bête supplicié explosa en une gerbe de sang et d'os, et l'autre tomba lourdement à terre dans un bruit humide et écœurant.
A peine eurent ils digéré la dure leçon que les élèves durent se remettre en chemin, Honorius ne leur laissant aucun répit. D'autres hurlements semblables à ceux de la créature qu'il avait abattue retentirent alors. L'esprit amélioré du Space Marine étudia la position de chaque hurlement et un schéma se dessina dans son crâne.
-Une barrière. murmura-t-il. Ces créatures sont disposées en cercle, comme une barrière. Nous venons de pénétrer sur leur territoire.
-Tant mieux. fit une voix derrière lui et il reconnu l'élève Nektoos. Nous allons porter la mort directement chez eux, au Nom de l'Empereur et de nos frères disparus.
Sous son masque de mort, Honorius s'autorisa un sourire. Ils n'avaient pas encore effectué le Rituel que leurs esprits étaient déjà capables de raisonner comme des Astartes. Scupios avait-il eu raison d'instaurer un exercice aussi dangereux par le passé? Le doute n'était pas permis pour un Space Marine, et Honorius refoula ses pensées. Le Maître Chapelain Scupios était peut être son supérieur, un mentor, un ami même, mais il avait fauté envers le Chapitre et envers l'Empereur. Que le résultat de son expérience clandestine, même avortée, soit bon ou pas ne faisait aucune différence, il devrait répondre de ses actes.
Était-ce la forte présence d'énergies obscures en ces lieux ou une simple impression, le ciel s'assombrissait très rapidement, sans pour autant diminuer la chaleur étouffante. Des parasites envahirent par intermittence sa vision mais l'esprit de son armure était toujours aussi paisible et alerte. Honorius écarta d'autres lianes en s'avançant dans la zone compromise, et s'aperçut qu'elles étaient entièrement putréfiées, filaments de moisissure pendouillant au cadavre desséché d'un arbre squelettique. Le sol était sec et craquelé, et les roches noires et à la silhouette aiguisée. Il n'y avait aucun doute possible. Ils parvenaient dans l'oeil du cyclone. Cela allait être pour les élèves de Taygète l'épreuve suprême, qui ferait du Rituel une franche rigolade en comparaison, et c'était bien évidemment là le but qu'avait dû rechercher Scupios. Mais le sort des adolescents, Honorius ne s'en préoccupait pas. Qu'ils survivent ou qu'ils tombent, son devoir à lui était de s'assurer que l'infestation du Chaos soit stoppée ici et maintenant...
Des grognements et grattements surgirent d'un peu partout autour d'eux. L'ennemi était là et guettait ses proies avant de fondre dessus sans aucune pitié.
Le cyclone se réveillait...
LE MACABRE FESTIN venait de prendre fin et le jeune élève dut faire tout les efforts du monde pour s'empêcher de jeter un regard en direction de ce qui restait des morts, ceux qui avaient été il n'y a pas si longtemps des adolescents la tête pleine de rêves et le corps en pleine transformation pour aspirer à devenir des demi dieux au service du Père des Etoiles. Ils étaient pourtant morts au nom d'autres dieux, avatars de haine et de déviance humaine, l'Annihilateur Primordial comme le nommait parfois le vieux Didaskalos de la Caserne.
Theseus tendit son oreille exercée et entendit les monstres jubiler de leur oeuvre sanglante, absorbant les dernières gouttes de vie arrachée aux jeunes élèves, s'esclaffant comme les déments qu'ils étaient, criant, hurlant, grognant. Mais quelque chose arriva, et les réjouissances sauvages s'interrompirent brutalement. Il ne compris pas immédiatement, mais finit par distinguer d'autres cris, lointains, et des claquements secs et répétés. Une attaque.
-Par l'Empereur tout puissant, ils m'ont retrouvé... souffla Theseus, le coeur bondissant de joie et de reconnaissance.
Ce fut loin d'être le sentiment partagé par les choses damnées qui se tenaient non loin de lui. Ils se mirent à siffler, cracher et vociférer leur rage, certains courant déjà loin devant, sa soif de sang le pressant à se précipiter au carnage. Theseus entendit la Voix hoqueter de frustration, et, relevant la tête assez pour le distinguer, le vit se redresser autant que son corps difforme le lui permettait pour invectiver ses compagnons démoniaques par des grands gestes et des claquements secs et nerveux de ce qui lui tenait lieu de mâchoire.
-Le Sanctuaire! beugla-t-il. Bande de chiens, ils attaquent le Sanctuaire! Allez les trouver, tas de cloportes! Allez les trouver et déchirez les aux noms des Sombres Puissances!
Dans sa rage, il sifflait comme un asthmatique mourant, et Theseus se jura de voir sa peau cadavérique palpiter d'une affreuse lueur malsaine. Il sentit ses poils se dresser dans sa nuque comme ils l'avaient fait lorsque la Voix était arrivée auprès des âmes qu'elle avait détourné de la Lumière de Terra et le jeune homme vit les deux poings griffus de la créature irradier d'un masse confinée d'éclairs écarlates, crissant et sifflant comme une légion de serpents fous.
Alors que les démons difformes fonçaient à toutes jambes vers le lieu des combats, la Voix lança un hurlement ahurissant vers le ciel qui se couvrait comme un soir d'orage, et se lança à son tour en chasse, claudiquant comme un éclopé, et pourtant progressant à grande vitesse, son bâton maléfique pointé de l'avant, prêt à frapper et tuer.
Etait-ce son hurlement rageur, Theseus ne parvenait pas à le deviner, mais une pluie fine se mit à tomber sur la jungle alors que le ciel se gonflait de gros bouillons de nuages noirs et menaçants. Le jeune homme sans défenses attendit quelques instants avant de décider que la zone était sûre, et sortit du bunker à pas de loups. Personne. Il se redressa, sa garde toujours levée, la hache primitive fermement tenue dans une main, l'autre poing grossièrement renforcé par une liane enroulée autour de ses doigts serrés.
La vision qui s'offrit alors à lui le fit vomir aussi sûrement que si on lui avait porté le plus puissant des coups au ventre. Un tas de viande éparpillée et d'os brisés figurait l'endroit où avaient été consommés les enfants tués par les créatures qui avaient autrefois été leurs frères. Reprenant ses esprits, Theseus commença à avancer vers les cavernes, prenant soin de ne pas poser les pieds dans les organes réduits en bouillie informe, et ne pouvant plus en dégager son regard malade.
Finalement il atteignit l'entrée de la caverne et écouta brièvement les résonances du combat qui avait éclaté à ce qu'il estimait à un ou deux kilomètres à l'est, avant de s'engouffrer à nouveau dans l'obscurité fraîche, en quête de ses armes et équipement.
Il progressa lentement et prudemment dans les boyaux hasardeux de la structure naturelle jusqu'à déboucher sur une autre petite salle qui s'ouvrait sur l'extérieur.
Au centre, cerclées de pierre, luisaient encore des braises rougeoyantes au milieu desquelles subsistaient quelques bris d'os noircis. Dans un coin de la cavité, un empilement de caisses défoncées et à son grand bonheur, jetées à terre négligemment, ses affaires.
Et en plein devant l'entrée, se tenant voutée, secouée de tremblements et émettant un grognement absurde, une silhouette, le fixant intensément de deux yeux injectés de sang, ses poings crispés recouverts de sang frais jusqu'aux coudes.
-Theseus... grogna la silhouette la bouche tremblante écumant d'une rage décuplée. Je suis content que tu sois encore en vie... Aides moi, mon frère! Aides moi à lutter contre les voix!
Elle tituba vers lui comme un dément, et Theseus se figea en reconnaissant l'être devant lui.
-Aides moi avant que je te tue pour elles! hurla Xanos.
LE PREMIER DÉMON qui jaillit hors de méandres pourrissantes de la jungle corrompue portait sur lui les restes d'une tunique de la Caserne, qui s’éparpillèrent lorsque son poitrail explosa en une gerbe de viande et de bris d'os. Le second bolt tiré par Honorius vaporisa la tête difforme d'un autre égaré, qui arborait des haillons ayant été autrefois une belle tunique des Phalanges Spartiates.
Le Space Marine dénombra une vingtaine d'hostiles en approche rapide, la soif de sang les rendant complètement fous et suicidaires. Priap fit chanter son lance flammes qui incinéra en feulant un groupe de trois abominations qui se recroquevillèrent à terre en glapissant de douleur. Nektoos usait de son bras invalide comme support à son arme, tirant coup après coup en avançant, faisant exploser crânes et cages thoracique. Laros choisissait ses cibles avec soin et à chaque fois qu'il pressait la détente, il interrompait brutalement une vie. Les autres élèves suivaient en tirant de concert, ne laissant pas un seul instant l'avantage à leurs monstrueux assaillants, Hukarios bondissant de couvert en couvert, Qortos s'efforçant de défendre son matériel en se préoccupant des menaces directes, laissant Kulios éliminer des cibles plus distantes. Gonok, Persos et Junos se déployaient en marge de la formation afin de prendre l'ennemi de revers.
La vague ennemie déferla avec son lot d'horreurs et d'absurdités, des êtres autrefois honorables, dont l'âme avait irrémédiablement flanché et qui marchaient à présent sur le chemin impardonnable de la damnation. Honorius, en sa qualité de Chapelain, laissa toute son horreur pour ces renégats déferler à travers ses armes, purgeant l'hérésie par le Crozius et le bolter, donnant la mort à ces êtres qui avaient si honteusement tourné le dos à l'Empereur de l'Humanité, pour adorer de vils puissances et commettre l'inavouable.
Les élèves quant à eux se battaient avec ardeur, faisant chanter leur foi dans les braillement secs de leurs fusils, faisant de chaque balle l'annonciatrice du Jugement de l'Empereur. Leurs bouches murmuraient des prières à leurs Ancêtres et au Trône d'Or et leurs cœurs bouillonnaient d'une rage innée pour les Sombres Puissances et tout ce qui était un danger mortel pour l'Humanité.
En quelques secondes semblant se dérouler au ralenti, plus de la moitié du groupe de créatures démoniaque fut abattue, et ils ne tarderaient pas à venir à bout des survivants qui se désespérément sur eux avec comme seule motivation l'illusion d'une glorieuse récompense de la part de Dieux dont ils étaient les jouets.
-Il en arrive d'autres! prévint Laros en faisant disparaître les jambes d'un mutant d'un tir et l'achevant d'un autre qui dispersa son crâne.
-Quinze contacts en approche sur notre droite. confirma Hukarios en se plaquant contre un tronc malade pour recharger son arme.
Des grognements inhumains et des hurlements de rage primaire annoncèrent l'arrivée des hérétiques qui bondirent par dessus les hautes herbes desséchées pour fondre sur le groupe.
Les trois élèves partis sur le côté prirent la nouvelle vague de plein fouet. Persos mourut en premier, ouvert de la pointe du sternum au bas du ventre par une immense paire de griffes, laissant échapper à terre ses intestins fumants. Avant même qu'il ne réalise sa blessure mortelle, un revers des griffes lui arracha la gorge, envoyant violemment sa tête pendre en arrière tandis que son corps secoué de soubresauts tombait à genoux, un sang artériel giclant à gros bouillon de la blessure fatale.
Junos vengea son frère en fracassant le crâne du meurtrier démoniaque à coups de crosse, perdant la seconde d'après une large portion de sa main gauche sur laquelle se referma une énorme mâchoire. De sa main restante, il fit pivoter son fusil, l'appuyant sur le front craquelé du renégat qui l'avait blessé et appuyant sur la détente en fermant les yeux, sentant immédiatement une matière visqueuse et chaude asperger son visage.
Il rouvrit les yeux juste à temps pour voir arriver l'excroissance osseuse plongeante qui vint le décapiter.
Gonok parvint à supprimer deux monstres avant de battre en retraite, échappant à une pluie de coups meurtriers. Quelque chose rebondit sur son épaule, et, tandis qu'il sautait en avant, manquant de trébucher, il entraperçu la tête de Junos rouler au sol, ses yeux vitreux emplis d'une expression de vague surprise. Le sol qui n'était qu'une étendue de terre sèche et craquelée lorsqu'ils étaient arrivés était devenu un infâme bourbier d'humus et de poussière mêlés au sang et aux organes pulvérisés.
Gonok parvint à se rétablir de justesse et lâcha un tir en arrière, fusil plaqué à la hanche, avant de rejoindre ses frères dans la mêlée, se retrouvant épaule contre épaule avec Priap qui vit immédiatement la menace arriver et déploya sur les attaquants une longue langue de prometheum incandescent qui les consuma tous d'un coup.
Leurs cris d'agonie ressemblaient à ceux d'une bête qu'on noie, leurs poumons s'emplissant de liquide à mesure que le prometheum les rongeait. Leurs gargouillis infâmes s'éteignirent à peine trois secondes après qu'ils eussent pris feu.
-Persos? demanda Priap dans un souffle, en faisant promener son déluge de feu vers un autre groupe d'ennemis qui l'évitèrent de peu.
-Mort, tout comme Junos. répondit Gonok tout en envoyant valser un ennemi d'un tir en plein ventre.
Priap ne fit aucun commentaire, réservant le deuil pour plus tard. Il appuya sur la cuillère de son lance flammes et fit rôtir cinq autre créatures dans un infâme concert de piaillements d'agonie. Son arme pour sa part rendit un dernier crachotement pathétique. Son réservoir n'avait plus une goutte de carburant.
Les monstres, débarrassés du risque de se faire incinérer au moindre pas, se regroupèrent immédiatement en une masse compacte pour foncer sur le groupe, hurlant de haine, vociférant leur soif de carnage. Cette charge aveugle signa leur perte. Une salve de tir leur répondit, en envoyant un bon tas à terre, faisant exploser les corps, mutilant et exterminant une dizaine d'hérétiques en moins de trois secondes. Honorius fit un grand pas en avant pour accueillir le reste de la vague comme il se devait, envoyant voler en l'air, presque coupé en deux, un des égarés d'un grand coup ascendant de son Crozius crépitant d'énergie, alors même qu'il lâchait bolt sur bolt sur les autres, son champ de vision du moment se résumant à un immense massacre et une pluie de viande corrompue retapissant son armure d’ébène.
-Ressentez la Colère de l'Empereur, vous qui l'avez trahi en vendant votre âme putride aux Seigneurs de la Déchéance! hurla-t-il à la face des hérétiques qui tentaient vainement de le submerger.
Une poignée de secondes plus tard, le dernier des assaillants tomba face contre terre, encore agité de spasmes, fendu de travers par un coup de Crozius, sa chair calcinée grésillant en répandant dans l'air une immonde odeur de chair brûlée. Honorius écrasa la tête du mourant de sa botte, la terre humide de sang étouffant à peine le bruit écœurant de la boîte crânienne réduite en bouillie.
Le Chapelain se tourna vers le groupe d'élèves survivants, déjà affairés à recharger leurs armes pour reprendre la progression. Priap détacha son lance flammes vide et s'arma de sa longue machette tandis que Hukarios aidait Qortos à se bander une profonde entaille dans la cuisse droite.
-Statut? réclama Honorius au groupe.
-Persos et Junos sont morts, Qortos a reçu une blessure superficielle à la cuisse. l'informa diligemment Laros en passant son fusil en bandoulière pour se rapprocher. Munitions épuisées à la moitié, monseigneur.
Honorius hocha la tête pour toute réponse. Il accrocha du regard les cadavres des deux élèves tombés.
-Leur nom sera consigné dans les registres de la Caserne. dit-il. Mais nous ne pouvons rien faire de plus pour eux. Laissez les là. On reprends la progression.
Une vague de murmure endeuillé accusa réception de l'ordre et le groupe se remit en marche. Honorius réprima un grognement d'aversion, alors même qu'il sentait l'influence du Warp de plus en plus fortement.
Ils arriveraient bientôt en vue de leur véritable objectif.
Bonne (re)lecture, et bientôt la suite (la vrai!)
***
Chapitre 4:
Purifiez la corruption - Châtiment
Chapitre 4:
Purifiez la corruption - Châtiment
SA PROGRESSION DANS les réseaux obscurs de la caverne se fit lentement, sa progression mesurée et prudente, ne sachant pas s'il allait tomber sur d'autres de ces monstres. Si une partie de lui était fière d'avoir surmonter l'horreur de ces monstres et d'avoir triomphé d'eux, une autre partie était bien plus triste, portant le deuil de frères tombés dans la déchéance.
Son épaule ne lui faisait plus mal, en revanche, il souffrait toujours de plusieurs contusions mineures et était toujours sans défenses, hormis cette hache primitive qu'il tenait fermement dans sa main.
Theseus déboucha sur un couloir plus étroit, et lorsqu'il entendit des rumeurs semblables à des grognements étouffés, il éteignit sa torche en l'écrasant à terre, et se mit à avancer en position d'attaque, le corps vouté et l'arme en avant, prête à frapper.
Au bout du boyau, il aboutit sur une petite pièce qui avait été selon toute vraisemblance creusée par des mains humaines, et non pas les caprices de la nature. Il rampa presque dans la pénombre, et perçut bien vite des formes nettes, ses yeux s'adaptant à l'obscurité. Il y avait un foyer éteint au centre de la pièce, et quelques tapis de sol usés jetés autour. Sur les parois rocheuses des murs, des râteliers vides et envahis par les toiles d'araignée ainsi que certains containers dans le même état, attestaient que la salle était ancienne.
Les grognements persistaient, mais où qu'il put regarder, il ne repéra pas de danger immédiat, et après un instant de parfaite immobilité, tous ses sens employés à s'assurer de la sécurité du lieu, il prit le risque de se détendre et de baisser son arme.
Il n'avait pas vraiment besoin de torche, sa vision à nouveau faite au noir parvenait à lui offrir une vue suffisamment détaillée de là où il se trouvait. Il considéra le mobilier délabré et les tapis usés jetés au sol, et après un moment de réflexion, il se décida à s'en approcher pour les étudier de près. Très vite, il recensa plusieurs fois la présence du même symbole sur certaines caisses, sur un ou deux bidons ou jerrican, ou sur les râteliers vides. Le symbole de la Caserne de Taygète.
C'était sûrement là que s'étaient regroupés les membres du groupe d'élèves perdus, ceux là même qui par la suite étaient inexplicablement passés au Chaos sans espoir de rédemption.
A mesure qu'il trouvait de plus en plus d'indices prouvant cette information, il s’aperçut qu'il se rapprochait de plus en plus du grognement saccadé qui l'avait fait se plonger dans la sécurité précaire de l'obscurité.
Ralentissant sa démarche et levant à nouveau son arme, il se focalisa sur le bruit et tenta d'en trouver l'origine. Au détour d'un virage rocheux serré, il se détendit aussitôt en tombant sur un vieux générateur délabré, grinçant et toussotant, mais produisant encore un semblant d'énergie, grognant comme un animal blessé. C'était un appareil haut comme la jambe d'un adulte, et ses diodes crasseuses étouffaient les pâles lumières de sécurité, tandis que sa base vomissait un flot de câbles qui partaient serpenter dans les profondeurs de la caverne vers des destinations inconnues.
Le jeune homme posa sa main sur le dispositif et sentit une douce chaleur s'y répandre. Il était vieux, mais fonctionnait encore à plein régime. Mais dans quel but? Il avait reconnu le modèle et c'était un générateur de survie, employé le plus souvent pour recharger les armes, entretenir les armures et équipements, ou encore maintenir assez de courant pour alimenter un dispositif radio. Pourtant, de ce qu'il se rappelait, les élèves renégats qu'il avait dû tuer s'apparentaient plus à des êtres retombés dans la sauvagerie, ne portant rien d'autre que des haillons et des armes ridiculement rudimentaires et s'éclairaient et se chauffaient au feu de bois. Quel intérêt avait donc ce générateur bon pour la casse?
Il se releva pour considérer la salle à l'abandon qui avait été le premier pied à terre des élèves perdus, et se mit à fouiller certaines caisses et autres containers, la plupart vides ou emplis de matériel trop usé pour être utilisé ou tout simplement inutile.
Réprimant un cri de triomphe, il trouva enfin l'objet de ses recherches, une vieille armure d'entraînement usée et rongée par le temps, consistant en une blouse matelassée et faiblement blindée sur la poitrine et les cuisses. Il l'enfila précipitamment en tentant de faire abstraction de la désagréable sensation de démangeaison due à l'état du costume, et accrocha son arme de fortune à sa ceinture.
Entreprenant plus de recherches, il ne récupéra qu'une barre de ration qu'il dévora sans se poser de question, et un fusil à moitié rouillé et vide, qu'il finit par abandonner plutôt que de risquer un mal-fonctionnement qui le blesserait à coup sûr.
Il repartit alors vers le générateur et commença à suivre le trajet emprunté par les câbles, arme en main et prêt à bondir au moindre hostile rencontré. Ce générateur fonctionnait pour une raison, et étant donné ce qui était arrivé aux élèves perdus, leur damnation, ce ne pouvait être qu'une très mauvaise raison.
Au bout d'un certain moment, Theseus s'aperçut que le boyau s'élargissait et qu'une lumière naturelle perçait et, suivant son entraînement, se fondit un peu plus dans la pénombre, évitant la clarté nouvelle, prêt à repérer et neutraliser tout intrus. Son regard passant rapidement des câbles à la lueur, il vit enfin une sortie, et ne put retenir une prière soulagée aux Ancêtres de quitter ses lèvres en un murmure satisfait.
Il longea les rochers jouxtant l'ouverture, et tendit l'oreille. Accroupi tel un prédateur, il attendit une minute avant de se relever soulagé. Personne. Seul le murmure de la jungle toujours aussi étouffante parvenait à ses tympans. Il suivit à nouveau les câbles et arriva bientôt en vue d'un vieux bunker désaffecté et non gardé. Il se faufila discrètement jusqu'à l'entrée, sa hache collée contre la poitrine, prête à frapper, et se rua à l'intérieur. Toujours personne, mais la satisfaction de savoir à quoi servait le générateur.
Un vieux cogitateur ronronnait, assaillit par une multitude de câbles similaires à ceux qu'il avait suivi. Il devait y avoir d'autres générateurs. Theseus se pencha sur la console pleine de poussière et à moitié recouverte de végétation et regarda l'écran tremblotant qui affichait une succession de lignes de codes que seul un adepte du Dieu Machine pouvait comprendre. Néanmoins, sa réflexion exercée l'amena à deviner assez vite la fonction de l'engin quand il vit dans un coin de l'écran plusieurs codes d'identifiants barrés de rouge. Des identifiants de communicateurs. Un brouilleur.
Voilà ce qui expliquait les abominables interférences qu'ils avaient subies alors qu'ils approchaient de cet endroit.
Il ne savait pas si il y avait d'autres de ces dispositifs, mais une chose était sûre, il devait lever le brouillage pour pouvoir retrouver son équipe. N'étant pas qualifié pour user de pareille technologie et encore moins versé dans l'art qui faisait la fierté de Mars, Theseus opta pour la solution radical et se mit à frapper les câbles de sa hache, suffisamment de fois pour qu'ils se rompent un à un. La console émit un gémissement binaire désolant et s'éteignit, tout courant brutalement supprimé, son devoir définitivement stoppé. De la même manière qu'un corps décapité cesse de vivre...
Il ne pouvait pour autant pas savoir si les communications avaient été rétablies, son équipement lui manquant toujours, et notamment son oreillette personnelle. Il devait retourner dans la caverne des damnés pour la retrouver. De même que son fusil, ce qui le rassurerai pas mal.
Mais avant même qu'il ne puisse rejoindre les ténèbres du repaire de ses ennemis, il entendit du mouvement et se jeta à couvert derrière une des meurtrières du bunker. Il se focalisa sur les bruits et dénombra quelques huit individus, approchant d'un pas empressé. Il entendit des grognements animales et des bribes de discussions aux accents barbares et à la diction désastreuse ne laissant aucun doute: des mutants, ses ennemis.
Il tenta le tout pour le tout et jeta un oeil au travers de la meurtrière.
Il avait raison. Ils étaient bien huit, et c'étaient bel et bien des monstres délirants, portant les vestiges d'uniformes de la Caserne. Leurs faciès hideux étaient marqués par la rage et la haine, et il nota que certains étaient blessés.
-Les proies sont fortes! siffla l'un des mutants en secouant sa tête atrophiée.
-Ils sont forts, mais certains sont déjà sensibles aux vents! Patience! Les Dieux les compteront bientôt à leurs côtés! répliqua un autre à la tête de lézard sanguinaire.
-Ils ont tué beaucoup des nôtres... renchérit un colosse de muscles hypertrophiés. Ils sont puissants. Nous devons les affaiblir avant de les attaquer à nouveau.
-Silence, larves! claqua une voix.
Theseus vit arriver un neuvième individu, tout aussi difforme que les autres, mais à l'aura terriblement plus ténébreuse. Vouté comme un vieillard, des yeux semblant brûler du feu d'une colère millénaire, sa voix profonde résonnant de milliers de murmures. Les huit anciens élèves dégénérés tombèrent tous à genoux, et Theseus put sentir la démoniaque puissance qui possédait l'être. Contrairement aux autres, celui ci ne portait rien qui renvoyait à la Caserne, mais arborait à la place une tunique d'un bleu criard aux reflets improbables, comme si le tissu était en constante mutation. Son visage obscène était un agglomérat de chair et d'os, une bouche hideuse garnie de crocs et une unique corne difforme s'échappant de son front volumineux, crevant sa peau pâle comme la neige, sous laquelle palpitaient d'affreuses veines noires.
Lorsque le jeune homme entendit les huit mutants clamer son nom avec une voix teintée d'un mélange de crainte et de respect, il sut qu'il avait devant lui cette fameuse Voix, dont ses premières victimes avaient parlé.
Et il su qu'il avait surtout à quelques pas de lui son plus terrible défi...
LE GROUPE AVAIT repris sa difficile progression dans les étendues de l'enfer végétal, tous murés dans un silence choqué, encore sous l'émotion de la terrible découverte de Laros. Priap avait sobrement pris la tête du groupe, et les menaient calmement mais avec fermeté, interdisant un seul instant de distraction pouvant les amener à ruminer ce qui s'était produit et s'écarter ainsi dangereusement de leurs objectifs principaux. Nektoos suivait sans montrer de signe de faiblesse, un épais bandage simpliste autour de sa blessure, le bras posé sur son fusil passé en bandoulière. Il avait la mine grave, et Priap savait pertinemment qu'une fois la mission terminée, l'élève se placerait de lui même en pénitence pour sa négligence à leur retour à la Caserne. Il faisait d'ors et déjà preuve d'une profonde humilité et ne se pardonnait aucune faute. Priap savait que le jugement ne lui revenait pas, mais il savait que Nektoos ferait une recrue de choix pour leurs seigneurs de l'Astartes.
Laissant passer les autres au devant, Priap ralentit pour arriver à hauteur de l'élève blessé. Celui ci n'accorda pas un regard à son camarade, gardant les yeux bas, suivant la marche sans une parole.
-Tu n'a pas à te blâmer pour cette blessure, frère. fit Priap après un moment de réflexion.
-J'ai laissé mon esprit s'égarer sur ce qui arrivait à Xanos. répondit sèchement Nektoos. J'ai été blessé pour ma négligence, et j'aurai pu faire blesser ou tuer l'un des nôtres. Je n'étais pas concentré. Si, Priap. Je suis à blâmer. Et je suis prêt à faire face aux conséquences.
-Il n'y en aura aucune Nektoos. Tu t'es battu bravement, et nous n'avons aucune perte à déplorer. Tu as fais ton devoir, et même une fois blessé, tu n'a pas baissé les armes. Il n'y a rien à punir.
-Je te remercie pour ces belles paroles, Priap. fit Nektoos avec un pâle et triste sourire. Mais ma décision est prise. J'ai fauté. Une fois rentrés, je me soumettrai à la pénitence de l'égaré.
Priap ne répondit pas, se contentant de hocher la tête gravement. Demander soi même une telle punition était un acte de dévotion important, et il savait que les Maîtres se montreraient fiers de Nektoos une fois qu'il aurait purgé son esprit du doute et de l'hésitation.
Priap lui même était passé par là, l'an passé, après qu'il eu manqué de contrôle, et blessé un élève à la mâchoire lors d'un exercice de lutte. Pour être tout à fait honnête, il lui avait proprement fracassé la mâchoire, et l'élève avait dû passer une journée entière chez le guérisseur, puis une semaine à se remettre du coup. Durant ce temps, Priap avait été envoyé en pénitence, et avait effectué ses prières de repentir, entièrement nu dans une des cryptes de la Caserne, agenouillé sur un sol hérissé de cristaux de verre. Durant deux semaines, il n'avait changé de posture que pour trouver quelques minutes de repos ou trouver de quoi ses sustenter, tantôt des insectes, tantôt de petits rongeurs. L'air dans les cryptes était glacial, au contraire de la surface et Priap s'était surpris lui même à supporter de telles conditions, alors que son développement physique n'était pas encore à son apogée.
Lorsqu'il était sorti des cryptes avec l'accord d'un Maître Pénitent, il était en sang, amaigri et transi de froid, mais l'esprit pur et serein. L'élève qu'il avait blessé fut celui qui vint le chercher, et Priap pleura de regret quand il vit son infortunée victime arborer un implant grossier en lieu et place de sa mâchoire inférieur. Le jeune homme défiguré l'avait pardonné en l'étreignant et ils étaient repartis tout deux auprès de leurs frères d'armes, unis malgré ce regrettable incident. Deux jours plus tard, l'élève à la mâchoire brisée fut tué par un prédateur lors d'un des nombreux entraînements en bordure de la forêt...
Personne en revanche ne viendrait chercher Nektoos, car il avait fauté envers lui même. Mais il savait qu'une fois son repentir effectué, l'élève reviendrait à son groupe inchangé à leurs yeux. Il serait toujours un frère, et serait salué pour son geste comme un être à l'âme pure et sage.
De plus en plus, Priap sentait ce besoin de protection envers les siens grandir en lui, et ce sentiment de confiance et d'inspiration qu'il voulait leur inspirer. Il ne désirait pas pour autant devenir un leader ou un quelconque chef, mais il pouvait de moins en moins ignorer ce sentiment. Par peur que ce ne fusse de l'orgueil, il se jura intérieurement d'aller voir dès leur retour le Maître Arkos pour qu'il le conseille, et au besoin lui indique la pénitence à effectuer. Priap ne pouvait se résoudre à échouer si près du but pour une bête question de sentiments mal placés. Jalousait-il depuis le début Xanos pour sa position de favori? Et voilà où il en était réduit: avoir laissé ses peurs prendre le dessus et disparaître, laissant ses frères sans chef. Il avait beau être le favori d'Arkos, en définitive c'était un lâche. Un traître. Une vulgaire déjection...
Priap se figea brusquement sur place, surpris et horrifié par la violence soudaine de ses pensées. Était-ce vraiment lui qui pensait ça? C'est vrai il n'avait jamais vraiment apprécié Xanos, mais c'était son frère de combat, et il l'aimait et le respectait en tant que tel. Le jeune homme secoua la tête, comme s'il venait de s'éveiller après avoir été étourdi.
Le groupe s'arrêta un peu plus loin, sur un sifflement de Laros qui vint vers Priap.
-Un problème, frère? demanda-t-il. Tu semble fatigué.
-Ce n'est rien, Laros. répondit Priap en se massant son front moite de sueur. Je... Je ressens une impression étrange. Comme si cet endroit m'oppressait et m'amenait à... A penser des choses que je ne désire pas penser. Qui ne sont pas de moi.
-Cet endroit est hostile, Priap. le rassura Laros à voix basse. Son emprise peut revêtir bien des formes. Xanos a sombré dans la folie, et toi tu sens d'étranges pensées éclore en toi. Tu n'es pas seul.
-D'autres sont affectés? demanda Priap en se rapprochant de lui.
-Hukarios ne cesse d'entendre des sons qui n'existent pas, et Kulios parle tout seul. Et tout le monde semble trop nerveux. Il se passe quelque chose d'anormal. Je recommande la prudence...
-Et toi comment te sens tu? hasarda Priap. Tu sembles tellement calme.
-Je ne le suis pas, frère. Loin de là. le contredit Laros en secouant la tête. Mais j'ai appris de longue date à contrôler mes tempéraments. Nous sommes suivis. Je ne sais pas par qui, mais ça dure depuis un bon moment déjà. Avant même notre rencontre avec ces mutants. Le fait que "ça" ne nous ai pas encore attaqué me porte à croire que "ça" ne nous veut pas de mal. Pas encore du moins.
-En as-tu parlé aux autres?
-Non, ils sont déjà bien déstabilisés comme ça pour en rajouter une couche. Tu es le premier auquel j'en parle. Crois moi, je pense que nous sommes les deux seuls encore un tant soit peu droits dans leurs bottes ici.
-Qortos a l'air normal...
-Ca fait depuis notre départ du lieu où Xanos a disparu que Qortos murmure tout seul et triture sa radio comme un dément. Non, il a déraillé aussi. Cet endroit nous pousse dans les recoins de notre équilibre mental. Un grand mal y règne...
-Tu veux dire...
-Le Chaos? Au vu de ce qui est arrivé à 1C, c'est très certainement possible.
-Alors il nous faut redoubler de ferveur et de vigilance. Je pense que nous pouvons compter sur Nektoos aussi.
-Oui, mais peut il se faire confiance à lui même?
-Il est marqué par sa blessure, mais garde l'esprit vif et alerte. Il ne faillira pas. Pas cette fois.
Laros jeta un regard absent vers l'élève blessé, et celui ci lui en rendit un qui scintillait d'une ferveur redoublée. Sa blessure était un cuisant échec pour lui. Il n'en connaîtrait pas de deuxième.
-Entendu. fit Laros. Il nous faut continuer, frère. Nous devons à tout prix parvenir à joindre Tayguète pour faire un rapport de situation.
Comme si le destin avait voulu lui faire une mauvaise blague, ce fut à la fin même de cette phrase que Qortos s'écria d'une voix trépignante et folle:
-Les communications! Loué soit l'Empereur, nous avons retrouvé les communications! Les canaux sont libres!
Et avant même que Laros ou Priap ne réagissent pour lui ordonner de contacter Arkos en urgence, une longue plainte déchirante se leva dans la jungle, suivie presque immédiatement de grognements bestiaux.
Priap avait déjà saisi son fusil et le pointait vers le bruit.
-Frères! Tenez vous prêts, ils reviennent! cria-t-il, retrouvant tout son bon sens tandis que l'approche du combat inondait ses veines d'adrénaline.
LES MUTANTS QUI avaient été autrefois les élèves du groupes 1C étaient prosternés devant l'être qu'ils avaient nommé "la Voix", créature difforme et à l'abjecte constitution, qui semblait tout droit sortie du plus terrible des enfers. Theseus sentit ses poils se hérisser et vit un givre surnaturel se former sur le sol en se frayant un chemin comme de diaboliques serpents sur une terre boueuse qui un court instant auparavant était surchauffée par la torpeur de la jungle. Il ressentit sur la langue un goût métallique et porta une main vers sa tête, ses doigts se posant sur sa tempe, alors qu'un bourdonnement naissait et croissait dans son crâne. Le jeune homme crispa la mâchoire et secoua vivement la tête pour se débarrasser de cet désagréable impression, avant de reporter son attention sur la scène extérieur, faisant appel à toute sa concentration et en se remémorant tout ses entraînements pour résister à la pression maléfique qui pesait à présent sur lui.
La Voix descendit de son perchoir rocheux, ses robes déchirées flottant autour de ses jambes, donnant plus l'impression que le démon flottait plus qu'il ne marchait. Il se tenait accroché à un bâton tordu comme une branche malade, au sommet duquel s'élevait une hideuse étoile à huit branches. Bien qu'il ignora pourquoi, la seule vue de cette image donna la nausée à Theseus et il se sentit en proie à une terreur grandissante. Il ralentit sa respiration, et apaisa les pulsations de son coeur, s'accrochant à ce qu'on lui avait appris pour s'empêcher de basculer dans la folie.
L'infâme créature parvint au centre du cercle inconsciemment formé par les huit élèves renégats, et leva son bâton bien haut, dessinant de son autre main des traits entre les élèves qui fit apparaître leur formation similaire à l'étoile perchée sur son appui. Se tenant au centre de cette plus grande étoile mauvaise, la Voix commença à parler à chacun d'une voix emplie de malice et de haine, sa main crochue allant d'un front à l'autre.
-Les proies succomberont bientôt à nos efforts, et nous nous repaîtrons de leurs chairs et de leurs âmes. Nous danserons au milieu des quatre vents et nous célèbrerons les Dieux immortels pour qu'ils récompensent notre dévotion. Et ceux parmi les faibles qui se montreront assez forts les servirons à leur tour. Voilà bien longtemps que je vous observe, et vous m'avez trouvé. Je vous ai montré la voie et maintenant c'est à vous de la montrer à vos frères perdus, esclaves du Dieu Cadavre perché sur son Trône d'Or sanguinolent!
Ces paroles étaient à ce point empoisonnées que Theseus ne put s'empêcher de vomir, tâchant de calmer au maximum ses spasmes pour empêcher le bruit de trahir sa présence. Les larmes perlaient à ses yeux et il se plaqua les mains sur les oreilles, faisant une nouvelle fois appel aux enseignements de la Caserne pour lui permettre de surmonter cette épreuve.
Se répétant sans cesse les sages paroles de son maître Arkos, et ses paroles de dévotion envers l'Empereur, il ferma les yeux et, progressivement, parvint à se détacher du discours blasphématoire du monstre hérétique. Il trouva à nouveau le calme et sa résolution, et ses mains quittèrent ses oreilles. Les paroles virulentes et acides de la Voix lui parvinrent à nouveau mais cette fois elle ne lui apportèrent nulle douleur, mais avivèrent en lui un feu vengeur. Il saisit sa hache et la serra suffisamment pour canaliser sa colère montante et riva à nouveau son regard vers le groupe de créatures.
La Voix était toujours plongée dans un discours haineux que les huit mutants écoutaient avidement, et tandis qu'il parlait, Theseus vit d'autres ombres approcher. D'autres mutants difformes apparurent, d'autres élèves, et Theseus sentit ses entrailles se serrer alors qu'il voyait plus d'uniformes de la Caserne, mais cette fois, il n'y avait pas que celui porté par 1C. D'autres couleurs, et d'autres héraldiques, correspondant à autant d'années différentes et de groupes différents. 1C n'étaient donc pas les seuls, d'autres étaient également tombés sous l'emprise du perfide serviteur des Dieux Sombres.
Avec peine, il reconnu les couleurs censées être portées par 2C sur un garçon dont la mutation en était encore à un stade peu développé, et conclu que le groupe d'élèves qu'ils devaient rejoindre en accord avec leurs objectifs principaux était lui aussi tombé. Peut être y avait-il des survivants, mais la présence d'un des leurs ici n'augurait rien de bon. Il en vit un deuxième, puis un troisième suivre.
Et comme pour confirmer ses doutes, Theseus observa, impuissant et horrifié, les nouveaux venus charrier avec eux des corps mutilés et figés dans des poses défiant toute anatomie, mais portant les couleurs de 2C. Comptant les corps brisés, et selon ce qu'il avait entendu d'eux, Theseus constata que tout le reste du groupe était là. Trois étaient tombés dans la damnation, et le reste avait péri. Neuf élèves dont la vie avait été arrachée de la plus affreuse des façons, offerte à la voracité des divinités du Chaos.
La colère monta irrésistiblement en lui, et Theseus dû faire preuve d'un extraordinaire contrôle de soi pour ne pas jaillir hors du bunker, hache levée, pour les massacrer. L'inverse se serait bien trop vite produit, lui étant seul contre à présent une quinzaine d'êtres abominablement corrompus.
Son entraînement avait été conséquent, et donner la mort était devenu chose aisée pour lui, mais devant un si grand nombre, la sagesse de ses enseignements lui imposait de rester à couvert en attendant une meilleure opportunité.
Les créatures déposèrent leurs macabres prises aux pieds de la Voix, et s'agenouillèrent à leur tour. Le démon huma lentement les cadavres encore chauds des élèves et montra des crocs jaunis et pointus en poussant un infâme sifflement. Il grogna quelque chose d'insensé, et ses disciples se jetèrent sur les corps pour commencer à les dépecer et les consommer.
Theseus se détourna de l'abject spectacle et se laissa glisser assis le long du mur du bunker. Il devait absolument trouver un moyen de rejoindre les siens avant que ces monstres leur tombent dessus. Mais alors qu'il était coincé, il fallait au moins pouvoir les prévenir du danger. Il devait au plus vite retrouver ses affaires dans la caverne...
HONORIUS SUIVAIT TOUJOURS le groupe d'élèves et demeurait discret comme une ombre, étudiant les futures recrues comme il le faisait depuis le début, à ceci près qu'il évoluait désormais armes en main. Son crozius était encore en sommeil, car l'activer trahirait sa position, mais il ne quittait pas sa main droite, tandis que sa gauche restait toujours à proximité de son pistolet plasma dont le holster était ouvert.
Le Chapelain n'était pas intervenu lors de la première rixe, car il y voyait là l'occasion d'enfin pouvoir observer ce qu'il attendait de futurs néophytes Astartes, leur attitude au combat et leurs capacités martiales. Néanmoins, à la seule vue des assaillants, il n'avait plus aucun doutes: le Chaos était à l'oeuvre dans cette horrible jungle et il sentait monter en lui une profonde fureur envers le Grand Ennemi mais aussi envers les autorités de Taygète pour ne pas avoir su détecter une telle menace. Que le Warp puisse avoir une telle emprise sur une planète sous la protection du Chapitre était un fait intolérable, et les coupables allaient devoir être châtiés. Avant tout, il voulait surtout savoir comment une telle horreur avait pu se développer ici, depuis combien de temps, et quelle en était sa source. Détecter un cancer était une chose, estimer sa gravité en était une autre. La purification s'imposait mais à quel stade?
Il savait que le Warp et les Puissances de la Ruine pouvaient s'insinuer partout, même les mondes les plus surveillés et les plus sanctifiés, mais il ne pouvait pardonner le fait qu'ici, des élèves de la Caserne, des futurs recrues potentielles pour le Chapitre, aient pu être corrompues. Cela remettait en fait totalement en question l'intégrité des Sky Slaughters et la menace planait sur eux d'avoir dans leurs rangs des frères, même en toute inconscience, condamnés par la corruption du Chaos. Honorius ne voyait pas ici une contamination bénigne comme il s'en produit tous les jours dans l'Imperium, mais bien un risque énorme pour le Chapitre. Un risque de chute et d'extinction.
Il sentait la salissure du Warp à mesure qu'ils avançaient, et pouvait observer avec tension que déjà plusieurs des élèves de 2B montraient des signes d'agitation inquiétante. Si danger véritable il y avait, il les abattrait tous sans une seule once de remord, mais la vitesse à laquelle leur comportement changeait suggérer que la menace était déjà très forte. Plus il les observait, plus il voyait ceux qui ne survivraient pas. Et ils étaient nombreux. Le groupe déplorait déjà deux pertes, celles de leur chef tombé dans la corruption, et l'un de ses éclaireurs évanoui dans la nature sans laisser de traces. Deux autres étaient sur le point de connaître le même sort que le jeune Xanos, de ce que pouvait observer Honorius, et trois étaient tellement sur les nerfs qu'ils craqueraient sûrement si la situation dégénérait, risquant de se tuer ou de tuer un de leurs camarades.
Honorius constatait en revanche la forte détermination de trois autres. Priap, le jeune au charisme radieux, Nektoos, le jeune plongé dans sa foi avec douleur, et Laros, celui qui restait le plus étranger au groupe. Celui aussi qui inquiétait Honorius dans le sens où il était persuadé qu'il l'avait repéré, chose impossible pour un gamin de son âge face à un vétéran comme lui. A moins... A moins de posséder un don qui l'aidait à mieux voir.
Depuis le début, le Chapelain n'avait eu de cesse de décortiquer leurs personnalités pour savoir ceux qui deviendraient des Apprentis du Chapitre, et ce qu'ils pourraient bien devenir en son sein. De façon inconsciente, il avait déjà tracé le destin de quelques uns, et à cette pensée, Honorius savait qu'il pouvait se méprendre sur leur compte. Sa preuve était bien la chute de Xanos, qu'il voyait depuis le début du périple comme étant taillé pour devenir chef d'escouade, voire peut être même plus haut dans la hiérarchie. A présent, ce n'était qu'un enfant qui avait échoué dans son épreuve. Un enfant qui allait mourir pour avoir faillit.
Son écouteur grésilla brusquement, et il faillit activer son crozius sous l'effet de la surprise. Le code d'identification s'afficha sur sa visière et il reconnu celui du Disdaskalos Homeros. C'était la première fois depuis plus de trois heures qu'une communication passait clairement. Plus de brouillage. Il s'était passé quelque chose...
D'une impulsion cérébrale, il activa son vox et ouvrit la transmission entrante.
-Disdaskalos. salua-t-il d'une voix sèche. Je suppose que vous avez compris que quelque chose ne tournait pas rond ici...
-Chapelain Honorius, le Trône soit remercié vous êtes encore vivant! s'exclama Homeros.
-Il en faudra davantage pour m'abattre! grogna le Chapelain, réponds à cette remarque stupide par un profond mépris. Que se passe-t-il ici?
-Ca fait bientôt plus de deux heures que nous essayons de vous joindre, mais les transmissions ne passaient plus. Vous étiez complètement isolés du reste de Sparta...
-Merci du renseignement, Homeros, mais vous arrivez trop tard. coupa brutalement Honorius. Je vous demande de m'expliquer pourquoi nous avons été brouillés de la sorte. Il me semblait avoir compris que seule la fréquence de 2B le serait pour leur exercice, pas toutes les fréquences!
-Oui, en effet, c'est ce qui était sensé arriver. Mais vous vous êtes apparemment déplacés vers une partie de la zone noire qui était signalée comme "zone hostile purgée". Il semblerait que ce ne soit aucunement le cas. Chapelain, nous avons détecté depuis l'orbite, en plus de la signature de 2B, celle du groupe d'élèves 1C, porté disparu depuis l'an passé, et dans des circonstances similaires.
-Nous avons retrouvé vos élèves perdus, Disdaskalos. Ils ont été corrompu. Aucun n'est récupérable. 2B est également compromis. Ils ont subi deux pertes, et j'en prévois davantage à venir.
-Corrompus? Mais c'est impossible! Nous n'avons pas eu d'activité du Grand Ennemi ici depuis longtemps! Nos relevés sont clairs!
-Et comment êtes vous sûrs que cette fameuse zone hostile et soi-disant purgée a bien répondu à vos scans? Ce brouillage que nous avons subi est peut être plus subtil et dangereux que vous ne le pensez...
-Le Chaos... Ici, en Tayguète...
Le Disdaskalos se tut un instant, trop choqué pour parler. Honorius était sur le point de lui donner de nouvelles directives pour contrer la menace, lorsque la voix d'Homeros s'éveilla à nouveau, sur un ton ferme.
-Il n'y a qu'une seule explication à cela. Et que l'Empereur nous protège ce n'est pas bon du tout. Je pense savoir de quand date cette corruption, ce qui expliquerait dans le même temps d'autres disparitions non élucidées.
-Vous avez mentionné la disparition de 1C l'an dernier. se souvint Honorius.
-Non c'est beaucoup plus vieux que ça. fit sombrement Homeros. Elle date de la Treizième Croisade Noire du Fléau, il y a plus de quinze ans...
-Comment est-il possible que la corruption ait subsisté aussi longtemps? répliqua Honorius, choqué par la révélation. La Première Compagnie a procédé à la purge totale de Sparta après la défaite du Sanglant, et le Purgateur y a même assigné certains de ses meilleurs agents pour assistance.
-Il est vrai. reconnu Homeros. A ceci près que la jungle de la Caserne fut épargnée par le processus.
-Et pour quelle raison? demanda Honorius, s'attendant au pire.
-Par ordre direct de votre Maître Chapelain. répondit Homeros dans un souffle, comme si on venait de lui extirper le plus affreux des aveux.
-Impossible! Jamais Scupios n'aurait ordonné pareille folie! C'est même lui qui a mené la purge au côté du Capitaine Angelius!
-Précisément pour sauvegarder certaines zones corrompues proches de la Caserne et des autres zones de test des recrues. expliqua Homeros. Le Seigneur Chapelain Scupios avait fait placer ces zones sous haute surveillance afin de limiter les zones touchées par le Chaos, et ceci afin d'en faire plus tard des zones de test ultime pour nos sujets, avant le Rituel. C'était l'épreuve la plus importante mais aussi la plus secrète: déterminer qui des élèves serait assez fort pour supporter la corruption, et qui succomberait. Nous avions des équipes spécialisées dans la traque des déchus pour les achever et les faire disparaître. Mais il y a eu des incidents, et monseigneur Scupios a fait fermer le projet. Nous avons totalement éradiqué tout signe de corruption et purifié les zones de test, il y a sept ou huit ans de cela.
-Visiblement, vous avez merdé quelque part, Homeros! cracha Honorius. Qui est au courant?
-A l'époque, le seigneur Scupios, moi même et le Gardien, qui supervisait les équipes d'interventions. répondit Homeros, choqué par le soudain franc parler du Chapelain. Ces équipes étaient anonymes et gardées dans le secret le plus total. Ils étaient conditionnés pour être protégés contre la corruption et isolés du reste de Sparta. Après l'arrêt des opérations, monseigneur Scupios les a fait purifier, eux aussi, et seuls quatre ont survécu. Le dernier d'entre eux est mort l'hiver passé, et seul le Gardien est encore en vie.
-Donc ni le Gouverneur, ni le Maître de Chapitre ne sont au courant?
-C'est exact. Scupios nous avait interdit d'en parler. Mais je suppose que la situation a suffisamment dégénéré comme ça.
-En effet! Comment expliquez vous que ça ait à ce point débordé?
-Lors de la purge finale, certains éléments ennemis ont disparu, et ont probablement trouvé refuge dans ce secteur, à l'insu de tous. J'ai pratiqué des recherches quand je tentais de vous joindre, et il semble que seule la zone de la jungle est touchée, les relevés des autres zones sont parfaitement normaux. Ici, la zone noire est atteinte par l'ancienne zone de corruption, ce qui signifie que celle ci s'est réveillée et brutalement étendue de plusieurs kilomètres. Je n'ai d'autre explication que de suggérer que l'un des hérétiques qui a échappé à nos purges ait pu se réfugier ici et développer un pouvoir plus puissant grâce à ce puits de noirceur...
-Etes vous conscient que vous et ceux qui ont participé à cela ont risqué la perte de Sparta et la déchéance au sein du Chapitre? grogna Honorius, la colère lui vrillant les entrailles.
-Je... Je n'ai jamais pensé que ça irait aussi loin. Je faisais confiance à Maître Scupios, voilà tout.
-Scupios répondra de ses crimes, mais que ce soit clair entre nous, vous y répondrez à ses côtés. Puissent l'Empereur et nos Ancêtres vous pardonner pour votre folie!
Ivre de rage, se sentant trahi, Honorius coupa brutalement la communication et sortit en trombe de son couvert, marchant armes en mains droit vers les élèves, dont la plupart tombèrent à genoux, tétanisés par une telle apparition.
Voyant approcher ce géant au corps d'obsidienne et au masque de mort, Priap et Laros s'inclinèrent avec crainte, tandis que Nektoos resta droit comme un i, le regard brillant d'une résolution indestructible. Honorius parvint à eux, et, d'un geste presque négligeant, leur ordonna de se redresser.
-Votre entraînement est terminé, vous qui pensez pouvoir prétendre devenir des Astartes. Le Chaos est ici, et nous allons le purger! Gardez l'âme pure et le bras sûr, et je n'aurai pas à achever votre misérable existence. En route!
-Droiture et Honneur. termina Nektoos en exécutant le signe de l'aquila avant de partir en avant de tous, arme en main.
Honorius hocha la tête de satisfaction. Certains d'entre eux semblaient au déjà au delà du risque de corruption. S'il condamnait fermement l'expérience hérétique de son Maître Chapelain, il devait bien reconnaître que l'exercice, aussi cruel soit il, avait porté ses fruits.
Le géant et les adolescents s'enfoncèrent dans la jungle tandis que résonnaient à nouveaux les hurlements bestiaux des ennemis corrompus par le Warp. Mais cette fois ils ne les attendraient pas. Ils iraient les chercher directement pour leur apporter la mort, le seul châtiment que ces abominations méritaient.
LE CHAPELAIN A leur tête, les recrues retrouvèrent une grande ardeur, et ceux qui commençaient à souffrir de l'exposition malsaine au Warp semblèrent à nouveau focalisés sur leur mission. Honorius les mena de l'avant, armes au clair, vers l'endroit d'où semblaient s'élever les cris de sauvages carnassiers. Il n'y avait plus besoin d'être discret, et Honorius abattait son Crozius crépitant d'énergie sur les branchages de la jungles qui se consumaient instantanément pour leur libérer le passage. Priap avait prit la tête du groupe d'adolescent sans qu'aucun n'y trouva à redire, et son lance flammes crachotait régulièrement pour aider à dégager leur chemin. Le jeune homme jeta un regard en arrière et considéra les huit garçons qui le suivaient. Certains comme Gonok et Junos avaient connu de grosses difficultés au début de l'exercice, pour se concentrer ou suivre les ordres, et à présent leurs visages irradiaient de détermination. Hukarios, l'apprenti éclaireur timide et maladroit marchait d'un pas sûr et son regard était devenu aussi acéré que celui d'un rapace. Laros, le sombre et taciturne Laros que tous pensaient qu'il serait le premier à tomber dans la démence, était devenu un exemple de droiture et de détermination. Qortos s'était calmé et Kulios aussi, leurs signes alarmants de stress s'étant évanouis. Nektoos avançait tel le héros blessé refusant d'être vaincu, pâle et courbé, mais le regard brillant d'un moral féroce. Persos, qui fermait la marche, gardait toujours son fusil levé, ses sens en alerte. 2B était à nouveau ce groupe si prometteur, même en l'absence de leur chef de groupe original et de leur premier éclaireur.
Priap priait intérieurement que rien ne soit arrivé à son ami, même si l'absence de Theseus était trop longue pour augurer du bien. Il était peut être déjà mort, ou pire... Le Chapelain Sky Slaughter sembla deviner ce que le jeune garçon ruminait, et, sans ralentir sa cadence de colosse, il s'adressa à lui, son casque rendant une voix abyssale et terrible.
-Nous pleurerons nos morts un autre jour, garçon. fit il. Ce n'est pas le moment de se laisser distraire par ceux qui sont tombés.
-Mon esprit est clair et préparé, monseigneur. l'assura Priap.
-Tu ne peux le savoir avec certitude. Pouvoir affirmer que l'on est prêt à servir lors d'une situation difficile, et l'être réellement requiert un long entraînement. Mais ton esprit est fort, et si tu ne connais pas la mort ici, tu deviendra un bon néophyte. Peut être même un jour un des nôtres.
-Mon existence est vouée à la réussite d'une telle existence.
-Non!
La voix du Chapelain claqua comme une détonation, et cette fois il s'arrêta pour se tourner vers l'adolescent, sa haute stature de demi dieu le dépassant totalement. Priap se sentit défaillir mais se força à rester debout, à faire face à ce géant, quoi qu'il advienne de lui.
-Ton existence est vouée à l'Empereur, et à rien d'autre. Si tu te détourne de Lui, alors tu mourras. reprit Honorius, sombrement. Rappelle toi bien ceci, Priap de Taygète. Et peut être que tu survivra assez longtemps pour comprendre le véritable sens de ce devoir.
Pripa hocha la tête, déglutissant avec peine. Ce n'était pas vraiment un reproche que le Chapelain lui avait fait, mais le poids de ses paroles pesait lourdement sur ses épaules. Et il n'était pas seul. Il sentit tout le groupe tressaillir à l'entente de ces mots de foi pure.
Honorius reprit son chemin sans un mot de plus, et les élèves le suivirent sans bruit.
Un hurlement bestial retentit tout prêt d'eux et ils se braquèrent tous en sa direction. Honorius fut intérieurement satisfait d'observer que chacun des élèves avait son arme prête à servir, sans avoir fait l'erreur de s'en servir sans plus y penser. Il leva une main pour qu'ils baissent leurs fusils et s'approcha de la source du cri, écartant sans mal les lianes et hautes herbes sur son passage, comme si la nature elle même s'inclinait devant son aura de puissance.
Le Chapelain trouva enfin la source des cris et fut immédiatement révulsé par leur nature ignominieuse. On ne pouvait vraiment savoir ce qu'avait été cette pauvre chose auparavant, un animal ou un être humain, tant elle était déformée au delà de toute raison par la corruption du Chaos, amas de chair informe ruisselant de sang, de bile, d'excréments et d'autres fluides impossibles à identifier, gargouillant, poussant des gémissements terrifiants. Sa tête hypertrophiée reposait sur le côté, son poids anormal la tirant lentement et douloureusement au sol. Deux bras aux articulations impossibles étaient cruellement cloués à un tronc massif, et ses jambes réduites à deux moignons sanglants pendaient dans le vide. La créature ne devait pas faire plus d'un mètre de haut et pourtant elle vagissait comme toute une horde de bêtes à l'agonie, épinglée comme elle l'était sur cet énorme tronc, portant multitude de marques de tortures. Sur le sol et tout le pourtour du moignon d'arbre étaient gravés d'infâmes symboles dont l'origine n'était en aucun cas sujet au doute pour Honorius. Sur le torse boursouflé de la chose secouée de spasmes et de frémissements était étalée une large étoile à huit branches, taillée profondément dans la chair, et qui semblait irradier d'une énergie nauséabonde. Deux yeux laiteux fixaient désespérément le Space Marine, semblables à des bubons jaillissant des replis de peau gangrénée. Honorius y lut de la pitié et une tourmente inimaginable.
Il appela les élèves auprès de lui et leur montra l'affreux spectacle de son Crozius.
-Regardez, jeunes mortels, où mène le chemin damné du Chaos. Contemplez ce qui représente votre plus mortel ennemi.
Plusieurs élèves vomirent instantanément à la vue du cauchemar hurlant, d'autres laissèrent échapper un chapelet de prières. Honorius les laissa assimiler la macabre vision, avant de dégainer son pistolet et d'en appuyer le canon sur le crâne fripé de la créature.
-Il n'y a aucune rédemption possible lorsque vous succombez aux Forces de la Ruine. Et si le Chaos ne vous consume pas lui même, nous vous purgerons pour votre faute. Comprenez ceci: le Chaos, en dépit de toutes ses infectes promesses, ne mène qu'à une seule issue. La mort.
Il appuya sur la détente et la moitié du corps de la bête supplicié explosa en une gerbe de sang et d'os, et l'autre tomba lourdement à terre dans un bruit humide et écœurant.
A peine eurent ils digéré la dure leçon que les élèves durent se remettre en chemin, Honorius ne leur laissant aucun répit. D'autres hurlements semblables à ceux de la créature qu'il avait abattue retentirent alors. L'esprit amélioré du Space Marine étudia la position de chaque hurlement et un schéma se dessina dans son crâne.
-Une barrière. murmura-t-il. Ces créatures sont disposées en cercle, comme une barrière. Nous venons de pénétrer sur leur territoire.
-Tant mieux. fit une voix derrière lui et il reconnu l'élève Nektoos. Nous allons porter la mort directement chez eux, au Nom de l'Empereur et de nos frères disparus.
Sous son masque de mort, Honorius s'autorisa un sourire. Ils n'avaient pas encore effectué le Rituel que leurs esprits étaient déjà capables de raisonner comme des Astartes. Scupios avait-il eu raison d'instaurer un exercice aussi dangereux par le passé? Le doute n'était pas permis pour un Space Marine, et Honorius refoula ses pensées. Le Maître Chapelain Scupios était peut être son supérieur, un mentor, un ami même, mais il avait fauté envers le Chapitre et envers l'Empereur. Que le résultat de son expérience clandestine, même avortée, soit bon ou pas ne faisait aucune différence, il devrait répondre de ses actes.
Était-ce la forte présence d'énergies obscures en ces lieux ou une simple impression, le ciel s'assombrissait très rapidement, sans pour autant diminuer la chaleur étouffante. Des parasites envahirent par intermittence sa vision mais l'esprit de son armure était toujours aussi paisible et alerte. Honorius écarta d'autres lianes en s'avançant dans la zone compromise, et s'aperçut qu'elles étaient entièrement putréfiées, filaments de moisissure pendouillant au cadavre desséché d'un arbre squelettique. Le sol était sec et craquelé, et les roches noires et à la silhouette aiguisée. Il n'y avait aucun doute possible. Ils parvenaient dans l'oeil du cyclone. Cela allait être pour les élèves de Taygète l'épreuve suprême, qui ferait du Rituel une franche rigolade en comparaison, et c'était bien évidemment là le but qu'avait dû rechercher Scupios. Mais le sort des adolescents, Honorius ne s'en préoccupait pas. Qu'ils survivent ou qu'ils tombent, son devoir à lui était de s'assurer que l'infestation du Chaos soit stoppée ici et maintenant...
Des grognements et grattements surgirent d'un peu partout autour d'eux. L'ennemi était là et guettait ses proies avant de fondre dessus sans aucune pitié.
Le cyclone se réveillait...
LE MACABRE FESTIN venait de prendre fin et le jeune élève dut faire tout les efforts du monde pour s'empêcher de jeter un regard en direction de ce qui restait des morts, ceux qui avaient été il n'y a pas si longtemps des adolescents la tête pleine de rêves et le corps en pleine transformation pour aspirer à devenir des demi dieux au service du Père des Etoiles. Ils étaient pourtant morts au nom d'autres dieux, avatars de haine et de déviance humaine, l'Annihilateur Primordial comme le nommait parfois le vieux Didaskalos de la Caserne.
Theseus tendit son oreille exercée et entendit les monstres jubiler de leur oeuvre sanglante, absorbant les dernières gouttes de vie arrachée aux jeunes élèves, s'esclaffant comme les déments qu'ils étaient, criant, hurlant, grognant. Mais quelque chose arriva, et les réjouissances sauvages s'interrompirent brutalement. Il ne compris pas immédiatement, mais finit par distinguer d'autres cris, lointains, et des claquements secs et répétés. Une attaque.
-Par l'Empereur tout puissant, ils m'ont retrouvé... souffla Theseus, le coeur bondissant de joie et de reconnaissance.
Ce fut loin d'être le sentiment partagé par les choses damnées qui se tenaient non loin de lui. Ils se mirent à siffler, cracher et vociférer leur rage, certains courant déjà loin devant, sa soif de sang le pressant à se précipiter au carnage. Theseus entendit la Voix hoqueter de frustration, et, relevant la tête assez pour le distinguer, le vit se redresser autant que son corps difforme le lui permettait pour invectiver ses compagnons démoniaques par des grands gestes et des claquements secs et nerveux de ce qui lui tenait lieu de mâchoire.
-Le Sanctuaire! beugla-t-il. Bande de chiens, ils attaquent le Sanctuaire! Allez les trouver, tas de cloportes! Allez les trouver et déchirez les aux noms des Sombres Puissances!
Dans sa rage, il sifflait comme un asthmatique mourant, et Theseus se jura de voir sa peau cadavérique palpiter d'une affreuse lueur malsaine. Il sentit ses poils se dresser dans sa nuque comme ils l'avaient fait lorsque la Voix était arrivée auprès des âmes qu'elle avait détourné de la Lumière de Terra et le jeune homme vit les deux poings griffus de la créature irradier d'un masse confinée d'éclairs écarlates, crissant et sifflant comme une légion de serpents fous.
Alors que les démons difformes fonçaient à toutes jambes vers le lieu des combats, la Voix lança un hurlement ahurissant vers le ciel qui se couvrait comme un soir d'orage, et se lança à son tour en chasse, claudiquant comme un éclopé, et pourtant progressant à grande vitesse, son bâton maléfique pointé de l'avant, prêt à frapper et tuer.
Etait-ce son hurlement rageur, Theseus ne parvenait pas à le deviner, mais une pluie fine se mit à tomber sur la jungle alors que le ciel se gonflait de gros bouillons de nuages noirs et menaçants. Le jeune homme sans défenses attendit quelques instants avant de décider que la zone était sûre, et sortit du bunker à pas de loups. Personne. Il se redressa, sa garde toujours levée, la hache primitive fermement tenue dans une main, l'autre poing grossièrement renforcé par une liane enroulée autour de ses doigts serrés.
La vision qui s'offrit alors à lui le fit vomir aussi sûrement que si on lui avait porté le plus puissant des coups au ventre. Un tas de viande éparpillée et d'os brisés figurait l'endroit où avaient été consommés les enfants tués par les créatures qui avaient autrefois été leurs frères. Reprenant ses esprits, Theseus commença à avancer vers les cavernes, prenant soin de ne pas poser les pieds dans les organes réduits en bouillie informe, et ne pouvant plus en dégager son regard malade.
Finalement il atteignit l'entrée de la caverne et écouta brièvement les résonances du combat qui avait éclaté à ce qu'il estimait à un ou deux kilomètres à l'est, avant de s'engouffrer à nouveau dans l'obscurité fraîche, en quête de ses armes et équipement.
Il progressa lentement et prudemment dans les boyaux hasardeux de la structure naturelle jusqu'à déboucher sur une autre petite salle qui s'ouvrait sur l'extérieur.
Au centre, cerclées de pierre, luisaient encore des braises rougeoyantes au milieu desquelles subsistaient quelques bris d'os noircis. Dans un coin de la cavité, un empilement de caisses défoncées et à son grand bonheur, jetées à terre négligemment, ses affaires.
Et en plein devant l'entrée, se tenant voutée, secouée de tremblements et émettant un grognement absurde, une silhouette, le fixant intensément de deux yeux injectés de sang, ses poings crispés recouverts de sang frais jusqu'aux coudes.
-Theseus... grogna la silhouette la bouche tremblante écumant d'une rage décuplée. Je suis content que tu sois encore en vie... Aides moi, mon frère! Aides moi à lutter contre les voix!
Elle tituba vers lui comme un dément, et Theseus se figea en reconnaissant l'être devant lui.
-Aides moi avant que je te tue pour elles! hurla Xanos.
LE PREMIER DÉMON qui jaillit hors de méandres pourrissantes de la jungle corrompue portait sur lui les restes d'une tunique de la Caserne, qui s’éparpillèrent lorsque son poitrail explosa en une gerbe de viande et de bris d'os. Le second bolt tiré par Honorius vaporisa la tête difforme d'un autre égaré, qui arborait des haillons ayant été autrefois une belle tunique des Phalanges Spartiates.
Le Space Marine dénombra une vingtaine d'hostiles en approche rapide, la soif de sang les rendant complètement fous et suicidaires. Priap fit chanter son lance flammes qui incinéra en feulant un groupe de trois abominations qui se recroquevillèrent à terre en glapissant de douleur. Nektoos usait de son bras invalide comme support à son arme, tirant coup après coup en avançant, faisant exploser crânes et cages thoracique. Laros choisissait ses cibles avec soin et à chaque fois qu'il pressait la détente, il interrompait brutalement une vie. Les autres élèves suivaient en tirant de concert, ne laissant pas un seul instant l'avantage à leurs monstrueux assaillants, Hukarios bondissant de couvert en couvert, Qortos s'efforçant de défendre son matériel en se préoccupant des menaces directes, laissant Kulios éliminer des cibles plus distantes. Gonok, Persos et Junos se déployaient en marge de la formation afin de prendre l'ennemi de revers.
La vague ennemie déferla avec son lot d'horreurs et d'absurdités, des êtres autrefois honorables, dont l'âme avait irrémédiablement flanché et qui marchaient à présent sur le chemin impardonnable de la damnation. Honorius, en sa qualité de Chapelain, laissa toute son horreur pour ces renégats déferler à travers ses armes, purgeant l'hérésie par le Crozius et le bolter, donnant la mort à ces êtres qui avaient si honteusement tourné le dos à l'Empereur de l'Humanité, pour adorer de vils puissances et commettre l'inavouable.
Les élèves quant à eux se battaient avec ardeur, faisant chanter leur foi dans les braillement secs de leurs fusils, faisant de chaque balle l'annonciatrice du Jugement de l'Empereur. Leurs bouches murmuraient des prières à leurs Ancêtres et au Trône d'Or et leurs cœurs bouillonnaient d'une rage innée pour les Sombres Puissances et tout ce qui était un danger mortel pour l'Humanité.
En quelques secondes semblant se dérouler au ralenti, plus de la moitié du groupe de créatures démoniaque fut abattue, et ils ne tarderaient pas à venir à bout des survivants qui se désespérément sur eux avec comme seule motivation l'illusion d'une glorieuse récompense de la part de Dieux dont ils étaient les jouets.
-Il en arrive d'autres! prévint Laros en faisant disparaître les jambes d'un mutant d'un tir et l'achevant d'un autre qui dispersa son crâne.
-Quinze contacts en approche sur notre droite. confirma Hukarios en se plaquant contre un tronc malade pour recharger son arme.
Des grognements inhumains et des hurlements de rage primaire annoncèrent l'arrivée des hérétiques qui bondirent par dessus les hautes herbes desséchées pour fondre sur le groupe.
Les trois élèves partis sur le côté prirent la nouvelle vague de plein fouet. Persos mourut en premier, ouvert de la pointe du sternum au bas du ventre par une immense paire de griffes, laissant échapper à terre ses intestins fumants. Avant même qu'il ne réalise sa blessure mortelle, un revers des griffes lui arracha la gorge, envoyant violemment sa tête pendre en arrière tandis que son corps secoué de soubresauts tombait à genoux, un sang artériel giclant à gros bouillon de la blessure fatale.
Junos vengea son frère en fracassant le crâne du meurtrier démoniaque à coups de crosse, perdant la seconde d'après une large portion de sa main gauche sur laquelle se referma une énorme mâchoire. De sa main restante, il fit pivoter son fusil, l'appuyant sur le front craquelé du renégat qui l'avait blessé et appuyant sur la détente en fermant les yeux, sentant immédiatement une matière visqueuse et chaude asperger son visage.
Il rouvrit les yeux juste à temps pour voir arriver l'excroissance osseuse plongeante qui vint le décapiter.
Gonok parvint à supprimer deux monstres avant de battre en retraite, échappant à une pluie de coups meurtriers. Quelque chose rebondit sur son épaule, et, tandis qu'il sautait en avant, manquant de trébucher, il entraperçu la tête de Junos rouler au sol, ses yeux vitreux emplis d'une expression de vague surprise. Le sol qui n'était qu'une étendue de terre sèche et craquelée lorsqu'ils étaient arrivés était devenu un infâme bourbier d'humus et de poussière mêlés au sang et aux organes pulvérisés.
Gonok parvint à se rétablir de justesse et lâcha un tir en arrière, fusil plaqué à la hanche, avant de rejoindre ses frères dans la mêlée, se retrouvant épaule contre épaule avec Priap qui vit immédiatement la menace arriver et déploya sur les attaquants une longue langue de prometheum incandescent qui les consuma tous d'un coup.
Leurs cris d'agonie ressemblaient à ceux d'une bête qu'on noie, leurs poumons s'emplissant de liquide à mesure que le prometheum les rongeait. Leurs gargouillis infâmes s'éteignirent à peine trois secondes après qu'ils eussent pris feu.
-Persos? demanda Priap dans un souffle, en faisant promener son déluge de feu vers un autre groupe d'ennemis qui l'évitèrent de peu.
-Mort, tout comme Junos. répondit Gonok tout en envoyant valser un ennemi d'un tir en plein ventre.
Priap ne fit aucun commentaire, réservant le deuil pour plus tard. Il appuya sur la cuillère de son lance flammes et fit rôtir cinq autre créatures dans un infâme concert de piaillements d'agonie. Son arme pour sa part rendit un dernier crachotement pathétique. Son réservoir n'avait plus une goutte de carburant.
Les monstres, débarrassés du risque de se faire incinérer au moindre pas, se regroupèrent immédiatement en une masse compacte pour foncer sur le groupe, hurlant de haine, vociférant leur soif de carnage. Cette charge aveugle signa leur perte. Une salve de tir leur répondit, en envoyant un bon tas à terre, faisant exploser les corps, mutilant et exterminant une dizaine d'hérétiques en moins de trois secondes. Honorius fit un grand pas en avant pour accueillir le reste de la vague comme il se devait, envoyant voler en l'air, presque coupé en deux, un des égarés d'un grand coup ascendant de son Crozius crépitant d'énergie, alors même qu'il lâchait bolt sur bolt sur les autres, son champ de vision du moment se résumant à un immense massacre et une pluie de viande corrompue retapissant son armure d’ébène.
-Ressentez la Colère de l'Empereur, vous qui l'avez trahi en vendant votre âme putride aux Seigneurs de la Déchéance! hurla-t-il à la face des hérétiques qui tentaient vainement de le submerger.
Une poignée de secondes plus tard, le dernier des assaillants tomba face contre terre, encore agité de spasmes, fendu de travers par un coup de Crozius, sa chair calcinée grésillant en répandant dans l'air une immonde odeur de chair brûlée. Honorius écrasa la tête du mourant de sa botte, la terre humide de sang étouffant à peine le bruit écœurant de la boîte crânienne réduite en bouillie.
Le Chapelain se tourna vers le groupe d'élèves survivants, déjà affairés à recharger leurs armes pour reprendre la progression. Priap détacha son lance flammes vide et s'arma de sa longue machette tandis que Hukarios aidait Qortos à se bander une profonde entaille dans la cuisse droite.
-Statut? réclama Honorius au groupe.
-Persos et Junos sont morts, Qortos a reçu une blessure superficielle à la cuisse. l'informa diligemment Laros en passant son fusil en bandoulière pour se rapprocher. Munitions épuisées à la moitié, monseigneur.
Honorius hocha la tête pour toute réponse. Il accrocha du regard les cadavres des deux élèves tombés.
-Leur nom sera consigné dans les registres de la Caserne. dit-il. Mais nous ne pouvons rien faire de plus pour eux. Laissez les là. On reprends la progression.
Une vague de murmure endeuillé accusa réception de l'ordre et le groupe se remit en marche. Honorius réprima un grognement d'aversion, alors même qu'il sentait l'influence du Warp de plus en plus fortement.
Ils arriveraient bientôt en vue de leur véritable objectif.
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
hein ? que ? quoi ?
Par le trône de l'empereur, une engeance chaotique, un résidu du warp à soustrait à mon avide lecture la fin de ce récit ......
J'adore !!!!
tout à fait dans la ligné de Ragnard des SW, avec une identité propre, un décord à la 300 ou à "le tyran de syracuse", avec pour ma part et mon imagination un brin de seigneur des anneaux et de Minas Tirith.
Bien bien mais je me sens comme un camé à qui il manque sa drogue
Continue comme cela.
Par le trône de l'empereur, une engeance chaotique, un résidu du warp à soustrait à mon avide lecture la fin de ce récit ......
J'adore !!!!
tout à fait dans la ligné de Ragnard des SW, avec une identité propre, un décord à la 300 ou à "le tyran de syracuse", avec pour ma part et mon imagination un brin de seigneur des anneaux et de Minas Tirith.
Bien bien mais je me sens comme un camé à qui il manque sa drogue
Continue comme cela.
Ok mes agneaux, viandez moi ces Loqueteux
La prévision est difficile, surtout lorsqu'elle concerne l'avenir. P.Dac
Babindeldotar Scout - Messages : 136
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
Merci beaucoup Babindeldotar! voir Taygète comme Minas Tirith est plutôt bien vu, je n'avais pas songé à cela. Au départ c'était une cité ruche, mais non seulement je voulais d'un monde féodal (donc ruche un peu hors sujet) et puis tout simplement, on voit des ruches partout, donc ça change un peu, héhé!
On quitte donc ici la "réédition", et on retourne au 100% inédit!
Petit passage rapide ce soir (boulot demain donc je speed, mais vite et bien (j'espère!))
Suite d'Ùtlendr demain!
THESEUS AVAIT DU mal à reconnaître son camarade, tant celui ci était secoué de spasmes d'une rage à peine contrôlée, son visage tout entier exprimant le besoin sauvage de tuer en infligeant un maximum de souffrances. Xanos bavait comme un molosse enragé et son corps tout entier tremblait sous l'effort qu'il faisait pour ne pas se jeter sur son éclaireur pour le mettre en pièces. Le jeune homme avançait de la démarche d'un être ivre mort, grognant comme un animal en cage en proie aux pires souffrances, et ses poings étaient tant crispés que ses articulations étaient devenues d'un blanc macabre.
-Aides moi! glapit-il une fois de plus, en secouant la tête comme un dément. Fais les taire!
Theseus eut un mouvement de recul alors que son camarade avançait vers lui d'un pas lourd et hésitant. Un noeud se faisait durement ressentir au creux de son estomac, et il serra inconsciemment le manche de son armes rudimentaire, paré à toute éventualité.
-Xanos, mon frère... murmura-t-il alors que la terreur l'enserrait de ses doigts glacés. Que t'ont ils fait?
L'interpellé réprima un cri primitif et bava de plus belle, tournant sa tête au regard enragé vers Theseus.
-Je les ai massacré. articula-t-il. Mais ça ne suffit pas. Il y en a d'autres, et je dois les tuer. Il veut que je les tue. Tous. Jusqu'au dernier. Le sang doit couler.
-Par l'Empereur tout puissant, mais de quoi parles tu? le stoppa Theseus en levant une main se voulant rassurante. Qui te l'as ordonné? Qui as tu massacré?
-Tous corrompus! hoqueta Xanos en respirant de plus en plus difficilement. Ils étaient tous corrompus! Les mutants... et les autres! Je les ai tous égorgés pour lui!
-Qui? insista Theseus. A qui obéis tu?
Xanos poussa un hurlement bestial, et ses poings serrés vinrent frapper sa tête, comme pour faire taire ces voix dont il parlait.
-Plus de sang! gémit-il comme un dément. Il veut plus de sang! Tous des faibles! Ce sont tous des faibles!
Theseus leva imperceptiblement sa hache, prêt à frapper, sentant au fond de ses tripes qu'un horrible dénouement aller se produire. Xanos releva son visage tordu par la haine vers lui, ses yeux irradiant de folie meurtrière sur le point d'exploser, comme une poche de magma gonflant un volcan sur le point d'entrer en éruption.
-Vous m'avez abandonné! hurla-t-il en postillonnant. Tu m'as abandonné, misérable!
-Xanos, par le Trône, résiste! le supplia Theseus, la gorge serrée. Je ne t'ai pas abandonné. Aucun de nous! Nous étions à ta recherche. J'ai...
Le garçon torturé par une quelconque force maligne lui hurla dessus dans un cri inarticulé où se mêlaient haine pure et souffrance.
-Vous êtes jaloux, sales larves que vous êtes! Vous n'avez cessé de me remettre en question! vociféra-t-il. Je suis le meilleur de tous! Je suis meilleur que maître Argos lui même! Rats puants! Vous m'avez abandonné pour que je meurs!
Theseus reçut les accusations comme un seau d'eau glacée jeté au visage, et chancela sous le déluge de violence. Il voulut répliquer, se défendre, les défendre, mais Xanos, ivre de rage ne lui en laissa pas l'occasion en se jetant sur lui, en poussant un cri primaire.
Les deux adolescents se percutèrent violemment et roulèrent sur le sol de la caverne, Xanos expédiant une tempête de coups renforcés par sa transe meurtrière, Theseus tentant à grandes difficultés d'y réchapper. Il sentait les coups mordre sa chair avec toujours plus de violence, sentit des os se fissurer, et ne put s'empêcher de hurler de douleur, ne pouvant même plus articuler une quelconque supplique.
-Je ne vous laisserai pas faire! continuait de hurler Xanos en martelant son camarade. Je vais prouver à tous que je suis le meilleur de Sparta! Et il sera fier de moi! Je serai son champion!
Les coups pleuvaient sans vouloir s'arrêter. Il sentit plusieurs de ses côtes se fêler. Il ressentit avec horreur son épaule manquer de se déboîter à nouveau. Un coup brutal lui percuta le nez, le brisant net, le sonnant suffisamment de temps pour que d'autres coups ne s'abattent sur sa garde baissée, meurtrissant la chair, broyant ses muscles. Une de ses clavicules se brisa, puis ce fut au tour d'une de ses pommettes d'éclater en une floraison sanglante de pulpe carmine et de bris d'os.
Malgré tout ses efforts, sa tête ne cessait de percuter le sol, ouvrant de nombreuses coupures sur son cuir chevelu, faisant résonner un vacarme encore plus assourdissant que les cris de l'enragé, comme si il avait à l'intérieur du crâne toutes les cloches de Taygète se mettant à sonner à l'unisson.
Il parvint à retrouver un semblant de garde en relevant ses bras en croix devant son visage qui n'était plus qu'un masque de tissus ravagés, mais une nouvelle pluie de coups suffit à lui rejeter le bras gauche de côté et à lui tordre le poignet.
Theseus était à moitié aveuglé par son sang répandu et par les coups de Xanos, mais parvint finalement à parer l'un des assauts avec suffisamment de force pour faire basculer le garçon de côté. Il roula de côté, tout son corps irradiant de douleur que même son entraînement à la Caserne ne pouvait lui permettre de canaliser, des larmes de souffrances se mêlant au sang sur son visage.
Il tituba en se tenant les côtes et en gémissant, cherchant son arme de son regard embrumé. Mais Xanos était déjà debout et se jeta derechef sur lui en braillant comme un damné. Car c'était bien ce qu'il était devenu, Theseus n'avait pas besoin d'autres preuves. Son ancien chef de groupe, l'élève modèle, le favori de maître Argos n'était plus. Son âme était irrémédiablement souillée et en lui appartenait plus.
Cette fois il se prépara à l'attaque et fit in extremis un bond de côté pour expédier son poing libre sur le visage de son assaillant, frappant la tempe, et envoyant l'adolescent possédé rouler au sol dans un glapissement de frustration. Il n'attendit pas qu'il se relevât, sachant leur face à face perdu d'avance, et se mit à courir vers la sortie en serrant les dents pour tenter de refouler en vain la douleur qui lui vrillait le corps.
Des torrents de pluie froide l'accueillirent au dehors et il clopina loin de la grotte en pataugeant dans la boue qui se formait, manquant de trébucher à de trop nombreuses occasions. Derrière lui, il pouvait entendre les hurlements sauvages de Xanos qui se lançait à sa poursuite. Il tenta d'accélérer sa course, mais la souffrance lui coupait le souffle, et il ne parvint qu'avec la plus grande des difficultés à s'enfoncer dans la jungle pour se fondre dans le décor étouffant. Se laissant glisser sur une pente boueuse, il réussit à se cacher derrière un vieux tronc à moitié déraciné, se blottissant entre les racines, en enserrant ses côtes meurtries.
Il entendit Xanos passer tout près, grognant et feulant comme un prédateur assoiffé de sang, puis il n'y eu plus que le bruissement de la pluie. Il retint sa respiration, comme si un seul bruit de sa part allait mener son poursuivant jusqu'à lui, scrutant d'un regard empli de terreur le décor brouillé par les abats d'eau incessants.
Quelques instants à peine plus tard, il entendit la voix hideusement déformée de Xanos appeler son nom, comme pour lui promettre la mort la plus horrible qui soit.
Ne pouvant résister plus longtemps, Theseus lâcha un soupir de douleur, sa poitrine comprimée par un poids terrible, et éclata en sanglots, l'horreur de la situation se déversant librement en lui. Il se roula en boule au creux de l'arbre, pleurant amèrement et gémissant, sentant que les blessures de son corps ne lui permettraient peut être pas de pouvoir repartir, et peut être même pas de survivre.
On quitte donc ici la "réédition", et on retourne au 100% inédit!
Petit passage rapide ce soir (boulot demain donc je speed, mais vite et bien (j'espère!))
Suite d'Ùtlendr demain!
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THESEUS AVAIT DU mal à reconnaître son camarade, tant celui ci était secoué de spasmes d'une rage à peine contrôlée, son visage tout entier exprimant le besoin sauvage de tuer en infligeant un maximum de souffrances. Xanos bavait comme un molosse enragé et son corps tout entier tremblait sous l'effort qu'il faisait pour ne pas se jeter sur son éclaireur pour le mettre en pièces. Le jeune homme avançait de la démarche d'un être ivre mort, grognant comme un animal en cage en proie aux pires souffrances, et ses poings étaient tant crispés que ses articulations étaient devenues d'un blanc macabre.
-Aides moi! glapit-il une fois de plus, en secouant la tête comme un dément. Fais les taire!
Theseus eut un mouvement de recul alors que son camarade avançait vers lui d'un pas lourd et hésitant. Un noeud se faisait durement ressentir au creux de son estomac, et il serra inconsciemment le manche de son armes rudimentaire, paré à toute éventualité.
-Xanos, mon frère... murmura-t-il alors que la terreur l'enserrait de ses doigts glacés. Que t'ont ils fait?
L'interpellé réprima un cri primitif et bava de plus belle, tournant sa tête au regard enragé vers Theseus.
-Je les ai massacré. articula-t-il. Mais ça ne suffit pas. Il y en a d'autres, et je dois les tuer. Il veut que je les tue. Tous. Jusqu'au dernier. Le sang doit couler.
-Par l'Empereur tout puissant, mais de quoi parles tu? le stoppa Theseus en levant une main se voulant rassurante. Qui te l'as ordonné? Qui as tu massacré?
-Tous corrompus! hoqueta Xanos en respirant de plus en plus difficilement. Ils étaient tous corrompus! Les mutants... et les autres! Je les ai tous égorgés pour lui!
-Qui? insista Theseus. A qui obéis tu?
Xanos poussa un hurlement bestial, et ses poings serrés vinrent frapper sa tête, comme pour faire taire ces voix dont il parlait.
-Plus de sang! gémit-il comme un dément. Il veut plus de sang! Tous des faibles! Ce sont tous des faibles!
Theseus leva imperceptiblement sa hache, prêt à frapper, sentant au fond de ses tripes qu'un horrible dénouement aller se produire. Xanos releva son visage tordu par la haine vers lui, ses yeux irradiant de folie meurtrière sur le point d'exploser, comme une poche de magma gonflant un volcan sur le point d'entrer en éruption.
-Vous m'avez abandonné! hurla-t-il en postillonnant. Tu m'as abandonné, misérable!
-Xanos, par le Trône, résiste! le supplia Theseus, la gorge serrée. Je ne t'ai pas abandonné. Aucun de nous! Nous étions à ta recherche. J'ai...
Le garçon torturé par une quelconque force maligne lui hurla dessus dans un cri inarticulé où se mêlaient haine pure et souffrance.
-Vous êtes jaloux, sales larves que vous êtes! Vous n'avez cessé de me remettre en question! vociféra-t-il. Je suis le meilleur de tous! Je suis meilleur que maître Argos lui même! Rats puants! Vous m'avez abandonné pour que je meurs!
Theseus reçut les accusations comme un seau d'eau glacée jeté au visage, et chancela sous le déluge de violence. Il voulut répliquer, se défendre, les défendre, mais Xanos, ivre de rage ne lui en laissa pas l'occasion en se jetant sur lui, en poussant un cri primaire.
Les deux adolescents se percutèrent violemment et roulèrent sur le sol de la caverne, Xanos expédiant une tempête de coups renforcés par sa transe meurtrière, Theseus tentant à grandes difficultés d'y réchapper. Il sentait les coups mordre sa chair avec toujours plus de violence, sentit des os se fissurer, et ne put s'empêcher de hurler de douleur, ne pouvant même plus articuler une quelconque supplique.
-Je ne vous laisserai pas faire! continuait de hurler Xanos en martelant son camarade. Je vais prouver à tous que je suis le meilleur de Sparta! Et il sera fier de moi! Je serai son champion!
Les coups pleuvaient sans vouloir s'arrêter. Il sentit plusieurs de ses côtes se fêler. Il ressentit avec horreur son épaule manquer de se déboîter à nouveau. Un coup brutal lui percuta le nez, le brisant net, le sonnant suffisamment de temps pour que d'autres coups ne s'abattent sur sa garde baissée, meurtrissant la chair, broyant ses muscles. Une de ses clavicules se brisa, puis ce fut au tour d'une de ses pommettes d'éclater en une floraison sanglante de pulpe carmine et de bris d'os.
Malgré tout ses efforts, sa tête ne cessait de percuter le sol, ouvrant de nombreuses coupures sur son cuir chevelu, faisant résonner un vacarme encore plus assourdissant que les cris de l'enragé, comme si il avait à l'intérieur du crâne toutes les cloches de Taygète se mettant à sonner à l'unisson.
Il parvint à retrouver un semblant de garde en relevant ses bras en croix devant son visage qui n'était plus qu'un masque de tissus ravagés, mais une nouvelle pluie de coups suffit à lui rejeter le bras gauche de côté et à lui tordre le poignet.
Theseus était à moitié aveuglé par son sang répandu et par les coups de Xanos, mais parvint finalement à parer l'un des assauts avec suffisamment de force pour faire basculer le garçon de côté. Il roula de côté, tout son corps irradiant de douleur que même son entraînement à la Caserne ne pouvait lui permettre de canaliser, des larmes de souffrances se mêlant au sang sur son visage.
Il tituba en se tenant les côtes et en gémissant, cherchant son arme de son regard embrumé. Mais Xanos était déjà debout et se jeta derechef sur lui en braillant comme un damné. Car c'était bien ce qu'il était devenu, Theseus n'avait pas besoin d'autres preuves. Son ancien chef de groupe, l'élève modèle, le favori de maître Argos n'était plus. Son âme était irrémédiablement souillée et en lui appartenait plus.
Cette fois il se prépara à l'attaque et fit in extremis un bond de côté pour expédier son poing libre sur le visage de son assaillant, frappant la tempe, et envoyant l'adolescent possédé rouler au sol dans un glapissement de frustration. Il n'attendit pas qu'il se relevât, sachant leur face à face perdu d'avance, et se mit à courir vers la sortie en serrant les dents pour tenter de refouler en vain la douleur qui lui vrillait le corps.
Des torrents de pluie froide l'accueillirent au dehors et il clopina loin de la grotte en pataugeant dans la boue qui se formait, manquant de trébucher à de trop nombreuses occasions. Derrière lui, il pouvait entendre les hurlements sauvages de Xanos qui se lançait à sa poursuite. Il tenta d'accélérer sa course, mais la souffrance lui coupait le souffle, et il ne parvint qu'avec la plus grande des difficultés à s'enfoncer dans la jungle pour se fondre dans le décor étouffant. Se laissant glisser sur une pente boueuse, il réussit à se cacher derrière un vieux tronc à moitié déraciné, se blottissant entre les racines, en enserrant ses côtes meurtries.
Il entendit Xanos passer tout près, grognant et feulant comme un prédateur assoiffé de sang, puis il n'y eu plus que le bruissement de la pluie. Il retint sa respiration, comme si un seul bruit de sa part allait mener son poursuivant jusqu'à lui, scrutant d'un regard empli de terreur le décor brouillé par les abats d'eau incessants.
Quelques instants à peine plus tard, il entendit la voix hideusement déformée de Xanos appeler son nom, comme pour lui promettre la mort la plus horrible qui soit.
Ne pouvant résister plus longtemps, Theseus lâcha un soupir de douleur, sa poitrine comprimée par un poids terrible, et éclata en sanglots, l'horreur de la situation se déversant librement en lui. Il se roula en boule au creux de l'arbre, pleurant amèrement et gémissant, sentant que les blessures de son corps ne lui permettraient peut être pas de pouvoir repartir, et peut être même pas de survivre.
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
Miam Miam
le petit jeune, si bien entraîné qu'il soit, vient de prendre une dérouillé... Xanos, ma foi je le verrai bien en berserk de Khorne, bref un charmant compagnon.
La suite ...... cela devient bien stressant. nickel
bravo
le petit jeune, si bien entraîné qu'il soit, vient de prendre une dérouillé... Xanos, ma foi je le verrai bien en berserk de Khorne, bref un charmant compagnon.
La suite ...... cela devient bien stressant. nickel
bravo
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La prévision est difficile, surtout lorsqu'elle concerne l'avenir. P.Dac
Babindeldotar Scout - Messages : 136
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
La suite du vendredi!
Avec une petite question fluff posée ici: [Question] fondation d'un régiment GI et qui doit m'aider à corriger/améliorer certains passages d'Egorgeurs, mais aussi de Gladius (à venir).
Bonne lecture! A demain pour la suite d'Ùtlendr!
LA PLUIE S’ÉTAIT abattue sur eux en une froide mais bienvenu surprise, éclipsant en un instant la chaleur infernale qu'ils subissaient depuis le début de l'épreuve. Les gouttes ruisselaient sur l'armure noire du chapelain et détrempaient les vêtements déchirés des Elèves. Après quelques minutes d'averse, certains parmi eux commençaient à trembler, glacés jusqu'aux os par l'eau et leur peur.
Malgré qu'il fut vide, et de toute manière inutilisable sous tant d'eau, Priap avait conservé son lance flammes avec lui et marchait dans l'ombre d'Honorius, ruminant en silence comme ses compagnons le trépas de deux des leurs. Et de plus en plus, s'ajoutant à ce deuil, le jeune garçon commençait à craindre de ne jamais revoir son ami disparu.
La jungle les entouraient toujours, mais se faisant bien plus éparse, de gros rochers fleurissant ça et là, jusqu'à ce que le décor entier soit remplacé par un dédale de roche. De nombreuses grottes s'ouvraient un peu partout, et il ne faisait aucun doute qu'elles avaient constituées un repaire de choix pour les mutants, à juger des nombreux trophées macabres qui y étaient suspendus un peu partout.
Immédiatement les jeunes adolescent chassèrent leur chagrin et redoublèrent de vigilance. Le chapelain leur indiqua en silence la formation à adopter, mais lorsque aucun d'eux ne bougea, le regardant à la place d'un air intrigué, il secoua la tête de dépit, oubliant qu'il avait affaire à de jeunes garçons qui ne connaissaient encore rien de la manière de combattre des Sky Slaughters.
Gardant le silence, il élabora ses signes de mains, désignant tour à tour les garçons pour leur assigner un rôle. Hukarios partit en avant en usant des couverts qui s'offraient à lui pour avancer rapidement et discrètement. Priap, Laros et Qortos furent envoyés sur la droite pour couvrir la progression du jeune aspirant éclaireur, et les autres furent envoyés légèrement en retrait sur la gauche, afin de veiller sur le premier groupe. Honorius pour sa part prit position derrière un gros rocher, ne quittant pas des yeux Hukarios qui avançait ventre à terre, ses améliorations tant génétiques que mécaniques lui permettant de ne rien manquer des pirouettes du jeune garçon.
Il n'avait pas réparti le groupe au hasard. Le chapelain avait fait son choix d'après ses observations du groupe, décidant de faire un premier tri lui même, en mettant d'un côté les éléments prometteurs et de l'autre ceux qui avaient encore à faire leurs preuves. Selon lui, le groupe de Priap avait bien plus de chance de passer les dernières épreuves et le Rituel, tandis qu'il voyait bien trop de faiblesses chez les Elèves du groupe de Qortos.
Il attendirent un instant, totalement immobiles et silencieux, jusqu'à ce que leur éclaireur revienne vers eux, évoluant avec dextérité et aisance, ce qui fit sourire Honorius derrière son casque. Celui ci allait sûrement devenir une recrue de premier choix.
Hukarios parvint jusqu'au chapelain, et s'inclina devant lui, attendant la permission de parler. Honorius lui enveloppa l'épaule de son gantelet pour que le garçon lève la tête, et il lui fit signe de faire son rapport.
-Je crois qu'on est aux abords d'un espèce de petit canyon, ou d'une ancienne carrière de pierre. murmura Hukarios en pointant du doigt la direction qu'il avait prise. Par là bas, le terrain s’enfonce régulièrement en crevasses. Il y a pas mal de cavernes, et je pense avoir repéré des signes évidents d'activité dans deux ou trois d'entre elles.
-Contact? réclama Honorius en baissant la voix qui resta semblable à un grondement orageux.
-Aucun. Pas un signe de l'ennemi. Peut être qu'on a tué les derniers tout à l'heure, monseigneur. avança Hukarios en haussant les épaules, se forçant à esquisser un vague sourire en coin, alors même qu'il était terrifié par le demi dieu qui les menaient au combat.
Honorius lui répondit d'un grognement et tourna la tête vers l'endroit où s'était engagé le jeune homme.
Des ombres se mouvaient parmi les rochers et convergeaient vers eux.
-Tu as encore beaucoup à apprendre. dit il sèchement à Hukarios avant de braquer son pistolet bolter vers les hostiles et d'ouvrir le feu.
Hukarios encaissa durement le commentaire et se joignit à la fusillade la mine sombre, une boule dans la gorge. Il avait tellement voulu bien faire. Décevoir un des seigneurs des étoiles représentait un trop grand échec pour qu'il garde espoir d'être pris à leurs côtés.
Tandis que les Elèves et Honorius ouvraient le feu, les ombres se révélèrent en fondant sur eux, toutes griffes dehors et en poussant des hurlements sauvages. Cette fois la majorité des ennemis étaient trop déformés par la corruption pour porter des armes, les quelques uns qui avaient conservé un semblant de conscience tiraient au jugé ou brandissait les vieux fusils comme des massues grotesques. Les premiers mutants furent fauchés net par le barrage de tirs des Elèves, aspergeant les rochers alentours de viande et de bris d'os que les torrents de pluie s'empressaient de rincer.
Seul Honorius fit mouche à chaque fois au début de l'engagement, le déluge s'abattant sur eux réduisant considérablement la visibilité des Elèves. Le premier qui visa juste à travers le rideau d'eau fut Laros, et une fois qu'il atteignit sa première cible avec justesse, il en fit de même avec toutes les suivantes.
Malgré sa blessure à la cuisse, Qortos parvenait à se battre avec efficacité, faisant preuve d'une bonne cadence de tir, même si il avait du mal à obtenir la mort de ses cibles à chaque fois qu'il pressait la détente.
Nektoos en revanche était trop affaibli par sa blessure au bras, manquant presque toujours sa cible, son visage de plus en plus pâle et fiévreux, et sa vue se brouillant régulièrement. Selon toute vraisemblance, la plaie s'était infectée, et la fièvre gagnait peu à peu le garçon.
Voyant que l'attaque mutante était plus fournie que précédemment, Honorius décida de pousser l'assaut en avant. Il leva son crozius sans arrêter de tirer, achevant une vie d'errance à chaque tir, et partit en avant.
-Groupe un en avant par le côté. ordonna-t-il avec fermeté. Groupe deux, avancez à mes côtés. Exécution! Tuez les traitres!
Hukarios ne savait pas quel groupe rallier, il opta donc pour suivre le chapelain tout en tirant cartouche après cartouche.
Les quelques mètres les séparant des mutants se transformèrent en centimètres, puis ils se retrouvèrent au corps à corps, Honorius fauchant ses ennemis à grandes volées de crozius, envoyant des cadavres voler et s'écraser contre la roche ou disparaître dans la pluie.
Le jeune aspirant éclaireur dégaina sa lame de combat sans cesser de tirer, tranchant des gorges de la main gauche. Il comptait bien se dépasser pour retrouver son mérite aux yeux du seigneur des étoiles qui les jugeait.
Priap abandonna vite l'idée de se servir de son lance flammes comme gourdin, et le laissa tomber dans la mêlée pour abattre ses ennemis à grands coups de machette. Il était le plus puissamment bâti des Elèves, et ses coups étaient redoutables pour un garçon de son âge.
Nektoos poussa un cri aigüe quand une créature profita de sa faiblesse pour traverser sa garde, enfonçant des griffes noires dans le flanc de l'adolescent. Nektoos abattit son couteau à plusieurs reprises dans le cou du démon jusqu'à ce que celui ci ne lâche prise.
La mêlée s'intensifia très vite, les affrontements se succédant dans une spirale de violence pure. Mais la formation adoptée par le groupe d'Elèves tenait bon, ils se retrouvèrent vite entourés de corps mutants disloqués, hurlant leur détermination et leur colère à la face de l'attaquant suivant. Les mutants étaient nombreux, peut être une bonne trentaine, toutefois leurs assauts se fracassaient contre un mur de résolution et ils tombaient comme des mouches les uns après les autres.
Honorius éprouva de la fierté pour ces garçons qui venaient d'outrepasser le simple entraînement et se battaient avec courage et efficacité. Même si certains d'entre eux ne passeraient pas le Rituel final, il ne manquerait pas de rendre hommage à leur attitude exemplaire en ce sombre jour.
Enchaînant ses moulinets mortels, éclaboussant son armure noire de viande et de viscères qui se mêlaient à la pluie torrentielle, sa vision améliorée accrocha une silhouette se détachant nettement de la meute. Une forme voûtée, appuyée sur un long bâton noueux, deux yeux de rapaces brillant sous un capuchon. Il irradiait de cet être une puissance ténébreuse, et le chapelain sut immédiatement que cette créature quelle qu'elle soit devait être le meneur de ce groupe de damnés.
Il repoussa un énième mutant, l'envoyant voltiger sur le côté, la cage thoracique enfoncée, et marcha d'un pas décidé vers la chose qui répondit à son défi par un feulement diabolique en levant son étrange bâton.
Une tempête électrique s'en déversa pour aller s'écraser contre Honorius, saturant son champ de protection déployé par son précieux rosarius, et le chapelain dut poser un genou à terre en grognant pour résister au déchaînement d'éclairs.
La créature jappa joyeusement comme un chien jouant avec sa proie, et s'avança vers lui en claudiquant.
Lorsqu'elle parla, elle émit un horrible croassement résonnant d'infects gargouillis.
-Tu ne peux t'opposer aux Vents, guerrier des étoiles. siffla l'être. Entends la Voix et soumets toi à la Vérité qu'elle transmet.
Honorius leva bien haut son crozius, brandissant le symbole même de sa foi à la face du mutant, et se releva au prix d'un terrible effort.
-Ma foi est mon bouclier, créature de l'enfer! lança-t-il fièrement. Je ne réponds qu'à l'Empereur et son Fils Robboute Guilliman, qu'ils soient tout deux bénis parmi les bénis. Je ne me soumettrai à aucune chimère, ni aucun mensonge, car je suis porteur de la seule vérité qui soit.
Oubliant les combats environnants, il continuait à déclamer sa dévotion tout en avançant, le crozius absorbant l'essentiel de la décharge d'énergie psychique libérée par la créature, le reste rebondissant sur son armure en de petits arcs électriques bleutés, crépitant et grésillant dans des sifflements de serpents venimeux.
-Ta magie noire n'opère pas sur moi, car je suis un serviteur du Trône et ma foi ne connait aucune faille. continua le chapelain en se redressant de toute sa taille au dessus de l'être, luttant pour ne pas céder à l'attaque du sorcier. Au nom de l'Empereur aimé de tous, je te bannis de ce monde et t'envoie rejoindre tes maîtres obscurs.
La Voix poussa un feulement strident et appuya sur son bâton de sorcier, faisant s'abattre toujours plus d'éclairs sur le chapelain, alors que celui ci achevait sa tirade en abattant son crozius avec une force terrible et implacable.
Avec une petite question fluff posée ici: [Question] fondation d'un régiment GI et qui doit m'aider à corriger/améliorer certains passages d'Egorgeurs, mais aussi de Gladius (à venir).
Bonne lecture! A demain pour la suite d'Ùtlendr!
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LA PLUIE S’ÉTAIT abattue sur eux en une froide mais bienvenu surprise, éclipsant en un instant la chaleur infernale qu'ils subissaient depuis le début de l'épreuve. Les gouttes ruisselaient sur l'armure noire du chapelain et détrempaient les vêtements déchirés des Elèves. Après quelques minutes d'averse, certains parmi eux commençaient à trembler, glacés jusqu'aux os par l'eau et leur peur.
Malgré qu'il fut vide, et de toute manière inutilisable sous tant d'eau, Priap avait conservé son lance flammes avec lui et marchait dans l'ombre d'Honorius, ruminant en silence comme ses compagnons le trépas de deux des leurs. Et de plus en plus, s'ajoutant à ce deuil, le jeune garçon commençait à craindre de ne jamais revoir son ami disparu.
La jungle les entouraient toujours, mais se faisant bien plus éparse, de gros rochers fleurissant ça et là, jusqu'à ce que le décor entier soit remplacé par un dédale de roche. De nombreuses grottes s'ouvraient un peu partout, et il ne faisait aucun doute qu'elles avaient constituées un repaire de choix pour les mutants, à juger des nombreux trophées macabres qui y étaient suspendus un peu partout.
Immédiatement les jeunes adolescent chassèrent leur chagrin et redoublèrent de vigilance. Le chapelain leur indiqua en silence la formation à adopter, mais lorsque aucun d'eux ne bougea, le regardant à la place d'un air intrigué, il secoua la tête de dépit, oubliant qu'il avait affaire à de jeunes garçons qui ne connaissaient encore rien de la manière de combattre des Sky Slaughters.
Gardant le silence, il élabora ses signes de mains, désignant tour à tour les garçons pour leur assigner un rôle. Hukarios partit en avant en usant des couverts qui s'offraient à lui pour avancer rapidement et discrètement. Priap, Laros et Qortos furent envoyés sur la droite pour couvrir la progression du jeune aspirant éclaireur, et les autres furent envoyés légèrement en retrait sur la gauche, afin de veiller sur le premier groupe. Honorius pour sa part prit position derrière un gros rocher, ne quittant pas des yeux Hukarios qui avançait ventre à terre, ses améliorations tant génétiques que mécaniques lui permettant de ne rien manquer des pirouettes du jeune garçon.
Il n'avait pas réparti le groupe au hasard. Le chapelain avait fait son choix d'après ses observations du groupe, décidant de faire un premier tri lui même, en mettant d'un côté les éléments prometteurs et de l'autre ceux qui avaient encore à faire leurs preuves. Selon lui, le groupe de Priap avait bien plus de chance de passer les dernières épreuves et le Rituel, tandis qu'il voyait bien trop de faiblesses chez les Elèves du groupe de Qortos.
Il attendirent un instant, totalement immobiles et silencieux, jusqu'à ce que leur éclaireur revienne vers eux, évoluant avec dextérité et aisance, ce qui fit sourire Honorius derrière son casque. Celui ci allait sûrement devenir une recrue de premier choix.
Hukarios parvint jusqu'au chapelain, et s'inclina devant lui, attendant la permission de parler. Honorius lui enveloppa l'épaule de son gantelet pour que le garçon lève la tête, et il lui fit signe de faire son rapport.
-Je crois qu'on est aux abords d'un espèce de petit canyon, ou d'une ancienne carrière de pierre. murmura Hukarios en pointant du doigt la direction qu'il avait prise. Par là bas, le terrain s’enfonce régulièrement en crevasses. Il y a pas mal de cavernes, et je pense avoir repéré des signes évidents d'activité dans deux ou trois d'entre elles.
-Contact? réclama Honorius en baissant la voix qui resta semblable à un grondement orageux.
-Aucun. Pas un signe de l'ennemi. Peut être qu'on a tué les derniers tout à l'heure, monseigneur. avança Hukarios en haussant les épaules, se forçant à esquisser un vague sourire en coin, alors même qu'il était terrifié par le demi dieu qui les menaient au combat.
Honorius lui répondit d'un grognement et tourna la tête vers l'endroit où s'était engagé le jeune homme.
Des ombres se mouvaient parmi les rochers et convergeaient vers eux.
-Tu as encore beaucoup à apprendre. dit il sèchement à Hukarios avant de braquer son pistolet bolter vers les hostiles et d'ouvrir le feu.
Hukarios encaissa durement le commentaire et se joignit à la fusillade la mine sombre, une boule dans la gorge. Il avait tellement voulu bien faire. Décevoir un des seigneurs des étoiles représentait un trop grand échec pour qu'il garde espoir d'être pris à leurs côtés.
Tandis que les Elèves et Honorius ouvraient le feu, les ombres se révélèrent en fondant sur eux, toutes griffes dehors et en poussant des hurlements sauvages. Cette fois la majorité des ennemis étaient trop déformés par la corruption pour porter des armes, les quelques uns qui avaient conservé un semblant de conscience tiraient au jugé ou brandissait les vieux fusils comme des massues grotesques. Les premiers mutants furent fauchés net par le barrage de tirs des Elèves, aspergeant les rochers alentours de viande et de bris d'os que les torrents de pluie s'empressaient de rincer.
Seul Honorius fit mouche à chaque fois au début de l'engagement, le déluge s'abattant sur eux réduisant considérablement la visibilité des Elèves. Le premier qui visa juste à travers le rideau d'eau fut Laros, et une fois qu'il atteignit sa première cible avec justesse, il en fit de même avec toutes les suivantes.
Malgré sa blessure à la cuisse, Qortos parvenait à se battre avec efficacité, faisant preuve d'une bonne cadence de tir, même si il avait du mal à obtenir la mort de ses cibles à chaque fois qu'il pressait la détente.
Nektoos en revanche était trop affaibli par sa blessure au bras, manquant presque toujours sa cible, son visage de plus en plus pâle et fiévreux, et sa vue se brouillant régulièrement. Selon toute vraisemblance, la plaie s'était infectée, et la fièvre gagnait peu à peu le garçon.
Voyant que l'attaque mutante était plus fournie que précédemment, Honorius décida de pousser l'assaut en avant. Il leva son crozius sans arrêter de tirer, achevant une vie d'errance à chaque tir, et partit en avant.
-Groupe un en avant par le côté. ordonna-t-il avec fermeté. Groupe deux, avancez à mes côtés. Exécution! Tuez les traitres!
Hukarios ne savait pas quel groupe rallier, il opta donc pour suivre le chapelain tout en tirant cartouche après cartouche.
Les quelques mètres les séparant des mutants se transformèrent en centimètres, puis ils se retrouvèrent au corps à corps, Honorius fauchant ses ennemis à grandes volées de crozius, envoyant des cadavres voler et s'écraser contre la roche ou disparaître dans la pluie.
Le jeune aspirant éclaireur dégaina sa lame de combat sans cesser de tirer, tranchant des gorges de la main gauche. Il comptait bien se dépasser pour retrouver son mérite aux yeux du seigneur des étoiles qui les jugeait.
Priap abandonna vite l'idée de se servir de son lance flammes comme gourdin, et le laissa tomber dans la mêlée pour abattre ses ennemis à grands coups de machette. Il était le plus puissamment bâti des Elèves, et ses coups étaient redoutables pour un garçon de son âge.
Nektoos poussa un cri aigüe quand une créature profita de sa faiblesse pour traverser sa garde, enfonçant des griffes noires dans le flanc de l'adolescent. Nektoos abattit son couteau à plusieurs reprises dans le cou du démon jusqu'à ce que celui ci ne lâche prise.
La mêlée s'intensifia très vite, les affrontements se succédant dans une spirale de violence pure. Mais la formation adoptée par le groupe d'Elèves tenait bon, ils se retrouvèrent vite entourés de corps mutants disloqués, hurlant leur détermination et leur colère à la face de l'attaquant suivant. Les mutants étaient nombreux, peut être une bonne trentaine, toutefois leurs assauts se fracassaient contre un mur de résolution et ils tombaient comme des mouches les uns après les autres.
Honorius éprouva de la fierté pour ces garçons qui venaient d'outrepasser le simple entraînement et se battaient avec courage et efficacité. Même si certains d'entre eux ne passeraient pas le Rituel final, il ne manquerait pas de rendre hommage à leur attitude exemplaire en ce sombre jour.
Enchaînant ses moulinets mortels, éclaboussant son armure noire de viande et de viscères qui se mêlaient à la pluie torrentielle, sa vision améliorée accrocha une silhouette se détachant nettement de la meute. Une forme voûtée, appuyée sur un long bâton noueux, deux yeux de rapaces brillant sous un capuchon. Il irradiait de cet être une puissance ténébreuse, et le chapelain sut immédiatement que cette créature quelle qu'elle soit devait être le meneur de ce groupe de damnés.
Il repoussa un énième mutant, l'envoyant voltiger sur le côté, la cage thoracique enfoncée, et marcha d'un pas décidé vers la chose qui répondit à son défi par un feulement diabolique en levant son étrange bâton.
Une tempête électrique s'en déversa pour aller s'écraser contre Honorius, saturant son champ de protection déployé par son précieux rosarius, et le chapelain dut poser un genou à terre en grognant pour résister au déchaînement d'éclairs.
La créature jappa joyeusement comme un chien jouant avec sa proie, et s'avança vers lui en claudiquant.
Lorsqu'elle parla, elle émit un horrible croassement résonnant d'infects gargouillis.
-Tu ne peux t'opposer aux Vents, guerrier des étoiles. siffla l'être. Entends la Voix et soumets toi à la Vérité qu'elle transmet.
Honorius leva bien haut son crozius, brandissant le symbole même de sa foi à la face du mutant, et se releva au prix d'un terrible effort.
-Ma foi est mon bouclier, créature de l'enfer! lança-t-il fièrement. Je ne réponds qu'à l'Empereur et son Fils Robboute Guilliman, qu'ils soient tout deux bénis parmi les bénis. Je ne me soumettrai à aucune chimère, ni aucun mensonge, car je suis porteur de la seule vérité qui soit.
Oubliant les combats environnants, il continuait à déclamer sa dévotion tout en avançant, le crozius absorbant l'essentiel de la décharge d'énergie psychique libérée par la créature, le reste rebondissant sur son armure en de petits arcs électriques bleutés, crépitant et grésillant dans des sifflements de serpents venimeux.
-Ta magie noire n'opère pas sur moi, car je suis un serviteur du Trône et ma foi ne connait aucune faille. continua le chapelain en se redressant de toute sa taille au dessus de l'être, luttant pour ne pas céder à l'attaque du sorcier. Au nom de l'Empereur aimé de tous, je te bannis de ce monde et t'envoie rejoindre tes maîtres obscurs.
La Voix poussa un feulement strident et appuya sur son bâton de sorcier, faisant s'abattre toujours plus d'éclairs sur le chapelain, alors que celui ci achevait sa tirade en abattant son crozius avec une force terrible et implacable.
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+++ Burn the Heretic +++
+++ Purge the Unclean +++
+++ Purge the Unclean +++
Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
la suite du vendredi un peu en retard, difficile de tenir à jour via un petit téléphone portable, héhé!...
LA CLAMEUR DES combats venait de l'atteindre, résonnant sur les parois rocheuses des cavernes. Theseus sentit son coeur se gonfler d'un nouvel espoir et entreprit de sortir de sa cachette en prenant garde à ne pas aggraver ses blessures. La pluie ne cessait plus, le terrain jusqu'alors sec étant devenu un véritable bourbier dans lequel il manqua de trébucher plus d'une fois, avançant péniblement, légèrement courbé, un bras enserrant ses côtes fracturées, l'autre pendant mollement le long de son corps. Chaque pas lui coûtait un effort prodigieux et il avait de plus en plus de mal à faire refluer la douleur lancinante qui le brûlait jusqu'au coeur de ses os.
Il tendit à nouveau l'oreille pour se repérer, discernant à peine le tumulte de la bataille sous l'incessant grondement de la pluie, faisant plusieurs fois halte en s'adossant contre un tronc d'arbre pour reprendre son souffle, avant de repartir en grognant de douleur.
Son espoir de retrouver ses camarades gonfla à mesure qu'il percevait de mieux en mieux les échos de rixe, se rapprochant inexorablement de son but.
Soudain, alors qu'il entreprenait de grimper une légère pente rendue glissante par la pluie, une masse écumant de rage lui tomba dessus, l'envoyant rouler en contrebas, irradiant son corps d'une souffrance décuplée par sa glissade tortueuse.
A cheval au dessus de lui, les points serrés et les yeux injectés de sang, Xanos le considéra avec haine, tremblant d'une rage meurtrière qui avait prit le dessus sur son bon sens.
-Tu croyais pouvoir m'échapper, sale larve? gronda-t-il, les mâchoires trop serrées pour pouvoir articuler convenablement.
Theseus eut à peine le temps de lever son bras valide devant son visage avant que ne pleuvent à nouveau les coups.
Il avait été si près du salut. Mais cette fois, il savait qu'il ne survivrait pas aux assauts de son camarade devenu fou.
Un gémissement monta de sa gorge alors qu'il tentait de se raccrocher aux dernières bribes de sa vie sur le point de s'achever, quand une détonation surpuissante retentit, accompagnée d'une lueur aveuglante, projetant Xanos dans les airs.
Cela ne dura qu'une seconde, et Theseus n'en demanda pas plus. Dans son espoir désespéré de rester en vie, il refoula sa douleur et bondit sur ses jambes pour escalader à nouveau la pente glissante, griffant le sol de sa main pour trouver une prise, des larmes de terreur se fondant à la pluie ruisselant sur son visage.
Derrière lui, il entendit plusieurs craquements de bois brisé, et un grognement qui n'avait plus rien d'humain, avant de voir surgir Xanos, ensanglanté, une branche épaisse lui traversant l'épaule gauche de part en part. Aveuglé par une folie furieuse, l'Elève damné faisait fi de la douleur, et ne voyait plus que Theseus dans son champ de vision obscurci par la rage.
Ce dernier sentit la peur lui donner des forces supplémentaire, et se tortilla de plus belle pour arriver en haut de la pente, alors que son ancien compagnon se jetait sur lui avec dans son cri inarticulé nulle autre promesse qu'une mort brutale de ses mains.
LE SORCIER AVAIT dû pratiquement tomber à genoux pour résister à la force du coup, le crozius crépitant d'énergie bloqué in extremis par son bâton, à quelques centimètres de sa tête. Son capuchon s'était rejeté en arrière sous le choc, révélant aux yeux de tous le visage ignoble de la Voix, ses traits osseux et ses yeux abyssales, ainsi que la grotesque corne qui lui avait poussé en travers du front. Il cracha sa haine sur le chapelain, un glaviot noir s'écrasant en fumant sur la carapace de céramite du Space Marine.
Les autres Elèves, un temps aveuglés par la déflagration d'énergie qui avait résulté du contact entre les deux armes, reprenaient difficilement contenance, et hoquetèrent d'horreur lorsque leurs regards embrouillés se fixèrent sur la créature démoniaque. Ils durent cependant réagir rapidement, car une poignée de mutants avaient survécu à la décharge psychique, et une fois leurs sens retrouvés, ils se jetèrent derechef sur les adolescents.
Honorius força encore sur son arme, faisant un peu plus ployer le démon sous son attaque, et sous son casque, son visage se comprima en un rictus de haine et de dégoût.
-Chaos et damnation. siffla-t-il avec mépris. Tu n'aura aucune prise sur ce monde, vermine du Warp!
-J'en ai déjà plus que tu ne veux bien l'admettre, esclave du Dieu Cadavre. susurra la Voix. Cela fait des années que nous agissons dans l'ignorance totale de tes sujets si fragiles.
-Nous? répéta Honorius avec colère. Combien êtes vous donc à polluer les domaines sacrés de l'Empereur?
Le démon sentit ses bras faiblir, et sa mort arriver. Comme résolu à son sort, il ricana sombrement avant de répondre.
-Bien plus que vous ne le soupçonnerez jamais, larves rampantes que vous êtes. Les Dieux viendront bientôt réclamer leur tribut.
-Tu mens! gronda Honorius en appuyant davantage sur sa prise, son crozius se rapprochant toujours plus du crâne difforme de la créature. Ce monde a été purgé après la Croisade Noire de tes maîtres maudits. Mais si je dois le purger à nouveau, je le ferai sans hésitation. Jamais vous ne dominerez sur Sparta!
Animé d'un soudain regain de force, le sorcier poussa sur ses bras maigrelets et parvint à repousser le crozius en hauteur, pour pouvoir darder Honorius de son regard plein de vilaines promesses.
-Sparta? cracha-t-il, soudainement hilare. Crois tu que ce misérable monde soit le seul tribut que réclament les Vents? Votre trop grande confiance en vous nous a laissé proliférer, et crois moi, esclave de Terra, Sparta est loin d'être la seule que nous possédons! Songe donc à votre stupide arrogance lorsque tes propres frères t'égorgeront!
Proférant sa menace, la Voix écarta subitement les bras en riant à gorge déployée, laissant le crozius s'abattre sur son crâne, le pulvérisant en une explosion d'os et de matière cérébrale, avant de faire éclater de la même manière une bonne portion de son torse.
Honorius se détourna du cadavre en grognant de colère pour retrouver les Elèves qui le dévisagaient d'un air stupéfait. A leurs pieds gisaient les cadavres des derniers mutants.
-Sont-ils tous morts? réclama le chapelain en désignant les corps difformes de son arme. Les avez vous tous tué?
Ce fut Priap qui répondit, cherchant ses mots avec difficulté pendant un moment, puis haussant des épaules impuissantes.
-Nous en avons tué grand nombre, mais les derniers ne sont pas tombés sous nos coups, monseigneur.
-Comment sont ils morts dans ce cas? demanda Honorius d'un ton rude, en retournant un des cadavres d'un coup de botte, l'écrasant presque dans le geste.
A nouveau, Priap demeura interdit, et à nouveau il haussa les épaules, en secouant la tête.
-Ils sont juste... tombés. Monseigneur. dit-il.
***
LA CLAMEUR DES combats venait de l'atteindre, résonnant sur les parois rocheuses des cavernes. Theseus sentit son coeur se gonfler d'un nouvel espoir et entreprit de sortir de sa cachette en prenant garde à ne pas aggraver ses blessures. La pluie ne cessait plus, le terrain jusqu'alors sec étant devenu un véritable bourbier dans lequel il manqua de trébucher plus d'une fois, avançant péniblement, légèrement courbé, un bras enserrant ses côtes fracturées, l'autre pendant mollement le long de son corps. Chaque pas lui coûtait un effort prodigieux et il avait de plus en plus de mal à faire refluer la douleur lancinante qui le brûlait jusqu'au coeur de ses os.
Il tendit à nouveau l'oreille pour se repérer, discernant à peine le tumulte de la bataille sous l'incessant grondement de la pluie, faisant plusieurs fois halte en s'adossant contre un tronc d'arbre pour reprendre son souffle, avant de repartir en grognant de douleur.
Son espoir de retrouver ses camarades gonfla à mesure qu'il percevait de mieux en mieux les échos de rixe, se rapprochant inexorablement de son but.
Soudain, alors qu'il entreprenait de grimper une légère pente rendue glissante par la pluie, une masse écumant de rage lui tomba dessus, l'envoyant rouler en contrebas, irradiant son corps d'une souffrance décuplée par sa glissade tortueuse.
A cheval au dessus de lui, les points serrés et les yeux injectés de sang, Xanos le considéra avec haine, tremblant d'une rage meurtrière qui avait prit le dessus sur son bon sens.
-Tu croyais pouvoir m'échapper, sale larve? gronda-t-il, les mâchoires trop serrées pour pouvoir articuler convenablement.
Theseus eut à peine le temps de lever son bras valide devant son visage avant que ne pleuvent à nouveau les coups.
Il avait été si près du salut. Mais cette fois, il savait qu'il ne survivrait pas aux assauts de son camarade devenu fou.
Un gémissement monta de sa gorge alors qu'il tentait de se raccrocher aux dernières bribes de sa vie sur le point de s'achever, quand une détonation surpuissante retentit, accompagnée d'une lueur aveuglante, projetant Xanos dans les airs.
Cela ne dura qu'une seconde, et Theseus n'en demanda pas plus. Dans son espoir désespéré de rester en vie, il refoula sa douleur et bondit sur ses jambes pour escalader à nouveau la pente glissante, griffant le sol de sa main pour trouver une prise, des larmes de terreur se fondant à la pluie ruisselant sur son visage.
Derrière lui, il entendit plusieurs craquements de bois brisé, et un grognement qui n'avait plus rien d'humain, avant de voir surgir Xanos, ensanglanté, une branche épaisse lui traversant l'épaule gauche de part en part. Aveuglé par une folie furieuse, l'Elève damné faisait fi de la douleur, et ne voyait plus que Theseus dans son champ de vision obscurci par la rage.
Ce dernier sentit la peur lui donner des forces supplémentaire, et se tortilla de plus belle pour arriver en haut de la pente, alors que son ancien compagnon se jetait sur lui avec dans son cri inarticulé nulle autre promesse qu'une mort brutale de ses mains.
LE SORCIER AVAIT dû pratiquement tomber à genoux pour résister à la force du coup, le crozius crépitant d'énergie bloqué in extremis par son bâton, à quelques centimètres de sa tête. Son capuchon s'était rejeté en arrière sous le choc, révélant aux yeux de tous le visage ignoble de la Voix, ses traits osseux et ses yeux abyssales, ainsi que la grotesque corne qui lui avait poussé en travers du front. Il cracha sa haine sur le chapelain, un glaviot noir s'écrasant en fumant sur la carapace de céramite du Space Marine.
Les autres Elèves, un temps aveuglés par la déflagration d'énergie qui avait résulté du contact entre les deux armes, reprenaient difficilement contenance, et hoquetèrent d'horreur lorsque leurs regards embrouillés se fixèrent sur la créature démoniaque. Ils durent cependant réagir rapidement, car une poignée de mutants avaient survécu à la décharge psychique, et une fois leurs sens retrouvés, ils se jetèrent derechef sur les adolescents.
Honorius força encore sur son arme, faisant un peu plus ployer le démon sous son attaque, et sous son casque, son visage se comprima en un rictus de haine et de dégoût.
-Chaos et damnation. siffla-t-il avec mépris. Tu n'aura aucune prise sur ce monde, vermine du Warp!
-J'en ai déjà plus que tu ne veux bien l'admettre, esclave du Dieu Cadavre. susurra la Voix. Cela fait des années que nous agissons dans l'ignorance totale de tes sujets si fragiles.
-Nous? répéta Honorius avec colère. Combien êtes vous donc à polluer les domaines sacrés de l'Empereur?
Le démon sentit ses bras faiblir, et sa mort arriver. Comme résolu à son sort, il ricana sombrement avant de répondre.
-Bien plus que vous ne le soupçonnerez jamais, larves rampantes que vous êtes. Les Dieux viendront bientôt réclamer leur tribut.
-Tu mens! gronda Honorius en appuyant davantage sur sa prise, son crozius se rapprochant toujours plus du crâne difforme de la créature. Ce monde a été purgé après la Croisade Noire de tes maîtres maudits. Mais si je dois le purger à nouveau, je le ferai sans hésitation. Jamais vous ne dominerez sur Sparta!
Animé d'un soudain regain de force, le sorcier poussa sur ses bras maigrelets et parvint à repousser le crozius en hauteur, pour pouvoir darder Honorius de son regard plein de vilaines promesses.
-Sparta? cracha-t-il, soudainement hilare. Crois tu que ce misérable monde soit le seul tribut que réclament les Vents? Votre trop grande confiance en vous nous a laissé proliférer, et crois moi, esclave de Terra, Sparta est loin d'être la seule que nous possédons! Songe donc à votre stupide arrogance lorsque tes propres frères t'égorgeront!
Proférant sa menace, la Voix écarta subitement les bras en riant à gorge déployée, laissant le crozius s'abattre sur son crâne, le pulvérisant en une explosion d'os et de matière cérébrale, avant de faire éclater de la même manière une bonne portion de son torse.
Honorius se détourna du cadavre en grognant de colère pour retrouver les Elèves qui le dévisagaient d'un air stupéfait. A leurs pieds gisaient les cadavres des derniers mutants.
-Sont-ils tous morts? réclama le chapelain en désignant les corps difformes de son arme. Les avez vous tous tué?
Ce fut Priap qui répondit, cherchant ses mots avec difficulté pendant un moment, puis haussant des épaules impuissantes.
-Nous en avons tué grand nombre, mais les derniers ne sont pas tombés sous nos coups, monseigneur.
-Comment sont ils morts dans ce cas? demanda Honorius d'un ton rude, en retournant un des cadavres d'un coup de botte, l'écrasant presque dans le geste.
A nouveau, Priap demeura interdit, et à nouveau il haussa les épaules, en secouant la tête.
-Ils sont juste... tombés. Monseigneur. dit-il.
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
La suite du vendredi avec la fin du Chapitre IV
THESEUS SE RELEVA en toussant et crachant du sang, ne parvenant pas à arracher son regard du corps de Xanos qui gisait à terre. Le jeune garçon avait été sur le point de succomber aux assauts de son ancien camarade lorsque subitement celui dernier avait hurlé en se débattant sauvagement dans l'air, se frappant la poitrine et se griffant le visage. Puis il était tombé à terre, inconscient. Il était juste tombé.
Immobile sous la pluie battante, Theseus se tint loin du corps avec prudence, mais ne parvenait pas à comprendre ce qui venait de se passer.
Puis soudainement, Xanos se releva en position assise dans un hurlement de terreur pure, faisant bondir Theseus en arrière, immédiatement sur la défensive. Les yeux du jeune garçon roulaient dans leurs orbites, et il sanglotait lourdement.
Il sembla seulement se rendre compte de la présence de Theseus, et leva vers lui un regard empli d'une expression de profond désespoir.
-Theseus! gémit-il en levant vers l'interpellé ses mains ouvertes et tremblantes, toujours couvertes de sang frais. Que m'arrive-t-il?
Et comme si sa mémoire reprenait lentement le fil de ce qui s'était passé jusque là, son gémissement se fit plus désespéré.
-Pardonnes moi! Oh par le Trône! Pardonnes moi, mon frère! pleura-t-il, en se remémorant sa rage meurtrière et en contemplant avec effroi les blessures qu'il avait infligé à son jeune camarade.
Au loin retentirent soudain trois détonations étouffées, que les deux adolescents reconnurent comme des coups de feu. Puis le silence se fit à nouveau, seulement perturbé par le bruissement de l'averse et la respiration bruyante de Xanos, réalisant son égarement meurtrier.
Il tenta de se relever avec toute la difficulté d'un ivrogne se remettant d'une terrible beuverie, et Theseus fit un pas en arrière craintif, levant son seul poing valide, prêt à défendre chèrement son dernier souffle. Xanos le dévisagea d'un regard plein de douleur et tendit vers lui une main suppliante.
-Je t'en supplie, Theseus, ne me crains pas. Vois, je ne suis plus ensorcelé!
-Tu n'es plus toi même. rétorqua Theseus en raffermissant sa faible garde. Je ne peux pas te faire confiance.
Xanos étouffa un sanglot et appuya son regard, implorant son camarade de lui venir en aide. Il tituba vers lui, ne faisant que s'éloigner Theseus qui tentait de se retenir de sauter à la gorge de celui qui l'avait presque tué.
-Pitié, frère! insista Xanos. Pardonnes moi!
Une masse se détacha des ombres et progressa vers eux, traversant le rideau de pluie en tenant son arme crépitant d'énergie.
-Tu as échoué, Xanos de Taygète. gronda Honorius en venant se placer face au fautif. Tu t'es égaré, et seul l'Empereur peut t'accorder son pardon.
Theseus fut autant terrifié que Xanos par l'arrivée du Space Marine, et la fatigue prit le dessus, le faisant tomber à genoux dans la boue, suffoquant alors que toute la douleur de son corps se rappelait à lui.
Xanos tomba également à genoux devant le chapelain, saisit de peur devant la vision de l'Ange de la Mort dans son armure noire aux reliefs faits d'os et de macabres trophées, avançant vers lui comme l'incarnation du jugement du Maître de Terra Lui même.
Alors qu'il comprenait enfin ses fautes et son échec, il se remit à pleurer amèrement, et leva un visage sombre face au Space Marine.
-Je ne mérite aucune clémence. dit il froidement, résolu face à son sort. Je n'ai pas su résister à la corruption et j'ai abandonné les miens.
Il jeta un regard en biais à Theseus, terrassé par la souffrance, la fatigue et la présence du chapelain Astartes.
-J'ai blessé les miens. continua Xanos, en réprimant un autre sanglot.
Puis il riva à nouveau son regard vers Honorius, et toute tristesse, toute douleur s'effaça sur son visage, pour ne laisser place qu'à une expression d'espérance.
-L'Empereur peut-il me pardonner mon péché, monseigneur? demanda-t-il dans un soupir las.
-Lui seul peut sauver ton âme, mais je ne peux te dire quelle est Sa volonté. répondit Honorius d'un ton sans émotion, en dégainant son pistolet bolter.
Le jeune garçon ne dit rien, et hocha la tête, toute émotion, quelle qu'elle soit, ayant quitté son visage. Il courba la tête alors que le chapelain levait son arme sans autre forme de procès.
Theseus eut un frisson lorsque le coup de feu retentit, et il regarda sans vraiment le voir le corps décapité de Xanos s'écrouler dans la boue.
Honorius se détourna du trépassé sans plus de cérémonie, rengainant son arme encore fumante, et repartit dans les ombres, son office accompli.
-Suis moi, Theseus de Taygète. ordonna-t-il au jeune homme en passant à ses côtés. Ton périple n'est pas terminé.
La pluie tombait comme un linceul gris, labourant le sol meuble, creusant de minces rigoles dans lesquelles se répandait le sang de Xanos, qui se mêla à l'eau en de petits tourbillons rubis. Un silence endeuillé semblait être tombé sur la jungle, comme si l'exécution signifiait à elle seule que l'affaire était close.
Bien sûr, elle était loin de l'être.
***
THESEUS SE RELEVA en toussant et crachant du sang, ne parvenant pas à arracher son regard du corps de Xanos qui gisait à terre. Le jeune garçon avait été sur le point de succomber aux assauts de son ancien camarade lorsque subitement celui dernier avait hurlé en se débattant sauvagement dans l'air, se frappant la poitrine et se griffant le visage. Puis il était tombé à terre, inconscient. Il était juste tombé.
Immobile sous la pluie battante, Theseus se tint loin du corps avec prudence, mais ne parvenait pas à comprendre ce qui venait de se passer.
Puis soudainement, Xanos se releva en position assise dans un hurlement de terreur pure, faisant bondir Theseus en arrière, immédiatement sur la défensive. Les yeux du jeune garçon roulaient dans leurs orbites, et il sanglotait lourdement.
Il sembla seulement se rendre compte de la présence de Theseus, et leva vers lui un regard empli d'une expression de profond désespoir.
-Theseus! gémit-il en levant vers l'interpellé ses mains ouvertes et tremblantes, toujours couvertes de sang frais. Que m'arrive-t-il?
Et comme si sa mémoire reprenait lentement le fil de ce qui s'était passé jusque là, son gémissement se fit plus désespéré.
-Pardonnes moi! Oh par le Trône! Pardonnes moi, mon frère! pleura-t-il, en se remémorant sa rage meurtrière et en contemplant avec effroi les blessures qu'il avait infligé à son jeune camarade.
Au loin retentirent soudain trois détonations étouffées, que les deux adolescents reconnurent comme des coups de feu. Puis le silence se fit à nouveau, seulement perturbé par le bruissement de l'averse et la respiration bruyante de Xanos, réalisant son égarement meurtrier.
Il tenta de se relever avec toute la difficulté d'un ivrogne se remettant d'une terrible beuverie, et Theseus fit un pas en arrière craintif, levant son seul poing valide, prêt à défendre chèrement son dernier souffle. Xanos le dévisagea d'un regard plein de douleur et tendit vers lui une main suppliante.
-Je t'en supplie, Theseus, ne me crains pas. Vois, je ne suis plus ensorcelé!
-Tu n'es plus toi même. rétorqua Theseus en raffermissant sa faible garde. Je ne peux pas te faire confiance.
Xanos étouffa un sanglot et appuya son regard, implorant son camarade de lui venir en aide. Il tituba vers lui, ne faisant que s'éloigner Theseus qui tentait de se retenir de sauter à la gorge de celui qui l'avait presque tué.
-Pitié, frère! insista Xanos. Pardonnes moi!
Une masse se détacha des ombres et progressa vers eux, traversant le rideau de pluie en tenant son arme crépitant d'énergie.
-Tu as échoué, Xanos de Taygète. gronda Honorius en venant se placer face au fautif. Tu t'es égaré, et seul l'Empereur peut t'accorder son pardon.
Theseus fut autant terrifié que Xanos par l'arrivée du Space Marine, et la fatigue prit le dessus, le faisant tomber à genoux dans la boue, suffoquant alors que toute la douleur de son corps se rappelait à lui.
Xanos tomba également à genoux devant le chapelain, saisit de peur devant la vision de l'Ange de la Mort dans son armure noire aux reliefs faits d'os et de macabres trophées, avançant vers lui comme l'incarnation du jugement du Maître de Terra Lui même.
Alors qu'il comprenait enfin ses fautes et son échec, il se remit à pleurer amèrement, et leva un visage sombre face au Space Marine.
-Je ne mérite aucune clémence. dit il froidement, résolu face à son sort. Je n'ai pas su résister à la corruption et j'ai abandonné les miens.
Il jeta un regard en biais à Theseus, terrassé par la souffrance, la fatigue et la présence du chapelain Astartes.
-J'ai blessé les miens. continua Xanos, en réprimant un autre sanglot.
Puis il riva à nouveau son regard vers Honorius, et toute tristesse, toute douleur s'effaça sur son visage, pour ne laisser place qu'à une expression d'espérance.
-L'Empereur peut-il me pardonner mon péché, monseigneur? demanda-t-il dans un soupir las.
-Lui seul peut sauver ton âme, mais je ne peux te dire quelle est Sa volonté. répondit Honorius d'un ton sans émotion, en dégainant son pistolet bolter.
Le jeune garçon ne dit rien, et hocha la tête, toute émotion, quelle qu'elle soit, ayant quitté son visage. Il courba la tête alors que le chapelain levait son arme sans autre forme de procès.
Theseus eut un frisson lorsque le coup de feu retentit, et il regarda sans vraiment le voir le corps décapité de Xanos s'écrouler dans la boue.
Honorius se détourna du trépassé sans plus de cérémonie, rengainant son arme encore fumante, et repartit dans les ombres, son office accompli.
-Suis moi, Theseus de Taygète. ordonna-t-il au jeune homme en passant à ses côtés. Ton périple n'est pas terminé.
La pluie tombait comme un linceul gris, labourant le sol meuble, creusant de minces rigoles dans lesquelles se répandait le sang de Xanos, qui se mêla à l'eau en de petits tourbillons rubis. Un silence endeuillé semblait être tombé sur la jungle, comme si l'exécution signifiait à elle seule que l'affaire était close.
Bien sûr, elle était loin de l'être.
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
très très bon ! un vrai roman dans sa construction....
La suite la suite
La suite la suite
Ok mes agneaux, viandez moi ces Loqueteux
La prévision est difficile, surtout lorsqu'elle concerne l'avenir. P.Dac
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
Eh bien la voilà!
Avec un peu de retard, car mon agenda ces derniers temps est devenu très très chargé... dur de rester à jour...
IL FAISAIT NUIT lorsque les Elèves survivants du groupe 2B furent de retour à la Caserne. Honorius, immédiatement après s'être assuré que le groupe était au complet, dirigea les adolescents vers un terrain ouvert et commanda une extraction d'urgence. Peu de temps après, un Thunderhawk Sky Slaughter vint les récupérer. Entre temps, Nektoos avait finalement succombé à ses blessures.
La pluie cessa alors que le soleil déclinait, et le Thunderhawk fila droit vers les complexes de la Caserne, emmenant directement le groupe de rescapés vers une zone de quarantaine, sur ordre direct du chapelain. Lorsqu'ils furent débarqués, chacun d'eux fut enfermé dans une cellule isolée, avec pour seul ordre d'attendre et de prier. Le corps de Nektoos fut directement acheminé aux crématoires de la Caserne, et Honorius se rendit sans plus attendre auprès du Disdaskalos, ordonnant sur le chemin qu'on fasse mander le Capitaine Angelius et le responsable militaire de la zone environnant Taygète.
La nuit était alors totalement tombée sur la cité quand la cellule privée du Disdaskalos Homeros accueillit une réunion d'urgence.
Honorius se tenait à la fenêtre offrant une large vue sur la jungle, plongé dans ses pensées, lorsque la porte s'ouvrit pour laisser passer un haut gradé des Phalanges de Sparta.
-Vous êtes le major Andracus? demanda Honorius sans plus de cérémonie.
L'officier opina, et Homeros fit signe à ses serviteurs de clore les portes et de s'en aller. A ses côtés, le Capitaine Angelius, drapé d'un tabard bleu et blanc, se leva de son fauteuil pour considérer l'homme. Ce dernier, reconnaissant le Space Marine en face de lui, s'empressa de s'agenouiller.
-Relevez vous, Andracus. ordonna Angelius d'un ton sec. L'heure n'est pas aux subtilités de la politesse. Nous sommes en crise.
Le major se releva en affichant un certain inconfort devant une telle entrée en matière, et interrogea le Disdaskalos du regard. Ce dernier baissa un instant les yeux, comme sous le poids d'une terrible honte, avant de soupirer.
-La corruption règne aux alentours de Taygète, major. expliqua-t-il. Une corruption que la négligence de certains d'entre nous a permis de proliférer jusqu'à menacer Taygète, et peut être même Sparta toute entière.
Le chapelain laissa échapper un grognement et tourna vers le Disadskalos son faciès de mort.
-Une négligence? gronda-t-il d'un ton lourd de reproche. C'est loin d'être seulement une négligence. Cette affaire ne s'arrêtera pas à une telle considération. Les coupables devront payer leur faute, et aucune merci ne sera accordée.
-Le major Andracus n'a pour le moment pas besoin de connaître les détails. trancha durement Angelius en interrompant Honorius en levant une main autoritaire.
Le major accusa le coup sans rien montrer de son choc, hochant la tête. Ruminant ce qu'il venait d'apprendre, il finit par laisser libre court à son sentiment immédiat, la colère.
-Par la barbe des Anciens, comment cela a-t-il pu passer inaperçu? demanda-t-il sévèrement, en toisant Homeros comme un coupable. Pourquoi m'en parler à moi et non pas au Colonel Farkos si cela est aussi grave que vous le sous entendez?
-Farkos dirige peut être l'ensemble des régiments de la Phalange cantonnés à Taygète, mais nous soupçonnons qu'il soit impliqué dans ce qui se passe ici. répondit Honorius. Nous savons que vous avez par le passé participé à des purges dans les environs.
-Après la Treizième Croisade Noire, oui. opina le major. Mais aucune autre depuis. Et c'était il y a déjà quinze ans, je...
-Peut m'importe le temps ou la période. l'interrompit Angelius. Vous êtes le seul officier de Taygète qui a déjà dirigé des purges, et c'est pour votre expérience que nous vous avons choisi.
-Fort bien, monseigneur. s'inclina Andracus. Qui devons nous purger?
-Il ne s'agira pas cette fois de quelques personnes, major. fit Homeros. Cette fois c'est beaucoup plus vaste.
-Dans un premier temps, il vous sera demandé de totalement raser la jungle entourant la Caserne. ajouta Honorius en ignorant le soupir de regret que poussa Homeros. J'ai bien dit "totalement". Il ne devra en rester qu'une surface vitrifiée, pas même un déchet ou un quelconque résidus.
Andracus voulut poser une question, mais elle mourut dans sa gorge et il ferma la bouche, pensant avec justesse qu'il était mal avisé dans un tel moment de questionner un haut membre de l'Adeptus Astartes sur ses motivations.
Angelius prit la suite.
-Pendant que la jungle sera purifiée par le feu, vous vous saisirez également des instances nécessaires et passerez Taygète au peigne fin afin de traquer tout déviant, même le plus infime. Chaque citoyen suspecté d'hérésie devra être placé sous quarantaine et soumit à interrogatoire et examen psychique.
-Pardonnez moi, monseigneur, mais je doute que Taygète dispose des ressources nécessaires pour ce genre d'opérations. commença Andracus, gêné.
-Vous disposez de quatre régiments de FDP, ainsi que la coopération de l'Adeptus Arbites local. Je crois que c'est plus que suffisant. le coupa sévèrement Angelius. Vous avez également permission d'accéder au Sanctum Psykana de la cité pour quérir l'aide des interrogateurs psychiques.
-Une telle opération en va pas satisfaire tout le monde. insista le major, en tentant de déserrer son col d'un mouvement de tête nerveux. Il peut y avoir un risque d'émeute.
-La Seconde Compagnie de mon Chapitre sera à vos côtés pour superviser l'opération. Tout contrevenant au bon déroulement des opérations sera arrêté sur le champ. S'il y a résistance, le ou les coupables seront exécutés sur le champ. le coupa derechef Angelius.
Cette fois le major ne présenta aucun autre contre-argument, et acquiesça silencieusement.
-Qu'en est il des autorités? demanda Homeros. Sans parler des FDP et Arbites eux mêmes. Après tout la corruption peut s'être installée en chacun d'eux!
-La Première Compagnie se chargera des autorités et des officiers. répondit Angelius. Elle ne sera pas à effectifs complets, mais ce sera plus que suffisant. Quant aux FDP et Arbites, comme je l'ai signifié au major, la Seconde Compagnie aura pour tâche de les soutenir. Il est bien évident qu'ils ont également des ordres au cas où le cas d'une corruption des forces de l'ordre se présenterait.
-Et la Caserne? demanda Andracus en jetant à nouveau un regard accusateur à Homeros. D'après ce que vous me dites, la corruption provient d'ici. Devons nous la purifier également?
Honorius arrêta le Disdaskalos dans son élan de colère avant même qu'il ne le manifeste, outré par une telle menace.
-La Caserne est pour l'heure sous le contrôle du reste des effectifs de la Première Compagnie, sous mes ordres, et sous la supervision du chapelain Honorius. annonça Angelius. Ces recrues représentent le futur de notre Chapitre, c'est donc à nous et à nous seul de statuer de leur sort.
Ce disant, il jeta un regard lourd de sens à Homeros.
-Certains au sein de notre organisation semblent avoir oublié combien il est important de garder de telles installations à l'abri de tout danger incontrôlés.
Le Disdaskalos, au comble de l'indignation face à cette nouvelle accusation, avança d'un pas, les poings serrés et le visage empourpré.
-Les ordres qui ont entraîné cette corruption n'émanent pas de moi, Capitaine! se défendit-il avec vigueur. C'est à votre Premier Chapelain, le seigneur Scupios, qu'il faut demander des comptes, pas à moi!
-Maître Scupios sera mis au courant bien assez tôt, Disdaskalos. fit froidement Honorius. Mais vous vous êtes rendus coupable par votre coopération et votre silence, de même que tout ceux qui ont contribué à cette affaire.
Sentant à nouveau la discussion glisser vers des secrets qu'il n'avait nullement envie de se laisser entendre, Angelius les arrêta de nouveau.
-Assez! aboya-t-il. Puis il se tourna vers Andracus. Majors, vous avez vos ordres. Que cette jungle brûle avant la fin de la nuit, je ne veux retrouver que des cendres au lever du jour. Mobilisez vos troupes dans l'heure. En ma qualité de régent de Sparta au nom du Chapitre, je vous donne les pleins pouvoirs sur vos supérieurs et subordonnés. Nous seuls vous sommes supérieurs. Partez sur le champ, et agissez promptement.
La major claqua des talons, et prit congé de l'assistance, non sans jeter un dernier regard suspicieux à Homeros qui alla s'asseoir sur un petit banc, livide de colère et de consternation.
Une fois que l'officier eut fermé la porte derrière lui, Angelius se tourna vers son chapelain.
-Par le sang de Guilliman, Heriak! Je vous interdit de faire de cette situation une affaire personnelle. dit-il d'un ton qui n'appelait aucun refus. Scupios sera mené devant les seigneurs du Chapitre en temps et en heure, mais pour le moment nous avons plus urgent à faire. Une guerre se prépare, et la moitié du Chapitre est encore dispersée dans ce secteur et le secteur voisin.
-De toute manière, il ne pourra fuir ses responsabilités. répondit sombrement Honorius. Si ce n'est son honneur qui le retiendra sur Styx, ce seront ses blessures qui le feront. Mais je jure par le Trône que son forfait lui coûtera sa place avant que la mort ne la libère pour lui.
-Et qui prendra sa place? rugit Angelius. Vous? Pour l'heure vous êtes encore trop sensible pour occuper pareil poste, malgré ce qu'en disent vos confrères! Vous êtes prêt à partir, tête baissée, au moindre bruit, à la moindre querelle. Vous n'avez pas encore la sagesse pour prétendre à siéger à sa place. Aucun de vous!
-Cela relèvera de la décision du Reclusiam du Chapitre, et non de vous! vociféra Honorius, blessé par la remontrance. Depuis des décennies je vous suis et vous soutiens, Menelas! Ayez le bon sens de me renvoyer l'appareil lorsque j'en ai besoin! Scupio est fini, et il n'y a personne d'autre que moi pour prendre sa place, vous le savez!
Angelius sera ses poings jusqu'à blanchir ses articulations, la situation présente lui pesant plus qu'il ne voulait se l'admettre sur sa conscience. Il se détourna furieusement de son chapelain avec un grognement de frustration.
-Vous l'avez dit vous même. Ce sera au Reclusiam de décider. Ni à vous, ni à moi. dit il, mettant fin à l'échange. Mais pour l'heure, je veux, j'ordonne, que vous oubliez votre rancoeur à l'encontre de Scupio. Nous avons fort à faire, et je vous veux l'esprit clair.
-Dans un premier temps, il conviendra d'en finir avec le Rituel. capitula Honorius à contre coeur. Nos Apprentis doivent être sélectionnés pour que nous partions au plus vite pour Styx. Je propose de le tenir dès que Maître Orgus aura finit de sonder les âmes des Elèves. Demain soir au plus tard.
Homeros releva vivement la tête.
-Demain soir? Mais ils ne seront jamais prêts! protesta-t-il.
-Si il ne sont pas prêts maintenant, alors ils ne le seront jamais. trancha Honorius. Nous en pouvons nous permettre le luxe d'attendre plus longtemps. J'ai déjà donné mes ordres à vos Pédotribes. Sitôt que leurs esprits seront blanchis de tout doute, nous les soumettront au Rituel d'Acceptation.
Angelius opina en silence, son regard au Disdaskalos n'appelant aucune autre réponse de sa part que d'accepter. Homeros secoua la tête, sa main jouant dans ses robes, l'autre fouillant sa barbe. Puis il hocha gravement du chef.
-Si tel est votre désir, alors ce sera fait. fit-il. Cependant, précipiter les choses ainsi ne nous apportera rien de bon. Très peu réussirons à passer les épreuves finales avec un tel empressement.
-Si ils prétendent devenir membres de l'Adeptus Astartes, alors ils doivent être préparés à tout. rétorqua Honorius. Vous même n'êtes que trop bien placé pour le savoir. Vous n'étiez pas suffisamment prêt, c'est pour cela que vous avez échoué.
La pique était sévère, et Homeros se plongea dans un silence coupable.
Angelius ne supporta pas plus longtemps le malaise qui s'installait de plus en plus entre le chapelain et le Disdaskalos, et décida de mettre un terme à l'entrevue, sentant sa patience dans ses dernières limites.
-Je crois que nous avons tout dit, et vous n'avez tout deux visiblement rien à ajouter. Je vous invite à aller exécuter vos ordres comme convenu. dit il d'un ton las en indiquant la porte de la main.
Homeros fut le premier à partir, le teint pâle et le regard sombre. Il n'adressa aucun mot aux deux space marines et sortit de la salle plongé dans ses pensées amères.
Honorius s'apprêta à le suivre quand Angelius le retint par le bras, plongeant un regard autoritaire dans les orbites du crâne faisant office de casque au chapelain.
-Je compte sur vous Heriak. Pas de vendetta. Faisons le travail rapidement et efficacement. L'heure des comptes arrivera plus tard.
Le chapelain ne répondit rien, se contentant de hocher de la tête, et sortit à son tour, laissant Angelius seul avec ses préoccupations.
Avec un peu de retard, car mon agenda ces derniers temps est devenu très très chargé... dur de rester à jour...
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Chapitre 5:
IL FAISAIT NUIT lorsque les Elèves survivants du groupe 2B furent de retour à la Caserne. Honorius, immédiatement après s'être assuré que le groupe était au complet, dirigea les adolescents vers un terrain ouvert et commanda une extraction d'urgence. Peu de temps après, un Thunderhawk Sky Slaughter vint les récupérer. Entre temps, Nektoos avait finalement succombé à ses blessures.
La pluie cessa alors que le soleil déclinait, et le Thunderhawk fila droit vers les complexes de la Caserne, emmenant directement le groupe de rescapés vers une zone de quarantaine, sur ordre direct du chapelain. Lorsqu'ils furent débarqués, chacun d'eux fut enfermé dans une cellule isolée, avec pour seul ordre d'attendre et de prier. Le corps de Nektoos fut directement acheminé aux crématoires de la Caserne, et Honorius se rendit sans plus attendre auprès du Disdaskalos, ordonnant sur le chemin qu'on fasse mander le Capitaine Angelius et le responsable militaire de la zone environnant Taygète.
La nuit était alors totalement tombée sur la cité quand la cellule privée du Disdaskalos Homeros accueillit une réunion d'urgence.
Honorius se tenait à la fenêtre offrant une large vue sur la jungle, plongé dans ses pensées, lorsque la porte s'ouvrit pour laisser passer un haut gradé des Phalanges de Sparta.
-Vous êtes le major Andracus? demanda Honorius sans plus de cérémonie.
L'officier opina, et Homeros fit signe à ses serviteurs de clore les portes et de s'en aller. A ses côtés, le Capitaine Angelius, drapé d'un tabard bleu et blanc, se leva de son fauteuil pour considérer l'homme. Ce dernier, reconnaissant le Space Marine en face de lui, s'empressa de s'agenouiller.
-Relevez vous, Andracus. ordonna Angelius d'un ton sec. L'heure n'est pas aux subtilités de la politesse. Nous sommes en crise.
Le major se releva en affichant un certain inconfort devant une telle entrée en matière, et interrogea le Disdaskalos du regard. Ce dernier baissa un instant les yeux, comme sous le poids d'une terrible honte, avant de soupirer.
-La corruption règne aux alentours de Taygète, major. expliqua-t-il. Une corruption que la négligence de certains d'entre nous a permis de proliférer jusqu'à menacer Taygète, et peut être même Sparta toute entière.
Le chapelain laissa échapper un grognement et tourna vers le Disadskalos son faciès de mort.
-Une négligence? gronda-t-il d'un ton lourd de reproche. C'est loin d'être seulement une négligence. Cette affaire ne s'arrêtera pas à une telle considération. Les coupables devront payer leur faute, et aucune merci ne sera accordée.
-Le major Andracus n'a pour le moment pas besoin de connaître les détails. trancha durement Angelius en interrompant Honorius en levant une main autoritaire.
Le major accusa le coup sans rien montrer de son choc, hochant la tête. Ruminant ce qu'il venait d'apprendre, il finit par laisser libre court à son sentiment immédiat, la colère.
-Par la barbe des Anciens, comment cela a-t-il pu passer inaperçu? demanda-t-il sévèrement, en toisant Homeros comme un coupable. Pourquoi m'en parler à moi et non pas au Colonel Farkos si cela est aussi grave que vous le sous entendez?
-Farkos dirige peut être l'ensemble des régiments de la Phalange cantonnés à Taygète, mais nous soupçonnons qu'il soit impliqué dans ce qui se passe ici. répondit Honorius. Nous savons que vous avez par le passé participé à des purges dans les environs.
-Après la Treizième Croisade Noire, oui. opina le major. Mais aucune autre depuis. Et c'était il y a déjà quinze ans, je...
-Peut m'importe le temps ou la période. l'interrompit Angelius. Vous êtes le seul officier de Taygète qui a déjà dirigé des purges, et c'est pour votre expérience que nous vous avons choisi.
-Fort bien, monseigneur. s'inclina Andracus. Qui devons nous purger?
-Il ne s'agira pas cette fois de quelques personnes, major. fit Homeros. Cette fois c'est beaucoup plus vaste.
-Dans un premier temps, il vous sera demandé de totalement raser la jungle entourant la Caserne. ajouta Honorius en ignorant le soupir de regret que poussa Homeros. J'ai bien dit "totalement". Il ne devra en rester qu'une surface vitrifiée, pas même un déchet ou un quelconque résidus.
Andracus voulut poser une question, mais elle mourut dans sa gorge et il ferma la bouche, pensant avec justesse qu'il était mal avisé dans un tel moment de questionner un haut membre de l'Adeptus Astartes sur ses motivations.
Angelius prit la suite.
-Pendant que la jungle sera purifiée par le feu, vous vous saisirez également des instances nécessaires et passerez Taygète au peigne fin afin de traquer tout déviant, même le plus infime. Chaque citoyen suspecté d'hérésie devra être placé sous quarantaine et soumit à interrogatoire et examen psychique.
-Pardonnez moi, monseigneur, mais je doute que Taygète dispose des ressources nécessaires pour ce genre d'opérations. commença Andracus, gêné.
-Vous disposez de quatre régiments de FDP, ainsi que la coopération de l'Adeptus Arbites local. Je crois que c'est plus que suffisant. le coupa sévèrement Angelius. Vous avez également permission d'accéder au Sanctum Psykana de la cité pour quérir l'aide des interrogateurs psychiques.
-Une telle opération en va pas satisfaire tout le monde. insista le major, en tentant de déserrer son col d'un mouvement de tête nerveux. Il peut y avoir un risque d'émeute.
-La Seconde Compagnie de mon Chapitre sera à vos côtés pour superviser l'opération. Tout contrevenant au bon déroulement des opérations sera arrêté sur le champ. S'il y a résistance, le ou les coupables seront exécutés sur le champ. le coupa derechef Angelius.
Cette fois le major ne présenta aucun autre contre-argument, et acquiesça silencieusement.
-Qu'en est il des autorités? demanda Homeros. Sans parler des FDP et Arbites eux mêmes. Après tout la corruption peut s'être installée en chacun d'eux!
-La Première Compagnie se chargera des autorités et des officiers. répondit Angelius. Elle ne sera pas à effectifs complets, mais ce sera plus que suffisant. Quant aux FDP et Arbites, comme je l'ai signifié au major, la Seconde Compagnie aura pour tâche de les soutenir. Il est bien évident qu'ils ont également des ordres au cas où le cas d'une corruption des forces de l'ordre se présenterait.
-Et la Caserne? demanda Andracus en jetant à nouveau un regard accusateur à Homeros. D'après ce que vous me dites, la corruption provient d'ici. Devons nous la purifier également?
Honorius arrêta le Disdaskalos dans son élan de colère avant même qu'il ne le manifeste, outré par une telle menace.
-La Caserne est pour l'heure sous le contrôle du reste des effectifs de la Première Compagnie, sous mes ordres, et sous la supervision du chapelain Honorius. annonça Angelius. Ces recrues représentent le futur de notre Chapitre, c'est donc à nous et à nous seul de statuer de leur sort.
Ce disant, il jeta un regard lourd de sens à Homeros.
-Certains au sein de notre organisation semblent avoir oublié combien il est important de garder de telles installations à l'abri de tout danger incontrôlés.
Le Disdaskalos, au comble de l'indignation face à cette nouvelle accusation, avança d'un pas, les poings serrés et le visage empourpré.
-Les ordres qui ont entraîné cette corruption n'émanent pas de moi, Capitaine! se défendit-il avec vigueur. C'est à votre Premier Chapelain, le seigneur Scupios, qu'il faut demander des comptes, pas à moi!
-Maître Scupios sera mis au courant bien assez tôt, Disdaskalos. fit froidement Honorius. Mais vous vous êtes rendus coupable par votre coopération et votre silence, de même que tout ceux qui ont contribué à cette affaire.
Sentant à nouveau la discussion glisser vers des secrets qu'il n'avait nullement envie de se laisser entendre, Angelius les arrêta de nouveau.
-Assez! aboya-t-il. Puis il se tourna vers Andracus. Majors, vous avez vos ordres. Que cette jungle brûle avant la fin de la nuit, je ne veux retrouver que des cendres au lever du jour. Mobilisez vos troupes dans l'heure. En ma qualité de régent de Sparta au nom du Chapitre, je vous donne les pleins pouvoirs sur vos supérieurs et subordonnés. Nous seuls vous sommes supérieurs. Partez sur le champ, et agissez promptement.
La major claqua des talons, et prit congé de l'assistance, non sans jeter un dernier regard suspicieux à Homeros qui alla s'asseoir sur un petit banc, livide de colère et de consternation.
Une fois que l'officier eut fermé la porte derrière lui, Angelius se tourna vers son chapelain.
-Par le sang de Guilliman, Heriak! Je vous interdit de faire de cette situation une affaire personnelle. dit-il d'un ton qui n'appelait aucun refus. Scupios sera mené devant les seigneurs du Chapitre en temps et en heure, mais pour le moment nous avons plus urgent à faire. Une guerre se prépare, et la moitié du Chapitre est encore dispersée dans ce secteur et le secteur voisin.
-De toute manière, il ne pourra fuir ses responsabilités. répondit sombrement Honorius. Si ce n'est son honneur qui le retiendra sur Styx, ce seront ses blessures qui le feront. Mais je jure par le Trône que son forfait lui coûtera sa place avant que la mort ne la libère pour lui.
-Et qui prendra sa place? rugit Angelius. Vous? Pour l'heure vous êtes encore trop sensible pour occuper pareil poste, malgré ce qu'en disent vos confrères! Vous êtes prêt à partir, tête baissée, au moindre bruit, à la moindre querelle. Vous n'avez pas encore la sagesse pour prétendre à siéger à sa place. Aucun de vous!
-Cela relèvera de la décision du Reclusiam du Chapitre, et non de vous! vociféra Honorius, blessé par la remontrance. Depuis des décennies je vous suis et vous soutiens, Menelas! Ayez le bon sens de me renvoyer l'appareil lorsque j'en ai besoin! Scupio est fini, et il n'y a personne d'autre que moi pour prendre sa place, vous le savez!
Angelius sera ses poings jusqu'à blanchir ses articulations, la situation présente lui pesant plus qu'il ne voulait se l'admettre sur sa conscience. Il se détourna furieusement de son chapelain avec un grognement de frustration.
-Vous l'avez dit vous même. Ce sera au Reclusiam de décider. Ni à vous, ni à moi. dit il, mettant fin à l'échange. Mais pour l'heure, je veux, j'ordonne, que vous oubliez votre rancoeur à l'encontre de Scupio. Nous avons fort à faire, et je vous veux l'esprit clair.
-Dans un premier temps, il conviendra d'en finir avec le Rituel. capitula Honorius à contre coeur. Nos Apprentis doivent être sélectionnés pour que nous partions au plus vite pour Styx. Je propose de le tenir dès que Maître Orgus aura finit de sonder les âmes des Elèves. Demain soir au plus tard.
Homeros releva vivement la tête.
-Demain soir? Mais ils ne seront jamais prêts! protesta-t-il.
-Si il ne sont pas prêts maintenant, alors ils ne le seront jamais. trancha Honorius. Nous en pouvons nous permettre le luxe d'attendre plus longtemps. J'ai déjà donné mes ordres à vos Pédotribes. Sitôt que leurs esprits seront blanchis de tout doute, nous les soumettront au Rituel d'Acceptation.
Angelius opina en silence, son regard au Disdaskalos n'appelant aucune autre réponse de sa part que d'accepter. Homeros secoua la tête, sa main jouant dans ses robes, l'autre fouillant sa barbe. Puis il hocha gravement du chef.
-Si tel est votre désir, alors ce sera fait. fit-il. Cependant, précipiter les choses ainsi ne nous apportera rien de bon. Très peu réussirons à passer les épreuves finales avec un tel empressement.
-Si ils prétendent devenir membres de l'Adeptus Astartes, alors ils doivent être préparés à tout. rétorqua Honorius. Vous même n'êtes que trop bien placé pour le savoir. Vous n'étiez pas suffisamment prêt, c'est pour cela que vous avez échoué.
La pique était sévère, et Homeros se plongea dans un silence coupable.
Angelius ne supporta pas plus longtemps le malaise qui s'installait de plus en plus entre le chapelain et le Disdaskalos, et décida de mettre un terme à l'entrevue, sentant sa patience dans ses dernières limites.
-Je crois que nous avons tout dit, et vous n'avez tout deux visiblement rien à ajouter. Je vous invite à aller exécuter vos ordres comme convenu. dit il d'un ton las en indiquant la porte de la main.
Homeros fut le premier à partir, le teint pâle et le regard sombre. Il n'adressa aucun mot aux deux space marines et sortit de la salle plongé dans ses pensées amères.
Honorius s'apprêta à le suivre quand Angelius le retint par le bras, plongeant un regard autoritaire dans les orbites du crâne faisant office de casque au chapelain.
-Je compte sur vous Heriak. Pas de vendetta. Faisons le travail rapidement et efficacement. L'heure des comptes arrivera plus tard.
Le chapelain ne répondit rien, se contentant de hocher de la tête, et sortit à son tour, laissant Angelius seul avec ses préoccupations.
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
La suite du vendredi!
PAR LA PETITE fenêtre de sa cellule exigüe, Theseus parvenait à voir dans la nuit une lueur chaude s'élever peu à peu, bientôt accompagnée d'un lointain grondement et d'une brise aux rafales tièdes. Puis vint l'odeur de brûlé.
Cela ne souffrait aucun doute, quelque chose d'immense avait été livré aux flammes.
Il était resté assis depuis que les seigneurs des étoiles l'avaient enfermé dans cette sombre cellule. Il n'avait pas protesté, pas plus qu'il n'avait montré signe de faiblesse, malgré la douleur sourde qui le saisissait encore. Aucun guérisseur n'était venu l'en soulager, et l'adolescent supposait que cela faisait partie de son épreuve. Flancher maintenant c'était abandonner tout espoir d'ascension vers les étoiles.
Il ne savait pas ce qu'étaient devenus ses camarades. Les couloirs plongés dans un silence mortuaire résonnaient parfois des pas mesurés d'un quelconque garde de faction.
Theseus repensa plusieurs fois à l'épreuve de la forêt, à leur groupe prometteur, aux démons et aux morts. Nektoos, Persos, Junos. Morts comme des braves au combat.
Xanos. Mort comme un traître.
Repenser à son ancien chef de groupe qui avait sombré dans la démence ravivait ses douleurs, et elles s'accompagnaient d'un terrible sentiment de honte et de tristesse. Les deux jeunes garçons ne s'étaient jamais apprécié, même si ils s'étaient toujours respectés comme ils avaient appris à respecter un de leurs frères. Xanos était mort d'une horrible façon, ayant inexplicablement foulé aux pieds ses serments et son honneur. Son âme avait été souillée et aucune pénitence n'aurait pu la sauver.
Il comprenait la décision du chapelain de l'avoir tué, mais le geste l'horrifiait encore. Jamais il n'avait connu d'exécutions sommaires. Pas même les fautes les plus graves n'étaient punies de mort au sein de la Caserne. Les cas les plus sévères allaient de l'exil permanent au reconditionnement en serviteur, mais jamais le sang n'avait été versé par l'arme d'un Pédotribe. Du moins, il n'en avait jamais entendu parler.
Le trépas de Xanos était venu éclabousser l'innocence des Elèves, le ternissant à jamais. Ce fut à ce moment qu'ils comprirent la portée de ce à quoi ils prétendaient se préparer. Il n'y aurait aucun pardon, aucune seconde chance, aucune parade en cas de corruption. Ce qu'ils avaient appris par coeur dans les livres de la scholam puis de la bouche des Pédotribes de la Caserne, Theseus fut le premier du groupe à le voir de ses propres yeux devenir réalité. Une réalité brutale, sans merci et sans discussion. La réussite ou la mort. La droiture ou la damnation. Toutes ces notions abstraites venaient de prendre corps.
Des pas lourds le tirèrent de ses pensées, et il tourna la tête vers la porte au moment où elle s'ouvrit, laissant entrer une imposante silhouette. Le colosse en armure bleu dut se baisser pour ne pas se cogner la tête au plafond, et regarda le jeune homme pendant un long moment. Son visage était vieux et ridé, et ses yeux d'un bleu polaire brillaient dans la pénombre.
-Theseus Morlis, fils d'Agamon Morlis. énonça finalement le géant, d'une voix profonde mais douce comme le bruissement d'un ruisseau. Tu nous reviens avec un corps bien meurtri, petit homme. Mais je sens que ton esprit est bien plus blessé encore.
Theseus ne sut quoi répondre, et se contenta d'approuver d'un vague hochement de tête. Il était terrifié par cet être dont la carrure envahissait presque tout l'espace et dont les yeux semblaient percer sa chair de part en part.
-N'aie crainte, Theseus. poursuivit le géant. Je me nomme Aurelius Orgus, archiviste au service de tes seigneurs et maîtres. Je suis là pour t'aider, mon garçon.
-Vous êtes un guérisseur? demanda Theseus qui ne comprenait pas à qui il avait affaire.
Orgus laissa échapper un petit rire amusé qui craquela le réseau de rides anciennes de son visage patricien.
-Oui, d'une certaine manière. Mais là où je laisse la complexité de la chair à mes frères apothicaires, je me charge des subtilités de l'esprit.
Theseus laissa planer un moment de silence, dévisageant l'Astartes avec appréhension.
-Vous êtes... un sorcier? demanda-t-il enfin, hésitant.
Le visage de l'archiviste retrouva tout son sérieux, et il hocha la tête.
-Oui, jeune garçon. Si c'est le terme que tu veux employer, alors je suis un sorcier.
Il n'eut pas besoin de ses capacités au delà de toute compréhension humaine pour déceler la peur qui envahit le garçon, le voyant se crisper immédiatement et déglutir avec difficulté.
Les sorciers n'étaient pas aimés sur Sparta, comme au sein de la majorité de l'Imperium.
-Mais sache que je ne suis pas un mauvais sorcier, Theseus de Taygète. continua-t-il pour le rassurer. Je suis au service de l'Empereur, j'ai fait vœu d'user de mes... capacités pour le meilleur de l'Humanité. Je ne te veux aucun mal.
-Maman me racontait toujours d'effrayantes histoires sur les êtres de votre genre. dit Theseus, sa voix dissimulant mal un mépris involontaire. L'Imperium se méfiait des psykers, et Theseus ne manquait pas à la règle.
-Il y a beaucoup de légendes qui courent sur nous. admit Orgus sans prendre ombrage de la méfiance soudaine de l'adolescent. Il y a dans la galaxie de terribles sorciers, des sorciers voués au Mal et qui abusent de leurs dons pour corrompre les esprits et détourner l'Humanité. Ta mère n'avait pas tort en te mettant en garde contre le sorcier. Beaucoup sont des monstres. D'autres sont seulement des individus qui ne parviennent pas à comprendre l'étendue de leurs pouvoirs, et qui en sont plus les victimes que les maîtres. Et puis il y a ceux dont je fais partie, ceux qui ont apprit à contrôler leurs capacités, et qui savent que le chemin du psyker mène droit vers la damnation.
L'archiviste fit une courte pause, s'accroupissant pour se mettre à hauteur du garçon qui recula sur son banc instinctivement, dos contre le mur, effrayé.
-Je ne prétends pas tout connaître de l'Immaterium et de son pouvoir, mais je crois en mon for intérieur que de tout les sorciers de l'univers, ceux qui parviennent à contrôler leurs pouvoirs et à les canaliser pour n'en tirer que le strict nécessaire, voué à protéger l'Imperium, ceux là sont infiniment plus puissants que les plus terrifiants mutants qui servent les Dieux Noirs. Tu en as rencontré un là bas, tu as vu de quoi ils sont capables.
Theseus opina en silence, revoyant fugacement dans son esprit le visage ravagé du sorcier du Chaos.
-Ce démon n'est qu'un insecte face à quelqu'un comme moi. déclara Orgus, avec dureté, comme pour faire comprendre à l'adolescent que lui même n'était absolument rien face à lui. Cependant, il arrive que leur puissance maligne corrompe des êtres purs, des innocents, et ne les mènent sur le sentier de la perdition.
Le space marine dévisagea Theseus un instant en silence. Ce dernier commença à comprendre avec horreur ce qu'insinuait Orgus.
-Des gens comme toi, mon garçon. reprit Orgus avant que Theseus ne puisse se défendre. Ton âme est bien trop ouverte pour pouvoir résister à de tels maléfices. Vois où cela a mené ton camarade Xanos. A la damnation éternelle.
-Je ne suis pas touché, monseigneur. glapit Theseus en se recroquevillant, imaginant l'Astartes sur le point de lui briser le crâne sur un simple, et horrible, doute. J'ai combattu l'ennemi au Nom de l'Empereur. J'ai failli mourir en me battant!
-Je sais tout cela, Theseus de Taygète. Mais c'est à moi de décider si tu es ou non corrompu. le contra Orgus avec une douceur ferme. Je veux que tu abandonne toute peur et que tu t'ouvre à moi, pour que je lise ton esprit et ton âme. Je ne te mentirai pas, jeune garçon. Si tu a été touché par la noirceur du Chaos, alors je ne pourrai rien faire pour te sauver et on t'accordera la Paix de l'Empereur. Si tu résiste, il en sera de même.
Le garçon s'était mis à trembler comme une feuille, terrorisé à l'idée d'avoir survécu à tout ça pour mourir si sottement. Mais plus encore, c'était Orgus qui le terrorisait de la sorte, tandis qu'il le toisait avec une lueur surnaturelle qui palpitait derrière ses yeux de glace.
-Laisse toi faire, mon garçon. N'ai aucune crainte. Tu n'as aucune raison d'en avoir si tu es aussi loyal à l'Empereur que tu le prétends. ordonna Orgus en levant ses mains vers le visage de Theseus.
Le garçon lâcha un petit cri de panique, mais se figea soudain lorsque les doigts de l'archiviste se posèrent sur ses tempes. Ses yeux s’écarquillèrent, quelques larmes roulant sur ses joues, et il ouvrit grand la bouche, comme le ferait un poisson hors de l'eau.
Tout son corps était paralysé par une force qu'il ne comprenait pas. Il voulut protester, se défendre, mais rien ne vint. Il ne pouvait plus rien faire.
Sa vision se résuma à un tunnel obscur, et il eu l'impression d'être plongé dans un bain de glace. Les murs de la petite cellule se couvrirent d'une fine couche de givre, et l'air se chargea d'une lourde odeur d'ozone.
Orgus pencha légèrement la tête en fermant les yeux, sans retirer un instant ses mains de la tête du garçon.
-Ouvre ton esprit pour moi Theseus de Taygète. murmura-t-il en plongeant dans une transe occulte. Laisse moi lire ton âme, et je te dirai si tu es pur.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, seul un bleu éclatant y brillait, illuminant son vieux visage comme de petites lampes énergétiques.
Le hurlement que poussa Theseus s'écrasa contre les murs de sa petite cellule tandis que l'esprit aiguisé de l'archiviste lui perça l'âme pour la disséquer avec la précision d'un scalpel.
***
PAR LA PETITE fenêtre de sa cellule exigüe, Theseus parvenait à voir dans la nuit une lueur chaude s'élever peu à peu, bientôt accompagnée d'un lointain grondement et d'une brise aux rafales tièdes. Puis vint l'odeur de brûlé.
Cela ne souffrait aucun doute, quelque chose d'immense avait été livré aux flammes.
Il était resté assis depuis que les seigneurs des étoiles l'avaient enfermé dans cette sombre cellule. Il n'avait pas protesté, pas plus qu'il n'avait montré signe de faiblesse, malgré la douleur sourde qui le saisissait encore. Aucun guérisseur n'était venu l'en soulager, et l'adolescent supposait que cela faisait partie de son épreuve. Flancher maintenant c'était abandonner tout espoir d'ascension vers les étoiles.
Il ne savait pas ce qu'étaient devenus ses camarades. Les couloirs plongés dans un silence mortuaire résonnaient parfois des pas mesurés d'un quelconque garde de faction.
Theseus repensa plusieurs fois à l'épreuve de la forêt, à leur groupe prometteur, aux démons et aux morts. Nektoos, Persos, Junos. Morts comme des braves au combat.
Xanos. Mort comme un traître.
Repenser à son ancien chef de groupe qui avait sombré dans la démence ravivait ses douleurs, et elles s'accompagnaient d'un terrible sentiment de honte et de tristesse. Les deux jeunes garçons ne s'étaient jamais apprécié, même si ils s'étaient toujours respectés comme ils avaient appris à respecter un de leurs frères. Xanos était mort d'une horrible façon, ayant inexplicablement foulé aux pieds ses serments et son honneur. Son âme avait été souillée et aucune pénitence n'aurait pu la sauver.
Il comprenait la décision du chapelain de l'avoir tué, mais le geste l'horrifiait encore. Jamais il n'avait connu d'exécutions sommaires. Pas même les fautes les plus graves n'étaient punies de mort au sein de la Caserne. Les cas les plus sévères allaient de l'exil permanent au reconditionnement en serviteur, mais jamais le sang n'avait été versé par l'arme d'un Pédotribe. Du moins, il n'en avait jamais entendu parler.
Le trépas de Xanos était venu éclabousser l'innocence des Elèves, le ternissant à jamais. Ce fut à ce moment qu'ils comprirent la portée de ce à quoi ils prétendaient se préparer. Il n'y aurait aucun pardon, aucune seconde chance, aucune parade en cas de corruption. Ce qu'ils avaient appris par coeur dans les livres de la scholam puis de la bouche des Pédotribes de la Caserne, Theseus fut le premier du groupe à le voir de ses propres yeux devenir réalité. Une réalité brutale, sans merci et sans discussion. La réussite ou la mort. La droiture ou la damnation. Toutes ces notions abstraites venaient de prendre corps.
Des pas lourds le tirèrent de ses pensées, et il tourna la tête vers la porte au moment où elle s'ouvrit, laissant entrer une imposante silhouette. Le colosse en armure bleu dut se baisser pour ne pas se cogner la tête au plafond, et regarda le jeune homme pendant un long moment. Son visage était vieux et ridé, et ses yeux d'un bleu polaire brillaient dans la pénombre.
-Theseus Morlis, fils d'Agamon Morlis. énonça finalement le géant, d'une voix profonde mais douce comme le bruissement d'un ruisseau. Tu nous reviens avec un corps bien meurtri, petit homme. Mais je sens que ton esprit est bien plus blessé encore.
Theseus ne sut quoi répondre, et se contenta d'approuver d'un vague hochement de tête. Il était terrifié par cet être dont la carrure envahissait presque tout l'espace et dont les yeux semblaient percer sa chair de part en part.
-N'aie crainte, Theseus. poursuivit le géant. Je me nomme Aurelius Orgus, archiviste au service de tes seigneurs et maîtres. Je suis là pour t'aider, mon garçon.
-Vous êtes un guérisseur? demanda Theseus qui ne comprenait pas à qui il avait affaire.
Orgus laissa échapper un petit rire amusé qui craquela le réseau de rides anciennes de son visage patricien.
-Oui, d'une certaine manière. Mais là où je laisse la complexité de la chair à mes frères apothicaires, je me charge des subtilités de l'esprit.
Theseus laissa planer un moment de silence, dévisageant l'Astartes avec appréhension.
-Vous êtes... un sorcier? demanda-t-il enfin, hésitant.
Le visage de l'archiviste retrouva tout son sérieux, et il hocha la tête.
-Oui, jeune garçon. Si c'est le terme que tu veux employer, alors je suis un sorcier.
Il n'eut pas besoin de ses capacités au delà de toute compréhension humaine pour déceler la peur qui envahit le garçon, le voyant se crisper immédiatement et déglutir avec difficulté.
Les sorciers n'étaient pas aimés sur Sparta, comme au sein de la majorité de l'Imperium.
-Mais sache que je ne suis pas un mauvais sorcier, Theseus de Taygète. continua-t-il pour le rassurer. Je suis au service de l'Empereur, j'ai fait vœu d'user de mes... capacités pour le meilleur de l'Humanité. Je ne te veux aucun mal.
-Maman me racontait toujours d'effrayantes histoires sur les êtres de votre genre. dit Theseus, sa voix dissimulant mal un mépris involontaire. L'Imperium se méfiait des psykers, et Theseus ne manquait pas à la règle.
-Il y a beaucoup de légendes qui courent sur nous. admit Orgus sans prendre ombrage de la méfiance soudaine de l'adolescent. Il y a dans la galaxie de terribles sorciers, des sorciers voués au Mal et qui abusent de leurs dons pour corrompre les esprits et détourner l'Humanité. Ta mère n'avait pas tort en te mettant en garde contre le sorcier. Beaucoup sont des monstres. D'autres sont seulement des individus qui ne parviennent pas à comprendre l'étendue de leurs pouvoirs, et qui en sont plus les victimes que les maîtres. Et puis il y a ceux dont je fais partie, ceux qui ont apprit à contrôler leurs capacités, et qui savent que le chemin du psyker mène droit vers la damnation.
L'archiviste fit une courte pause, s'accroupissant pour se mettre à hauteur du garçon qui recula sur son banc instinctivement, dos contre le mur, effrayé.
-Je ne prétends pas tout connaître de l'Immaterium et de son pouvoir, mais je crois en mon for intérieur que de tout les sorciers de l'univers, ceux qui parviennent à contrôler leurs pouvoirs et à les canaliser pour n'en tirer que le strict nécessaire, voué à protéger l'Imperium, ceux là sont infiniment plus puissants que les plus terrifiants mutants qui servent les Dieux Noirs. Tu en as rencontré un là bas, tu as vu de quoi ils sont capables.
Theseus opina en silence, revoyant fugacement dans son esprit le visage ravagé du sorcier du Chaos.
-Ce démon n'est qu'un insecte face à quelqu'un comme moi. déclara Orgus, avec dureté, comme pour faire comprendre à l'adolescent que lui même n'était absolument rien face à lui. Cependant, il arrive que leur puissance maligne corrompe des êtres purs, des innocents, et ne les mènent sur le sentier de la perdition.
Le space marine dévisagea Theseus un instant en silence. Ce dernier commença à comprendre avec horreur ce qu'insinuait Orgus.
-Des gens comme toi, mon garçon. reprit Orgus avant que Theseus ne puisse se défendre. Ton âme est bien trop ouverte pour pouvoir résister à de tels maléfices. Vois où cela a mené ton camarade Xanos. A la damnation éternelle.
-Je ne suis pas touché, monseigneur. glapit Theseus en se recroquevillant, imaginant l'Astartes sur le point de lui briser le crâne sur un simple, et horrible, doute. J'ai combattu l'ennemi au Nom de l'Empereur. J'ai failli mourir en me battant!
-Je sais tout cela, Theseus de Taygète. Mais c'est à moi de décider si tu es ou non corrompu. le contra Orgus avec une douceur ferme. Je veux que tu abandonne toute peur et que tu t'ouvre à moi, pour que je lise ton esprit et ton âme. Je ne te mentirai pas, jeune garçon. Si tu a été touché par la noirceur du Chaos, alors je ne pourrai rien faire pour te sauver et on t'accordera la Paix de l'Empereur. Si tu résiste, il en sera de même.
Le garçon s'était mis à trembler comme une feuille, terrorisé à l'idée d'avoir survécu à tout ça pour mourir si sottement. Mais plus encore, c'était Orgus qui le terrorisait de la sorte, tandis qu'il le toisait avec une lueur surnaturelle qui palpitait derrière ses yeux de glace.
-Laisse toi faire, mon garçon. N'ai aucune crainte. Tu n'as aucune raison d'en avoir si tu es aussi loyal à l'Empereur que tu le prétends. ordonna Orgus en levant ses mains vers le visage de Theseus.
Le garçon lâcha un petit cri de panique, mais se figea soudain lorsque les doigts de l'archiviste se posèrent sur ses tempes. Ses yeux s’écarquillèrent, quelques larmes roulant sur ses joues, et il ouvrit grand la bouche, comme le ferait un poisson hors de l'eau.
Tout son corps était paralysé par une force qu'il ne comprenait pas. Il voulut protester, se défendre, mais rien ne vint. Il ne pouvait plus rien faire.
Sa vision se résuma à un tunnel obscur, et il eu l'impression d'être plongé dans un bain de glace. Les murs de la petite cellule se couvrirent d'une fine couche de givre, et l'air se chargea d'une lourde odeur d'ozone.
Orgus pencha légèrement la tête en fermant les yeux, sans retirer un instant ses mains de la tête du garçon.
-Ouvre ton esprit pour moi Theseus de Taygète. murmura-t-il en plongeant dans une transe occulte. Laisse moi lire ton âme, et je te dirai si tu es pur.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, seul un bleu éclatant y brillait, illuminant son vieux visage comme de petites lampes énergétiques.
Le hurlement que poussa Theseus s'écrasa contre les murs de sa petite cellule tandis que l'esprit aiguisé de l'archiviste lui perça l'âme pour la disséquer avec la précision d'un scalpel.
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
salut les gens!
bon pas de suite pendant un moment, j'ai eu pas mal d'imprévus et de boulot en parallèle, mais nous y revoici!
LES RAYONS DU soleil d'Olympus eurent bien du mal à percer au travers de l'épais rideau de fumée noire qui montait des vestiges de la jungle corrompue. Sa destruction arrivait à son terme, les colonnes de Hellhound aux ordres directs du major Andracus avançant en rangs en arrosant la végétation condamnée de prometheum enflammé.
Derrière les chars incendiaires, des fantassins en uniformes ignifugés parcouraient le terrain calciné à la recherche de la moindre trace de subsistance de la jungle, faisant gronder leurs lances flammes, leurs fuseurs ou leurs fusils pour incinérer un arbuste survivant, faire fondre un rocher isolé ou apporter le coup de grâce à une créature agonisante.
Dans le ciel, des escadres de bombardiers d'un autre âge passaient et repassaient au dessus des dernières parcelles de jungle en y laissant tomber des grappes de bombes.
Il faudra attendre le deuxième jour de purge pour que l'endroit qui vit pousser l'une des jungles les plus sauvages de Sparta ne soit plus qu'un immense terrain totalement aplani, recouvert d'une épaisse couche de cendres.
L'enceinte de la Caserne de Taygète était complètement fermée à quiconque ne disposait pas des nombreuses autorisations nécessaires pour y pénétrer. Même les space marines durent parfois attendre un long moment en attendant que leur identité soit vérifiée pour pouvoir entrer dans le complexe.
Le sergent Herkar rejoignait d'un pas lourd le bâtiment de Caserne estampillé 2D, trois de ses guerriers dans son sillage, les autres l'attendant déjà. Son armure terminator était couverte d'une couche épaisse de cendre grise, et il ne cessait de renifler et de cracher, agacé par l'air épaissi par les reliquats de la jungle, mais pas assez pour passer son casque.
Au centre du stade de course de la Caserne, Herkar aperçut un tas de formes noircies, sur lequel veillaient un groupe de space marines, bolter et lance flammes en main. C'était là tout ce qu'il restait des Elèves qui avaient été corrompus comme l'avait révélé les talents du Maître Archiviste.
Pour le moment, trente quatre jeunes garçons avaient échoué lors de l'examen psychique, et avaient été envoyé sur le stade pour être exécutés d'un bolt dans la tête puis incinérés. Le peloton d'exécution attendait leurs prochaines victimes, et en considérant certains cadavres encore fumants, il en arrivait toujours. Herkar secoua imperceptiblement la tête et détourna le regard pour revenir à sa tâche immédiate.
Ils arrivèrent en vue du baraquement 2D devant l'attendaient Elos et un autre frère de l'escouade. Le sergent vétéran les salua tout deux rapidement avant d'entrer sans plus attendre dans le bâtiment.
Il y régnait une chaleur étouffante et le reste de son escouade était là, surveillant un groupe d'enfants regroupés dans un coin, terrorisés, les fixant de leurs grands yeux emplis de larmes, ou préférant fixer le sol d'un regard vide.
Herkar se dirigea vers le seul space marine qui ne portait qu'une simple armure énergétique, peinte d'un blanc rendu gris par la cendre omniprésente, son paquetage dorsal croulant sous un ensemble d'appareils étranges, son épaulière blanche bordée de rouge arborant la double hélice de l'Apothecarion.
-Frère Hermas. le salua Herkar.
-Ah, frère sergent, vous voilà! répondit joyeusement l'officier médical en semblant soudain tiré de ses pensées. Il portait son casque, sa grille émettrice rendant sa voix nasillarde et métallique. Vous revenez du Palais je suppose?
-Non, frère. Je suis allé chercher le Disdaskalos pour lui rendre compte des premières pertes enregistrées.
-Fort bien, voilà une bonne chose de faite, je n'aurai pas eu le temps de le faire moi même.
-Le Disdaskalos ne semblait pas vraiment considérer la chose comme "bonne". sourit Herkar en repensant à la mine atterrée d'Homeros lorsqu'il avait lu les premiers comptes rendus de l'avancée de la purge.
L'apothicaire opina vigoureusement de la tête avant de jeter un regard aux Elèves surveillés.
-Ce n'est pas chose aisée pour lui que de voir son domaine envahi par les Sombres Puissances. Et franchement, ça n'est pas chose aisée pour nous non plus. Ces euthanasies sont nécessaires, mais elles font singulièrement chuter notre pourcentage de néophytes potentiels. Et cela rien qu'en quelques heures. Je crains que notre prélèvement de ce cycle soit terriblement maigre, frère sergent.
Il parlait d'une voix claire, mais avec le froid clinique et détaché si typique de ceux occupant sa fonction. Parfois, Herkar se moquait de lui en disant qu'il sonnait comme un techmarine, ce que Hermas détestait entendre, considérant comme beaucoup de ses confrères que la chair avait certes ses faiblesses, mais que sa mécanisation outrancière était loin d'être pour autant une bonne solution.
Cela n'empêchait pas que les confrères de Hermas et les séides de Vulcos, Maître de la Forge, de s'entendre parfaitement, même si leurs querelles et leurs chamailleries ne semblaient jamais devoir se tarir.
Hermas invita le sergent vétéran à le suivre, et l'emmena auprès des Elèves ayant survécu à Orgus. Il en désigna certains tandis qu'il continuait de résumer la situation de ce groupe ci.
-Nous avons eu de la chance avec ceux là. Sur vingt huit Elèves, seuls cinq ont dû être traités, et trois de plus ont été envoyés dans les cryptes de la chapelle de la Caserne, afin que le seigneur Honorius puisse éprouver leur foi. S'ils échouent, naturellement ils seront également éliminés. Cela nous porte à vingt recrues potentielles, en supposant qu'ils survivent au Rituel, bien entendu. J'émets personnellement des doutes pour quatre d'entre eux, au corps trop faible, mais dans l'ensemble ils me paraissent prêts.
-Quel est leur stade de formation? demanda Herkar après avoir opiné gravement à l'écoute du rapport.
-Je n'ai pus avoir plus ample information auprès de leur pédotribe, ce dernier ayant été traité ce matin même pour corruption latente. l'informa Hermas. Cependant, leurs registres indiquent un stade deux de formation.
-Donc ils sont censés recevoir encore deux autres années d'entraînement. Cela est peu. grogna le vétéran. Ils ne sont pas prêts.
-Si je peux me permettre, je crois qu'ils le sont. rétorqua Hermas, toujours sur le ton de la conversation. Et quand bien même, ils doivent être soumis au Rituel comme les autres. Le Capitaine Angelius n'a pas donné cet ordre au hasard, frère sergent. Selon toute vraisemblance et suite aux derniers évènements survenus, sur la totalité des Elèves recensés à notre arrivée, seuls vingt quatre pour cents devraient être présentés à l'épreuve finale, et vous savez tout comme moi quel pourcentage devrait connaître le succès. Cela nous ferait quoi? A peine une trentaine de recrues en partant d'ici? Combien selon vous survivraient à leur formation sur Styx?
-Peu, il va sans dire. admit Herkar. Fort bien. Ils passeront l'épreuve finale comme tout les autres. Je trouve simplement que cela est une mauvaise idée. Je préfère peu, voire pas du tout de recrues, que des dizaines de misérables gosses qui vont mourir dès les premières heures passées sur Styx.
-Mon avis est basé sur des observations précises et réfléchies, frère sergent. insista Hermas. Ces candidats sont parfaitement recevables.
Herkar capitula face à l'apothicaire par un grognement agacé et un vague geste de la main, avant de se détourner des adolescents terrifiés pour aller rejoindre son escouade.
-Je n'aime pas ça, frères. grommela-t-il. Ce cycle sera non seulement maigre en effectif, mais la qualité ne sera pas forcément au rendez vous.
-Si ils passent le Rituel avec succès, alors c'est qu'ils sont qualifiés pour ce qu'on attend d'eux. statua frère Orbos. Nous ne pouvons nous permettre le luxe de faire un premier tri avant de voir de quoi ils sont vraiment capables.
-Je suis de son avis, frère sergent. Tu ne devrais pas juger le cheval à sa robe. acquiesça Elos.
-Ce n'est pas non plus une fois qu'on est monté dessus et qu'il s'est brisé les pattes après quelques mètres qu'il faut nourrir du regret. rétorqua sèchement Herkar. Mais tu as raison. Quoi qu'il se passe, nous ne pourrons pas juger d'eux avant de les avoir vu sur le terrain.
Un moment de silence passa, durant lequel les quatre terminators de l'escouade Herkar jaugeaient les jeunes garçons assis en attente de leur jugement. Leur frayeur était compréhensible, de même que leur sentiment d'avoir été salis par leurs camarades corrompus. Mais ils leur faudraient se ressaisir s'ils espéraient prétendre au rang d'Apprenti.
Rajouté à cela, leur manque d'expérience allaient fortement les handicaper, et le sergent space marine ne pouvait s'empêcher de penser que les recevoir aussi vite tenait de l'erreur stupide. De telles décisions ne devaient pas être prises si facilement, car elles pouvaient à terme mettre en danger tout le futur du Chapitre.
Mais au delà de ses reproches, le vétéran faisait confiance à ses seigneurs, et considéra que, toute chose considérée, si ils avaient pris cette décision c'est qu'il n'y avait pas d'autres alternatives, ou que ces garçonnets étaient effectivement prêts dans leurs corps et leurs âmes à devenir des néophytes space marines.
-As tu déjà fait ton choix, frère sergent? lui demanda alors le troisième de ses subordonnés.
-Pas encore, Agamnes. Mais de toute manière ceux qui m'intéressent ne se trouvent pas dans ce groupe là.
Elos se permit un demi sourire et jeta un regard vers le groupe d'adolescents en attente, les observant quelques secondes les poings sur les hanches.
-Tu semble sûr de toi, frère sergent. finit-il par dire. Si ceux ci ne satisfont pas, ce que je peux comprendre parfaitement, sur qui ton regard vénérable s'est il porté?
Herkar réfléchit un court instant avant de prendre le chemin de la sortie, leur faisant signe de le suivre.
-Je ne suis pas encore sûr, frère. Leur âme est en ce moment même testée par notre frère Orgus. Nous allons poursuivre notre inspection de l'avancée des opérations de purges, puis j'irai quérir l'archiviste pour savoir si ces éléments sont dignes de mon choix.
bon pas de suite pendant un moment, j'ai eu pas mal d'imprévus et de boulot en parallèle, mais nous y revoici!
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LES RAYONS DU soleil d'Olympus eurent bien du mal à percer au travers de l'épais rideau de fumée noire qui montait des vestiges de la jungle corrompue. Sa destruction arrivait à son terme, les colonnes de Hellhound aux ordres directs du major Andracus avançant en rangs en arrosant la végétation condamnée de prometheum enflammé.
Derrière les chars incendiaires, des fantassins en uniformes ignifugés parcouraient le terrain calciné à la recherche de la moindre trace de subsistance de la jungle, faisant gronder leurs lances flammes, leurs fuseurs ou leurs fusils pour incinérer un arbuste survivant, faire fondre un rocher isolé ou apporter le coup de grâce à une créature agonisante.
Dans le ciel, des escadres de bombardiers d'un autre âge passaient et repassaient au dessus des dernières parcelles de jungle en y laissant tomber des grappes de bombes.
Il faudra attendre le deuxième jour de purge pour que l'endroit qui vit pousser l'une des jungles les plus sauvages de Sparta ne soit plus qu'un immense terrain totalement aplani, recouvert d'une épaisse couche de cendres.
L'enceinte de la Caserne de Taygète était complètement fermée à quiconque ne disposait pas des nombreuses autorisations nécessaires pour y pénétrer. Même les space marines durent parfois attendre un long moment en attendant que leur identité soit vérifiée pour pouvoir entrer dans le complexe.
Le sergent Herkar rejoignait d'un pas lourd le bâtiment de Caserne estampillé 2D, trois de ses guerriers dans son sillage, les autres l'attendant déjà. Son armure terminator était couverte d'une couche épaisse de cendre grise, et il ne cessait de renifler et de cracher, agacé par l'air épaissi par les reliquats de la jungle, mais pas assez pour passer son casque.
Au centre du stade de course de la Caserne, Herkar aperçut un tas de formes noircies, sur lequel veillaient un groupe de space marines, bolter et lance flammes en main. C'était là tout ce qu'il restait des Elèves qui avaient été corrompus comme l'avait révélé les talents du Maître Archiviste.
Pour le moment, trente quatre jeunes garçons avaient échoué lors de l'examen psychique, et avaient été envoyé sur le stade pour être exécutés d'un bolt dans la tête puis incinérés. Le peloton d'exécution attendait leurs prochaines victimes, et en considérant certains cadavres encore fumants, il en arrivait toujours. Herkar secoua imperceptiblement la tête et détourna le regard pour revenir à sa tâche immédiate.
Ils arrivèrent en vue du baraquement 2D devant l'attendaient Elos et un autre frère de l'escouade. Le sergent vétéran les salua tout deux rapidement avant d'entrer sans plus attendre dans le bâtiment.
Il y régnait une chaleur étouffante et le reste de son escouade était là, surveillant un groupe d'enfants regroupés dans un coin, terrorisés, les fixant de leurs grands yeux emplis de larmes, ou préférant fixer le sol d'un regard vide.
Herkar se dirigea vers le seul space marine qui ne portait qu'une simple armure énergétique, peinte d'un blanc rendu gris par la cendre omniprésente, son paquetage dorsal croulant sous un ensemble d'appareils étranges, son épaulière blanche bordée de rouge arborant la double hélice de l'Apothecarion.
-Frère Hermas. le salua Herkar.
-Ah, frère sergent, vous voilà! répondit joyeusement l'officier médical en semblant soudain tiré de ses pensées. Il portait son casque, sa grille émettrice rendant sa voix nasillarde et métallique. Vous revenez du Palais je suppose?
-Non, frère. Je suis allé chercher le Disdaskalos pour lui rendre compte des premières pertes enregistrées.
-Fort bien, voilà une bonne chose de faite, je n'aurai pas eu le temps de le faire moi même.
-Le Disdaskalos ne semblait pas vraiment considérer la chose comme "bonne". sourit Herkar en repensant à la mine atterrée d'Homeros lorsqu'il avait lu les premiers comptes rendus de l'avancée de la purge.
L'apothicaire opina vigoureusement de la tête avant de jeter un regard aux Elèves surveillés.
-Ce n'est pas chose aisée pour lui que de voir son domaine envahi par les Sombres Puissances. Et franchement, ça n'est pas chose aisée pour nous non plus. Ces euthanasies sont nécessaires, mais elles font singulièrement chuter notre pourcentage de néophytes potentiels. Et cela rien qu'en quelques heures. Je crains que notre prélèvement de ce cycle soit terriblement maigre, frère sergent.
Il parlait d'une voix claire, mais avec le froid clinique et détaché si typique de ceux occupant sa fonction. Parfois, Herkar se moquait de lui en disant qu'il sonnait comme un techmarine, ce que Hermas détestait entendre, considérant comme beaucoup de ses confrères que la chair avait certes ses faiblesses, mais que sa mécanisation outrancière était loin d'être pour autant une bonne solution.
Cela n'empêchait pas que les confrères de Hermas et les séides de Vulcos, Maître de la Forge, de s'entendre parfaitement, même si leurs querelles et leurs chamailleries ne semblaient jamais devoir se tarir.
Hermas invita le sergent vétéran à le suivre, et l'emmena auprès des Elèves ayant survécu à Orgus. Il en désigna certains tandis qu'il continuait de résumer la situation de ce groupe ci.
-Nous avons eu de la chance avec ceux là. Sur vingt huit Elèves, seuls cinq ont dû être traités, et trois de plus ont été envoyés dans les cryptes de la chapelle de la Caserne, afin que le seigneur Honorius puisse éprouver leur foi. S'ils échouent, naturellement ils seront également éliminés. Cela nous porte à vingt recrues potentielles, en supposant qu'ils survivent au Rituel, bien entendu. J'émets personnellement des doutes pour quatre d'entre eux, au corps trop faible, mais dans l'ensemble ils me paraissent prêts.
-Quel est leur stade de formation? demanda Herkar après avoir opiné gravement à l'écoute du rapport.
-Je n'ai pus avoir plus ample information auprès de leur pédotribe, ce dernier ayant été traité ce matin même pour corruption latente. l'informa Hermas. Cependant, leurs registres indiquent un stade deux de formation.
-Donc ils sont censés recevoir encore deux autres années d'entraînement. Cela est peu. grogna le vétéran. Ils ne sont pas prêts.
-Si je peux me permettre, je crois qu'ils le sont. rétorqua Hermas, toujours sur le ton de la conversation. Et quand bien même, ils doivent être soumis au Rituel comme les autres. Le Capitaine Angelius n'a pas donné cet ordre au hasard, frère sergent. Selon toute vraisemblance et suite aux derniers évènements survenus, sur la totalité des Elèves recensés à notre arrivée, seuls vingt quatre pour cents devraient être présentés à l'épreuve finale, et vous savez tout comme moi quel pourcentage devrait connaître le succès. Cela nous ferait quoi? A peine une trentaine de recrues en partant d'ici? Combien selon vous survivraient à leur formation sur Styx?
-Peu, il va sans dire. admit Herkar. Fort bien. Ils passeront l'épreuve finale comme tout les autres. Je trouve simplement que cela est une mauvaise idée. Je préfère peu, voire pas du tout de recrues, que des dizaines de misérables gosses qui vont mourir dès les premières heures passées sur Styx.
-Mon avis est basé sur des observations précises et réfléchies, frère sergent. insista Hermas. Ces candidats sont parfaitement recevables.
Herkar capitula face à l'apothicaire par un grognement agacé et un vague geste de la main, avant de se détourner des adolescents terrifiés pour aller rejoindre son escouade.
-Je n'aime pas ça, frères. grommela-t-il. Ce cycle sera non seulement maigre en effectif, mais la qualité ne sera pas forcément au rendez vous.
-Si ils passent le Rituel avec succès, alors c'est qu'ils sont qualifiés pour ce qu'on attend d'eux. statua frère Orbos. Nous ne pouvons nous permettre le luxe de faire un premier tri avant de voir de quoi ils sont vraiment capables.
-Je suis de son avis, frère sergent. Tu ne devrais pas juger le cheval à sa robe. acquiesça Elos.
-Ce n'est pas non plus une fois qu'on est monté dessus et qu'il s'est brisé les pattes après quelques mètres qu'il faut nourrir du regret. rétorqua sèchement Herkar. Mais tu as raison. Quoi qu'il se passe, nous ne pourrons pas juger d'eux avant de les avoir vu sur le terrain.
Un moment de silence passa, durant lequel les quatre terminators de l'escouade Herkar jaugeaient les jeunes garçons assis en attente de leur jugement. Leur frayeur était compréhensible, de même que leur sentiment d'avoir été salis par leurs camarades corrompus. Mais ils leur faudraient se ressaisir s'ils espéraient prétendre au rang d'Apprenti.
Rajouté à cela, leur manque d'expérience allaient fortement les handicaper, et le sergent space marine ne pouvait s'empêcher de penser que les recevoir aussi vite tenait de l'erreur stupide. De telles décisions ne devaient pas être prises si facilement, car elles pouvaient à terme mettre en danger tout le futur du Chapitre.
Mais au delà de ses reproches, le vétéran faisait confiance à ses seigneurs, et considéra que, toute chose considérée, si ils avaient pris cette décision c'est qu'il n'y avait pas d'autres alternatives, ou que ces garçonnets étaient effectivement prêts dans leurs corps et leurs âmes à devenir des néophytes space marines.
-As tu déjà fait ton choix, frère sergent? lui demanda alors le troisième de ses subordonnés.
-Pas encore, Agamnes. Mais de toute manière ceux qui m'intéressent ne se trouvent pas dans ce groupe là.
Elos se permit un demi sourire et jeta un regard vers le groupe d'adolescents en attente, les observant quelques secondes les poings sur les hanches.
-Tu semble sûr de toi, frère sergent. finit-il par dire. Si ceux ci ne satisfont pas, ce que je peux comprendre parfaitement, sur qui ton regard vénérable s'est il porté?
Herkar réfléchit un court instant avant de prendre le chemin de la sortie, leur faisant signe de le suivre.
-Je ne suis pas encore sûr, frère. Leur âme est en ce moment même testée par notre frère Orgus. Nous allons poursuivre notre inspection de l'avancée des opérations de purges, puis j'irai quérir l'archiviste pour savoir si ces éléments sont dignes de mon choix.
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+++ Burn the Heretic +++
+++ Purge the Unclean +++
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
Bon , trés bon, quel régal que de te lire !!!
Je suis fan.
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Ok mes agneaux, viandez moi ces Loqueteux
La prévision est difficile, surtout lorsqu'elle concerne l'avenir. P.Dac
Babindeldotar Scout - Messages : 136
Age : 46
Localisation : Bordeaux
Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
Merci Babindeldotar!
Ca fait du bien d'avoir des retours! En ce moment surtout, pas trop le temps de me consacrer à mes écrits, j'ai pas mal de boulot sur la reformation RP de mon forum, mais j'arrive à écrire quelques lignes de temps en temps... C'est long et fastidieux, mais j'y arriverai, haha!
Ca fait du bien d'avoir des retours! En ce moment surtout, pas trop le temps de me consacrer à mes écrits, j'ai pas mal de boulot sur la reformation RP de mon forum, mais j'arrive à écrire quelques lignes de temps en temps... C'est long et fastidieux, mais j'y arriverai, haha!
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
Prie les ombres puissances chaotique pour que ses souhaits sois exaucés
Ok mes agneaux, viandez moi ces Loqueteux
La prévision est difficile, surtout lorsqu'elle concerne l'avenir. P.Dac
Babindeldotar Scout - Messages : 136
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E.- La Croisade Maudite -Livre I: Egorgeurs des Cieux
hérétique! héhé!
LA PURIFICATION DE Taygète fut appliquée rapidement et sans pitié par les Sky Slaughters. Personne ne trouva à y redire, parce que tout le monde passa par leur jugement, du simple citoyen au noble se pensant intouchable, du militaire de carrière au juge Arbites à la retraite. Chaque citoyen fut observé par les seigneurs venus des étoiles, jugé et, si besoin en était, purifié. Puis à son tour, il devait s'assurer que ses concitoyens n'étaient pas touchés par la souillure du Chaos.
Quand les guerriers d'Angelius eurent fini de s'assurer que la Phalange de Sparta était exempte de toute corruption, ils les chargèrent alors de procéder au même examen auprès de la populace. Le mot d'ordre était simple: pas d'exception, pas de délai. La corruption devait être trouvée et éradiquée. Et les hommes du major Andracus appliquèrent les ordres à la lettre, avec zèle et application.
Ils commencèrent par raser la jungle bordant la cité, en la bombardant toute la nuit sans discontinuer, faisant pleuvoir un déluge d'obus incendiaires dans un vacarme apocalyptique. Sous les yeux vigilants des Astartes qui achevaient de s'assurer du futur de leur Chapitre en pacifiant la Caserne, la jungle jadis luxuriante fut réduite à une étendue de terre vitrifiée, noire comme les abysses.
Puis la Première Compagnie fit rassembler les gardes planétaires et les firent examiner par leur archiviste.
A la grande fierté du Gouverneur Dekris lui même, aucun des hommes ayant purifié par le feu l'épicentre de l'épidémie n'avaient été touchés par les miasmes de la déchéance.
Dès les premières heures de la purge qui s'ensuivitles cinq premières Compagnies des Phalanges descendirent en ville, après leur passage en revue, accompagnés de juges et de chasseurs de sorciers. En fin de matinée, la totalité d'un régiment des FDP cantonnés à Taygète opérait librement dans la cité et ses alentours, à la recherche de toute trace de déviation.
Lorsque le soleil atteint son zénith, tandis que la Caserne était toujours rigoureusement placée sous quarantaine et que la haute cité était fermée à quiconque, les premiers bûchers élevés à la hâte commencèrent à obscurcir le ciel.
Lorsque l'astre roi reprit son cycle pour la deuxième fois, le Gouverneur de Sparta reçut un premier rapport complet du major, faisant état de près de mille cinq cent exécutions sommaires, et du double de cas en attente de confirmation. Flavien Dekris était un homme aimant son peuple, et il s'était juré de ne pas voir Sparta condamnée par la faute d'une poignée de ses habitants. Il ordonna sans hésitation, mais la peine au coeur, l'exécution immédiate de ces cas en attente, afin de s'assurer que rien ne donnerai à la corruption la possibilité de proliférer.
De rares témoignages rapportent que si certains des condamnés tentèrent de résister à leur funeste destin, ou y firent face en pleurant et implorant pitié, la grande majorité de ceux qui perdirent la vie le firent avec sérénité en entonnant des chants et des prières à la gloire de l'Empereur qu'ils allaient retrouver.
En début de soirée, le Gouverneur s'enferma dans ses quartiers dans l'espoir de ne plus entendre les chants qui s'élevaient de la cité, en vain. Presque chaque tirade était ponctuée par le roulement des détonations d'un peloton d'exécution, mais jamais le chant ne perdit sa force, jusqu'à tard dans la nuit quand les derniers cas suspectés d'hérésie furent traités.
Au petit matin du troisième jour, Taygète était enfermée dans un silence endeuillé et voilée des fumées de centaines de bûchers funéraires, telles un linceul. Huit mille trois cents citoyens avaient été mis à mort pour endiguer la souillure du Chaos. Parmi eux, seulement trois mille cas avérés de déviance notoire ou d'hérésie flagrante. Les autres furent victime de la suspicion qui pesa sur eux, et qui avait peut être été totalement injustifiée.
Dekris se tenait sur son balcon, les vêtement froissés, les yeux creusés de profonds cernes, et une infâme boule dans le ventre qui ne semblait pas vouloir le quitter. Mains dans le dos, il regardait, livide, les colonnes de fumée noire qui s'élevaient dans le ciel rosé de l'aube.
Plus aucun son ne s'élevait de Taygète.
Plus aucun chant.
-Puisse l'Empereur accueillir les innocents que j'ai envoyé au trépas. murmura-t-il d'une voix rauque.
-Ils sont morts en sachant combien ils Le servaient bien par leur sacrifice. répondit une voix profonde derrière lui. Il se retourna vers le chapelain Honorius et fixa le masque macabre du space marine.
-Ce qui est fait est fait, nul besoin de continuer à en parler. déclara sèchement le Gouverneur après un bref soupir. Il réajusta plus ou moins bien son plastron et sa redingote, puis entra dans son bureau en reprenant la parole. Taygète est sécurisée, grâce soit rendue à l'Empereur, et j'ai ouïe dire que Andracus est prêt d'achever la purification de la vallée.
-Vos hommes ont fait du bon travail, je ne me serai pas attendu à autant de rapidité. admit Honorius en le laissant passer.
-De ce que je sais, il n'ont pas fait face à beaucoup d'obstacles. maugréa Dekris en s'asseyant devant une pile de dossiers. Nos voisins de l'agrocité de Tanaus ont eu la bonté de m'informer qu'ils ont commencé le même travail que nous au cas où, mais aux dernières nouvelles, il n'y a pas eu autant de cas qu'ici.
Il leva des yeux fatigués mais encore féroces vers le chapelain.
-J'aime à penser que nous avons réussi à stopper la gangrène qui aurait autrement risqué d'emporter ce monde sur lequel je veille. Mais je prie le Trône pour ces citoyens que nous avons si gracieusement offerts à nos cousins Praetors. J'ose espérer qu'ils ne portent pas la graine de l'hérésie en eux, sans quoi c'en est fait de notre alliance. Sans mentionner notre honneur.
-Votre honneur restera intact, gouverneur, car vous avez fait votre devoir avec rapidité et efficacité. De plus, Sparta est toujours officiellement territoire Astartes, il nous reste donc notre mot à dire. Le capitaine Angelius considère pour sa part que vous vous êtes acquitté de votre tâche comme il se doit et qu'il n'y a rien d'autre à ajouter.
-Sa confiance m'honore, chapelain. J'espère que nous en resterons effectivement là.
-C'est la volonté du capitaine. Il vous incombe de vous assurer que le reste de Sparta soit purifié des hérétiques, et de tirer un trait sur ce malheureux événement. En ce qui nous concerne, le Rituel a déjà été trop repoussé. Nous allons faire notre sélection maintenant, puis nous en irons sur Styx. Nos serfs locaux tâcherons de vous aider, mais vous ne bénéficierez plus de notre aide désormais.
-Je comprends, monseigneur. Je me porte garant du sort de Sparta, nous ne laisserons nul hérétique respirer notre air. La purge continuera.
Dekris refoula sa déception derrière un masque de résolution, tentant de cacher au space marine combien il aurait souhaité que ses seigneurs restent sur Sparta pour supporter ses efforts, et repousser leur Rituel le temps que Sparta soit mise hors de danger.
Honorius n'était pas dupe, pourtant il ne releva pas le sentiment réprobateur qui se lisait sur le visage du Gouverneur. Tel était son rôle. Il devait en assumer tout les aspects, même les plus désespérants si Sparta espérait un jour être un monde impérial autosuffisant.
En son for intérieur, Honorius n'approuvait pas la décision du Maître de Chapitre de se séparer de Sparta pour les laisser prospérer hors de leur tutelle. C'était une décision stupide, et une perte stratégique d'importance, mais il comprenait néanmoins la dette que Grivus considérait avoir vis à vis du peuple de Sparta.
Les Anciens et Dekris lui même avait toujours déclaré que les Sky Slaughters serait toujours les bienvenus sur Sparta et que leurs domaines seraient toujours leurs, mais Honorius connaissait trop bien les aléas de l'esprit humain pour savoir que les âges effaceraient peu à peu la solennité de l'instant et que bientôt les Sky Slaughters seraient oubliés de la population de ce monde qui avait été le leur depuis des siècles.
Seule une poignée de membres privilégiés du Chapitre savaient pourquoi Grivus avait pris une telle décision, et le chapelain en faisait partie. Ce n'était pas un sujet ouvert à la discussion. La décision du Maître de Chapitre était sans appel. Dans quelques années, Sparta serait cartographié comme monde impérial, mais sa qualité de domaine Astartes serait effacée.
Dekris se leva doucement, puis après un dernier regard vers la fenêtre du balcon, épiant le moindre bruit provenant de la cité meurtrie, il hocha la tête à l'attention du chapelain.
-Où souhaitez vous tenir le Rituel, monseigneur?
-La sélection s'effectuera à la Caserne, aux abords des vestiges de cette jungle qui a bien faillit mettre un terme à la prospérité de Sparta. Les épreuves auront lieu sur le sol purifié de ce nid du Mal, puis les voeux seront prononcés sur la grand place de la Caserne.
-Quand comptez vous procéder?
-Le plus vite possible. Dès demain, en vérité. Nos frères sont prêts, et nous commencerons sitôt notre jugement prononcé et les peines appliquées.
Dekris cilla, et fronça les sourcils.
-Quel jugement, monseigneur?
-Ce qui est arrivé dans la jungle n'est pas un accident. C'est le résultat d'une décision inconsidérée et profondément blasphématoire. Celui qui a donné ces ordres n'est pas pour le moment à notre portée, et son jugement sera prononcé sur Styx. Mais ceux qui ont suivi ces ordres doivent être châtiés comme il se doit. Et nous le ferons en prélude de notre sélection, afin de montrer à tous le danger que représente le fait de s'égarer hors du sentier de l'Empereur.
-Nous avons pourtant exécuté les coupables... C'est chose faite, monseigneur. De qui voulez vous donc parler? Qui doit être jugé ainsi?
Honorius demeura silencieux une poignée de secondes, comme s'il détestait devoir annoncer ce qui avait été décidé. Ce que lui même avait décrété avec l'aval du Premier Capitaine.
Il riva ses optiques sur Dekris, et lâcha le nom dans un soupir résigné.
-Le Disdaskalos Homeros. Lui et ceux qui ont aidé à cette folie doivent être punis.
***
LA PURIFICATION DE Taygète fut appliquée rapidement et sans pitié par les Sky Slaughters. Personne ne trouva à y redire, parce que tout le monde passa par leur jugement, du simple citoyen au noble se pensant intouchable, du militaire de carrière au juge Arbites à la retraite. Chaque citoyen fut observé par les seigneurs venus des étoiles, jugé et, si besoin en était, purifié. Puis à son tour, il devait s'assurer que ses concitoyens n'étaient pas touchés par la souillure du Chaos.
Quand les guerriers d'Angelius eurent fini de s'assurer que la Phalange de Sparta était exempte de toute corruption, ils les chargèrent alors de procéder au même examen auprès de la populace. Le mot d'ordre était simple: pas d'exception, pas de délai. La corruption devait être trouvée et éradiquée. Et les hommes du major Andracus appliquèrent les ordres à la lettre, avec zèle et application.
Ils commencèrent par raser la jungle bordant la cité, en la bombardant toute la nuit sans discontinuer, faisant pleuvoir un déluge d'obus incendiaires dans un vacarme apocalyptique. Sous les yeux vigilants des Astartes qui achevaient de s'assurer du futur de leur Chapitre en pacifiant la Caserne, la jungle jadis luxuriante fut réduite à une étendue de terre vitrifiée, noire comme les abysses.
Puis la Première Compagnie fit rassembler les gardes planétaires et les firent examiner par leur archiviste.
A la grande fierté du Gouverneur Dekris lui même, aucun des hommes ayant purifié par le feu l'épicentre de l'épidémie n'avaient été touchés par les miasmes de la déchéance.
Dès les premières heures de la purge qui s'ensuivitles cinq premières Compagnies des Phalanges descendirent en ville, après leur passage en revue, accompagnés de juges et de chasseurs de sorciers. En fin de matinée, la totalité d'un régiment des FDP cantonnés à Taygète opérait librement dans la cité et ses alentours, à la recherche de toute trace de déviation.
Lorsque le soleil atteint son zénith, tandis que la Caserne était toujours rigoureusement placée sous quarantaine et que la haute cité était fermée à quiconque, les premiers bûchers élevés à la hâte commencèrent à obscurcir le ciel.
Lorsque l'astre roi reprit son cycle pour la deuxième fois, le Gouverneur de Sparta reçut un premier rapport complet du major, faisant état de près de mille cinq cent exécutions sommaires, et du double de cas en attente de confirmation. Flavien Dekris était un homme aimant son peuple, et il s'était juré de ne pas voir Sparta condamnée par la faute d'une poignée de ses habitants. Il ordonna sans hésitation, mais la peine au coeur, l'exécution immédiate de ces cas en attente, afin de s'assurer que rien ne donnerai à la corruption la possibilité de proliférer.
De rares témoignages rapportent que si certains des condamnés tentèrent de résister à leur funeste destin, ou y firent face en pleurant et implorant pitié, la grande majorité de ceux qui perdirent la vie le firent avec sérénité en entonnant des chants et des prières à la gloire de l'Empereur qu'ils allaient retrouver.
En début de soirée, le Gouverneur s'enferma dans ses quartiers dans l'espoir de ne plus entendre les chants qui s'élevaient de la cité, en vain. Presque chaque tirade était ponctuée par le roulement des détonations d'un peloton d'exécution, mais jamais le chant ne perdit sa force, jusqu'à tard dans la nuit quand les derniers cas suspectés d'hérésie furent traités.
Au petit matin du troisième jour, Taygète était enfermée dans un silence endeuillé et voilée des fumées de centaines de bûchers funéraires, telles un linceul. Huit mille trois cents citoyens avaient été mis à mort pour endiguer la souillure du Chaos. Parmi eux, seulement trois mille cas avérés de déviance notoire ou d'hérésie flagrante. Les autres furent victime de la suspicion qui pesa sur eux, et qui avait peut être été totalement injustifiée.
Dekris se tenait sur son balcon, les vêtement froissés, les yeux creusés de profonds cernes, et une infâme boule dans le ventre qui ne semblait pas vouloir le quitter. Mains dans le dos, il regardait, livide, les colonnes de fumée noire qui s'élevaient dans le ciel rosé de l'aube.
Plus aucun son ne s'élevait de Taygète.
Plus aucun chant.
-Puisse l'Empereur accueillir les innocents que j'ai envoyé au trépas. murmura-t-il d'une voix rauque.
-Ils sont morts en sachant combien ils Le servaient bien par leur sacrifice. répondit une voix profonde derrière lui. Il se retourna vers le chapelain Honorius et fixa le masque macabre du space marine.
-Ce qui est fait est fait, nul besoin de continuer à en parler. déclara sèchement le Gouverneur après un bref soupir. Il réajusta plus ou moins bien son plastron et sa redingote, puis entra dans son bureau en reprenant la parole. Taygète est sécurisée, grâce soit rendue à l'Empereur, et j'ai ouïe dire que Andracus est prêt d'achever la purification de la vallée.
-Vos hommes ont fait du bon travail, je ne me serai pas attendu à autant de rapidité. admit Honorius en le laissant passer.
-De ce que je sais, il n'ont pas fait face à beaucoup d'obstacles. maugréa Dekris en s'asseyant devant une pile de dossiers. Nos voisins de l'agrocité de Tanaus ont eu la bonté de m'informer qu'ils ont commencé le même travail que nous au cas où, mais aux dernières nouvelles, il n'y a pas eu autant de cas qu'ici.
Il leva des yeux fatigués mais encore féroces vers le chapelain.
-J'aime à penser que nous avons réussi à stopper la gangrène qui aurait autrement risqué d'emporter ce monde sur lequel je veille. Mais je prie le Trône pour ces citoyens que nous avons si gracieusement offerts à nos cousins Praetors. J'ose espérer qu'ils ne portent pas la graine de l'hérésie en eux, sans quoi c'en est fait de notre alliance. Sans mentionner notre honneur.
-Votre honneur restera intact, gouverneur, car vous avez fait votre devoir avec rapidité et efficacité. De plus, Sparta est toujours officiellement territoire Astartes, il nous reste donc notre mot à dire. Le capitaine Angelius considère pour sa part que vous vous êtes acquitté de votre tâche comme il se doit et qu'il n'y a rien d'autre à ajouter.
-Sa confiance m'honore, chapelain. J'espère que nous en resterons effectivement là.
-C'est la volonté du capitaine. Il vous incombe de vous assurer que le reste de Sparta soit purifié des hérétiques, et de tirer un trait sur ce malheureux événement. En ce qui nous concerne, le Rituel a déjà été trop repoussé. Nous allons faire notre sélection maintenant, puis nous en irons sur Styx. Nos serfs locaux tâcherons de vous aider, mais vous ne bénéficierez plus de notre aide désormais.
-Je comprends, monseigneur. Je me porte garant du sort de Sparta, nous ne laisserons nul hérétique respirer notre air. La purge continuera.
Dekris refoula sa déception derrière un masque de résolution, tentant de cacher au space marine combien il aurait souhaité que ses seigneurs restent sur Sparta pour supporter ses efforts, et repousser leur Rituel le temps que Sparta soit mise hors de danger.
Honorius n'était pas dupe, pourtant il ne releva pas le sentiment réprobateur qui se lisait sur le visage du Gouverneur. Tel était son rôle. Il devait en assumer tout les aspects, même les plus désespérants si Sparta espérait un jour être un monde impérial autosuffisant.
En son for intérieur, Honorius n'approuvait pas la décision du Maître de Chapitre de se séparer de Sparta pour les laisser prospérer hors de leur tutelle. C'était une décision stupide, et une perte stratégique d'importance, mais il comprenait néanmoins la dette que Grivus considérait avoir vis à vis du peuple de Sparta.
Les Anciens et Dekris lui même avait toujours déclaré que les Sky Slaughters serait toujours les bienvenus sur Sparta et que leurs domaines seraient toujours leurs, mais Honorius connaissait trop bien les aléas de l'esprit humain pour savoir que les âges effaceraient peu à peu la solennité de l'instant et que bientôt les Sky Slaughters seraient oubliés de la population de ce monde qui avait été le leur depuis des siècles.
Seule une poignée de membres privilégiés du Chapitre savaient pourquoi Grivus avait pris une telle décision, et le chapelain en faisait partie. Ce n'était pas un sujet ouvert à la discussion. La décision du Maître de Chapitre était sans appel. Dans quelques années, Sparta serait cartographié comme monde impérial, mais sa qualité de domaine Astartes serait effacée.
Dekris se leva doucement, puis après un dernier regard vers la fenêtre du balcon, épiant le moindre bruit provenant de la cité meurtrie, il hocha la tête à l'attention du chapelain.
-Où souhaitez vous tenir le Rituel, monseigneur?
-La sélection s'effectuera à la Caserne, aux abords des vestiges de cette jungle qui a bien faillit mettre un terme à la prospérité de Sparta. Les épreuves auront lieu sur le sol purifié de ce nid du Mal, puis les voeux seront prononcés sur la grand place de la Caserne.
-Quand comptez vous procéder?
-Le plus vite possible. Dès demain, en vérité. Nos frères sont prêts, et nous commencerons sitôt notre jugement prononcé et les peines appliquées.
Dekris cilla, et fronça les sourcils.
-Quel jugement, monseigneur?
-Ce qui est arrivé dans la jungle n'est pas un accident. C'est le résultat d'une décision inconsidérée et profondément blasphématoire. Celui qui a donné ces ordres n'est pas pour le moment à notre portée, et son jugement sera prononcé sur Styx. Mais ceux qui ont suivi ces ordres doivent être châtiés comme il se doit. Et nous le ferons en prélude de notre sélection, afin de montrer à tous le danger que représente le fait de s'égarer hors du sentier de l'Empereur.
-Nous avons pourtant exécuté les coupables... C'est chose faite, monseigneur. De qui voulez vous donc parler? Qui doit être jugé ainsi?
Honorius demeura silencieux une poignée de secondes, comme s'il détestait devoir annoncer ce qui avait été décidé. Ce que lui même avait décrété avec l'aval du Premier Capitaine.
Il riva ses optiques sur Dekris, et lâcha le nom dans un soupir résigné.
-Le Disdaskalos Homeros. Lui et ceux qui ont aidé à cette folie doivent être punis.
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