[LETTRE DE SANG 11] Le Glas

Année 2000 du Calendrier Impérial

La nuit était hantée de menaces. Depuis l'horizon, des flashs de lumière se mêlaient au bruit du tonnerre, illuminant durant de courts instants un ciel immense obstrué de nuages cendreux pourchassés par les vents. De son point d'observation sur les toits, son regard parcourait les faîtages et versants de toutes tailles s'étendant à perte de vue, et sur lesquels s'abattait la fureur des éléments. Une pluie lourde ruisselait sur les quelques ardoises fracturées recouvrant des charpentes mise à nu. L'ondée chutait également sur ses robes noires comme les ténèbres. Celles-ci l'alourdissaient et rendaient sa progression plus laborieuse à chaque pas. Le meneur de la bande, encapuchonné et détrempé planta sa main griffue dans une planche de bois pourrie par le passage du temps et des intempéries, s'assurant ainsi une prise plus sûr pour observer les toitures de la ville dévastée. Sans même se retourner, ou jeter un regard à ses acolytes il leur siffla des directives de façon brève et autoritaire. Ces derniers eurent tôt fait de disparaître dans la pénombre et les brumes qui recouvraient les rues en contrebas. Le chef, un dénommé Xintziu se tourna vers le seul de ses «hommes» resté à ses cotés.
«Est-ce encore loin Sorcier?»  


Proches, ils étaient proches de leur but. Tel des ombres au cœurs des ténèbres ils étaient invisibles pour l’œil profane. Tantôt bondissant, tantôt rampant, le plus souvent en courant ils se rapprochaient inexorablement de leur destinée. Leurs sens étaient grandement réduits par les éléments déchaînés. Cependant, ils entendaient les hurlements guerriers couplés au cris d'agonie dans les rues zigzagantes de l'agglomération en ruine. Ils voyaient des incendies surnaturels ravager quelques charpentes encore intactes, et souvent des silhouettes enflammées chutaient des hauteurs de la ville, prises dans des flammes dévastatrices. Leurs odorats perfectionnés appréhendaient des milliers de nuances de fluides de peur, de sang, de pisse et de sueur qui flottaient dans l'air vicié de la cité des damnées...  


«C'est là, je peux la sentir. Ses effluves bénites irradient la puissance du Cornu!
-Tu en es sûr sorcier?»
Le vieux thaumaturge resta silencieux. Dans un geste dédaigneux, il pointa une main bestiale en direction du bastion dominant les édifices alentours...  


Le bâtiment était vaste et rectangulaire, c'était autrefois un monastère sous la tutelle de Véréna. Un peu plus d'une année auparavant, des dizaines de moines et de sœurs y révéraient leur déesse. Désormais, ni les occupants du temple, ni la bande qui se faufilait discrètement vers celui-ci n'en n'avaient cure. Les premiers avaient choisis cette bâtisse pour des raisons stratégiques. Il n'y avait qu’une seule entrée dans le lieu de culte, et une lourde porte en bois d'ébène du Nordland, miraculeusement indemne, bloquait cet accès. Les rares fenêtres étaient étroites et percées de barreaux d'acier nain, et étaient plus utiles en tant que meurtrières que pour laisser entrer la lumière du jour. A cela s'ajoutait des murs épais en pierre de taille, et une possibilité d'accéder à un chemin de ronde juste en bordure du toit. Une cour intérieure donnait accès à chaque ailes de l'abbaye et servait de centre névralgique idéal pour organiser une éventuelle défense. Enfin, sur le flan nord, un clocher solitaire s'élevait tel un donjon bretonnien. Le capitaine de l'expédition marienburgeoise qui s'était installée dans ce lieu avait un temps envisagé de se servir de ce beffroi comme d'une tourelle d'observation. Malheureusement pour lui, la catastrophe avait rendu les fondations de la tour plus que fragile et le risque d'effondrement était trop grand. Cependant le capitaine Konrad Strauszer avait fait un choix plus que judicieux en s’établissant dans le monastère. L'architecture de l'endroit, et la bénédiction de la déesse assurait une toute relative sécurité dans cet océan de folie, d'immoralité et de corruption qu'était devenu la capitale de l'Ostermaark. Mais même Véréna, déesse de la justice, ne pouvait s'interposer contre les assassins qui infiltraient silencieusement son temple, et surtout pas face à la vindicte de le leur Dieu maléfique...  


Sa bande était prête, Xintziu pouvait compter sur une bonne dizaine de Vermineux, plus un sorcier du clan Eshin. Une force de frappe conséquente et efficace. L'adepte assassin grinça aussi furtivement que possible dans un queekish emprunt d'un fort accent oriental l'ordre d'attaque à ses subordonnés....    


Nicolaus Wolfstreddel jura dans le plus pur style des dockers de Marienburg. Sa bouteille de schnaps, qu'il avait discrètement dérobé dans la cave du monastère, était vide. Assurément ça n'avait rien d'illogique. Il avait éclusé comme un nain alcoolique depuis sa prise de quart. Il fallait bien qu'il réchauffe ses vieux os transies par le froid et l'humidité.
Surtout que le capitaine l'avait mis avec cet imbécile de Ludwig, boire était nécessaire pour supporter ce gros lourdaud. Le vrais souci c'était qu'il avait attaqué la surveillance depuis à peine dix minutes et qu'il avait bu sa flasque en autant de temps. Il pesta de nouveau. Être sous la pluie, de nuit, dans cette ville de fous, avait de quoi  
rendre un n'importe quel garde un brin acariâtre. Il balaya les rues alentours de son regard. Rien à signaler à part un vagabond qui fuyaient à toute jambes, sans doute pour protéger quelque butin, ou pour échapper à ces dégénérés de saltimbanques et leurs kermesses impies. Il scruta ensuite les toitures en face de lui. La plupart n'étaient que ruines  et gravas. Sur une vieille bâtisse en face de lui il y avait une affreuse gargouille en forme de rat humanoïde. Elle était laide, mais extrêmement réaliste, Nicolaus pouvait même voir briller les yeux de la statue...  


Le vermineux déglutit. Ça avait été moins une. Cette stupide chose-homme l'avait regardé droit dans les yeux pendant quinze bonnes secondes. Le pire avait été évité, c'était l'essentiel. Il dissimula sa sarbacane dans un repli de ses fripes et se mis en mouvement...


Ludwig Swharztow grimaça. Cet alcoolique de Nicolaus s'était encore endormis pendant sa garde. Il allait devoir faire de nouveau un rapport au Capitaine. Surtout qu'ils n'étaient pas dans un tripot de Nuln ici. Cette ville était dangereuse, très dangereuse même. Il regrettait de s’être engager dans cette bande de mercenaires. Certes la solde était mirobolante, surtout qu'il y avait de quoi s'enrichir en pillant les ruines ou en détroussant les cadavres, mais le risque était trop grand. Près de la moitié de leur contingent avait passé l'arme à gauche lors de la recherche de ces pierres magiques. Et ils leur restaient encore à traverser une bonne partie de cette désolation qu'était Mordheim. Il donna un vigoureux coup de pied à son ivrogne de camarade. Ce dernier ne broncha pas, affalé sur une poutre pourrie il conservait néanmoins sa bouteille à la main. Ludwig se pencha pour secouer le poivrot avec vigueur, et il s'avisa de la fléchette plantée dans le cou de son compagnon. Paniqué, il jeta un rapide coup d’œil par dessus le rempart, afin de découvrir quel danger le guettait, lui et ses conscrits. Il n'eut pas le temps de voir le shuriken lui arriver droit dans la tête...  


Xintziu examina brièvement la cour intérieure du bâtiment. Lui et ses gars avaient rejoint le monastère depuis les toitures adjacentes. Et ce, au moyen de grappins tendus entre les faîtages. Les cordes allaient rester en place pour assurer une retraite aux skavens au cas ou il ne puissent pas rejoindre les égouts. Les vigies avaient été éliminées avec une facilité déconcertante. Rien d'étonnant au regard de l'infériorité des humains. Il assimila l'emplacement et la disposition des objets dans cette cour. Un coffre à l'aspect massif attira son regard. C'était certainement là que ces spoliateurs avaient caché le bloc de Malepierre brute qu'ils avaient dérobé ce matin même au nez et à la barbe des fidèles serviteurs du Cornu. Xintziu intensifia son inspection. L'atrium était occupé par trois chose-hommes, plus un quatrième assoupis dans un hamac de fortune sous un préau. La pluie dégoulinait le long des chenaux et leurs assuraient une plus grande discrétion pour opérer. Avec un peu de chance ils allaient pouvoir tuer ces brigands et escamoter la Malepierre sans alerter le reste des humains...


Helmut était adosser contre un mur, en train de fumer une pipe naine lorsqu'une ombre bondit de la paroi et lui planta des griffes de combats dans l'échine.
Harald ne vit pas la puissante queue descendre le long du parapet et n'eut pas la force de crier lorsque celle ci lui enserra le cou dans une étreinte mortelle.
Fritz, qui se soulageait dans un angle, vit du coin de l’œil son camarade tombé sur le pavé. Il tourna immédiatement sur lui même et se retrouva nez à nez avec un une silhouette encapuchonné qui lui planta une dague suintante de poison en travers de la tempe...  


Xintziu était aux anges, il ne lui restait plus qu'à chaparder la Malepierre, et ils pourraient filer avec le butin sans se faire prendre. Et une fois revenu chez lui, ses maîtres du clan Eshin allaient lui offrir une promotion méritée. A peine cette pensée lui effleura l'esprit qu'un horrible cri déchira la nuit pluvieuse. La chose-homme qui dormait à l'abri de la pluie était en feu, et ses mugissement de douleurs allaient rameuter tous les humains du bâtiment.  


Le capitaine Konrad Strauszer  bondit de sa chaise et se précipita en direction des hurlements. Il était accompagné de quatre de ses hommes qui avaient interrompues leur partie de carte pour le suivre dans les couloirs du lieu de prière. Des bruits d'échauffourée lui parvenaient aux oreilles. La clameur provenait de la cour. Il se maudit intérieurement, il aurait dut garder la pierre magique près de lui, car quoi qu'il se passe à l'extérieur, cette dernière en était sûrement la cause. Lorsqu'il arriva enfin au lieu des affrontements, il fut estomaqué. Ses soldats qui déboulaient d'autres passages affrontaient d'étranges mutants aux allures de rats humanoïdes. Ravalant sa surprise, il dégaina son pistolet et tira en direction d'un homme-rat. N'ayant pas le temps de recharger il saisit son fleuret et le planta dans un monstre qui tentait de s'enfuir en escaladant un mur. Quelque-soit ces abominations, il n'en restait déjà plus qu'une seule dans la cour. Elles avaient été décimées par les tirs de mousquetons de ses hommes. Les pertes étaient minimes, quatre ou cinq Marienburgers étaient morts contre une bonne douzaine des créatures. Il s'approcha du dernier monstre survivant en rechargeant son arme. Il ne fit pas attention aux volutes de fumée qui envahissaient la place...


Xintziu était acculé, il sentait le léger parfum de venin de cobra troglodyte dans les vapeurs suffocantes encombrant les lieux. Il vit un humain s'approcher de lui, arme en main. Il dégaina précipitamment son pistolet à Malepierre ferma les yeux et tira...


Deux tirs d'arme à feu résonnèrent presque simultanément. Mais la pluie et la fumée empêchait à une ombre surplombant la scène de voir l'issu du duel.


Snotlizeex ricana, percher sur le beffroi du monastère il regardait la fin de ses anciens camarades avec satisfaction. Cet imbécile de Xintziu, ne voyait pas assez loin en se contentant d'obéir à ses maîtres. Avec une telle quantité de Malepierre brute, le sorcier du clan Eshin avait les moyens d'assouvir ses rêves de grandeur. Que le Cornu dévore le Seigneur de la nuit. Snotlizeex cracha à l'évocation de son supérieur. Peu lui importait, tout s'était passé comme prévu. Il avait donné l'alerte aux choses-hommes en lançant discrètement un sortilège pyromancique sur un humain assoupis. Il avait ensuite jeter quelques fumigènes, qu'il avait préalablement empoisonné, pour couvrir sa progression. Il avait ensuite subtiliser la Malepierre au nez et à la barbe des hommes comme des Skavens. Il avait ensuite regagné le clocher pour observer la fin des combats. Qui-que-soient les vainqueurs, ils allaient périr à cause des effluves toxiques qu'il avait libéré. Sa tactique était un coup de génie, et tout acte de cet ampleur méritait une signature. D'un mouvement ample de sa queue, il frappa alors la cloche du beffroi qui résonna sur les toits  calcinés de Mordheim. Le sinistre glas était une ode à la traîtrise et au meurtre, à la vermine et à la peste, aux Skavens et au Cornu. Ce gong retentissant n'avait qu'un message à transmettre: L'avenir du monde reposait dans les griffes du Rat cornu.

Dramatis Personnae:

2000 mots (avec le Dramatis Personnae).

Un peu de Fluff pour les non-spécialistes de Fantasy-Battle:

Excellent texte, n'étant pas porté sur Battle je salue ton initiative concernant le fluff en fin de texte
J'ai particulièrement apprécié le vocabulaire très riche en termes d'architecture et d'équipements

Par contre il y a peut-être un souci de mise en page dans la phrase suivante (ou c'est moi...) :

Spoiler:

Très bon texte, surtout la fin donnant sa résonnance au titre, ça donne envie de lire une suite !

Bravo !

Belle petite histoire de l'Univers Warhammer Battle.

Sympas ces petits Spoilers et les images bien que non centrées .

Salut.
Sympa en effet ce récit battle sur les Skavens et leurs machiavéliques exactions. ^^
Thème de circonstance avec :
- la sortie du jeu Mordheim sur PC
- et les dernières sorties Games - End of Times sur les Skavens.

Quelques petites fautes d'orthographe repérées à droite à gauche ( ) :
"des incendies surnaturelles " => surnaturels
"dans cette océan de folie" => cet
"Il avait écluser" => éclusé

Merci à vous trois d'avoir lu, et surtout merci pour vos remarques qui font avancer le schmilblick.

Sur vos recommandations, j'ai corrigé les fautes, centré les images et réécrit ma phrase.

Très bon texte, vraiment intéressant ! Tu nous mets bien dans l'ambiance du début, et j'adore le garde poivrot...^^
Par contre, juste une question en rapport avec le fluff de battle, c'est quoi, la Malepierre, et pourquoi les skavens la recherchent ils ?

La Malepierre est de l'essence brut du Chaos solidifié, et qui a l'apparence d'une pierre noire verdâtre.
Elle a de forte propriété magique, mais à tendance à causer des mutations chez ceux qui l'utilisent.
Dans le cas de Morheim, une comète en Malepierre s'est écrasée sur la ville, et de nombreuses bandes sont à la recherche de celle-ci.

Pour les Skavens, la Malepierre est la base de leur société. Elle sert de monnaie, de nourriture, de carburant pour leurs armes ou encore pour créer des rats-mutants. Plus un clan Skaven a de Malepierre, plus il est puissant.

Pour une réponse plus précise:
http://whfb-fr.lexicanum.com/wiki/Malepierre

Et merci d'avoir lu mon récit

Très sympa ton récit !
Je n'ai pas la moindre culture en Warhammer battle et je te remercies donc d'avoir mis ce lexique à la fin !

Hey, du contenu intéressant, le tout dans une écriture limpide !
Un bon récit. J'avoue m'être aussi bien marré avec le garde qui dort pendant la ronde (le mec que personne n'a envie d'avoir comme garde ^^)...

Merci à vous deux pour avoir pris le temps de lire.

J'ai bien aimé le décor et la mise en scène; aussi le soin par rapport au fluff et les détails des armes, noms, factions, etc.

Sans rien connaître à battle, ton texte donne un bon aperçu de cette race et de l'enjeu de la malpierre, mais aussi le point de vue ignorant des humains mercenaires. Plus abouti encore que ton dernier texte sur les skavens, j'ai trouvé.

Et oui, j'ai moi aussi tout de suite pensé au jeu vidéo Mordheim..
Attention à l'orthographe et aux expressions ( "couplés au cris d'agonie, s'interposer contre, Qui-que-soient les vainqueurs",) tu en a laissé passé un certain nombre.

Par dessus tout, tu as vraiment su reprendre l'intro et la développer à ton compte, et merci pour les images, un texte illustré est toujours plus agréable à lire.

Bravo Anton, j'adore! +1

Intro plus que respectée, et Mordheim c'est La classe, l'endroit idéal pour écrire avec panache sur tes chouchou vermines.

Merci à vous deux, pour vos critiques, et pour vos votes qui plus est.

Attention à l'orthographe et aux expressions

Et le pire c'est que je me suis relis plusieurs fois

A la prochaine Lds, j'essaierai de faire du 40k, Battle ça ne parle pas à tout le monde sur le forum.

J'aime beaucoup l'ambiance qu'il y a dans ton texte, puis avec du Skaven, je ne peux qu'aimer !

Bravo à toi !

Très bon récit battle , l'ambiance folle et anarchique de Mordheim est bien représentée à travers les lignes.

Les références sont bien amenées, les personnages sont personnellement bien décrits et avec les illustrations , c'est vraiment pas mal pour se faire une idée.

Bravo du bon boulot et hâte de lire ton prochain récit !! =)

Sympa.

Un bon récit Battle qu'on croirait conté par un MJ de jeu de rôle tant la mise en scène est limpide et richement détaillée.

Les factions sont aussi très bien représentées, en particulier ces skavens sournois et prompts à la trahison, tout en étant en fait relativement faciles à tuer une fois découverts.
Marrants aussi ces poivrots de mercenaires aux noms teutoniques toujours aussi imprononçables, et cette parodie de Schwarzhelm xD

Manque peut-être un soupçon d'humour / d'imbécilité skaven. Genre à la fin je m'attendais presque à une double trahison ou alors à ce que Snotlizeex dégringole avec sa malepierre du toit du beffroi pour finir dans ses propres gaz mortels ^^

Mais le texte est quand même cool, sans compter que l'alternance de points de vue humains/rats entrecoupé d'illustrations rend le storytelling efficace !