[Les Treize Piliers de la Vengeance] - III - Fléau
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[Les Treize Piliers de la Vengeance] - III - Fléau
Je reposte dans cette section ma contribution à la 11ème LdS, en espérant que cela ne soit pas en contradiction avec les règles du forum (je ne pense pas mais bon...). Puisque le récit s'inscrit directement dans le fil directeur de mon recueil de nouvelles sur les Eldars Noirs, j'ai pris la décision de l'y incorporer. Bonne découverte à ceux qui auraient manqué la LdS, ou bonne relecture à ceux qui étaient déjà passés par là
- Spoiler:
Dramatis Personnae :
Thyas : Fléau des Ailes de Sang
Archon Vraesque : Archon de la Cabale du Crâne EcorchéFléau
La nuit était hantée de menaces. Depuis l'horizon, des flashs de lumière se mêlaient au bruit du tonnerre, illuminant durant de courts instants un ciel immense obstrué de nuages cendreux pourchassés par les vents. De son point d'observation sur les toits, son regard parcourait les faîtages et versants de toutes tailles s'étendant à perte de vue, et sur lesquels s'abattait la fureur des éléments.
Il restait figé. Des gouttes glacées glissaient sans bruit sur son armure plus noire que la mort. La pierre de l’édifice était fissurée là où ses serres maintenaient leur pression, comme pour empêcher le bâtiment de s’échapper. Ses mains délicates tenaient fermement un fusil finement ouvragé, la dernière de ses acquisitions. Les muscles de son dos, démultipliés par la présence de ses ailes, étaient tendus tels des câbles sur le point de se rompre. Ses visites périodiques dans les laboratoires puant la viande de Commorragh avaient vu ses souhaits de performance exaucés. Les filets musculaires de sa colonne vertébrale creuse avaient été étirés de façon impossible de façon à ce que chaque plume de ses ailes soit animée par des muscles fins comme des cheveux. Il réprima un frisson au souvenir de cette opération plus longue que douloureuse, grâce à laquelle il avait atteint une liberté de mouvement inégalable. Chaque élément de son corps ainsi plié à sa volonté, ses ailes parfaitement insensibles aux rafales de vent, il demeurait accroupi parmi les statues de héros anonymes dont les noms avaient depuis bien longtemps perdu leur substance.
Seuls ses yeux bougeaient.
Thyas n’éprouvait aucune gêne quant à la pluie qui s’écoulait sur ses lentilles. Son acuité rapace perçait bien au-delà des filtres visuels communs à beaucoup de races, y compris la sienne. Ses pupilles se dilataient et se rétractaient alors qu’il balayait du regard plusieurs profondeurs de champs au travers des ruines inondées. Sa cible était là, dans ce dédale de pierre fendue et d’odyssées oubliées. Il avait refusé le soutien de son employeur, et quoi que d’autres puissent penser, ce n’était pas un caprice dû à son statut. N’importe quel idiot savait que se jouer d’un Fléau s’avérait mortel en cas d’échec. Thyas ne souhaitait aucune interférence, informative ou logistique, simplement par instinct de chasse. Non qu’il ait besoin de prouver ses compétences, son seul refus d’appui extérieur avait suffi à son commanditaire pour ne pas insister. Ce souvenir lui plut, alors que sa nature furtive l’empêchait d’esquisser un sourire. Personne ne savait aussi bien que lui refuser le soutien d’un Archon et apprécier son étonnement et sa résignation. Ses récompenses n’en étaient que plus grandes, après tout…
Le tonnerre retentit, et Thyas se maudit d’avoir baissé sa vigilance durant quelques secondes en serrant imperceptiblement son fusil plus fort. Sa concentration revint, plus forte que jamais. Déjà plusieurs jours de veille, s’il était seulement possible que cet endroit connaisse le jour, pensa-t-il. Seules les dernières heures s’étaient montrées profitables. Sa position – que beaucoup auraient qualifié de suicidaire – tout en haut d’une tour éventrée, lui offrait une vue panoramique des ruines immergées. Alors que beaucoup auraient pris position dans un renfoncement discret, Thyas avait choisi de se fondre dans le décor de la façon la plus criarde possible. Il apparaissait comme une statue parmi d’autres, ses émissions corporelles réduites au minimum. Seul son cœur risquait de le trahir, mais le cartilage de résonance dont il s’était vu entourer rendait Thyas plus mort qu’il n’était possible de l’être pour n’importe qui.
Seulement voilà, sa cible n’était pas n’importe qui. L’Archon Vraesque était connu, outre pour sa puissance militaire et diplomatique, comme quelqu'un d’extrêmement méfiant même selon les standards Eldars Noirs. Chacune de ses apparitions était minutieusement organisée selon une prévoyance et une paranoïa totale, dont même Asdrubael Vect ne pouvait rivaliser. Après tout, celui-ci est avant tout protégé par son statut, et la moindre nouvelle de ses déplacements creuse un puits de terreur parmi les victimes de sa colère future. Vraesque se savait d’autant plus visé par ses rivaux que seule la Cabale de Vect dépassait la sienne en termes de puissance militaire. N’importe qui aurait été assez fou pour s’en prendre à lui verrait l’opportunité de lui ravir sa place, et ainsi d’accéder directement à un des échelons les plus puissants de la Cité.
Pour Thyas, ce moment était arrivé.
L’Archon Vraesque et sa suite avaient débarqué dans les ruines peu avant le début de l’averse, et Thyas s’était vite rendu compte que cette dernière ne s’était pas déclenchée par hasard. La planète connue sous la dénomination impériale Logos n’était qu’un caillou jonché de cités en ruines, perpétuellement écrasé sous un ciel orageux et oppressant. Avant même la naissance de Thyas, lors de l’éveil de la Grande Ennemie, toute la population de la planète avait été aspirée par son appétit béant. Sous son influence, Logos avait saigné par son sol un mucus noir et goudronneux qui avait noyé les cités magnifiques et réduit à néant le sublime aspect des héros d’ antan, devenus les gardiens rocheux du malheur de ce monde. Et Thyas se moquait éperdument de leurs noms. Ils lui servaient à améliorer sa couverture, point à la ligne.
Vraesque avait eu vent de la seule ressource valable de Logos, un portail masqué par des champs de dissolution, quelque part dans les ruines. Peu importait sa valeur stratégique, seule la présence de l’Archon avait un intérêt pour Thyas. Ses vaisseaux étaient apparus en une grappe serrée d’éperons assassins, et avaient effectué une descente rapide vers une allée d’anciens jardins totalement disloquée. Cette même allée que le Fléau avait face à lui.
Plusieurs centaines de mètres en contrebas, Vraesque coordonnait la préparation du portail en vue de son ouverture. Plusieurs Raiders remplis d’esclaves étaient venus décharger leur chargement boiteux et paniqué, et l’averse avait commencé lorsque le premier d’entre eux avait été écartelé. Ce qui ne fut qu’au départ une vague coïncidence devint vite limpide pour Thyas. Le portail renfermait quelque chose d’important, soit. Mais quelque chose dont la planète était la gardienne. Quelque chose dont les orages constants reflétaient la rage et exprimaient un avertissement. Alors que le sang des esclaves continuait d’abreuver la pierre des jardins, la pluie s’était mise à tomber en une supplication infiniment triste, un moyen de convaincre les tortionnaires de ne pas provoquer par leurs actes un cataclysme atroce.
Logos pleurait.
Une vingtaine de guerriers avaient établi un périmètre de sécurité et scannaient la zone du regard, mais Thyas se savait pertinemment hors de danger. La suite d’Incubes de Vraesque formait un cordon protecteur autour de leur maître, défiant n’importe quel fou qui aurait osé s’approcher. Leurs klaives luisaient d’une lueur maladive sous les éclairs et dégageaient un nuage de vapeur alors que la pluie s’évaporait à leur contact. La forme frêle du Fléau n’offrait pas de comparaison favorable si un combat de mêlée devait survenir, et Thyas se jura d’éviter un engagement qui l’amènerait à portée de lame. Fort heureusement, sa cible ne comptait pas parmi les rangs des guerriers de Khaine. Levant les yeux vers le ciel horrible, jaugeant la vitesse du vent et la force de l’averse, il sourit.*
Il se déplaçait parmi les ombres depuis un temps qu’il ne comptait plus. Les hyperdrogues prises régulièrement depuis le début de sa mission avaient embrumé son cerveau, et il se maudit d’avoir perdu sa lucidité dans un moment aussi crucial. Les injections étaient pour la plupart conçues pour un usage ponctuel, censées délivrer un éventail de performances durant un laps de temps court. Leurs effets sur une si longue période pouvaient être considérés au pire comme catastrophiques, au mieux comme indésirables. Ses observations avaient néanmoins plus que porté leurs fruits. Depuis la falaise aiguisée d’où il avait scruté la cité, il avait été témoin de l’arrivée des vaisseaux, nés d’une verdâtre fleur céleste. La pluie était arrivé un peu plus tard, rendant glissantes et traitresses les arêtes rocheuses sur lesquelles il se trouvait. Sa cartographie des ruines était prête depuis des heures. Il aurait même pu passer par en-dessous en s’immergeant s’il l’avait voulu. Indigne fut le seul mot qui lui vint à l’esprit pour qualifier cette approche. Un tir longitudinal aurait été bien trop risqué, malgré ses performances hors-pair. Il y avait tout simplement trop de mouvements de la part de beaucoup d’éléments qui auraient pu à tout moment couper la trajectoire de son projectile.
Malgré le doute qui se terrait derrière son cerveau, il avait choisi de tirer sa lame Shaimeshii, dont le tranchant sans éclat allait provoquer une mort quasi-instantanée. Il déposa près de son fusil un récepteur de phase, objet sans lequel l’approche à venir aurait été impossible. Du moins, pour sa sécurité. La mission aurait été accomplie, mais il ne voulait en aucun cas mourir pour elle. Son orgueil ne lui permettait tout simplement pas une telle éventualité.
Prenant une profonde inspiration, il sentit l’air emplir ses poumons et les interstices entre ses organes. Les filets frais envahirent ses os, et ceux-ci réagirent en changeant l’azote en fluide à haute vélocité et à faible densité. De cette façon, il se rendait plus léger et donc plus maniable. Plus vif à tuer. Il déploya ses ailes noires et donna sur ses jambes une impulsion démentielle, qui le fit s’élever plus vite que n’importe quel oiseau de proie dans le ciel tourmenté. Ayant grimpé à son altitude optimale, il estima à travers son casque la trajectoire à prendre pour une efficacité maximale. Un éclair le frôla, sans l’inquiéter outre mesure ni refléter sa teinte sur son armure de ténèbres. Lorsque ses sens eurent visualisé le vecteur d’attaque parfait, un déclic se produisit qui le fit inverser sa course et plonger dans un silence total. Il avait ramené ses ailes derrière lui et orienté ses bras de façon à ce que l’air n’émette aucun son en frottant ses plaques d’armure. Un Fléau utilisait les trois quarts du temps une arme à distance pour exécuter une cible, mais certaines circonstances exigeaient des mesures plus risquées. Cependant, il avait pris suffisamment de mesures pour ramener ce risque près du zéro absolu.
Son plongeon l’amènerait sur la gorge de sa cible. Il ouvrirait ses ailes juste avant de toucher le sol et planterait ses serres dans le poitrail de sa victime en lui tranchant la carotide dans le même mouvement. Une fois le coup fatal délivré, il activerait dans la même seconde son champ de phase qui le ramènerait à son emplacement initial, sur la falaise. Tout se déroulait selon son plan, et son rythme cardiaque accéléra dans l’excitation. Alors qu’il armait son bras pour frapper, le doute qui logeait dans sa tête lui revint, plus vrai et terrifiant que sa chute. Dans sa préparation, sa connaissance de l’environnement et sa cartographie, au milieu du maelstrom provoqué par les drogues, quelque chose avait changé.*
L’Incube leva la tête une fraction de seconde avant que la silhouette ne soit fauchée dans le craquement horrible de ses os emplis d’air. Le corps heurta le sol alors que résonnait le claquement du tir d’une arme longue. Dans l’instant, une botte acérée vint écraser le dos de l’assassin vaincu, alors qu’une paire de mains blindées empoignait fermement ses ailes fragiles. Son sang s’écoulait à travers un trou béant dans sa cage thoracique, ses organes mis à nu exsudant une puanteur délicieuse.
« - Tiens tiens, voyez qui voilà ! » lança Vraesque à ses Incubes dans une surprise feinte. « Moi qui craignais m’être donné tout ce mal pour rien, quel investissement aurais-je perdu si tu n’étais pas venu ! » poursuivit-il, lançant un regard vers la tour la plus proche.
Il ramassa la dague empoisonnée et s’accroupit face au Fléau, examinant la lame d’un air amusé.
« - A présent j’aimerais savoir une chose… » Entama-t-il alors que le garde du corps resserrait sa prise. Il arracha le casque aviaire du Fléau et croisa son regard baigné de souffrance. Levant la lame à hauteur de ses yeux modifiés, il observa avec fascination les relents du poison commencer à ronger les précieux globes oculaires. Très vite, les orbites furent changés en masses noires et cloquées dans les râles de l’Eldar meurtri. Sur le visage de Vraesque se dessina un sourire carnassier.
« - Comment vas-tu voler désormais, petit oiseau ? »
Dans un bruit écœurant, l’Incube arracha les ailes qu’il tenait, ajoutant au tonnerre un hurlement atroce.
Et la pluie se fit plus forte.
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Mon récit en cours sur la VIIIème Légion :
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Mes reportages historiques, c'est par là : Ad Memoriam
"Mourez comme vous avez vécu, fils de la VIIIème Légion. Drapés de nuit." Konrad Curze.
"Vous êtes une race de proies, rien de plus, rien de moins." Asdrubael Vect.
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