[ROMAN 40K] C.O.E. -Les Croisés - Tome I - Ùtlendr
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E. -Les Croisés - Tome I - Ùtlendr
Surprise surprise ! Je posterai les photos quand se sera fait !
Vlad Primarque - Messages : 3582
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E. -Les Croisés - Tome I - Ùtlendr
hum...! j'attends ça avec impatience!
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E. -Les Croisés - Tome I - Ùtlendr
La suite du samedi!
Je fus brusquement tiré de mon sommeil par Hivar qui me secouait vigoureusement, l'air agité. Je me releva d'un bond, les yeux gonflés par mon court repos, et tout grommelant, froissé par un tel réveil.
Mais Hivar ne me laissa pas le loisir de réfléchir à une quelconque suite de noms d'oiseaux à lui attribuer, et me mit la carabine du défunt Varl entre les mains, sans plus de cérémonie.
-Ils sont là. fut sa seule explication à ce cirque.
Je n'eus pourtant pas besoin de plus de raisons pour me lever, toute trace de somnolence chassée pour laisser place à une glaciale montée d’adrénaline.
Je suivis Hivar, l'arme au poing tout en murmurant une prière à l'Empereur pour qu'il veille sur moi. Le jeune homme pour sa part serrait un fusil de chasse contre lui, et son visage en disait long sur sa détermination à résister à nos agresseurs.
Dans le salon, Jorval attendait près de la porte d'entrée, une hache, sans doute de sa confection, entre les mains, tendant une oreille pour discerner les rares bruits parvenant de l'extérieur.
Eyla se tenait à deux pas de lui, un piolet de mineur dans une main et un vieux pistolet automatique dans l'autre. Ses traits étaient tirés par l'appréhension, tandis qu'elle réalisait sans doute quels dangers elle avait attiré sur sa famille.
-Où est le petit Hjangar? demandé-je à Hivar dans un souffle.
-En sécurité, ne vous en faites pas. me répondit-il avant d'aller rejoindre son père.
Le feu était mort dans l'âtre, et la seule source de lumière venait de la lueur des astres, perçant à travers les fenêtres et l'orifice de la cheminée, baignant la salle dans un voile diffus et spectral. Au dehors, à travers les volets mi clos, in pouvait discerner des ombres en mouvement et quelques timides lueurs tremblotantes, sans doute provenant de torches ou de lumiglobes.
Hivar se posta derrière son père, et parla à voix basse.
-Combien?
-Juste un groupe pour le moment, peut être pas plus d'une dizaine. répondit le forgeron en tendant davantage l'oreille. Ils ont tenté de passer par le jardin, mais ont été bloqués par les murets. Ces chiens m'ont réveillé quand ils se sont rassemblés pour trouver une autre issue.
-Et? insista le garçon.
-Allons mon garçon, est ce que tu me crois stupide à ce point? gronda Jorval en reniflant. Toutes les autres issus sont barricadées. Il n'ont plus que le jardin ou la porte d'entrée comme choix.
Hivar opina en silence, et nous désigna, à Eyla et moi, la porte en bois menant au jardin.
Nous la rejoignîmes, attentifs au moindre bruit, tandis qu'Hivar et son père surveillaient le porche d'entrée.
Au bout d'un instant, un petit grincement se fit entendre, et je jeta un coup d’œil nerveux vers eux. Eyla me rappela subtilement à ma tâche par une rude bourrade du manche de son piolet dans les côtes.
J'étouffai un couinement de douleur en lui jetant un regard outré, mais elle se contenta de froncer les sourcils en mettant un doigt tendu sur ses lèvres.
-Ils essayent de forcer la serrure. m'expliqua-t-elle ensuite à mon oreille. Qu'ils essayent donc. C'est mon père qui les a forgé lui même, il n'y a pas meilleurs verrous dans tout Vjorheim.
Ce fut au tour de la jeune fille d'être réprimandée, lorsque Hivar lança dans un souffle rauque un "silence!" qui n'appelait aucune contestation.
Je ne pus m'empêcher de sourire sournoisement devant un tel retour de situation, ce qui me valu un nouveau coup de manche dans le flanc.
Cette fois je n'eus pas le temps de protester, la poignée de la porte que nous surveillions se mettant à tournoyer dans le vide en grinçant alors que quelqu'un essayait de faire intrusion.
Eyla releva lentement son piolet au dessus de sa tête, prête à frapper, son pistolet calé à la hanche et braqué sur la porte.
J'adoptai une posture rigide en serrant de plus belle ma carabine sous l'effet de la peur, la mire portée à hauteur de poitrine, mon index tremblant sur la gâchette.
Le loquet cessa enfin de s'agiter, et nous relâchâmes notre pose, non sans pousser un long soupir de soulagement. Le silence se fit, lourd, durant ce laps de temps, les battements endiablés de mon coeur résonnant dans mes tympans, la terreur me tenaillant les entrailles.
Mais à peine le temps de souffler, la porte vola en éclats, envoyant échardes de bois et gonds brisés votliger dans la pièce. L'homme qui venait de la forcer emporté par son élan alla ruer au sol en poussant un braillement sauvage. Sous la surprise, Eyla et moi reculâmes en protégeant nos yeux des échardes de bois, notre bras devant nos visages, mais cela ne nous évita pas quelques estafilades.
Elle fut la première à reprendre contenance, tirant une cartouche sur le second arrivant qui venait de rentrer en grondant, et lui ouvrant un trou béant dans la poitrine, tandis que dans le même geste, elle abaissa son autre arme pour enfoncer d'un coup sec le piolet dans le crâne du bélier, rentrant par sa tempe gauche, et ressortant juste sous sa pommette droite, dans un craquement humide.
Sortant de ma torpeur une longue seconde après, j’appuyai sur la détente par réflexe, ce qui valut à celui déjà abattu par Eyla de perdre la moitié droite de son visage, qui s’évapora dans un grésillement accompagné d'une écœurante odeur de chair brûlée et de sang bouilli.
Mon doigt toujours crispé sur la détente fit partir deux autres coups qui allèrent faire éclater le genou et l'entrejambe du troisième de nos agresseurs, qui s'effondra au sol en poussant un hurlement qui aurait probablement fait pâlir même le plus sadique des hérétiques, et qui fut brutalement interrompu lorsque sa tête sursauta, un trou sanglant entre les yeux.
Eyla me fit brusquement baisser la carabine, faisant tirer un quatrième coup dans le plancher avant que je ne parvienne à décrisper mon doigt et retrouver un semblant de sang froid.
-Ne gaspillez pas vos munitions ainsi Ùtlendr! me cria-t-elle dessus. Vous allez finir par nous tuer aussi!
Je voulu bredouiller une excuse, mais Eyla semblait trop occupée à fracasser son piolet sanguinolent sur le crâne du quatrième et dernier de nos assaillants. Finalement, elle parvint à lui arracher son dernier souffle lorsque la tête de l'arme improvisée fendit le visage du malheureux en deux, crevant sa mâchoire inférieure pour la lui clouer sur la poitrine. Il émit un hoquet gargouillant, et tomba à genoux pour de plus bouger, le piolet toujours fiché en travers du visage.
L'affrontement n'avait duré que quelques terribles secondes, mais pour moi c'était comme s'il avait duré une éternité. Le sang battait à tout rompre contre mes tympans, et j'étais pris de vertiges et de sueurs froides, un goût de cuivre dans la bouche.
Lorsque nous fîmes volte face, encore en proie à la fièvre des combats, nous retrouvâmes Hivar et son père au dessus de cinq cadavres disloqués et encore fumants. Le forgeron arracha sa hache au thorax d'un de ses attaquants, et alla se placer face à l'entrée fracassée de la même manière que la nôtre, arme levée, attendant de pied ferme une nouvelle vague.
Une minute passa, semblant durer une éternité, mais rien ne vint. Nous nous relâchâmes tous d'un coup, comme un sportif venant tout juste de franchir l'arrivée d'une course diablement longue et éprouvante, Jorval laissant échapper un chapelet de jurons, et Eyla crachant avec colère sur nos victimes.
-Il n'y avait qu'eux on dirait. fit Hivar, en retournant un des corps du bout de son fusil pour s'assurer de son trépas.
Puis il se dirigea vers nous en retrouvant son souffle. Un regard vers moi traduisit à lui seul sa question, et je levai une main pour lui signifier que j'étais entier et en bonne santé, malgré qu'intérieurement je me sentais sale et affreusement mal à l'aise. Mais j'étais vivant.
On ne pouvait pas en dire autant de nos agresseurs. Par le Trône tout puissant! j'en avais occis deux de plus! À présent, la prière seule ne suffirait pas à me faire pardonner de tels actes.
En prenant conscience de mes nouvelles prouesses homicides, mon estomac se manifesta douloureusement, et je régurgita sans prévenir tout son contenu sur le sol, sous l’œil moqueur d'Eyla et celui soucieux de son frère.
Ce dernier retourna un autre cadavre avec son arme, lançant un regard à sa sœur d'un air inquisiteur.
-Alors, petite sœur? Des copains à toi? demanda-t-il sur un ton glacial.
Eyla le toisa avec mépris, avant de considérer le visage du mort en le retournant sous différents angles de la pointe de son pied.
-Non. Je ne les ai jamais vus. finit-elle par répondre d'un ton affreusement détaché. Pas des hommes de la Borà, c'est sûr. J'imagine qu'elle a dû appeler ses propres maîtres à l'aide.
Tout à son examen morbide, elle fit à nouveau tourner le cadavre sur lui même, et un petit tintement métallique retentit lorsqu'une bourse de cuir tomba à terre. Eyla se pencha pour la ramasser, et produisit un petit tas de pièces d'or.
-En tout cas, on connait maintenant leurs motivations. fit elle en ricanant.
Hivar continua de fouiller les cadavres à la recherche d'un écusson ou de quoi que ce soit qui lui permette de les identifier, tandis que Jorval tentait de refermer la ruine qu'était devenue sa porte, et que je m'asseyais de côté pour lutter contre la nausée. Peine perdue, puisque mon estomac se vida à nouveau quand Hivar releva dans son inspection celui qu'Eyla avait tué en dernier, la tête du macchabée se séparant enfin de sa poitrine dans un immonde bruit de succion avant de répandre au sol le contenu de sa boîte crânienne.
Le jeune homme délaissa le cadavre fendu avec un moue de frustration.
-Aucun signe sur eux pour savoir qui ils sont. déclara-t-il. Sûrement des mercenaires, ou des parias des montagnes.
Eyla était absorbée par sa récente trouvaille, comptant la somme dénichée pièce par pièce, et ne fit qu'opiner sans regarder son frère.
-Ce qui est sûr, c'est que celui qui nous veut morts est quelqu'un de généreux. fit elle d'un air avide. Il y a assez dans cette bourse pour acheter une belle maison et le bétail qui va avec!
Hivar vint à elle et lui arracha le porte monnaie des mains d'un geste brusque, faisant chuter quelques pièces qui rebondirent en tintant sur le sol.
-C'est bien cela qui m'inquiète! grogna-t-il. Nous ne sommes plus en sécurité ici. Si la Borà, ou qui que ce soit d'autres, paye des mercenaires ce prix là pour nous trancher la gorge, alors c'est que cette personne nous veut désespérément morts.
Jorval se joignit à nous en frottant son épaisse moustache d'un air pensif.
-Tu as raison mon garçon. dit il. D'autres viendront, et bien que ça m'attriste de dire ça, on ne peut pas rester ici.
Il jeta un regard circulaire au foyer qu'il s'apprêtait à abandonner, le coeur lourd. Puis il interpella Eyla du regard.
-Va chercher Hjangar à la cave et préparez vos affaires, nous partons sur l'heure. décida-t-il.
-Et où allons nous? demanda-t-elle, ayant perdu sa jovialité.
-Vjorheim, pour commencer. répondit Hivar. Nous devons saisir le Jarl et l'informer de ce qui se trame ici.
Il jeta ensuite un regard vers moi par dessus son épaule, alors que je venais les rejoindre en me massant mon ventre malade.
-Puis le père Nevenski et moi irons à Valhal pour prévenir le Köng et demander assistance. continua Hivar en me fixant. Toute aide sera la bienvenue dans cette affaire.
-Je suis sûr que le Commissaire Malkh acceptera de nous aider. promis-je en tentant de faire abstraction du goût de bile qui me collait au palais. Avec de la chance, il sera encore là bas avec la Compagnie Hexxienne sous sa supervision.
-Chouette! Plein de petits fanatiques pour aller faire brûler de hérétiques, nos terres et les innocents avec! ne put s'empêcher de se moquer Eyla avec un rictus de dédain.
-Je vous en prie, arrêtez donc vos âneries, demoiselle! la coupé-je en la fusillant du regard. J'essaye de vous aider, et je ne vais pas vous précipiter dans la gueule du loup à la première occasion.
Eyla allait répliquer quand Jorval intervint avec fermeté.
-Je me fiche de savoir qui va nous aider ou non! fit-il. Dans l'immédiat, ce qui m'importe c'est de protéger ma famille. Nous partons dans l'instant. Allez faire vos paquets, et allons y!
Il appuya son regard sur sa fille.
-Et pas de discussion. Allez! Dépêchons!
Eyla finit par détourner le regard après quelques secondes, comme un enfant fautif, puis partit chercher son petit frère sans dire un mot de plus. Jorval garda son expression autoritaire jusqu'à s'être assuré que sa fille n'était plus là, et il relâcha sa pression dans un grand souffle fatigué. Il posa une main paternelle sur l'épaule de son fils avant de tourner la tête vers moi. La lassitude qui se lisait dans ses yeux contrastait violemment avec sa mine déterminée.
-Merci de nous proposer votre aide Ùtlendr. dit il à voix basse. Pardonnez mon emportement, il n'était pas dirigé contre vous, mais je tiens à ce que ma petite fille soit à nouveau dans le droit chemin.
-Je vous en prie, faites ce qu'il vous semble sage de faire. Je sais combien l'âme d'Eyla a besoin d'aide en ces moments troublés, mais je ne suis peut être pas celui dont elle a le plus besoin dans l'immédiat.
Le vieux forgeron opina avec un vague sourire, puis tapota l'épaule de son fils d'un air pensif.
-Ah, mon pauvre garçon. soupira-t-il. Dans quelle galère nous as tu donc embarqué?
Sans attendre de réponse, il alla rejoindre sa chambre pour rassembler ses affaires. Hivar gardait un visage fermé et ne chercha nullement à se justifier. Il m'invita d'un geste de la main à passer devant lui pour aller effectuer les mêmes préparatifs que son père, et resta seul au milieu des corps disloqués de nos agresseurs. Je l'entendis vaguement regagner sa chambre et se mettre à emballer quelques menues affaires alors que je venais de commencer à faire de même.
Mes serviteurs me furent d'une aide précieuse, pouvant porter à eux deux une forte quantité de bagages. Je les chargeai comme des pauvres mules, laissant quelques emplacement libres au cas où en auraient besoin Hivar et sa famille. Puis je pris sur moi un sac besace dans lequel je fourrai mon journal, mes appareils enregistreurs, un nécessaire d'écriture portatif, et quelques rations.
Je considérai un instant le fusil de Varl, me demandant si j'allais favoriser mes récents élans meurtriers ou revenir à mon plus confortable mais risqué pacifisme. Mais la raison prit le dessus, et je passai l'arme en bandoulière avant de ressortir de ma chambre, mes deux serviteurs sur les talons.
Garder de la place libre fut une idée chaleureusement accueillie par Jorval qui ajouta ainsi au fardeau de mes deux compagnons lobotomisés quelques besaces de nourriture supplémentaires, un sac massif dans lequel il avait jeté pèle mêle quantité d'affaires de rechanges ou de seconde utilité, et termina en ajoutant à l'édifice roulant un long sac tubulaire contenant quelques armes supplémentaires.
Satisfait, il regarda mes deux serviteurs les poings sur les hanches, et s'autorisa un rire goguenard en les voyant ainsi presque disparus sous la montagne d'affaires.
-Heureusement qu'ils n'ont plus une étincelle de pensée dans le ciboulot, sans quoi je crois qu'ils auraient déjà tenté de nous tuer!
Personne ne rit, les récents évènements ayant balayé toute bonne humeur, et nous nous décidâmes à nous mettre en route.
Sur le perron, attendant que les autres soient sortis, Hivar se tourna vers moi en désignant du menton ma besace.
-J'espère que vous avez emmené de quoi faire, mon père, parce que vous allez voir du pays. dit il. Pas question de prendre les grandes routes avec toute la clique Bjönr à nos trousses. On va passer par la rase campagne pour rejoindre Vjorheim. Ce sera une belle occasion pour vous pour observer la vie quotidienne des Futharks.
-Voilà qui devrait être fort instructif. mentis-je, plus pressé à l'idée d'arriver en sécurité chez le Jarl qu'à celle de flâner à compiler tout ce que je voyais sur la route tandis que des meurtriers nous talonnaient. Combien de temps devrait durer le trajet?
Hivar réfléchit un instant en se frottant le menton.
-Si nous avançons bien, deux ou trois jours de voyage serait suffisants. dit il.
Comme si j'anticipais le voyage à venir, je me mis à étirer mes jambes, soufflant de grands coups.
-Trois jours... lâchai-je, dépité. Mais la cité est visible depuis ici! Elle est toute proche!
-Vjorheim est une très grande cité, d'ici vous ne pouvez en apercevoir qu'une petite partie. m'expliqua Hivar. Il est évident qu'en levmag ou en empruntant les caravanes ce serait bien plus rapide, quelques heures, tout au plus. Mais comme je vous l'ai dit, nous nous devons d'être prudents. Et passer inaperçu va devoir impliquer de rallonger le trajet en évitant les transports habituels.
Il esquissa un sourire et m'encouragea en me donnant une petite tape sur l'épaule. Puis il sortit de la maison, et je les rejoignis, mes serviteurs à ma suite, méconnaissables sous cette quantité de bagages.
Alors que nous nous mettions en route, les premiers rayons du soleil commençaient à percer les nuages, jetant des touches de feu doré sur des nappes de coton violet.
A cette heure là, le village était encore assoupi, et nous ne croisâmes que quelques rares travailleurs se rendant à la tâche, ou certains commerçants montant leurs étals.
Aucun ne leva les yeux vers nous, et nous sortîmes d'Ysggral sans encombres.
La nature sauvage d'Àsgard s'ouvrit à nous, fraîche et cristalline, la neige aussi fine que du coton, mais résistante comme une terre séchée, crissait sous nos pas, écrasant en dessous l'herbe cuite par le froide hivernal en grappes de touffes jaunâtres. Les arbres arboraient des guirlandes de givre et de poudreuse sur leurs branchages nus, quelques rares volatiles courageux allant s'y poser pour faire retentir leur chant joyeux à la face du soleil levant.
La route, entièrement dissimulée sous le manteau neigeux, fut difficile à trouver et nous finîmes par la rejoindre à l'aide des quelques panneaux gelés qui la jalonnaient, indiquant aux voyageurs courageux la direction à suivre pour se rendre à tel ou tel patelin. Une grosse pancarte surmontée de l'aquila impérial et du blason du Comté pointait vers la silhouette noyée dans le brouillard de la grande cité de Vjorheim, crachant au ciel ses longs panaches de fumées industrielles.
Malgré le froid mordant, l'effort de la marche me fit rapidement nager dans ma sueur, et tirer une vilaine langue pendante, et je dus résister plusieurs fois à la tentation de m'arrêter pour quitter mon manteau de fourrures. C'eut été une grossière erreur, et Hivar ne manqua pas de me le rappeler à plusieurs reprises, car j'aurai très vite attrapé un vilain rhume qui nous aurait considérablement ralenti.
Je baladais donc de ci de là mon regard pour apprécier le paysage du Comté s'éveiller peu à peu, la lueur dorée du soleil noyant ses champs immenses et enneigés, les faisant scintiller avec autant de force que le plus complexe des joyaux. Par moments, on pouvait apercevoir quelques animaux sauvages vagabonder en sautillant au milieu de ces grands espaces, jamais trop près de nous pour autant.
Hivar marchait en tête, s'appuyant sur un long bâton noueux au sommet duquel dépassait ce qui pouvait ressembler à la lame d'une faux. Eyla le talonnait, les yeux rivés au sol, ses mains agrippées sur les bretelles de son sac à dos. Malgré l'évident de la situation et le fait qu'en l'emmenant avec nous, non seulement nous lui sauvions la vie, mais nous faisions également tout en oeuvre pour lui sauver l'âme, elle semblait encore plongée dans d'amères pensées, et on pouvait presque sentir un odieux débat faire rage dans son crâne. Sa loyauté envers son peuple se battait toujours contre sa loyauté envers ses anciens compagnons hérétiques.
Jorval s'était délesté de son lourd sac qui était venu se percher sur le dos massif de mon deuxième serviteur - qui bien évidemment ne formula aucune plainte - et portait à sa place son fils adoptif, calé sur ses épaules, encore à moitié endormi, ses yeux gonflés observant toutefois le décor avec passion. Le vieux forgeron avait pour sa part le regard dans le vide et un sourire feint sur ses lèvres, comme s'il tentait de se persuader que tout ceci n'était qu'une simple promenade familiale.
Mon serviteur porteur - le gros costaud portant la majorité de nos affaires - trottinait derrière Jorval sur ses deux jambes articulées et renforcées, une paire de bras soutenant son fardeau, l'autre agrippant tout un chapelet de sacs que nous n'étions pas parvenu à faire tenir. De sa tête minuscule, presque entièrement cachée par les gros bagages qu'il portait sur le dos, seul la grille cousue à son ancienne mâchoire inférieure dépassait du fouillis d'affaire, et on entendait parfois un grésillement, comme si malgré son état végétatif, il pouvait encore se plaindre de sa condition dans un soupir électronique.
Aux côtés de mon serviteur scribe monté sur chenilles, et qui croulait sous nettement moins d'affaires emballées à la hâte, je fermais la marche, une main soutenant ma grosse besace et la lanière de mon fusil, l'autre serrant un bâton pareil à celui d'Hivar, m'appuyant dessus à chaque pas que je faisais et qui me coûtais un terrible effort.
Nous progressions doucement dans la froide matinée d'Àsgard, en silence, d'un pas déterminé, ni trop empressé, ni trop lent. En nos coeurs nous savions en quoi il était important d'arriver à Vjorheim au plus vite. En nos âmes nous connaissions le danger terrible que nous avions révélé avec autant de force qu'on donne un coup de pied dans une ruche de frelons. Pour eux, c'était un devoir sacré envers leur sang et leur peuple. Pour moi c'était un devoir sacré envers l'Empereur et tout ses sujets.
Le rouge soleil d'Yggdrasile, Rägnärock, montait dans le ciel à mesure que le temps passait, embrassant la région de son étreinte radieuse, et déjà par endroits l'épaisse couche neigeuse commençait à capituler sous la chaleur de ses rayons. La route se révéla plus facilement à nous, même si il était impossible que toute la neige disparaisse au vu des températures encore terriblement basses. Mais la douce caresse des radiations solaires fut quelque chose d'apaisant et de rassurant.
Nous étions sur la route, et nous étions vivants.
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Je fus brusquement tiré de mon sommeil par Hivar qui me secouait vigoureusement, l'air agité. Je me releva d'un bond, les yeux gonflés par mon court repos, et tout grommelant, froissé par un tel réveil.
Mais Hivar ne me laissa pas le loisir de réfléchir à une quelconque suite de noms d'oiseaux à lui attribuer, et me mit la carabine du défunt Varl entre les mains, sans plus de cérémonie.
-Ils sont là. fut sa seule explication à ce cirque.
Je n'eus pourtant pas besoin de plus de raisons pour me lever, toute trace de somnolence chassée pour laisser place à une glaciale montée d’adrénaline.
Je suivis Hivar, l'arme au poing tout en murmurant une prière à l'Empereur pour qu'il veille sur moi. Le jeune homme pour sa part serrait un fusil de chasse contre lui, et son visage en disait long sur sa détermination à résister à nos agresseurs.
Dans le salon, Jorval attendait près de la porte d'entrée, une hache, sans doute de sa confection, entre les mains, tendant une oreille pour discerner les rares bruits parvenant de l'extérieur.
Eyla se tenait à deux pas de lui, un piolet de mineur dans une main et un vieux pistolet automatique dans l'autre. Ses traits étaient tirés par l'appréhension, tandis qu'elle réalisait sans doute quels dangers elle avait attiré sur sa famille.
-Où est le petit Hjangar? demandé-je à Hivar dans un souffle.
-En sécurité, ne vous en faites pas. me répondit-il avant d'aller rejoindre son père.
Le feu était mort dans l'âtre, et la seule source de lumière venait de la lueur des astres, perçant à travers les fenêtres et l'orifice de la cheminée, baignant la salle dans un voile diffus et spectral. Au dehors, à travers les volets mi clos, in pouvait discerner des ombres en mouvement et quelques timides lueurs tremblotantes, sans doute provenant de torches ou de lumiglobes.
Hivar se posta derrière son père, et parla à voix basse.
-Combien?
-Juste un groupe pour le moment, peut être pas plus d'une dizaine. répondit le forgeron en tendant davantage l'oreille. Ils ont tenté de passer par le jardin, mais ont été bloqués par les murets. Ces chiens m'ont réveillé quand ils se sont rassemblés pour trouver une autre issue.
-Et? insista le garçon.
-Allons mon garçon, est ce que tu me crois stupide à ce point? gronda Jorval en reniflant. Toutes les autres issus sont barricadées. Il n'ont plus que le jardin ou la porte d'entrée comme choix.
Hivar opina en silence, et nous désigna, à Eyla et moi, la porte en bois menant au jardin.
Nous la rejoignîmes, attentifs au moindre bruit, tandis qu'Hivar et son père surveillaient le porche d'entrée.
Au bout d'un instant, un petit grincement se fit entendre, et je jeta un coup d’œil nerveux vers eux. Eyla me rappela subtilement à ma tâche par une rude bourrade du manche de son piolet dans les côtes.
J'étouffai un couinement de douleur en lui jetant un regard outré, mais elle se contenta de froncer les sourcils en mettant un doigt tendu sur ses lèvres.
-Ils essayent de forcer la serrure. m'expliqua-t-elle ensuite à mon oreille. Qu'ils essayent donc. C'est mon père qui les a forgé lui même, il n'y a pas meilleurs verrous dans tout Vjorheim.
Ce fut au tour de la jeune fille d'être réprimandée, lorsque Hivar lança dans un souffle rauque un "silence!" qui n'appelait aucune contestation.
Je ne pus m'empêcher de sourire sournoisement devant un tel retour de situation, ce qui me valu un nouveau coup de manche dans le flanc.
Cette fois je n'eus pas le temps de protester, la poignée de la porte que nous surveillions se mettant à tournoyer dans le vide en grinçant alors que quelqu'un essayait de faire intrusion.
Eyla releva lentement son piolet au dessus de sa tête, prête à frapper, son pistolet calé à la hanche et braqué sur la porte.
J'adoptai une posture rigide en serrant de plus belle ma carabine sous l'effet de la peur, la mire portée à hauteur de poitrine, mon index tremblant sur la gâchette.
Le loquet cessa enfin de s'agiter, et nous relâchâmes notre pose, non sans pousser un long soupir de soulagement. Le silence se fit, lourd, durant ce laps de temps, les battements endiablés de mon coeur résonnant dans mes tympans, la terreur me tenaillant les entrailles.
Mais à peine le temps de souffler, la porte vola en éclats, envoyant échardes de bois et gonds brisés votliger dans la pièce. L'homme qui venait de la forcer emporté par son élan alla ruer au sol en poussant un braillement sauvage. Sous la surprise, Eyla et moi reculâmes en protégeant nos yeux des échardes de bois, notre bras devant nos visages, mais cela ne nous évita pas quelques estafilades.
Elle fut la première à reprendre contenance, tirant une cartouche sur le second arrivant qui venait de rentrer en grondant, et lui ouvrant un trou béant dans la poitrine, tandis que dans le même geste, elle abaissa son autre arme pour enfoncer d'un coup sec le piolet dans le crâne du bélier, rentrant par sa tempe gauche, et ressortant juste sous sa pommette droite, dans un craquement humide.
Sortant de ma torpeur une longue seconde après, j’appuyai sur la détente par réflexe, ce qui valut à celui déjà abattu par Eyla de perdre la moitié droite de son visage, qui s’évapora dans un grésillement accompagné d'une écœurante odeur de chair brûlée et de sang bouilli.
Mon doigt toujours crispé sur la détente fit partir deux autres coups qui allèrent faire éclater le genou et l'entrejambe du troisième de nos agresseurs, qui s'effondra au sol en poussant un hurlement qui aurait probablement fait pâlir même le plus sadique des hérétiques, et qui fut brutalement interrompu lorsque sa tête sursauta, un trou sanglant entre les yeux.
Eyla me fit brusquement baisser la carabine, faisant tirer un quatrième coup dans le plancher avant que je ne parvienne à décrisper mon doigt et retrouver un semblant de sang froid.
-Ne gaspillez pas vos munitions ainsi Ùtlendr! me cria-t-elle dessus. Vous allez finir par nous tuer aussi!
Je voulu bredouiller une excuse, mais Eyla semblait trop occupée à fracasser son piolet sanguinolent sur le crâne du quatrième et dernier de nos assaillants. Finalement, elle parvint à lui arracher son dernier souffle lorsque la tête de l'arme improvisée fendit le visage du malheureux en deux, crevant sa mâchoire inférieure pour la lui clouer sur la poitrine. Il émit un hoquet gargouillant, et tomba à genoux pour de plus bouger, le piolet toujours fiché en travers du visage.
L'affrontement n'avait duré que quelques terribles secondes, mais pour moi c'était comme s'il avait duré une éternité. Le sang battait à tout rompre contre mes tympans, et j'étais pris de vertiges et de sueurs froides, un goût de cuivre dans la bouche.
Lorsque nous fîmes volte face, encore en proie à la fièvre des combats, nous retrouvâmes Hivar et son père au dessus de cinq cadavres disloqués et encore fumants. Le forgeron arracha sa hache au thorax d'un de ses attaquants, et alla se placer face à l'entrée fracassée de la même manière que la nôtre, arme levée, attendant de pied ferme une nouvelle vague.
Une minute passa, semblant durer une éternité, mais rien ne vint. Nous nous relâchâmes tous d'un coup, comme un sportif venant tout juste de franchir l'arrivée d'une course diablement longue et éprouvante, Jorval laissant échapper un chapelet de jurons, et Eyla crachant avec colère sur nos victimes.
-Il n'y avait qu'eux on dirait. fit Hivar, en retournant un des corps du bout de son fusil pour s'assurer de son trépas.
Puis il se dirigea vers nous en retrouvant son souffle. Un regard vers moi traduisit à lui seul sa question, et je levai une main pour lui signifier que j'étais entier et en bonne santé, malgré qu'intérieurement je me sentais sale et affreusement mal à l'aise. Mais j'étais vivant.
On ne pouvait pas en dire autant de nos agresseurs. Par le Trône tout puissant! j'en avais occis deux de plus! À présent, la prière seule ne suffirait pas à me faire pardonner de tels actes.
En prenant conscience de mes nouvelles prouesses homicides, mon estomac se manifesta douloureusement, et je régurgita sans prévenir tout son contenu sur le sol, sous l’œil moqueur d'Eyla et celui soucieux de son frère.
Ce dernier retourna un autre cadavre avec son arme, lançant un regard à sa sœur d'un air inquisiteur.
-Alors, petite sœur? Des copains à toi? demanda-t-il sur un ton glacial.
Eyla le toisa avec mépris, avant de considérer le visage du mort en le retournant sous différents angles de la pointe de son pied.
-Non. Je ne les ai jamais vus. finit-elle par répondre d'un ton affreusement détaché. Pas des hommes de la Borà, c'est sûr. J'imagine qu'elle a dû appeler ses propres maîtres à l'aide.
Tout à son examen morbide, elle fit à nouveau tourner le cadavre sur lui même, et un petit tintement métallique retentit lorsqu'une bourse de cuir tomba à terre. Eyla se pencha pour la ramasser, et produisit un petit tas de pièces d'or.
-En tout cas, on connait maintenant leurs motivations. fit elle en ricanant.
Hivar continua de fouiller les cadavres à la recherche d'un écusson ou de quoi que ce soit qui lui permette de les identifier, tandis que Jorval tentait de refermer la ruine qu'était devenue sa porte, et que je m'asseyais de côté pour lutter contre la nausée. Peine perdue, puisque mon estomac se vida à nouveau quand Hivar releva dans son inspection celui qu'Eyla avait tué en dernier, la tête du macchabée se séparant enfin de sa poitrine dans un immonde bruit de succion avant de répandre au sol le contenu de sa boîte crânienne.
Le jeune homme délaissa le cadavre fendu avec un moue de frustration.
-Aucun signe sur eux pour savoir qui ils sont. déclara-t-il. Sûrement des mercenaires, ou des parias des montagnes.
Eyla était absorbée par sa récente trouvaille, comptant la somme dénichée pièce par pièce, et ne fit qu'opiner sans regarder son frère.
-Ce qui est sûr, c'est que celui qui nous veut morts est quelqu'un de généreux. fit elle d'un air avide. Il y a assez dans cette bourse pour acheter une belle maison et le bétail qui va avec!
Hivar vint à elle et lui arracha le porte monnaie des mains d'un geste brusque, faisant chuter quelques pièces qui rebondirent en tintant sur le sol.
-C'est bien cela qui m'inquiète! grogna-t-il. Nous ne sommes plus en sécurité ici. Si la Borà, ou qui que ce soit d'autres, paye des mercenaires ce prix là pour nous trancher la gorge, alors c'est que cette personne nous veut désespérément morts.
Jorval se joignit à nous en frottant son épaisse moustache d'un air pensif.
-Tu as raison mon garçon. dit il. D'autres viendront, et bien que ça m'attriste de dire ça, on ne peut pas rester ici.
Il jeta un regard circulaire au foyer qu'il s'apprêtait à abandonner, le coeur lourd. Puis il interpella Eyla du regard.
-Va chercher Hjangar à la cave et préparez vos affaires, nous partons sur l'heure. décida-t-il.
-Et où allons nous? demanda-t-elle, ayant perdu sa jovialité.
-Vjorheim, pour commencer. répondit Hivar. Nous devons saisir le Jarl et l'informer de ce qui se trame ici.
Il jeta ensuite un regard vers moi par dessus son épaule, alors que je venais les rejoindre en me massant mon ventre malade.
-Puis le père Nevenski et moi irons à Valhal pour prévenir le Köng et demander assistance. continua Hivar en me fixant. Toute aide sera la bienvenue dans cette affaire.
-Je suis sûr que le Commissaire Malkh acceptera de nous aider. promis-je en tentant de faire abstraction du goût de bile qui me collait au palais. Avec de la chance, il sera encore là bas avec la Compagnie Hexxienne sous sa supervision.
-Chouette! Plein de petits fanatiques pour aller faire brûler de hérétiques, nos terres et les innocents avec! ne put s'empêcher de se moquer Eyla avec un rictus de dédain.
-Je vous en prie, arrêtez donc vos âneries, demoiselle! la coupé-je en la fusillant du regard. J'essaye de vous aider, et je ne vais pas vous précipiter dans la gueule du loup à la première occasion.
Eyla allait répliquer quand Jorval intervint avec fermeté.
-Je me fiche de savoir qui va nous aider ou non! fit-il. Dans l'immédiat, ce qui m'importe c'est de protéger ma famille. Nous partons dans l'instant. Allez faire vos paquets, et allons y!
Il appuya son regard sur sa fille.
-Et pas de discussion. Allez! Dépêchons!
Eyla finit par détourner le regard après quelques secondes, comme un enfant fautif, puis partit chercher son petit frère sans dire un mot de plus. Jorval garda son expression autoritaire jusqu'à s'être assuré que sa fille n'était plus là, et il relâcha sa pression dans un grand souffle fatigué. Il posa une main paternelle sur l'épaule de son fils avant de tourner la tête vers moi. La lassitude qui se lisait dans ses yeux contrastait violemment avec sa mine déterminée.
-Merci de nous proposer votre aide Ùtlendr. dit il à voix basse. Pardonnez mon emportement, il n'était pas dirigé contre vous, mais je tiens à ce que ma petite fille soit à nouveau dans le droit chemin.
-Je vous en prie, faites ce qu'il vous semble sage de faire. Je sais combien l'âme d'Eyla a besoin d'aide en ces moments troublés, mais je ne suis peut être pas celui dont elle a le plus besoin dans l'immédiat.
Le vieux forgeron opina avec un vague sourire, puis tapota l'épaule de son fils d'un air pensif.
-Ah, mon pauvre garçon. soupira-t-il. Dans quelle galère nous as tu donc embarqué?
Sans attendre de réponse, il alla rejoindre sa chambre pour rassembler ses affaires. Hivar gardait un visage fermé et ne chercha nullement à se justifier. Il m'invita d'un geste de la main à passer devant lui pour aller effectuer les mêmes préparatifs que son père, et resta seul au milieu des corps disloqués de nos agresseurs. Je l'entendis vaguement regagner sa chambre et se mettre à emballer quelques menues affaires alors que je venais de commencer à faire de même.
Mes serviteurs me furent d'une aide précieuse, pouvant porter à eux deux une forte quantité de bagages. Je les chargeai comme des pauvres mules, laissant quelques emplacement libres au cas où en auraient besoin Hivar et sa famille. Puis je pris sur moi un sac besace dans lequel je fourrai mon journal, mes appareils enregistreurs, un nécessaire d'écriture portatif, et quelques rations.
Je considérai un instant le fusil de Varl, me demandant si j'allais favoriser mes récents élans meurtriers ou revenir à mon plus confortable mais risqué pacifisme. Mais la raison prit le dessus, et je passai l'arme en bandoulière avant de ressortir de ma chambre, mes deux serviteurs sur les talons.
Garder de la place libre fut une idée chaleureusement accueillie par Jorval qui ajouta ainsi au fardeau de mes deux compagnons lobotomisés quelques besaces de nourriture supplémentaires, un sac massif dans lequel il avait jeté pèle mêle quantité d'affaires de rechanges ou de seconde utilité, et termina en ajoutant à l'édifice roulant un long sac tubulaire contenant quelques armes supplémentaires.
Satisfait, il regarda mes deux serviteurs les poings sur les hanches, et s'autorisa un rire goguenard en les voyant ainsi presque disparus sous la montagne d'affaires.
-Heureusement qu'ils n'ont plus une étincelle de pensée dans le ciboulot, sans quoi je crois qu'ils auraient déjà tenté de nous tuer!
Personne ne rit, les récents évènements ayant balayé toute bonne humeur, et nous nous décidâmes à nous mettre en route.
Sur le perron, attendant que les autres soient sortis, Hivar se tourna vers moi en désignant du menton ma besace.
-J'espère que vous avez emmené de quoi faire, mon père, parce que vous allez voir du pays. dit il. Pas question de prendre les grandes routes avec toute la clique Bjönr à nos trousses. On va passer par la rase campagne pour rejoindre Vjorheim. Ce sera une belle occasion pour vous pour observer la vie quotidienne des Futharks.
-Voilà qui devrait être fort instructif. mentis-je, plus pressé à l'idée d'arriver en sécurité chez le Jarl qu'à celle de flâner à compiler tout ce que je voyais sur la route tandis que des meurtriers nous talonnaient. Combien de temps devrait durer le trajet?
Hivar réfléchit un instant en se frottant le menton.
-Si nous avançons bien, deux ou trois jours de voyage serait suffisants. dit il.
Comme si j'anticipais le voyage à venir, je me mis à étirer mes jambes, soufflant de grands coups.
-Trois jours... lâchai-je, dépité. Mais la cité est visible depuis ici! Elle est toute proche!
-Vjorheim est une très grande cité, d'ici vous ne pouvez en apercevoir qu'une petite partie. m'expliqua Hivar. Il est évident qu'en levmag ou en empruntant les caravanes ce serait bien plus rapide, quelques heures, tout au plus. Mais comme je vous l'ai dit, nous nous devons d'être prudents. Et passer inaperçu va devoir impliquer de rallonger le trajet en évitant les transports habituels.
Il esquissa un sourire et m'encouragea en me donnant une petite tape sur l'épaule. Puis il sortit de la maison, et je les rejoignis, mes serviteurs à ma suite, méconnaissables sous cette quantité de bagages.
Alors que nous nous mettions en route, les premiers rayons du soleil commençaient à percer les nuages, jetant des touches de feu doré sur des nappes de coton violet.
A cette heure là, le village était encore assoupi, et nous ne croisâmes que quelques rares travailleurs se rendant à la tâche, ou certains commerçants montant leurs étals.
Aucun ne leva les yeux vers nous, et nous sortîmes d'Ysggral sans encombres.
La nature sauvage d'Àsgard s'ouvrit à nous, fraîche et cristalline, la neige aussi fine que du coton, mais résistante comme une terre séchée, crissait sous nos pas, écrasant en dessous l'herbe cuite par le froide hivernal en grappes de touffes jaunâtres. Les arbres arboraient des guirlandes de givre et de poudreuse sur leurs branchages nus, quelques rares volatiles courageux allant s'y poser pour faire retentir leur chant joyeux à la face du soleil levant.
La route, entièrement dissimulée sous le manteau neigeux, fut difficile à trouver et nous finîmes par la rejoindre à l'aide des quelques panneaux gelés qui la jalonnaient, indiquant aux voyageurs courageux la direction à suivre pour se rendre à tel ou tel patelin. Une grosse pancarte surmontée de l'aquila impérial et du blason du Comté pointait vers la silhouette noyée dans le brouillard de la grande cité de Vjorheim, crachant au ciel ses longs panaches de fumées industrielles.
Malgré le froid mordant, l'effort de la marche me fit rapidement nager dans ma sueur, et tirer une vilaine langue pendante, et je dus résister plusieurs fois à la tentation de m'arrêter pour quitter mon manteau de fourrures. C'eut été une grossière erreur, et Hivar ne manqua pas de me le rappeler à plusieurs reprises, car j'aurai très vite attrapé un vilain rhume qui nous aurait considérablement ralenti.
Je baladais donc de ci de là mon regard pour apprécier le paysage du Comté s'éveiller peu à peu, la lueur dorée du soleil noyant ses champs immenses et enneigés, les faisant scintiller avec autant de force que le plus complexe des joyaux. Par moments, on pouvait apercevoir quelques animaux sauvages vagabonder en sautillant au milieu de ces grands espaces, jamais trop près de nous pour autant.
Hivar marchait en tête, s'appuyant sur un long bâton noueux au sommet duquel dépassait ce qui pouvait ressembler à la lame d'une faux. Eyla le talonnait, les yeux rivés au sol, ses mains agrippées sur les bretelles de son sac à dos. Malgré l'évident de la situation et le fait qu'en l'emmenant avec nous, non seulement nous lui sauvions la vie, mais nous faisions également tout en oeuvre pour lui sauver l'âme, elle semblait encore plongée dans d'amères pensées, et on pouvait presque sentir un odieux débat faire rage dans son crâne. Sa loyauté envers son peuple se battait toujours contre sa loyauté envers ses anciens compagnons hérétiques.
Jorval s'était délesté de son lourd sac qui était venu se percher sur le dos massif de mon deuxième serviteur - qui bien évidemment ne formula aucune plainte - et portait à sa place son fils adoptif, calé sur ses épaules, encore à moitié endormi, ses yeux gonflés observant toutefois le décor avec passion. Le vieux forgeron avait pour sa part le regard dans le vide et un sourire feint sur ses lèvres, comme s'il tentait de se persuader que tout ceci n'était qu'une simple promenade familiale.
Mon serviteur porteur - le gros costaud portant la majorité de nos affaires - trottinait derrière Jorval sur ses deux jambes articulées et renforcées, une paire de bras soutenant son fardeau, l'autre agrippant tout un chapelet de sacs que nous n'étions pas parvenu à faire tenir. De sa tête minuscule, presque entièrement cachée par les gros bagages qu'il portait sur le dos, seul la grille cousue à son ancienne mâchoire inférieure dépassait du fouillis d'affaire, et on entendait parfois un grésillement, comme si malgré son état végétatif, il pouvait encore se plaindre de sa condition dans un soupir électronique.
Aux côtés de mon serviteur scribe monté sur chenilles, et qui croulait sous nettement moins d'affaires emballées à la hâte, je fermais la marche, une main soutenant ma grosse besace et la lanière de mon fusil, l'autre serrant un bâton pareil à celui d'Hivar, m'appuyant dessus à chaque pas que je faisais et qui me coûtais un terrible effort.
Nous progressions doucement dans la froide matinée d'Àsgard, en silence, d'un pas déterminé, ni trop empressé, ni trop lent. En nos coeurs nous savions en quoi il était important d'arriver à Vjorheim au plus vite. En nos âmes nous connaissions le danger terrible que nous avions révélé avec autant de force qu'on donne un coup de pied dans une ruche de frelons. Pour eux, c'était un devoir sacré envers leur sang et leur peuple. Pour moi c'était un devoir sacré envers l'Empereur et tout ses sujets.
Le rouge soleil d'Yggdrasile, Rägnärock, montait dans le ciel à mesure que le temps passait, embrassant la région de son étreinte radieuse, et déjà par endroits l'épaisse couche neigeuse commençait à capituler sous la chaleur de ses rayons. La route se révéla plus facilement à nous, même si il était impossible que toute la neige disparaisse au vu des températures encore terriblement basses. Mais la douce caresse des radiations solaires fut quelque chose d'apaisant et de rassurant.
Nous étions sur la route, et nous étions vivants.
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+++ Burn the Heretic +++
+++ Purge the Unclean +++
+++ Purge the Unclean +++
Re: [ROMAN 40K] C.O.E. -Les Croisés - Tome I - Ùtlendr
Très bonne suite !!! j'attends la suite avec impatience comme chaque fois.
Ok mes agneaux, viandez moi ces Loqueteux
La prévision est difficile, surtout lorsqu'elle concerne l'avenir. P.Dac
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E. -Les Croisés - Tome I - Ùtlendr
très courte suite pour ce samedi, ayant travaillé sur Egorgeurs et sur mon fanfluff (notamment l'élaboration du secteur Mythos, en vue de mes écrits mais aussi d'un revirement pour mon forum), j'ai pris du retard sur Ùtlendr. Et comme je ne suis pas chez moi, je ne peux efficacement continuer...
Bref, un petit truc à vous mettre sous la dent avant la suite.
Il était aux environs de midi lorsque nous fîmes notre première pause, abandonnant nos sacs avec des soupirs de soulagement, et nous laissant volontiers tomber à terre pour reposer nos jambes ankylosées. Nous avions déniché un petit coin reculé de la route pour bivouaquer, sous l'ombre d'un grand arbre aux branches gelées.
Dégager la neige pour nous mettre plus confortables aurait été une erreur, car aurait clairement signalé notre passage. C'est ce qu'Hivar m'expliqua lorsque je me plaignis de devoir rester perché sur un gros sac, dos au tronc massif. J'aurai tant aimé pouvoir me coucher de tout mon long, m'abandonner dans une sieste bienvenue et laisser mon corps brûlant retrouver un peu de force. A la place, je me retrouvai en équilibre précaire sur un gros sac de linge que je partageai avec Hjangar, manquant parfois de glisser et de tomber dans une quinzaine de centimètres de neige. Hivar s'était simplement assis sur son bagage, Eyla se détendait les jambes en tournant autour de l'arbre, et Jorval fouillait en baragouinant dans les affaires portées par mes serviteurs, qui semblaient être les seuls nullement incommodés par la couche glacée leur arrivant à hauteur de mollet.
Finalement, le vieux forgeron laissa échapper un grognement satisfait, avec une mine triomphale, et brandit bien haut le jambon sec qu'il avait arraché au maelström de sacs et de bric à brac courageusement tenu par le plus massif de nos deux porteurs.
-Le repas est servi, mes enfants! déclara-t-il en tirant un couteau dont la lame devait probablement être aussi longue que tout mon avant bras, peut être même aussi large.
Il attaqua le jambon avec son arme démesurée, tranchant la viande avec une grande facilité et présentant fièrement cinq tranches de jambon épaisses sur un papier au blanc passé.
Hjangar se jeta littéralement sur la sienne et l'engloutit en un rien de temps, sous les rires de sa soeur et les remontrances de son père. Hivar alla chercher une gourde d'eau fraîche - l'inverse m'eut étonné par ces températures glaciales - et nous servit à chacun un petit gobelet.
Devant ma mine déconfite, il en put s'empêcher de ricaner.
-Réjouissez vous, mon père. Il y a des gardes impériaux qui paieraient cher pour pouvoir manger de ce jambon. C'est peu mais nous n'avons pas le choix.
Je répondis à sa moquerie par un hochement de tête entendu, et leva ma part d'eau vers lui.
-Le jambon me conviens parfaitement, mon garçon. dis-je, la bouche pleine. J'aurai peut être espéré plus, il est vrai, mais je crois que ce que je souhaite le plus serait un bon café bien chaud plutôt qu'une eau assez glacée pour me faire givrer la dentition.
Le contenant d'aluminium alla s'enfoncer dans la neige quand je l'échappa, alors qu'une masse venait de m'atterrir sur les genoux, accompagnée d'un rire gras.
-Et vous croyez sincèrement que Jorval Agirson allait se contenter de boire de l'eau de fonte alors qu'il a eu la brillante idée d'apporter quelques tonnelets de meàd? gloussa le forgeron en désignant du menton l'outre qu'il venait de me lancer. Buvez donc une rasade, Ùtlendr, ça vous réchauffera tout comme un café. Et ça sera bien meilleur, en plus!
Découragé par la vue de l'épaisse neige qui, j'en suis sûr, m'aurait rongé la peau aussitôt que j'aurai plongé la main dedans, je délaissai mon gobelet perdu et considéra l'outre de meàd. Hochant la tête, convaincu, je fit sauter le bouchon pour prendre une lampée du délicieux liquide, qui me coula dans le le ventre en une cascade chaude et sucrée pour aller s'écraser dans mon estomac en une douce explosion aux mille parfums d'épices.
En un instant, j'oubliai tout mes tracas.
Hivar considérait son père, les poings sur les hanches, le regard plein de reproche mais un sourire plein d'amusement sur son visage.
-Vieux pochtron incorrigible! lâcha-t-il en riant. Voilà pourquoi tu as mis autant de temps à préparer tes bagages.
-Eh là! Doucement mon garçon! le tempéra Jorval en levant une main d'excuses. Même dans l'urgence, un homme ne doit pas oublier les choses importantes dans la vie.
-L'alcool? se moqua Hivar sur un ton sarcastique. Une chose importante de la vie? Je commence à comprendre pourquoi les Ancêtres ne t'ont pas encore réclamé, tu dois empester le vin à des lieues à la ronde!
-Je t'interdit, petit freluquet que tu es! vociféra Jorval en se levant, poings serrés, rouge de colère.
Hivar se mit à lui tourner autour avec un sourire pervers, se moquant toujours plus de son père qui, à chaque pique, tombait dans le piège et répondait piteusement ou en montrant le poing.
Hjangar riait si fort qu'il devait se tenir les flancs, et Eyla observait la scène, adossée à l'arbre, un sourire se dessinant sur son visage, peut être le premier véritablement sincère que je lui vit.
En quelques instants, toute la mauvaise humeur s'était envolée, père et fils joutant dans un simulacre de dispute, se renvoyant des répliques toutes plus désolantes que les précédentes. Je riais de bon coeur, en sirotant mon meàd, tout en observant ces fiers natifs d'Àsgard se chercher de fausses querelles, tournoyant dans une neige leur parvenant aux mollets - alors que moi même n'osais bouger de mon perchoir de peur d'être aussitôt congelé - et ce alors même que des assassins étaient à nos trousses. Étaient-ils fous? Probablement. Mais c'était là une bonne folie à avoir, plutôt que de se laisser abattre par d'aussi sombres événements. Ils m'ont assurément donné une belle leçon de savoir vivre ce jour là.
Hivar multipliait les métaphores moqueuses au sujet de l'amour de son père pour la bonne chère, et ce dernier répliquant à chaque fois par des insultes colorées, des fausses menaces et des coups feintés, jusqu'à ce que les deux Futharks ne s'empoignent dans une rude embrassade, hilares, se donnant de grandes tapes dans le dos.
Les rires se turent progressivement alors que la fanfaronnade s'était achevée, excepté le jeune Hjangar qui en réclamait plus, et Jorval se reposa sur son sac en se frottant les yeux de la manche, hoquetant de résidus de fou rire, empoignant derechef l'outre de meàd pour engloutir une généreuse rasade.
-Par le Trône, voilà bien longtemps je crois que je n'ai pas autant ri! s'exclama-t-il. Merci mon garçon, nous en avions bien besoin ces temps-ci.
Hivar lui posa une main bienveillante sur l'épaule en souriant, haletant après leur chamaillerie, à court de mots.
-Nous en avions bien besoin... répéta Jorval dans un murmure, ses yeux perdus dans le vague un court instant avant de croiser les miens, son visage retrouvant d'un seul coup tout son sérieux.
-Voilà bien mon trésor le plus précieux, Ùtlendr. Ma famille. continua-t-il. Puissent l'Empereur et les Ancêtres nous accorder bonne fortune dans notre mission, car c'est pour cela que je me bats aujourd'hui. Pour eux, pour mon peuple.
-Une mission tout à votre honneur, ser Jorval. opinai-je en trinquant virtuellement avec lui, levant mon outre dans sa direction.
Bien évidemment il fallut quelqu'un pour ruiner cet instant, et je jure par tout ce qui est sacré que si je n'avais pas juré à Hivar de la protéger, ni éprouvé un semblant de début de sympathie pour elle, je crois bien que j'aurai crucifié Eyla sur place quand elle grogna, moqueuse, en entendant mes paroles.
Je lui décocha un regard furieux, dans lequel devait être concentré tout ma frustration du moment, et un instant de la vis blêmir avant qu'elle ne détourne les yeux.
Elle regrettait peut être sa réaction sur le coup, réflexe induit par les mensonges honteux qu'avaient distillé dans son esprit fragile ses venimeux anciens camarades, et à coup sûr elle voulut prétendre que rien ne s'était passé, mais Jorval ne l'entendit pas de cette oreille.
-Eyla, par les tripes du Köng! tonna-t-il, dépité. Quand cesseras tu donc cela?
Sa fille allait répondre quelque chose, mais rien ne sortit de sa bouche, et elle me lança furtivement un regard étrange dans lequel se mêlaient embarras et agacement.
Et quitta le support de l'arbre pour aller attraper son sac et s'éloigna de nous sans nous regarder davantage.
-Nous avons assez traîné. dit elle sèchement. Nous devrions nous remettre en route.
Jorval la regarda s'éloigner sans un mot, et Hivar commença à partir à la suite de sa soeur. Hjanagar nous dévisageait tour à tour avec une grande incompréhension se lisant dans ses grands yeux innocents.
Je finis par me lever de mon perchoir, réprimant un gémissement quand je regagna le sol et cette affreuse couche de neige, et tendis son outre à Jorval qui s'accorda une dernière goulée avant de la fixer à nouveau dans le méli-mélo de bagages sur le dos du gros serviteur.
-Elle a raison, mieux ne pas s'attarder. Nous devrions reprendre. lui dis je tout en rassemblant mes propres affaires.
Il opina et nous fûmes à nouveau sur la route après avoir remballé notre petit bivouac. Nous reprîmes le chemin, Jorval, Hjangar et moi au milieu, mes deux serviteurs trottinant derrière, Hivar et Eyla plusieurs pas en avant, discutant sans que nous puissions entendre quoi que ce soit de leur échange.
Bref, un petit truc à vous mettre sous la dent avant la suite.
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Il était aux environs de midi lorsque nous fîmes notre première pause, abandonnant nos sacs avec des soupirs de soulagement, et nous laissant volontiers tomber à terre pour reposer nos jambes ankylosées. Nous avions déniché un petit coin reculé de la route pour bivouaquer, sous l'ombre d'un grand arbre aux branches gelées.
Dégager la neige pour nous mettre plus confortables aurait été une erreur, car aurait clairement signalé notre passage. C'est ce qu'Hivar m'expliqua lorsque je me plaignis de devoir rester perché sur un gros sac, dos au tronc massif. J'aurai tant aimé pouvoir me coucher de tout mon long, m'abandonner dans une sieste bienvenue et laisser mon corps brûlant retrouver un peu de force. A la place, je me retrouvai en équilibre précaire sur un gros sac de linge que je partageai avec Hjangar, manquant parfois de glisser et de tomber dans une quinzaine de centimètres de neige. Hivar s'était simplement assis sur son bagage, Eyla se détendait les jambes en tournant autour de l'arbre, et Jorval fouillait en baragouinant dans les affaires portées par mes serviteurs, qui semblaient être les seuls nullement incommodés par la couche glacée leur arrivant à hauteur de mollet.
Finalement, le vieux forgeron laissa échapper un grognement satisfait, avec une mine triomphale, et brandit bien haut le jambon sec qu'il avait arraché au maelström de sacs et de bric à brac courageusement tenu par le plus massif de nos deux porteurs.
-Le repas est servi, mes enfants! déclara-t-il en tirant un couteau dont la lame devait probablement être aussi longue que tout mon avant bras, peut être même aussi large.
Il attaqua le jambon avec son arme démesurée, tranchant la viande avec une grande facilité et présentant fièrement cinq tranches de jambon épaisses sur un papier au blanc passé.
Hjangar se jeta littéralement sur la sienne et l'engloutit en un rien de temps, sous les rires de sa soeur et les remontrances de son père. Hivar alla chercher une gourde d'eau fraîche - l'inverse m'eut étonné par ces températures glaciales - et nous servit à chacun un petit gobelet.
Devant ma mine déconfite, il en put s'empêcher de ricaner.
-Réjouissez vous, mon père. Il y a des gardes impériaux qui paieraient cher pour pouvoir manger de ce jambon. C'est peu mais nous n'avons pas le choix.
Je répondis à sa moquerie par un hochement de tête entendu, et leva ma part d'eau vers lui.
-Le jambon me conviens parfaitement, mon garçon. dis-je, la bouche pleine. J'aurai peut être espéré plus, il est vrai, mais je crois que ce que je souhaite le plus serait un bon café bien chaud plutôt qu'une eau assez glacée pour me faire givrer la dentition.
Le contenant d'aluminium alla s'enfoncer dans la neige quand je l'échappa, alors qu'une masse venait de m'atterrir sur les genoux, accompagnée d'un rire gras.
-Et vous croyez sincèrement que Jorval Agirson allait se contenter de boire de l'eau de fonte alors qu'il a eu la brillante idée d'apporter quelques tonnelets de meàd? gloussa le forgeron en désignant du menton l'outre qu'il venait de me lancer. Buvez donc une rasade, Ùtlendr, ça vous réchauffera tout comme un café. Et ça sera bien meilleur, en plus!
Découragé par la vue de l'épaisse neige qui, j'en suis sûr, m'aurait rongé la peau aussitôt que j'aurai plongé la main dedans, je délaissai mon gobelet perdu et considéra l'outre de meàd. Hochant la tête, convaincu, je fit sauter le bouchon pour prendre une lampée du délicieux liquide, qui me coula dans le le ventre en une cascade chaude et sucrée pour aller s'écraser dans mon estomac en une douce explosion aux mille parfums d'épices.
En un instant, j'oubliai tout mes tracas.
Hivar considérait son père, les poings sur les hanches, le regard plein de reproche mais un sourire plein d'amusement sur son visage.
-Vieux pochtron incorrigible! lâcha-t-il en riant. Voilà pourquoi tu as mis autant de temps à préparer tes bagages.
-Eh là! Doucement mon garçon! le tempéra Jorval en levant une main d'excuses. Même dans l'urgence, un homme ne doit pas oublier les choses importantes dans la vie.
-L'alcool? se moqua Hivar sur un ton sarcastique. Une chose importante de la vie? Je commence à comprendre pourquoi les Ancêtres ne t'ont pas encore réclamé, tu dois empester le vin à des lieues à la ronde!
-Je t'interdit, petit freluquet que tu es! vociféra Jorval en se levant, poings serrés, rouge de colère.
Hivar se mit à lui tourner autour avec un sourire pervers, se moquant toujours plus de son père qui, à chaque pique, tombait dans le piège et répondait piteusement ou en montrant le poing.
Hjangar riait si fort qu'il devait se tenir les flancs, et Eyla observait la scène, adossée à l'arbre, un sourire se dessinant sur son visage, peut être le premier véritablement sincère que je lui vit.
En quelques instants, toute la mauvaise humeur s'était envolée, père et fils joutant dans un simulacre de dispute, se renvoyant des répliques toutes plus désolantes que les précédentes. Je riais de bon coeur, en sirotant mon meàd, tout en observant ces fiers natifs d'Àsgard se chercher de fausses querelles, tournoyant dans une neige leur parvenant aux mollets - alors que moi même n'osais bouger de mon perchoir de peur d'être aussitôt congelé - et ce alors même que des assassins étaient à nos trousses. Étaient-ils fous? Probablement. Mais c'était là une bonne folie à avoir, plutôt que de se laisser abattre par d'aussi sombres événements. Ils m'ont assurément donné une belle leçon de savoir vivre ce jour là.
Hivar multipliait les métaphores moqueuses au sujet de l'amour de son père pour la bonne chère, et ce dernier répliquant à chaque fois par des insultes colorées, des fausses menaces et des coups feintés, jusqu'à ce que les deux Futharks ne s'empoignent dans une rude embrassade, hilares, se donnant de grandes tapes dans le dos.
Les rires se turent progressivement alors que la fanfaronnade s'était achevée, excepté le jeune Hjangar qui en réclamait plus, et Jorval se reposa sur son sac en se frottant les yeux de la manche, hoquetant de résidus de fou rire, empoignant derechef l'outre de meàd pour engloutir une généreuse rasade.
-Par le Trône, voilà bien longtemps je crois que je n'ai pas autant ri! s'exclama-t-il. Merci mon garçon, nous en avions bien besoin ces temps-ci.
Hivar lui posa une main bienveillante sur l'épaule en souriant, haletant après leur chamaillerie, à court de mots.
-Nous en avions bien besoin... répéta Jorval dans un murmure, ses yeux perdus dans le vague un court instant avant de croiser les miens, son visage retrouvant d'un seul coup tout son sérieux.
-Voilà bien mon trésor le plus précieux, Ùtlendr. Ma famille. continua-t-il. Puissent l'Empereur et les Ancêtres nous accorder bonne fortune dans notre mission, car c'est pour cela que je me bats aujourd'hui. Pour eux, pour mon peuple.
-Une mission tout à votre honneur, ser Jorval. opinai-je en trinquant virtuellement avec lui, levant mon outre dans sa direction.
Bien évidemment il fallut quelqu'un pour ruiner cet instant, et je jure par tout ce qui est sacré que si je n'avais pas juré à Hivar de la protéger, ni éprouvé un semblant de début de sympathie pour elle, je crois bien que j'aurai crucifié Eyla sur place quand elle grogna, moqueuse, en entendant mes paroles.
Je lui décocha un regard furieux, dans lequel devait être concentré tout ma frustration du moment, et un instant de la vis blêmir avant qu'elle ne détourne les yeux.
Elle regrettait peut être sa réaction sur le coup, réflexe induit par les mensonges honteux qu'avaient distillé dans son esprit fragile ses venimeux anciens camarades, et à coup sûr elle voulut prétendre que rien ne s'était passé, mais Jorval ne l'entendit pas de cette oreille.
-Eyla, par les tripes du Köng! tonna-t-il, dépité. Quand cesseras tu donc cela?
Sa fille allait répondre quelque chose, mais rien ne sortit de sa bouche, et elle me lança furtivement un regard étrange dans lequel se mêlaient embarras et agacement.
Et quitta le support de l'arbre pour aller attraper son sac et s'éloigna de nous sans nous regarder davantage.
-Nous avons assez traîné. dit elle sèchement. Nous devrions nous remettre en route.
Jorval la regarda s'éloigner sans un mot, et Hivar commença à partir à la suite de sa soeur. Hjanagar nous dévisageait tour à tour avec une grande incompréhension se lisant dans ses grands yeux innocents.
Je finis par me lever de mon perchoir, réprimant un gémissement quand je regagna le sol et cette affreuse couche de neige, et tendis son outre à Jorval qui s'accorda une dernière goulée avant de la fixer à nouveau dans le méli-mélo de bagages sur le dos du gros serviteur.
-Elle a raison, mieux ne pas s'attarder. Nous devrions reprendre. lui dis je tout en rassemblant mes propres affaires.
Il opina et nous fûmes à nouveau sur la route après avoir remballé notre petit bivouac. Nous reprîmes le chemin, Jorval, Hjangar et moi au milieu, mes deux serviteurs trottinant derrière, Hivar et Eyla plusieurs pas en avant, discutant sans que nous puissions entendre quoi que ce soit de leur échange.
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E. -Les Croisés - Tome I - Ùtlendr
La marche se fit de bon train, et je me perdis à nouveau aisément dans le paysage féerique nous environnant. Son programme devait sûrement avoir interprété ma fascination, car mon serviteur transcripteur était parvenu à libérer ses bras du mieux qu'il pouvait se le permettre pour prendre des notes sur ce que ses composants pouvaient enregistrer du paysage. Son stylet gauche griffonnait à toute allure des dizaines de croquis d'une précision remarquable sur une petite tablette cousue sur son thorax, tandis que de l'autre main il faisait défiler des lignes d'écritures en pattes de mouche sur un long parchemin se déroulant d'une cavité au dessus de son épaule droite pour être aussitôt englouti par un réceptacle accroché à sa hanche.
Nous nous éloignâmes peu de la route que nous suivions, nulle âme qui vive n'apparaissant à l'horizon. Derrière nous, les derniers reliefs ceignant Ysdrral disparaissaient petit à petit. Je voyais là une page de mon odyssée qui se tournait, et je sentais que c'en était là une d'importance, car j'étais désormais lié de très près à mon guide Hivar et à ce complot qui venait d'éclater au grand jour. Je n'étais plus un simple observateur, j'étais devenu, bien malgré moi, un véritable acteur de la tragédie qui secouait Yggdrasile.
Le jeune Futhark était toujours quelques pas devant nous, en pleine discussion avec sa soeur, un entretien visiblement passionné, à en juger par les grands gestes d'Eyla et aux quelques éclats de voix qui nous parvenaient. Cela durait depuis déjà pas mal de temps, et je supposai qu'il ne s'agissait pas seulement d'une discussion au sujet de l'attitude mesquine de la jeune femme, mais de quelque chose de bien plus vaste et complexe.
Jorval dut surprendre mon regard rivé sur Hivar et sa soeur, car il déposa Hjangar à terre pour qu'il puisse se dégourdir les jmabes, et ralentit son allure pour se placer à mes côtés. Il tira une longue pipe finement ouvragée et la bourra de gros tabac noirâtre avant d'en tirer quelques bouffées de fumée grise et à l'odeur boisée.
Sans vraiment me demander si c'était bien là le sujet de mon observation, il désigna ses deux enfants de la tige de sa pipe et tourna son visage rougeaud vers moi avec un hochement de tête.
-Ces deux là ont beaucoup à se dire on dirait.
-Si j'en juge par ce que j'en entend et par leurs gestes, on dirait bien oui. opinai-je bien que ce fut une évidence.
-Rien à voir avec ce qui nous arrive, je puis vous assurer, Ùtlendr. continua le forgeron, sans qu'il ne m'apprenne rien de plus. Leur querelle remonte à bien des années de cela.
Nous touchions au but. Je sentais que Jorval en avait gros sur le coeur et qu'il devait se confier. Etait-ce ma condition de prêtre ou le fait que j'étais leur compagnon d'infortune, je n'aurais su le dire sur l'instant. Toujours est il que c'est bien ma condition de prêtre qui fit que je tendis une oreille attentive, mais que ce fut le compagnon d'infortune qui en comprit le sens.
Je ne me considérais pas comme un ami à ce point, mais au fond de moi je sentais une profonde sympathie pour Hivar et son père. Pour ce qui est d'Eyla, cela viendrai mais pas immédiatement, je le sentais. Elle était une âme perdue à mes yeux, et aux siens j'étais un étranger, un ennemi.
Jorval tira à nouveau sur sa pipe, projetant un nuage fort odorant dans l'air, et inspira avant de commencer enfin à vider son sac.
-Depuis que ma chère Yngritt est partie, ces deux là se sont retrouvé livrés à eux mêmes de trop nombreuses fois. J'étais bien trop occupé par la forge pour pouvoir les garder tout le temps sous les yeux. Eyla a fini la scholam aussi vite qu'elle put pour aller travailler avec ses camarades d'alors. C'est l'un d'eux qui la mena aux mines, celui dont vous portez l'arme si j'ai bien compris.
Le rouge me vint aux joues en même temps qu'un désagréable sentiment de culpabilité, et je raffermis ma prise sur la bandoulière du fusil de Varl. Je n'aurai jamais pensé qu'Eyla et lui se connaissaient depuis si longtemps. Je comprenais enfin à juste titre ce pourquoi sa mort et celle de son autre compagnon l'avait tant touchée.
Comme devinant mes pensées, Jorval pencha la tête de côté d'un air peiné.
-C'était un brave garçon, ça je peux vous le dire. Jamais je n'aurai cru possible qu'il sombre dans de si terribles chemins. Puissent les Ancêtres lui pardonner. Je doute que l'Empereur en fasse autant, pardonnez moi cette pensée.
Je voulu répondre, mais ma bouche refusa de prononcer un mot, comme si au fond de moi même je sentais que toute remarque serait plus que déplacée. Je laissai donc Jorval continuer sa confession.
-Hivar lui aussi a pris un chemin différent que celui que j'avais envisagé pour lui. Il était un garçon passionné, et j'étais sûr qu'il finirait par reprendre ma forge, mais lorsqu'il devint homme, son destin l'appela sur un sentier différent. Je ne l'en blâme pas, certainement pas maintenant que je sais quel sentier il a emprunté. Il s'est absenté de plus en plus souvent du foyer, de plus en plus longtemps. Pour chasser disait-il. Il avait passé un contrat avec le vieux Olaff qui travaillait auprès de l'aile locale de la guilde Vor, la guilde qui se charge des contrats et des travaux en tout genre. Du bon comme du mauvais si vous voulez mon avis. Olaff m'a dit que mon garçon était souvent en route avec des chasseurs de tout Vjorheim, cheminant vers les steppes glacées du Lac des Serpents, pour y chasser le gibier qui s'y trouve à foison, et temps à autres débarrasser le Comté de quelques dangereux prédateurs. Je ne sais comme il s'est débrouiller, maintenant que je sais que ce n'était pas vrai, mais Hivar est toujours revenu avec un trophée de chasse, une preuve que ce que disait Olaff était vrai.
-Peut être que ce Olaff s'est vu gratifier de quelques poignées de crédits. avançai-je.
-Non, ce n'est pas le genre d'Hivar. Le connaissant, il a plutôt rendu un assez grand service à ce vieux bougre pour qu'il lui apporte la couverture nécessaire. Je sais entre autre qu'Olaff avait maille à partir avec Tuisto et Imirr, deux guildes de mercenaires qui tiennent plus de gangs que d'organisation à proprement parler. Du jour au lendemain, on n'a plus vu de mercenaires de la guilde Tuisto, et Imirr a passé un accord qu'on dit fort juteux avec Olaff. Je ne sais pas de quoi il s'agit, mais à présent, tout les contrats passent par eux.
-Les meurtres aussi? demandai-je en réprimant un grognement.
-Hum. Vous voulez parler de nos assaillants? Non ce ne sont pas des mercenaires Imirr. A vrai dire je ne sais pas de quelle guilde ils dépendent. Il y a de fortes chances pour qu'ils aient été recrutés auprès d'organisations bien plus douteuses. Imirr a une réputation, et ils ne font pas le commerce de la mort, ni ne touchent aux opérations illégales. Et il ne peut s'agir de déserteurs non plus, Imirr ne le permet pas comme ça. Non, je soupçonne quelque chose de plus puant. Yngvi, la secte d'assassins noirs, peut être... Mais on dit qu'il n'opère plus sur Àsgard depuis des années, et la plupart y sont recherchés avec force par les hommes du Köng. On dit que les bourreaux de Valhall ont gardé une dague spécialement prévue pour chacun d'eux. Et puis de toute manière, quand la secte d'Yngvi frappe, c'est efficace, sale et monumentale. Nos agresseurs, à côté, tenaient plus de l'amateur que du vrai assassin.
-Ces Tuitso, dans ce cas. supposai-je. Si elle tient à prendre le Comté de Vjorheim, peut être que la Borà a passé un pacte de quelques sortes avec les parias de ces contrées. Une part du gâteau, ou un droit d'exercer à la place d'un autre...
-Non, les hommes du Tuitso sont des rustres, des sauvageons pour certains, mais ils ont leur code d'honneur, et jamais ils ne frayeraient avec des complots ou des hérétiques. Imirr sont les plus droits et les plus justes, mais ont tendance à bouffer à tout les râteliers, et le Tuitso est composé de barbares et de brutes mais assurément les plus pieux de tous. Aucun des deux n'a pu avoir un contrat avec la Borà. Ou alors la situation est bien plus grave que nous ne le supposons.
-J'ai bien peur que sa gravité est déjà bien au delà de tout ce que nous pourrions craindre, ser Jorval. dis-je sombrement.
-Tout cela sera tiré au clair quand nous arriverons en Vjorheim même et que le Jarl nous recevra. La Borà avouera tout avant d'aller rencontrer son destin sur le Rocher.
-Puisse l'Empereur vous donner raison!
Nous restâmes silencieux un instant sur ces considérations, humant l'air frais, regardant les silhouettes d'Hivar et Eyla toujours en plein échange, ou Hjangar courant en tout sens. Puis Jorval se remémora comment nous en étions arrivés là, et reprit la conversation comme si de rien n'était.
-J'imagine que j'ai été plutôt un bon père pour eux. dit il, pensif. Mais que voulez vous, les enfants sont ce qu'ils sont, et un jour ou l'autre, le destin leur façonne leurs propres chemins. Eyla se fit une carrière aux mines, et Hivar devenait de plus en plus étranger au village, allant de voyages en voyages. On le voyait rarement, et certains commençaient à spéculer derrière son dos. J'ai entendu toute sorte de choses à son sujet, qu'il était devenu ermite, que le chagrin de la perte de sa mère, sensée être allée au delà des étoiles, avait été un terrible fardeau pour lui. Certains sont même allé dire qu'il fricotait avec les parias des montagnes! Par les Ancêtres, ceux qui ont proféré de telles inepties ont eu affaire à moi, je peux vous l'assurer!
Ce disant, il brandit un poing rageur à la face des fantômes de ces délateurs qui, je présumai, devait en être réduit à manger de la soupe pour le restant de leurs jours.
-Hjangar a grandit entre un frère presque toujours absent, une soeur plongée dans sa nouvelle carrière et un père adoptif tenu par son devoir de forgeron du village. Le pauvre garçon doit avoir un tempérament d'acier pour avoir put grandir dans ces conditions sans devenir anormal. Que le Trône m'en soit témoin, une fois cette histoire terminée et lorsque mon fil deviendra trop fragile, c'est à lui que je léguerai ma forge.
-Lui direz vous qui sont ses véritables parents?
-Lorsqu'il sera en âge de comprendre, je le ferai. Pas avant. Je ne tiens pas à briser sa volonté avec des choses qu'il ne peut comprendre.
Une nouvelle pause se fit, Jorval regardant son fils adoptif courir le long des congères avant de revenir vers nous, puis de repartir de plus belle, comme sur un champ de course imaginaire. Cela nous fit tout deux sourire de le voir ainsi s'amuser, loin de tout les tracas de la vie. Si innocent, si brave.
Jorval se souvint de l'existence de sa pipe et la ralluma pour projeter de nouveaux nuages de fumée grise. Au travers du voile qu'il projeta face au vent, nous aperçûmes Hivar revenir vers nous. Je réalisai alors que Jorval ne m'avait pas dit pourquoi le jeune homme se querellait autant avec sa soeur, et le vieux forgeron devina ma question, car il posa la tige de sa pipe sur ses lèvres, me promettant silencieusement d'y revenir lorsque son fils serait à nouveau éloigné.
J'opinai d'un hochement de tête entendu.
Hivar nous rejoignit et alla chercher la gourde d'eau pour se rafraîchir, avant de regarder aux alentours en nous adressant la parole.
-Nous venons de quitter le domaine d'Ysdrral. A présent, nous entrons dans la terre du village d'Odalsirc, nos voisins immédiats. Si nous faisons bonne route, nous parviendrons au village avant la nuit et pourrons y trouver une auberge. Odalsirc n'est qu'à quelques lieues de la Cité de Vjorheim, mais il nous faudra passer par le canal.
-N'y a-t-il pas des brigands par là bas, mon garçon? s'enquit Jorval en dressant un sourcil.
-Rien de trop dangereux. Les milices du Hersar d'Odalsirc patrouillent souvent aux abords du canal. Ce qui est plus inquiétant en revanche, c'est que proche du canal se trouve un relais de la guilde Böjnr. Nous devrons redoubler de prudence, la Borà les a sûrement mis au fait de notre fuite.
-N'y a-t-il pas un autre moyen? demandai-je.
-Le canal est la voie la plus rapide pour rejoindre la Cité, mais il existe d'autres chemins. L'un est à exclure, car pénétrant dans la forêt d'Odalsirc, domaine des brigands et non veillée par la milice. Un autre nous rallongerait d'une bonne demi journée, et un troisième sert de voie commerciale, donc fort fréquenté par les caravanes. Mais c'est pour l'instant la meilleure option que nous ayons.
-Un bon lit et une bière bien frappée avant tout, garçon! déclara Jorval. Nous conviendrons du chemin à prendre une fois arrivés au village? Peut être que de meilleures options se présenterons alors à nous.
J'abondai en son sens et Hivar acquiesça silencieusement avant de repartir en avant.
Il dépassa sa soeur, non sans lui avoir adressé quelques mots, et partit en éclaireur pour juger du terrain.
Jorval me jeta un regard en coin et alluma une fois encore sa pipe.
-J'ai déjà marchandé à Odalsirc. dit-il. Nous ne devrions pas avoir de soucis à nous faire, et je peux même nous trouver un ou deux bons vieux amis pour nous faire office de passeurs au delà du canal. Mais après, et jusqu'aux portes de la grande cité, je ne garantis rien. Ce sont des terres agricoles délaissées et il existe de nombreux repaires de brigands dans les bois. Une fois Odalsirc passé, nous devrons faire preuve de prudence redoublée.
Je ne me sentais pas d'humeur à imaginer avec lui les nombreux dangers qui pourraient alors nous attendre, aussi gardai-je le silence, ramenant un peu plus mon manteau sur mes épaules, frissonnant à cause du froid et de l'appréhension.
Nous nous éloignâmes peu de la route que nous suivions, nulle âme qui vive n'apparaissant à l'horizon. Derrière nous, les derniers reliefs ceignant Ysdrral disparaissaient petit à petit. Je voyais là une page de mon odyssée qui se tournait, et je sentais que c'en était là une d'importance, car j'étais désormais lié de très près à mon guide Hivar et à ce complot qui venait d'éclater au grand jour. Je n'étais plus un simple observateur, j'étais devenu, bien malgré moi, un véritable acteur de la tragédie qui secouait Yggdrasile.
Le jeune Futhark était toujours quelques pas devant nous, en pleine discussion avec sa soeur, un entretien visiblement passionné, à en juger par les grands gestes d'Eyla et aux quelques éclats de voix qui nous parvenaient. Cela durait depuis déjà pas mal de temps, et je supposai qu'il ne s'agissait pas seulement d'une discussion au sujet de l'attitude mesquine de la jeune femme, mais de quelque chose de bien plus vaste et complexe.
Jorval dut surprendre mon regard rivé sur Hivar et sa soeur, car il déposa Hjangar à terre pour qu'il puisse se dégourdir les jmabes, et ralentit son allure pour se placer à mes côtés. Il tira une longue pipe finement ouvragée et la bourra de gros tabac noirâtre avant d'en tirer quelques bouffées de fumée grise et à l'odeur boisée.
Sans vraiment me demander si c'était bien là le sujet de mon observation, il désigna ses deux enfants de la tige de sa pipe et tourna son visage rougeaud vers moi avec un hochement de tête.
-Ces deux là ont beaucoup à se dire on dirait.
-Si j'en juge par ce que j'en entend et par leurs gestes, on dirait bien oui. opinai-je bien que ce fut une évidence.
-Rien à voir avec ce qui nous arrive, je puis vous assurer, Ùtlendr. continua le forgeron, sans qu'il ne m'apprenne rien de plus. Leur querelle remonte à bien des années de cela.
Nous touchions au but. Je sentais que Jorval en avait gros sur le coeur et qu'il devait se confier. Etait-ce ma condition de prêtre ou le fait que j'étais leur compagnon d'infortune, je n'aurais su le dire sur l'instant. Toujours est il que c'est bien ma condition de prêtre qui fit que je tendis une oreille attentive, mais que ce fut le compagnon d'infortune qui en comprit le sens.
Je ne me considérais pas comme un ami à ce point, mais au fond de moi je sentais une profonde sympathie pour Hivar et son père. Pour ce qui est d'Eyla, cela viendrai mais pas immédiatement, je le sentais. Elle était une âme perdue à mes yeux, et aux siens j'étais un étranger, un ennemi.
Jorval tira à nouveau sur sa pipe, projetant un nuage fort odorant dans l'air, et inspira avant de commencer enfin à vider son sac.
-Depuis que ma chère Yngritt est partie, ces deux là se sont retrouvé livrés à eux mêmes de trop nombreuses fois. J'étais bien trop occupé par la forge pour pouvoir les garder tout le temps sous les yeux. Eyla a fini la scholam aussi vite qu'elle put pour aller travailler avec ses camarades d'alors. C'est l'un d'eux qui la mena aux mines, celui dont vous portez l'arme si j'ai bien compris.
Le rouge me vint aux joues en même temps qu'un désagréable sentiment de culpabilité, et je raffermis ma prise sur la bandoulière du fusil de Varl. Je n'aurai jamais pensé qu'Eyla et lui se connaissaient depuis si longtemps. Je comprenais enfin à juste titre ce pourquoi sa mort et celle de son autre compagnon l'avait tant touchée.
Comme devinant mes pensées, Jorval pencha la tête de côté d'un air peiné.
-C'était un brave garçon, ça je peux vous le dire. Jamais je n'aurai cru possible qu'il sombre dans de si terribles chemins. Puissent les Ancêtres lui pardonner. Je doute que l'Empereur en fasse autant, pardonnez moi cette pensée.
Je voulu répondre, mais ma bouche refusa de prononcer un mot, comme si au fond de moi même je sentais que toute remarque serait plus que déplacée. Je laissai donc Jorval continuer sa confession.
-Hivar lui aussi a pris un chemin différent que celui que j'avais envisagé pour lui. Il était un garçon passionné, et j'étais sûr qu'il finirait par reprendre ma forge, mais lorsqu'il devint homme, son destin l'appela sur un sentier différent. Je ne l'en blâme pas, certainement pas maintenant que je sais quel sentier il a emprunté. Il s'est absenté de plus en plus souvent du foyer, de plus en plus longtemps. Pour chasser disait-il. Il avait passé un contrat avec le vieux Olaff qui travaillait auprès de l'aile locale de la guilde Vor, la guilde qui se charge des contrats et des travaux en tout genre. Du bon comme du mauvais si vous voulez mon avis. Olaff m'a dit que mon garçon était souvent en route avec des chasseurs de tout Vjorheim, cheminant vers les steppes glacées du Lac des Serpents, pour y chasser le gibier qui s'y trouve à foison, et temps à autres débarrasser le Comté de quelques dangereux prédateurs. Je ne sais comme il s'est débrouiller, maintenant que je sais que ce n'était pas vrai, mais Hivar est toujours revenu avec un trophée de chasse, une preuve que ce que disait Olaff était vrai.
-Peut être que ce Olaff s'est vu gratifier de quelques poignées de crédits. avançai-je.
-Non, ce n'est pas le genre d'Hivar. Le connaissant, il a plutôt rendu un assez grand service à ce vieux bougre pour qu'il lui apporte la couverture nécessaire. Je sais entre autre qu'Olaff avait maille à partir avec Tuisto et Imirr, deux guildes de mercenaires qui tiennent plus de gangs que d'organisation à proprement parler. Du jour au lendemain, on n'a plus vu de mercenaires de la guilde Tuisto, et Imirr a passé un accord qu'on dit fort juteux avec Olaff. Je ne sais pas de quoi il s'agit, mais à présent, tout les contrats passent par eux.
-Les meurtres aussi? demandai-je en réprimant un grognement.
-Hum. Vous voulez parler de nos assaillants? Non ce ne sont pas des mercenaires Imirr. A vrai dire je ne sais pas de quelle guilde ils dépendent. Il y a de fortes chances pour qu'ils aient été recrutés auprès d'organisations bien plus douteuses. Imirr a une réputation, et ils ne font pas le commerce de la mort, ni ne touchent aux opérations illégales. Et il ne peut s'agir de déserteurs non plus, Imirr ne le permet pas comme ça. Non, je soupçonne quelque chose de plus puant. Yngvi, la secte d'assassins noirs, peut être... Mais on dit qu'il n'opère plus sur Àsgard depuis des années, et la plupart y sont recherchés avec force par les hommes du Köng. On dit que les bourreaux de Valhall ont gardé une dague spécialement prévue pour chacun d'eux. Et puis de toute manière, quand la secte d'Yngvi frappe, c'est efficace, sale et monumentale. Nos agresseurs, à côté, tenaient plus de l'amateur que du vrai assassin.
-Ces Tuitso, dans ce cas. supposai-je. Si elle tient à prendre le Comté de Vjorheim, peut être que la Borà a passé un pacte de quelques sortes avec les parias de ces contrées. Une part du gâteau, ou un droit d'exercer à la place d'un autre...
-Non, les hommes du Tuitso sont des rustres, des sauvageons pour certains, mais ils ont leur code d'honneur, et jamais ils ne frayeraient avec des complots ou des hérétiques. Imirr sont les plus droits et les plus justes, mais ont tendance à bouffer à tout les râteliers, et le Tuitso est composé de barbares et de brutes mais assurément les plus pieux de tous. Aucun des deux n'a pu avoir un contrat avec la Borà. Ou alors la situation est bien plus grave que nous ne le supposons.
-J'ai bien peur que sa gravité est déjà bien au delà de tout ce que nous pourrions craindre, ser Jorval. dis-je sombrement.
-Tout cela sera tiré au clair quand nous arriverons en Vjorheim même et que le Jarl nous recevra. La Borà avouera tout avant d'aller rencontrer son destin sur le Rocher.
-Puisse l'Empereur vous donner raison!
Nous restâmes silencieux un instant sur ces considérations, humant l'air frais, regardant les silhouettes d'Hivar et Eyla toujours en plein échange, ou Hjangar courant en tout sens. Puis Jorval se remémora comment nous en étions arrivés là, et reprit la conversation comme si de rien n'était.
-J'imagine que j'ai été plutôt un bon père pour eux. dit il, pensif. Mais que voulez vous, les enfants sont ce qu'ils sont, et un jour ou l'autre, le destin leur façonne leurs propres chemins. Eyla se fit une carrière aux mines, et Hivar devenait de plus en plus étranger au village, allant de voyages en voyages. On le voyait rarement, et certains commençaient à spéculer derrière son dos. J'ai entendu toute sorte de choses à son sujet, qu'il était devenu ermite, que le chagrin de la perte de sa mère, sensée être allée au delà des étoiles, avait été un terrible fardeau pour lui. Certains sont même allé dire qu'il fricotait avec les parias des montagnes! Par les Ancêtres, ceux qui ont proféré de telles inepties ont eu affaire à moi, je peux vous l'assurer!
Ce disant, il brandit un poing rageur à la face des fantômes de ces délateurs qui, je présumai, devait en être réduit à manger de la soupe pour le restant de leurs jours.
-Hjangar a grandit entre un frère presque toujours absent, une soeur plongée dans sa nouvelle carrière et un père adoptif tenu par son devoir de forgeron du village. Le pauvre garçon doit avoir un tempérament d'acier pour avoir put grandir dans ces conditions sans devenir anormal. Que le Trône m'en soit témoin, une fois cette histoire terminée et lorsque mon fil deviendra trop fragile, c'est à lui que je léguerai ma forge.
-Lui direz vous qui sont ses véritables parents?
-Lorsqu'il sera en âge de comprendre, je le ferai. Pas avant. Je ne tiens pas à briser sa volonté avec des choses qu'il ne peut comprendre.
Une nouvelle pause se fit, Jorval regardant son fils adoptif courir le long des congères avant de revenir vers nous, puis de repartir de plus belle, comme sur un champ de course imaginaire. Cela nous fit tout deux sourire de le voir ainsi s'amuser, loin de tout les tracas de la vie. Si innocent, si brave.
Jorval se souvint de l'existence de sa pipe et la ralluma pour projeter de nouveaux nuages de fumée grise. Au travers du voile qu'il projeta face au vent, nous aperçûmes Hivar revenir vers nous. Je réalisai alors que Jorval ne m'avait pas dit pourquoi le jeune homme se querellait autant avec sa soeur, et le vieux forgeron devina ma question, car il posa la tige de sa pipe sur ses lèvres, me promettant silencieusement d'y revenir lorsque son fils serait à nouveau éloigné.
J'opinai d'un hochement de tête entendu.
Hivar nous rejoignit et alla chercher la gourde d'eau pour se rafraîchir, avant de regarder aux alentours en nous adressant la parole.
-Nous venons de quitter le domaine d'Ysdrral. A présent, nous entrons dans la terre du village d'Odalsirc, nos voisins immédiats. Si nous faisons bonne route, nous parviendrons au village avant la nuit et pourrons y trouver une auberge. Odalsirc n'est qu'à quelques lieues de la Cité de Vjorheim, mais il nous faudra passer par le canal.
-N'y a-t-il pas des brigands par là bas, mon garçon? s'enquit Jorval en dressant un sourcil.
-Rien de trop dangereux. Les milices du Hersar d'Odalsirc patrouillent souvent aux abords du canal. Ce qui est plus inquiétant en revanche, c'est que proche du canal se trouve un relais de la guilde Böjnr. Nous devrons redoubler de prudence, la Borà les a sûrement mis au fait de notre fuite.
-N'y a-t-il pas un autre moyen? demandai-je.
-Le canal est la voie la plus rapide pour rejoindre la Cité, mais il existe d'autres chemins. L'un est à exclure, car pénétrant dans la forêt d'Odalsirc, domaine des brigands et non veillée par la milice. Un autre nous rallongerait d'une bonne demi journée, et un troisième sert de voie commerciale, donc fort fréquenté par les caravanes. Mais c'est pour l'instant la meilleure option que nous ayons.
-Un bon lit et une bière bien frappée avant tout, garçon! déclara Jorval. Nous conviendrons du chemin à prendre une fois arrivés au village? Peut être que de meilleures options se présenterons alors à nous.
J'abondai en son sens et Hivar acquiesça silencieusement avant de repartir en avant.
Il dépassa sa soeur, non sans lui avoir adressé quelques mots, et partit en éclaireur pour juger du terrain.
Jorval me jeta un regard en coin et alluma une fois encore sa pipe.
-J'ai déjà marchandé à Odalsirc. dit-il. Nous ne devrions pas avoir de soucis à nous faire, et je peux même nous trouver un ou deux bons vieux amis pour nous faire office de passeurs au delà du canal. Mais après, et jusqu'aux portes de la grande cité, je ne garantis rien. Ce sont des terres agricoles délaissées et il existe de nombreux repaires de brigands dans les bois. Une fois Odalsirc passé, nous devrons faire preuve de prudence redoublée.
Je ne me sentais pas d'humeur à imaginer avec lui les nombreux dangers qui pourraient alors nous attendre, aussi gardai-je le silence, ramenant un peu plus mon manteau sur mes épaules, frissonnant à cause du froid et de l'appréhension.
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E. -Les Croisés - Tome I - Ùtlendr
Une suite un peu courte, mais je me suis fait avoir par mon agenda chargé, une fois encore...
Le soleil avait dépassé son zénith, et par endroits la neige se faisait plus discrète malgré qu'il en tombait toujours plus ou moins des cieux, en un voile délicat de cristaux blancs, valsant dans le souffle du vent glacial. Il était presque surréaliste de considérer ce paysage ensoleillé et de pourtant sentir la bise hivernale vous mordre jusqu'au plus profond de votre être. J'en venais presque à regretter la chaleur étouffante et la puanteur industrielle de Fortis Hexx. Mais mes yeux ne pouvaient se détacher du paysage féerique nous entourant, et dont la seule vue suffisait à détourner mon esprit des tourments de l'air gelé.
Bien entendu, bien qu'ils soient tout autant emmitouflés que moi, Jorval et sa famille ne souffraient aucunement de cet air froid et sec, et marchaient de bon train comme sous un soleil radieux d'été Teütonien. Même le petit Hjangar semblait très loin de ressentir l'effet paralysant du froid, courant en tout sens, sautant par dessus les congères et se cachant d'ennemis imaginaires sur les abords de la route, riant et criant joyeusement.
Eyla s'était arrêtée un instant pour boire un peu d'eau, nous attendant ainsi sur le bord du chemin, faisant signe de temps en temps à son jeune frère de rester auprès d'eux et de se faire plus discret, sans réel succès.
Lorsque nous parvînmes à son niveau, elle reprit la marche à nos côtés sans dire mot, achevant de se rafraîchir avant de tendre sa gourde à son père. Celui ci déclina l'offre d'un hochement de tête et Eyla rangea son outre en l'accrochant à sa ceinture.
-Tu n'en propose pas à notre ami, ma fille? demanda Jorval d'un ton qui suggérait une question innocente mais derrière laquelle pointait le reproche.
Elle hésita un instant, comme prise au dépourvu, avant de récupérer sa gourde pour me la tendre nonchalamment.
-Mes excuses Ùtlendr, je manque à mes devoirs. me fit elle d'une voix neutre.
Ma gorge me brûlait à cause du froid, et la perspective de boire de l'eau fraîche ne me disait rien du tout, aussi je préférai décliner l'offre aussi.
-Au temps pour mes devoirs. grommela Eyla en raccrochant sa gourde, ignorant le grondement désapprobateur de Jorval.
Elle produisit alors une baguette de pain aux graines qu'elle attaqua à pleines dents, et mon estomac s'empressa de se manifester pour moi à cette simple vue. Eyla s'interrompit en pleine bouchée en l'entendant gronder insolemment et tourna la tête vers moi, son éternelle expression de mépris refoulé à mon encontre se mêlant avec une vague lueur d'amusement.
Elle me tendit la baguette à moitié mordue avec un sourire narquois.
-J'imagine que ce serait manquer à mon devoir aussi de vous priver du pain familial, n'est ce pas?
J'hésitai un court instant avant d'accepter le pain.
-Merci, Eyla. Je ne veux pas vous obliger à quoi que ce soit, cependant votre offre est plus que la bienvenue, je dois bien l'avouer.
Elle répondit à mes remerciements d'un hochement de tête qui m'invitait subtilement à cesser de parler, manger ma part et lui rendre son bien sans plus m'étendre sur le sujet.
En ayant assez de cette hostilité latente entre nous, je décidai de ne rien en faire, et mordit largement dans le pain, à l'opposé de là où elle l'avait entamé, avant de me tourner vers elle.
-Avez vous voyagé, mademoiselle? demandai-je, comme si nous conversions entre amis.
Elle réprima un grognement et leva les yeux au ciel avant de hocher du chef.
-Quelques fois oui. Que voulez vous savoir? Si je connais d'autres rebelles par delà Ysggral?
-Ma chère, si nous ne faisions que parler de cette sombre histoire, nous finirions par devenir fous. gloussai-je, et je vis du coin de l'oeil Jorval faire un effort considérable pour ne pas rire, comprenant ce qu'il se tramait. Non, je voulais simplement vous connaître un peu plus, voilà tout... Une simple curiosité de la part d'un étranger.
-Fort bien, je suis déjà allé dans le Comté voisin pour le compte de mes employeurs, et enfant j'ai pu partir admirer les montagnes d'Yshmirr avec mon oncle. A part cela, je ne suis jamais sortie des limites d'Ysddral, mais j'ai suffisamment parcouru les terres de notre Hersar pour les connaître comme ma poche. Que voulez vous donc savoir d'autre, je vous écoute?
Elle parlait d'un ton faussement détaché, effronté et aigri, me faisant clairement comprendre qu'elle désirait que la discussion s'arrête là, et qu'elle n'était aucunement désireuse de faire ami-amie avec moi. Mais je ne marchai pas, et décidai de continuer comme si nous n'avions rien d'autre de mieux à faire dans l'instant.
Ce qui était d'ailleurs précisément le cas.
-J'ai lu dans quelques documents des références aux montagnes d'Yshmirr. C'est un lieu de recueillement, n'est ce pas?
-Il y a un temple de l'Empereur ainsi que des monuments de la Garde Àsgardienne, oui. répondit-elle sèchement. Pourquoi?
-Simplement pour savoir, rien de plus. répondis-je sur une fausse défensive en levant les mains dans un geste théâtral d'excuses. J'y ai lu que c'était un endroit de toute beauté, je suis juste curieux.
-C'est toujours un endroit de toute beauté. fit-elle en haussant les épaules. Le temple de l'Empereur est une vieille bâtisse tenue par quelques prêtres, et les monuments sont de grands tertres surplombés de dolmens noirs. Sur chacun d'eux sont gravés les noms de tout les natifs d'Àsgard morts en service. Et une fois par an on y tient de grandes célébrations pour les remercier de leur sacrifice et les prier de veiller sur les vivants qui partent combattre. La dernière fois que j'y ai assisté, j'avais treize ans, et j'y étais retourné pour honorer la mémoire de mon oncle et de sa famille. Mon père a dû vous dire ce qui leur fut arrivé durant les invasions du Grand Ennemi.
J'opinai en silence. Intérieurement, j'étais satisfait qu'elle puisse enfin me parler sans agressivité, ce qu'elle était en train de faire sans s'en rendre compte, me narrant ses souvenirs en répondant à mes questions anodines.
Par le passé, j'avais interrogé de la même manière un égaré qui était venu se réfugier sous le toit de mon église après avoir tué toute sa famille. Il avait accusé son voisin et il m'avait fallu user du même stratagème pour qu'il me confie la vérité. Lorsque les Arbites étaient venu le trouver à ma demande, il m'avait confié que de dire la vérité lui avait apaisé l'âme. Il était ensuite mort, pleurant son geste fou, en feignant d'échapper aux policiers, ce qui bien sûr n'arrive jamais, et les avait fait réagir en conséquence.
J'avais ainsi utilisé la même technique pour détourner Eyla de sa rancœur pour qu'elle puisse me parler simplement, espérant qu'elle puisse de cette manière se rendre compte que je ne lui voulais aucun mal, et qu'il n'y avait aucune raison de me haïr.
-Y a-t-il beaucoup d'endroits comme cela en Àsgard? demandai-je.
-Pas mal... je suppose. Je n'ai jamais vraiment su. Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas autant voyagé que mon frère. Bien que je suppose que son travail réel ne lui ai pas laissé le temps pour jouer au touriste.
Je sentis une pointe de colère dans le ton qu'elle employa en faisant mention des révélations de Hivar. Etait-ce de la jalousie? Ca m'étonnai d'elle, et cela suffit à piquer mon intérêt.
-Qu'est ce que ça vous fait de savoir que votre frère est un élément haut placé dans le camp que vous pensiez combattre?
Elle me fixa un instant, les yeux brillant de fureur, avant de lâcher un soupir et de regarder à ouveau la route.
-Qu'est ce que ça vous ferai si vous appreniez que l'homme dont vous êtes le plus proche était un sectateur de l'Ennemi influent?
Il faut reconnaître qu'elle retourna brillamment ma question.
-Je serai anéanti, bien évidemment... Et mon rôle serait de le dénoncer, pour que la Justice de l'Empereur soit mise en oeuvre.
-Dans ce cas vous avez la réponse à votre question, Ùtlendr. conclut-elle sèchement.
Sa réponse nous frappa, Jorval et moi, telle une lame glacée. Mais bien qu'il fut son père, l'impact fut moindre pour lui, car il n'avait pas assisté au rassemblement de la vieille mine. Il n'avait pas entendu sa fille vendre son frère au Grand Ennemi après avoir une dernière fois tenté de le convertir à leur ignoble cause. Une telle chose aurait sûrement brisé le coeur du vieux forgeron au delà de tout espoir de guérison, et je remerciai intérieurement l'Empereur pour lui avoir épargné tel supplice.
Nous mîmes un moment à digérer la réponse brusque et sans pitié de la jeune femme, mais je ne voulai certainement pas en rester là.
-Est-ce toujours votre sentiment, alors qu'il vous a sauvé la vie et que nous veillons à présent sur vous?
Elle ne répondit pas, mais sa mâchoire se crispa, trahissant le débat qui faisait rage en elle. Je décidai d'enfoncer le clou.
-Pouvez vous encore considérer votre frère de sang comme un ennemi alors que vous savez à présent que vous étiez en train de vous égarer dans les plus vils des ténèbres? Le Chaos, Eyla, est une voie sans retour possible. La damnation éternelle...
-Epargnez moi vos sermons, prêtre de l'Imperium! cracha-t-elle avec véhémence. Ce que je désire avant tout c'est la liberté des Futahrks, l'indépendance d'Yggdrasile. Je veux que mon peuple soit affranchi de la dictature de votre Imperium. Je... J'ai pensé que tout les moyens étaient bons pour y arriver.
-Même si vous saviez que vous devriez égorger les trois quarts d'entre eux, y compris votre frère?
Elle serra les points et regarda à terre, sa mâchoire tellement serrée qu'on voyait ses muscles saillirent de ses joues, comme prêts à éclater.
Elle finit par tourner un regard brillant de haine, mais au fond duquel j'étais persuadé de ressentir une immense détresse.
-Vous en savez pas ce que c'est, Ùtlendr. Vous n'êtes pas un Futhark. Vous ne le serez jamais. N'essayez pas de comprendre. Vous serez toujours l'Ùtlendr à nos yeux, l'étranger envoyé par un Imperium avide de sang et de pouvoir. Je suis certaine que vous avez commis des actes tout aussi atroces au nom de votre Empereur. Ne me reprochez pas ce que vous faites en toute sérénité.
J'allais répondre, mais elle me jeta le pain entre les bras et partit en avant.
-Continuez donc à manger notre pain, au moins vous ne nous importunerez pas avec vos visions scélérates de la réalité... de votre réalité!
Sa voix chevrota alors qu'elle finissait sa phrase, mais son pas rapide ne nous permis pas d'en voir la source, bien que nous avions parfaitement compris qu'elle fondait en larmes.
Je ne dis rien de plus, pas plus que je ne toucha au pain, et nous continuâmes notre chemin sans un bruit pendant un long moment.
Seuls les grattements du stylet de mon serviteur scribe troublait le silence qui s'était installé, tel une chape de plomb.
***
Le soleil avait dépassé son zénith, et par endroits la neige se faisait plus discrète malgré qu'il en tombait toujours plus ou moins des cieux, en un voile délicat de cristaux blancs, valsant dans le souffle du vent glacial. Il était presque surréaliste de considérer ce paysage ensoleillé et de pourtant sentir la bise hivernale vous mordre jusqu'au plus profond de votre être. J'en venais presque à regretter la chaleur étouffante et la puanteur industrielle de Fortis Hexx. Mais mes yeux ne pouvaient se détacher du paysage féerique nous entourant, et dont la seule vue suffisait à détourner mon esprit des tourments de l'air gelé.
Bien entendu, bien qu'ils soient tout autant emmitouflés que moi, Jorval et sa famille ne souffraient aucunement de cet air froid et sec, et marchaient de bon train comme sous un soleil radieux d'été Teütonien. Même le petit Hjangar semblait très loin de ressentir l'effet paralysant du froid, courant en tout sens, sautant par dessus les congères et se cachant d'ennemis imaginaires sur les abords de la route, riant et criant joyeusement.
Eyla s'était arrêtée un instant pour boire un peu d'eau, nous attendant ainsi sur le bord du chemin, faisant signe de temps en temps à son jeune frère de rester auprès d'eux et de se faire plus discret, sans réel succès.
Lorsque nous parvînmes à son niveau, elle reprit la marche à nos côtés sans dire mot, achevant de se rafraîchir avant de tendre sa gourde à son père. Celui ci déclina l'offre d'un hochement de tête et Eyla rangea son outre en l'accrochant à sa ceinture.
-Tu n'en propose pas à notre ami, ma fille? demanda Jorval d'un ton qui suggérait une question innocente mais derrière laquelle pointait le reproche.
Elle hésita un instant, comme prise au dépourvu, avant de récupérer sa gourde pour me la tendre nonchalamment.
-Mes excuses Ùtlendr, je manque à mes devoirs. me fit elle d'une voix neutre.
Ma gorge me brûlait à cause du froid, et la perspective de boire de l'eau fraîche ne me disait rien du tout, aussi je préférai décliner l'offre aussi.
-Au temps pour mes devoirs. grommela Eyla en raccrochant sa gourde, ignorant le grondement désapprobateur de Jorval.
Elle produisit alors une baguette de pain aux graines qu'elle attaqua à pleines dents, et mon estomac s'empressa de se manifester pour moi à cette simple vue. Eyla s'interrompit en pleine bouchée en l'entendant gronder insolemment et tourna la tête vers moi, son éternelle expression de mépris refoulé à mon encontre se mêlant avec une vague lueur d'amusement.
Elle me tendit la baguette à moitié mordue avec un sourire narquois.
-J'imagine que ce serait manquer à mon devoir aussi de vous priver du pain familial, n'est ce pas?
J'hésitai un court instant avant d'accepter le pain.
-Merci, Eyla. Je ne veux pas vous obliger à quoi que ce soit, cependant votre offre est plus que la bienvenue, je dois bien l'avouer.
Elle répondit à mes remerciements d'un hochement de tête qui m'invitait subtilement à cesser de parler, manger ma part et lui rendre son bien sans plus m'étendre sur le sujet.
En ayant assez de cette hostilité latente entre nous, je décidai de ne rien en faire, et mordit largement dans le pain, à l'opposé de là où elle l'avait entamé, avant de me tourner vers elle.
-Avez vous voyagé, mademoiselle? demandai-je, comme si nous conversions entre amis.
Elle réprima un grognement et leva les yeux au ciel avant de hocher du chef.
-Quelques fois oui. Que voulez vous savoir? Si je connais d'autres rebelles par delà Ysggral?
-Ma chère, si nous ne faisions que parler de cette sombre histoire, nous finirions par devenir fous. gloussai-je, et je vis du coin de l'oeil Jorval faire un effort considérable pour ne pas rire, comprenant ce qu'il se tramait. Non, je voulais simplement vous connaître un peu plus, voilà tout... Une simple curiosité de la part d'un étranger.
-Fort bien, je suis déjà allé dans le Comté voisin pour le compte de mes employeurs, et enfant j'ai pu partir admirer les montagnes d'Yshmirr avec mon oncle. A part cela, je ne suis jamais sortie des limites d'Ysddral, mais j'ai suffisamment parcouru les terres de notre Hersar pour les connaître comme ma poche. Que voulez vous donc savoir d'autre, je vous écoute?
Elle parlait d'un ton faussement détaché, effronté et aigri, me faisant clairement comprendre qu'elle désirait que la discussion s'arrête là, et qu'elle n'était aucunement désireuse de faire ami-amie avec moi. Mais je ne marchai pas, et décidai de continuer comme si nous n'avions rien d'autre de mieux à faire dans l'instant.
Ce qui était d'ailleurs précisément le cas.
-J'ai lu dans quelques documents des références aux montagnes d'Yshmirr. C'est un lieu de recueillement, n'est ce pas?
-Il y a un temple de l'Empereur ainsi que des monuments de la Garde Àsgardienne, oui. répondit-elle sèchement. Pourquoi?
-Simplement pour savoir, rien de plus. répondis-je sur une fausse défensive en levant les mains dans un geste théâtral d'excuses. J'y ai lu que c'était un endroit de toute beauté, je suis juste curieux.
-C'est toujours un endroit de toute beauté. fit-elle en haussant les épaules. Le temple de l'Empereur est une vieille bâtisse tenue par quelques prêtres, et les monuments sont de grands tertres surplombés de dolmens noirs. Sur chacun d'eux sont gravés les noms de tout les natifs d'Àsgard morts en service. Et une fois par an on y tient de grandes célébrations pour les remercier de leur sacrifice et les prier de veiller sur les vivants qui partent combattre. La dernière fois que j'y ai assisté, j'avais treize ans, et j'y étais retourné pour honorer la mémoire de mon oncle et de sa famille. Mon père a dû vous dire ce qui leur fut arrivé durant les invasions du Grand Ennemi.
J'opinai en silence. Intérieurement, j'étais satisfait qu'elle puisse enfin me parler sans agressivité, ce qu'elle était en train de faire sans s'en rendre compte, me narrant ses souvenirs en répondant à mes questions anodines.
Par le passé, j'avais interrogé de la même manière un égaré qui était venu se réfugier sous le toit de mon église après avoir tué toute sa famille. Il avait accusé son voisin et il m'avait fallu user du même stratagème pour qu'il me confie la vérité. Lorsque les Arbites étaient venu le trouver à ma demande, il m'avait confié que de dire la vérité lui avait apaisé l'âme. Il était ensuite mort, pleurant son geste fou, en feignant d'échapper aux policiers, ce qui bien sûr n'arrive jamais, et les avait fait réagir en conséquence.
J'avais ainsi utilisé la même technique pour détourner Eyla de sa rancœur pour qu'elle puisse me parler simplement, espérant qu'elle puisse de cette manière se rendre compte que je ne lui voulais aucun mal, et qu'il n'y avait aucune raison de me haïr.
-Y a-t-il beaucoup d'endroits comme cela en Àsgard? demandai-je.
-Pas mal... je suppose. Je n'ai jamais vraiment su. Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas autant voyagé que mon frère. Bien que je suppose que son travail réel ne lui ai pas laissé le temps pour jouer au touriste.
Je sentis une pointe de colère dans le ton qu'elle employa en faisant mention des révélations de Hivar. Etait-ce de la jalousie? Ca m'étonnai d'elle, et cela suffit à piquer mon intérêt.
-Qu'est ce que ça vous fait de savoir que votre frère est un élément haut placé dans le camp que vous pensiez combattre?
Elle me fixa un instant, les yeux brillant de fureur, avant de lâcher un soupir et de regarder à ouveau la route.
-Qu'est ce que ça vous ferai si vous appreniez que l'homme dont vous êtes le plus proche était un sectateur de l'Ennemi influent?
Il faut reconnaître qu'elle retourna brillamment ma question.
-Je serai anéanti, bien évidemment... Et mon rôle serait de le dénoncer, pour que la Justice de l'Empereur soit mise en oeuvre.
-Dans ce cas vous avez la réponse à votre question, Ùtlendr. conclut-elle sèchement.
Sa réponse nous frappa, Jorval et moi, telle une lame glacée. Mais bien qu'il fut son père, l'impact fut moindre pour lui, car il n'avait pas assisté au rassemblement de la vieille mine. Il n'avait pas entendu sa fille vendre son frère au Grand Ennemi après avoir une dernière fois tenté de le convertir à leur ignoble cause. Une telle chose aurait sûrement brisé le coeur du vieux forgeron au delà de tout espoir de guérison, et je remerciai intérieurement l'Empereur pour lui avoir épargné tel supplice.
Nous mîmes un moment à digérer la réponse brusque et sans pitié de la jeune femme, mais je ne voulai certainement pas en rester là.
-Est-ce toujours votre sentiment, alors qu'il vous a sauvé la vie et que nous veillons à présent sur vous?
Elle ne répondit pas, mais sa mâchoire se crispa, trahissant le débat qui faisait rage en elle. Je décidai d'enfoncer le clou.
-Pouvez vous encore considérer votre frère de sang comme un ennemi alors que vous savez à présent que vous étiez en train de vous égarer dans les plus vils des ténèbres? Le Chaos, Eyla, est une voie sans retour possible. La damnation éternelle...
-Epargnez moi vos sermons, prêtre de l'Imperium! cracha-t-elle avec véhémence. Ce que je désire avant tout c'est la liberté des Futahrks, l'indépendance d'Yggdrasile. Je veux que mon peuple soit affranchi de la dictature de votre Imperium. Je... J'ai pensé que tout les moyens étaient bons pour y arriver.
-Même si vous saviez que vous devriez égorger les trois quarts d'entre eux, y compris votre frère?
Elle serra les points et regarda à terre, sa mâchoire tellement serrée qu'on voyait ses muscles saillirent de ses joues, comme prêts à éclater.
Elle finit par tourner un regard brillant de haine, mais au fond duquel j'étais persuadé de ressentir une immense détresse.
-Vous en savez pas ce que c'est, Ùtlendr. Vous n'êtes pas un Futhark. Vous ne le serez jamais. N'essayez pas de comprendre. Vous serez toujours l'Ùtlendr à nos yeux, l'étranger envoyé par un Imperium avide de sang et de pouvoir. Je suis certaine que vous avez commis des actes tout aussi atroces au nom de votre Empereur. Ne me reprochez pas ce que vous faites en toute sérénité.
J'allais répondre, mais elle me jeta le pain entre les bras et partit en avant.
-Continuez donc à manger notre pain, au moins vous ne nous importunerez pas avec vos visions scélérates de la réalité... de votre réalité!
Sa voix chevrota alors qu'elle finissait sa phrase, mais son pas rapide ne nous permis pas d'en voir la source, bien que nous avions parfaitement compris qu'elle fondait en larmes.
Je ne dis rien de plus, pas plus que je ne toucha au pain, et nous continuâmes notre chemin sans un bruit pendant un long moment.
Seuls les grattements du stylet de mon serviteur scribe troublait le silence qui s'était installé, tel une chape de plomb.
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E. -Les Croisés - Tome I - Ùtlendr
Le ciel éclatant vira bientôt à une teinte ambrée, aux touches fugaces de mauve, et veinée de trainées de nuages paraissant incandescents, comme embrasés par le soleil couchant qui rougeoyait derrière les montagnes.
Impressionnant, beau et terrifiant à la fois. Voilà ce que m'inspirait la vue de cet astre déclinant.
Terrifiant car la dernière fois que j'avais vu telle lueur rouge poindre de derrière des récifs, il s'était s'agit d'une détonation nucléaire accidentelle sur Fortis Hexx, qui avait oblitéré tout un arrondissement de la ruche primaris sur des kilomètres carrés. Pourtant fortement éloigné de ma petite église -comme elle me paraissait loin à présent!- de centaines de kilomètres, j'en avait ressenti comme bon nombre la puissance destructrice, et jamais ne me quitta la vision de cette orbe de feu nucléaire gonflant derrière les silhouettes des spires de la ruche.
Si vous vous demandez l'origine d'un tel désastre, qui plus est sur la planète la plus importante de tout le secteur, je ne pourrai vous le dire. Je ne l'ai jamais su. Personne ne l'a jamais su. Le gouvernement de sa Grâce Ulrich Galvinius ont finalement déclaré qu'il s'agissait d'un terrible accident de manutention dans une centrale du district ouvrier. Mais quiconque s'intéressait de trop prêt à l'affaire se faisait vite décourager par de mystérieux agents que, pour ma part, j'ai toujours soupçonné comme étant des membres de l'Inquisition elle même.
Ces souvenirs ressurgirent funestement dans mon esprit tandis que je contemplais en plissant les yeux ce magnifique coucher de soleil, et je me surpris à penser que si Hivar et moi ne résolvions pas vite toute l'affaire de l'hérésie de la Borà, Àsgard, comme tout Yggdrasile, aurait probablement à souffrir ce que m'évoquais ce soleil couchant en cet instant.
J'ai trop souvent entendu parler de l'application méthodique et implacable de la Justice Impériale sur des mondes rebelles jugés, parfois bien vite, perdus. Je ne tenais pas vraiment à vérifier la véracité de ces dires de mes propres yeux. Et certainement pas ici, ce monde dont je me sentais inexplicablement de plus en plus proche.
Quelque chose m'attirais dans Àsgard. Non pas son glorieux passé, ni ses héros tous plus honorables les uns que les autres. Ce n'était pas non plus son climat -mes articulations engourdies auraient pu vous le hurler- ni son paysage, certes féérique. Ces choses là ne me touchaient au final guère plus que sur le moment.
Mais les Futharks eux mêmes m'intriguaient au plus haut point. Leurs manières, leur façon de penser, leurs traditions. Ils avaient quelque chose d'étranger à cet univers que je connaissais, et je dois bien avouer que me sentir ainsi dépayser m'étais plutôt agréable.
Enfin, bien entendu en exceptant le fait que j'avais failli mourir par deux fois, et que nous étions traqués par des hérétiques de premier ordre. Cette partie là était nettement moins agréable, même si aujourd'hui j'en rirais fort probablement.
Il faut dire aussi que Àsgard était le premier monde de bordure de secteur que je visitais, et qu'il venait depuis fort peu de temps d'attendre le stade de monde civilisé. Sauf erreur de ma part, ce fut longuement un monde féodal relativement primitif et tribal jusqu'aux alentours de 750M41. A un ou deux siècles prêt. Je supposai donc que ses habitants avaient toutefois conservé un semblant de cet esprit moyen âgeux qu'on retrouve sur des dizaines de mondes féodaux, de gens proches de la technologie, mais préférant vivre par eux mêmes en se contentant de vénérer l'Empereur-Dieu comme nous le leur demandions. Parfois à leur manière, il est vrai, et parfois celle ci était un peu déroutante.
Je n'ai jamais visité de monde féodal. Je ne saurais vraiment le dire.
Mais le fait était là. Je ne pouvais expliquer pourquoi, j'aimais être là. Je me sentais séparé de la réalité de mon monde de tout les jours. Cela me faisait peur aussi. En fait, c'était grisant. La peur devenant jovialité, le frisson devenant euphorie.
C'était une aventure. Rien de plus. L'explication était simple: je me sentais enfin vivant.
J'étais sorti des labyrinthes de rues sales et dangereuses de Fortis Hexx, et de mon cycle de simple prêtre anonyme, voué à apaiser les âmes de milliers et de milliers de pauvres hères avec lesquels je n'aurai jamais pu me sentir proche.
Il y avait bien eu Nubia, c'est vrai. Mais c'était autre chose. Je n'avais en définitive vu que l'intérieur d'un cargo durant quatre mois, puis directement le palais où se tinrent les procès, quelques geôles, et retour à la maison après trois autres mois à bord d'un vaisseau de ligne de la Flotte Impériale.
Ça n'avait pas été une aventure. C'était un devoir, un travail, rien de plus. Je n'ai pratiquement rien vu de Nubia, et c'était loin d'être plus agréable à contempler que la jungle urbaine de Fortis Hexx.
Tandis qu'ici, sur Àsgard, j'avais enfin pu découvrir un monde qui m'était inconnu. J'avais pu enfin rencontrer des peuples inconnus. Pour une fois dans ma vie de prêtre, j'avais pu un instant oublier mon travail dans son aspect le plus abrutissant, le plus redondant... le plus simpliste.
Je faisais mon travail comme je l'entendais, et je pouvais en profiter pour découvrir des merveilles comme je l'entendais.
Ainsi ce fut sur cette route enneigée, transi par le froid et poursuivit par des hérétiques meurtriers, que j'eus cette épiphanie sur ma vie. Je sus alors que j'avais emprunté un tournant significatif, sinon révolutionnaire, dans ma vie au moment même où j'avais posé un pied sur Àsgard.
En ce moment très précis, malgré la peur et la douleur, j'étais envahi d'un bonheur pur. Une sensation que je n'avais pas connu depuis le jour où je fus reçu au monastère de Fortis Hexx.
Bien évidemment, il fallut que ce moment de béatitude se brise mesquinement par la faute d'un caillou, insolemment placé sur mon chemin, qui manqua me faire trébucher pour m'aplatir de toute ma longueur dans la neige boueuse de la route.
Je me rétablis in extremis, jouant des bras et d'un jeu de jambe que je ne me soupçonnai pas.
Je me rendis compte que mes pensées m'avaient occupé un long moment car il faisait déjà complètement nuit, et que nous marchions au beau milieu d'une épaisse forêt, seulement éclairés par la torchère de mon serviteur scribe et par une lampe torche tenue par Hivar, revenu parmi nous.
Nous marchions groupés, en silence.
Au delà de ce que je devinai comme notre ligne d'horizon, au travers des silhouettes noires et inquiétantes des arbres massifs, on devinait de petits reflets de lumière.
Un panneau gravé en runes futharks indiquait un passage étroit enjambant un bras de rivière gelée.
Jorval s'attira mon attention d'une légère bourrade du coude, et désigne du menton les lumières loinatines dont nous nous rapprochions.
-Nous arrivons, Ùtlendr. Voici les premières lueurs d'Odalsirc.
Hivar nous regarda - sans nous voir vraiment dans cette obscurité - et nous fit signe de sa lampe torche de se resserrer et de baisser le profil.
-Prudence à présent. Nous serons fortement exposés. dit-il, appuyant particulièrement son regard sur Eyla, du moins le supposai-je au grondement qui monta de la gorge de la jeune femme.
Les derniers arbres disparurent derrière nous, et nous passâmes un petit porche de pierre haut comme trois hommes, gravé de runes et d'un petit aigle bicéphale.
Impressionnant, beau et terrifiant à la fois. Voilà ce que m'inspirait la vue de cet astre déclinant.
Terrifiant car la dernière fois que j'avais vu telle lueur rouge poindre de derrière des récifs, il s'était s'agit d'une détonation nucléaire accidentelle sur Fortis Hexx, qui avait oblitéré tout un arrondissement de la ruche primaris sur des kilomètres carrés. Pourtant fortement éloigné de ma petite église -comme elle me paraissait loin à présent!- de centaines de kilomètres, j'en avait ressenti comme bon nombre la puissance destructrice, et jamais ne me quitta la vision de cette orbe de feu nucléaire gonflant derrière les silhouettes des spires de la ruche.
Si vous vous demandez l'origine d'un tel désastre, qui plus est sur la planète la plus importante de tout le secteur, je ne pourrai vous le dire. Je ne l'ai jamais su. Personne ne l'a jamais su. Le gouvernement de sa Grâce Ulrich Galvinius ont finalement déclaré qu'il s'agissait d'un terrible accident de manutention dans une centrale du district ouvrier. Mais quiconque s'intéressait de trop prêt à l'affaire se faisait vite décourager par de mystérieux agents que, pour ma part, j'ai toujours soupçonné comme étant des membres de l'Inquisition elle même.
Ces souvenirs ressurgirent funestement dans mon esprit tandis que je contemplais en plissant les yeux ce magnifique coucher de soleil, et je me surpris à penser que si Hivar et moi ne résolvions pas vite toute l'affaire de l'hérésie de la Borà, Àsgard, comme tout Yggdrasile, aurait probablement à souffrir ce que m'évoquais ce soleil couchant en cet instant.
J'ai trop souvent entendu parler de l'application méthodique et implacable de la Justice Impériale sur des mondes rebelles jugés, parfois bien vite, perdus. Je ne tenais pas vraiment à vérifier la véracité de ces dires de mes propres yeux. Et certainement pas ici, ce monde dont je me sentais inexplicablement de plus en plus proche.
Quelque chose m'attirais dans Àsgard. Non pas son glorieux passé, ni ses héros tous plus honorables les uns que les autres. Ce n'était pas non plus son climat -mes articulations engourdies auraient pu vous le hurler- ni son paysage, certes féérique. Ces choses là ne me touchaient au final guère plus que sur le moment.
Mais les Futharks eux mêmes m'intriguaient au plus haut point. Leurs manières, leur façon de penser, leurs traditions. Ils avaient quelque chose d'étranger à cet univers que je connaissais, et je dois bien avouer que me sentir ainsi dépayser m'étais plutôt agréable.
Enfin, bien entendu en exceptant le fait que j'avais failli mourir par deux fois, et que nous étions traqués par des hérétiques de premier ordre. Cette partie là était nettement moins agréable, même si aujourd'hui j'en rirais fort probablement.
Il faut dire aussi que Àsgard était le premier monde de bordure de secteur que je visitais, et qu'il venait depuis fort peu de temps d'attendre le stade de monde civilisé. Sauf erreur de ma part, ce fut longuement un monde féodal relativement primitif et tribal jusqu'aux alentours de 750M41. A un ou deux siècles prêt. Je supposai donc que ses habitants avaient toutefois conservé un semblant de cet esprit moyen âgeux qu'on retrouve sur des dizaines de mondes féodaux, de gens proches de la technologie, mais préférant vivre par eux mêmes en se contentant de vénérer l'Empereur-Dieu comme nous le leur demandions. Parfois à leur manière, il est vrai, et parfois celle ci était un peu déroutante.
Je n'ai jamais visité de monde féodal. Je ne saurais vraiment le dire.
Mais le fait était là. Je ne pouvais expliquer pourquoi, j'aimais être là. Je me sentais séparé de la réalité de mon monde de tout les jours. Cela me faisait peur aussi. En fait, c'était grisant. La peur devenant jovialité, le frisson devenant euphorie.
C'était une aventure. Rien de plus. L'explication était simple: je me sentais enfin vivant.
J'étais sorti des labyrinthes de rues sales et dangereuses de Fortis Hexx, et de mon cycle de simple prêtre anonyme, voué à apaiser les âmes de milliers et de milliers de pauvres hères avec lesquels je n'aurai jamais pu me sentir proche.
Il y avait bien eu Nubia, c'est vrai. Mais c'était autre chose. Je n'avais en définitive vu que l'intérieur d'un cargo durant quatre mois, puis directement le palais où se tinrent les procès, quelques geôles, et retour à la maison après trois autres mois à bord d'un vaisseau de ligne de la Flotte Impériale.
Ça n'avait pas été une aventure. C'était un devoir, un travail, rien de plus. Je n'ai pratiquement rien vu de Nubia, et c'était loin d'être plus agréable à contempler que la jungle urbaine de Fortis Hexx.
Tandis qu'ici, sur Àsgard, j'avais enfin pu découvrir un monde qui m'était inconnu. J'avais pu enfin rencontrer des peuples inconnus. Pour une fois dans ma vie de prêtre, j'avais pu un instant oublier mon travail dans son aspect le plus abrutissant, le plus redondant... le plus simpliste.
Je faisais mon travail comme je l'entendais, et je pouvais en profiter pour découvrir des merveilles comme je l'entendais.
Ainsi ce fut sur cette route enneigée, transi par le froid et poursuivit par des hérétiques meurtriers, que j'eus cette épiphanie sur ma vie. Je sus alors que j'avais emprunté un tournant significatif, sinon révolutionnaire, dans ma vie au moment même où j'avais posé un pied sur Àsgard.
En ce moment très précis, malgré la peur et la douleur, j'étais envahi d'un bonheur pur. Une sensation que je n'avais pas connu depuis le jour où je fus reçu au monastère de Fortis Hexx.
Bien évidemment, il fallut que ce moment de béatitude se brise mesquinement par la faute d'un caillou, insolemment placé sur mon chemin, qui manqua me faire trébucher pour m'aplatir de toute ma longueur dans la neige boueuse de la route.
Je me rétablis in extremis, jouant des bras et d'un jeu de jambe que je ne me soupçonnai pas.
Je me rendis compte que mes pensées m'avaient occupé un long moment car il faisait déjà complètement nuit, et que nous marchions au beau milieu d'une épaisse forêt, seulement éclairés par la torchère de mon serviteur scribe et par une lampe torche tenue par Hivar, revenu parmi nous.
Nous marchions groupés, en silence.
Au delà de ce que je devinai comme notre ligne d'horizon, au travers des silhouettes noires et inquiétantes des arbres massifs, on devinait de petits reflets de lumière.
Un panneau gravé en runes futharks indiquait un passage étroit enjambant un bras de rivière gelée.
Jorval s'attira mon attention d'une légère bourrade du coude, et désigne du menton les lumières loinatines dont nous nous rapprochions.
-Nous arrivons, Ùtlendr. Voici les premières lueurs d'Odalsirc.
Hivar nous regarda - sans nous voir vraiment dans cette obscurité - et nous fit signe de sa lampe torche de se resserrer et de baisser le profil.
-Prudence à présent. Nous serons fortement exposés. dit-il, appuyant particulièrement son regard sur Eyla, du moins le supposai-je au grondement qui monta de la gorge de la jeune femme.
Les derniers arbres disparurent derrière nous, et nous passâmes un petit porche de pierre haut comme trois hommes, gravé de runes et d'un petit aigle bicéphale.
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+++ Burn the Heretic +++
+++ Purge the Unclean +++
+++ Purge the Unclean +++
Re: [ROMAN 40K] C.O.E. -Les Croisés - Tome I - Ùtlendr
suite d'Ùtlendr, pareil un peu en retard à cause de masse de boulot...
On attaque un nouveau chapitre et bientôt la fin de la Deuxième Partie.
On aurait pu définir Odalsirc comme un petit village pittoresque, à l'image de celui que nous avions quitté, mais cela aurait été une grossière erreur. En vérité, ses petites rues grouillaient de voyageurs, marchands, et autres colporteurs, et certaines bâtisses à l'allure bien plus récente que le reste des chaumières démontraient à elle seule l'aspect de carrefour commerçant du village.
De plus petite taille qu'Ysddral, Odalsirc était accroché au creux d'une forêt dense et d'allure impénétrable, qui ceignait les récifs montagneux sur lesquels trônait la cité de Vjorheim. Le sol couvert de feuilles mortes en décomposition formait par endroit une boue infâme où se mêlaient humus et neige, donnant à la terre un aspect de bourbier veiné d'argent, dans lequel on marchait en produisant sans cesse d'infâmes bruits de succion. Bien évidemment, la forte affluence qu'il y avait n'arrangeait en rien le phénomène, et dans les carrefours les plus fréquentés, il n'était pas rare de se sentir embourbé jusqu'à avoir les plus grandes difficultés à se déplacer.
La place centrale s'étalait sur un cercle presque parfait, virtuellement tracé autour d'un arbre similaire à celui trônant devant la mairie d'Ysddral, autour duquel se dressaient des dizaines d'étals de marchands débordant de produits de toutes sortes. La demeure du Hersar d'Odalsirc se trouvait un peu plus haut sur une petite colline à l'allure clairement artificielle, qu'on rejoignait en empruntant un escalier de pierres grossièrement taillées, bordé de crénelures à peine plus ouvragées. La bâtisse était imposante, à trois étages s'élevant en flèche vers le ciel, érigée d'un bois noir comme la suie et de pierre d'un brun aussi peu avenant que la fange dans laquelle nous tentions de progresser. La porte d'entrée principale à deux immenses battants de bois ferré était surmontée d'une frise en arc sur laquelle on reconnaissait le symbole du Comté de Vjorheim, de même que le blason de la ville, une enclume sur laquelle reposait une bourse débordant de pièces.
Deux gardes de la ville, dans des tenues similaires à la milice d'Ysddral, montaient la garde devant, serrant de hautes hallebardes dans leurs mains gantées, leur visage caché par un masque de bois sculpté à l'image de dragon.
Tout en haut de la mairie, trois drapeaux claquaient au vent, un portant le blason du village, l'autre arborant des armoiries qui m'étaient inconnues, et le dernier laissant voir un aquila glorieux au regard sévère.
Cette dernière vision me rassura quelques peu, et je me sentis presque revenir à la civilisation après des décennies passées perdu parmi les sauvages.
Hivar m'apprit que le village était l'un des plus vieux du Comté, et, sans surprise, m'expliqua son statut d'antichambre de la cité capitale. Depuis des siècles, Odalsirc accueillait en son sein tout ceux qui désiraient se rendre dans la Cité Haute, comme il était coutume de l'appeler ici, qu'ils soient marchands, savants, guerriers ou simples curieux.
Malgré l'afflux et les possibilités lucratives qu'il apportait, les Hersarers d'Odalsirc avaient toujours refusé d’agrandir le village, arguant le fait que ce serait manquer de respect à leurs Ancêtres, et plus grave encore, cela voulait dire éliminer tout un pan de la forêt à laquelle ils vouaient ouvertement une sorte de culte ancestral de respect mêlé de spiritualité.
Alors les voyageurs devaient s’accommoder d'un passage rapide avant de repartir, au risque de devoir passer leur séjour dans les drulvitnätt, les "quartiers boueux", situés en abords du village, à l'orée de la forêt, et devenus au fil des âges de véritables bidonvilles jonchés d'immondices. Malgré la vigilance des milices locales et des skögerprast, sortes de shamans dévoués à la forêt, les drulvitnätt avaient commencé à proliférer à l'intérieur même des bois, et certains avançaient même que des galeries existaient, passant sous le village, dans une tentative maladroite et légendaire d'atteindre Vjorheim par dessous terre.
Hivar m'assura en riant que certains des plus fous s'étaient perdus sous terre et étaient devenus une sorte de clan à part. Pour ce que j'en compris, il me décrivait parfaitement de pauvres hères qui avaient tout perdu et avaient trouvé refuge sous la montagne, devenus des parias et de redoutés sauvages. La description qu'il m'en fit, d'après les rares témoignages existants, me fit immédiatement songer à des mutants, et je me mis à triturer mon aquila d'argent en murmurant une prière de protection.
Nous avions assez de tueurs hérétiques à nos trousses pour se retrouver inopinément face à des abominations ne méritant que la juste purification!
Jorval me conta pour sa part ses souvenirs de jeunesse, lorsque son père, et le père de son père, l'avaient mené ici étant enfant pour apprendre à marchander avec les forgerons de Comtés extérieurs. Avec force de détails, il prit un plaisir non feint à m'expliquer comment son père, lors d'un concours de forge, avait écrasé les mains d'un escroc sous son marteau après qu'il eut prétendu l'avoir forgé lui même.
Je ris pour lui faire plaisir, tandis qu'intérieurement j'espérais de tout coeur ne pas assister à spectacle si barbare.
Nous passâmes un long chemin sinueux passant à travers quelques pâtés de maisons d'un autre âge, apercevant parfois les lueurs émanant des tristes drulvitnätt, et finîmes par arriver dans la vieille ville. Hivar prit un instant pour me montrer quelques endroits clés, que mon serviteur scribe s'empressa de décrire selon ce que son protocole lui permettait d'en dire. Je pris pour ma part quelques notes plus humaines dans un de mes calepins, puis nous reprîmes notre chemin.
Nous nous rendîmes à l'auberge la plus proche où nous devions, selon Jorval, trouver une "vieille amie". Mes serviteurs furent confiés à un gardien vouté au visage ressemblant à celui d'un rat difforme, et nous montâmes les marches menant à l'entrée devant laquelle quelques ivrognes achevaient de cuver leur surconsommation d'alcool sous l’œil tyrannique de deux videurs aussi grands et bien bâtis que des space marines. Et à l'air tout aussi aimable...
Passé le seuil d'entrée, nous fûmes assaillis par les braillements d'une congrégation de soiffards dans une centaine de dialectes différents, les fumées de milles tabacs tous aussi écœurants les uns que les autres, et les relents chargés d'ivresse des légions de boissons qui leur étaient destinées.
Une serveuse grande et mince, simplement vêtu d'un pagne de fourrure et d'une minuscule bande de cuir sur une poitrine proéminente, nous accueillit, les bras croulant sous les plateaux débordants de victuailles et de chopes d'alcool. Elle nous toisa de son unique oeil, l'autre remplacé par un augmentique grossier et fort voyant, et nous souhaita, je suppose, la bienvenue d'une voix rauque sans aucun charme.
Jorval lui répondit en vociférant de la même manière, sans quoi dans le bruit environnant ils ne se seraient probablement pas compris, et la serveuse partit d'un rire gras avant de jeter ses plateaux et leur contenu à une enfant à la maigreur affligeante pour embrasser le forgeron.
La petite fille rattrapa comme elle put les plateaux, brisant deux ou trois chopes au passages et répandant sur le sol un festin de nourriture à moitié mâchouillée, et disparu dans le brouillard sans demander son reste.
Jorval et la grande serveuse s'étreignirent rudement, en se donnant de grandes claques dans le dos et en grognant comme des grox, puis se relâchèrent avec la délicatesse de deux lutteurs ivres.
Je dus fournir un effort considérable pour décrypter leur échange, tant l'accent de la serveuse était à couper au couteau, sans parler du brouhaha ambiant.
-Par la barbe d'mes Ancêtres, qu'voilà une belle surprise! tonna la femme en donnant une nouvelle bourrade à Jorval. Qu'est c'qu'un gaùrind comme toi fabrique dans les parages? Ta forge a fait faillite?
-Naya la Valkyr! Ça fait chaud au cœur de te revoir! répondit le forgeron en riant de plus belle. Toujours autant de gueule et toujours aussi plaisante à voir!
-J'm'entretiens, comme tu l'vois. répondit Naya avec fausse modestie, en jetant un regard tout aussi faussement modeste à sa silhouette frisant l’obscénité primitive. Y'a un paquet de vanhefar qu'ont bien voulu y voir de plus près, mais tu m'connais! On m'triture pas comme on vérifie l'âge d'un ch'val!
Jorval et Hivar éclatèrent de rire, aussitôt imités par Hjangar, qui s'esclaffait plus pour faire comme eux que parce qu'il avait compris les sous entendus de la serveuse. Du moins je l'espérais...
Je m'aperçus alors que nous avions perdu Eyla dans l'échange, avant de reconnaître sa silhouette près du comptoir, assise sur un haut tabouret, roulant des épaules pour se les détendre.
Las des échanges grivois entre Jorval et sa vulgaire camarade, je pris sur moi de rompre avec le groupe pour aller rejoindre la dernière à pouvoir me supporter.
Je dus jouer des coudes et des bras pour parvenir à traverser la foule avinée, devant refuser poliment une demi douzaine d'invitations à la beuverie ou esquiver in extremis une des serveuses à moitié nue, sans compter le cul de jatte belliqueux accroché à un châssis crasseux qui me jeta un regard assassin lorsque je passai devant lui, en m’exhibant un long poignard dentelé tout en souriant d'une bouche qui contenait bien moins de dents que son arme rudimentaire.
Trébuchant dans ma longue bure, je manquai bien de m'étaler de tout mon long lorsque je posai une main sur le bois détrempé du comptoir, à une ou deux place d'Eyla, qui me toisa d'un air consterné. Un ivrogne se retourna un peu trop vite et me bouscula rudement lorsque la poigne de fer de la jeune fille m'amena au siège à ses côtés pour m'éviter une chute ridicule.
Elle continuait à siroter une longue flûte emplie d'un liquide ambre et épais, et ne m'accorda pas un autre regard après qu'elle m'eut assis à ses côtés.
-Merci... fis-je, haletant.
Pour toute réponse, Eyla claqua des doigts à l'attention du barman - une grosse brute qu'on aurait confondu avec un Ork - et me fit glisser une chope de meàd, m'intimant de ce fait de ne pas l'importuner et de garder le silence.
Elle but une gorgée de son verre et s'adressa à moi dans le vacarme sur le ton de la conversation la plus désuète, le regard braqué au devant, dans le vague.
-Vous avez fait connaissance avec la Valkyr, je suppose? Je suppose que vous l'avez fortement apprécié.
-Je...
-Oh, allons! Elle vous fait tant peur que ça? continua-t-elle, comme si elle avait décidé de m'offrir un monologue acide. Son regard restait rivé bien hors de portée de mon visage.
-Nous sommes des barbares, des gens violents, n'est ce pas Ùtlendr? Il n'y a rien ici qui vous fera changer d'avis, bien évidemment, mais un simple regard vous suffirait à vous faire l'opinion d'un monde entier et le condamner. Tout comme vous l'avez fait à votre arrivée ici, et tout comme vous l'avez fait dans la vieille mine.
-Eyla...
-Repenserez vous à la folie de cet endroit ou à la beauté des paysages d'Àsgard quand les vôtres viendront la brûler? m'interrompit-elle derechef. J'imagine que vous préférerez apaiser votre conscience en restant sur l'impression désastreuse que vous fait cet endroit. Est ce que...
-Assez! la coupai-je avec une virulence que je ne me connaissais pas et qui fit tourner fugacement quelques regards vers nous. Cela eu au moins le mérite de faire taire Eyla, tout autant surprise que moi.
-Assez. répétai-je plus doucement. Mon enfant, je suis las de ces ces mesquineries. Pensez ce que vous voulez de moi, mais de grâce, arrêtez de me torturer avec!
-Votre simple présence me torture, Ùtlendr. siffla-t-elle en portant son verre à ses lèvres, un rictus de mépris collé au visage.
Je n'en pouvais décidément plus. Il fallait mettre les pendules à l'heure, aussi je continuai sur ma lancée, aussi involontaire soit-elle, et lui attrapai le verre avant qu'elle n'y but pour le reposer brutalement sur le comptoir.
Par réflexe, Eyla tenta d'arracher son verre avec force, mais je tins bon, forçant sur ma prise, alors qu'elle semblait sur le point de se lever pour me sauter à la gorge. De mon autre main, j'appuyai avec assez de force sur son épaule pour la maintenir sur son siège.
Sous la rudesse du geste, elle daigna enfin tourner ses yeux vers moi, ses prunelles d'ambre flamboyant de colère. Mais cette fois ci je ne me laissai pas prendre au jeu, et maintins le verre sur le comptoir alors qu'elle tentait de me le reprendre encore une fois, ou lui intimai de rester assise quand elle voulait se relever.
Dans l'effort, nos visages s'étaient rapprochés jusqu'à n'être plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Je pouvais presque sentir sa colère exsuder de son corps telle une humeur de noirceur pure. Ses yeux flamboyants me perçaient l'âme par la force de son ire, mais ma résolution s'en trouvait d'autant plus renforcée.
D'une voix calme, je lui parlai comme si elle était toute disposée à m'écouter des heures durant, ne succombant pas à la tentation de lui hurler dessus ma lassitude et mon énervement face à son entêtement à me voir comme un ennemi.
-Je en vous répéterai pas toutes les promesses que j'ai faites à votre frère ou à votre père, et que je vous ai déjà présentées à maintes reprises. Je ne vous reformulerez pas l'objet de ma présence, ni la décision que j'ai prise à la suite de ma terrible découverte dans la vieille mine. Je ne vous rappellerai pas non plus à quel point j'ai été patient avec vous, alors même que vous avez sciemment frayé avec des hérétiques de la pire espèce. Vous savez déjà tout cela. Je suis las de vous le répéter. Je ne vous attaquerai pas sur votre peuple ou sur l'image, quelle qu'elle soit, que je m'en fait, ni sur ses coutumes aussi étranges soient-elles, ni sur sa loyauté envers l'Empereur, ou son désir de prétendue liberté. Vous ne désirez pas visiblement entendre ce que je vous dit. Vous n'avez que faire de ce que j'ai pu vous expliquer.
-Des mensonges, rien de plus! siffla-t-elle avec violence, intensifiant son regard comme si elle espérait me transpercer avec. Destinés à nous endormir pour mieux nous égorger dans notre sommeil!
-Des aveux honnêtes que je vous ai faits, en toute bonne foi. la corrigeai-je, luttant contre l'envie de la gifler pour lui faire sortir cette sotte rancœur de la tête.
-Jamais je ne vous ferai confiance, Ùtlendr! persista-t-elle. Ses mains tremblaient à présent, sans doute sous l'effet de sa colère.
-Je ne vous le demande pas. Je ne vous forcerai pas.
-Vous n'êtes qu'un abominable rappel de l'hypocrisie de Terra elle même. De toutes les promesses qu'elle a pu prodiguer de par la Galaxie et qu'elle n'a jamais tenues.
-Votre haine vous aveugle, Eyla. Votre âme a été empoisonnée par de vils mensonges et par la perfidie du Grand Ennemi.
-Qu'attendez vous donc pour me tuer? Vous en brûlez d'envie! susurra-t-elle.
-Je n'en ai aucune envie. Je ne l'ai pas seulement promis à votre frère, je m'en suis fait un objectif, une sainte quête. Je vous sauverez, Eyla...
-Ha! pouffa-t-elle avec mépris. Et comment vous y prendrez vous? Avec vos mensonges? Avec vos tortures? Ou êtes-vous un sorcier qui me brisera avec ses sorts?
Ma main tremblait elle aussi, je me sentais à court d'arguments, alors même que je commençai à percevoir une brèche dans son entêtement. Nous n'avions pas bougé d'un pouce, engagés dans un face à face éreintant, dans un duel de volonté titanesque.
Je cherchai de toutes mes forces l'argument qui la ferai ployer, qui lui ouvrirait l'âme pour qu'elle comprenne ses péchés et qu'elle se repentisse avant qu'il ne soit trop tard. Je cherchai de toutes mes forces, de toute mon âme, jusqu'à en souffrir.
-La violence n'est pas mon credo, Eyla. Je ne suis pas un fanatique comme nombre de mes frères. Je veux croire en l'être humain. En ce qu'il a de bon et de glorieux. Vous êtes humaine, Eyla. Je crois en vous. Je crois en votre salut.
Elle se raidit, tentant à nouveau de se dégager, en vain, et sa voix vibra d'une froide colère et d'une incroyable tristesse quand elle me répondit.
-Allez donc dire ça à Varl, assassin!
L'argument me frappa en pleine face, et je frémis en repensant au visage de l'homme que j'avais tué. Eyla perçut l'ouverture que je lui offrit et asséna un nouveau coup, des sanglots étouffés se mêlant avec ses éclats colériques.
-Vous l'avez abattu sans lui laisser une chance, tout comme vous comptez nous tuer tous pour ne pas rendre hommage à votre si glorieux Empereur de la façon qui vous convient le mieux! Vous ne savez rien de nos vies et pourtant vous les jugez avec l'assurance d'un tyran qui a décidé de se débarrasser de ses enfants bâtards.
-Je me suis défendu, Eyla. balbutiai-je. Je... Par le Trône, je l'ai tué avant que lui même ne vous tue!
-J'aurai mille fois préféré mourir de sa main et vous savoir mort, que d'être assise là devant vous! cracha-t-elle, une larme roulant sur sa joue.
J'étais perdu, je ne savais plus quoi dire.
J'ai fait face à des centaines d'hérétiques, certains ayant fini sur le bûcher sans avoir fait montre de la moindre repentance, et jamais je n'avais perdu mon sang froid. Jamais je ne m'étais sentyi si vulnérable.
Mais Eyla avait senti le traumatisme qu'était pour moi le meurtre d'un homme, et avait annihilé mes défenses en usant de la force de cet épisode. Contrairement à beaucoup de mes confrères, j'avais en horreur l'idée de tuer un frère humain, en particulier lorsqu'il y avait un espoir, même le plus infime qui soit, de le sauver des abysses de la damnation. Jamais je n'avais tué, et jamais je n'aurai pensé le faire. Et certainement pas de façon si brutale.
Eyla avait compris combien je souffrais de ce meurtre, et s'en était servi comme d'une arme destructrice pour mettre fin à ma tentative de la raisonner. Ce qu'elle ne savait pas, ni même moi à ce moment là, c'est que ses mots allaient plus tard m'apporter la paix sur la portée de mon geste.
Varl avait été le premier, aussi traumatisant fut l'expérience. J'en avais occis deux autres peu de temps après tout en me défendant. Mais à cet instant précis, j'étais encore loin, très loin de me douter de combien je tuerai encore, qu'ils le méritent ou non.
Encore aujourd'hui, en me rappelant de cet épisode hésitant de ma vie, je me plais à penser que l'Empereur aime à nous imposer des épreuves retors pour révéler en nous qui nous sommes réellement.
Ça, ou bien il a décidément un sens de l'humour très particulier...
Je relevai les yeux vers Eyla, me sentant envahi d'une désagréable torpeur, d'une abominable impression d'être la pire salissure que portait la Galaxie en son sein. Elle dut sentir à quel point elle avait frappé fort, car je la sentis se relâcher un court instant, la colère dans ses yeux vacillant une fraction de seconde.
-J'ai fait ce qu'il fallait, Eyla. dis-je, piteusement, de la même manière qu'un hérétique confessant ses crimes après avoir été questionné. J'ai fait ce qui était nécessaire de faire pour vous permettre de vivre. L'Empereur jugera mon âme le moment venu, mais je ne regrette en rien mon geste.
Cette fois elle ne dit rien, se contentant de me dévisager d'un regard sombre et inquisiteur.
-J'ai promis de vous sauver, Eyla. Et c'est ce que je ferai, dussé-je anéantir ces hérétiques qui se prétendent vos amis, un par un.
Je suppose que mon esprit ne savait plus trop comment réagir, que j'étais encore sous el coup de son attaque virulente. La seule idée qui me vint en tête fut de l'enlacer, comme on embrasse un être cher qui a manqué de mourir.
Je la serra dans mes bras si subitement que je l'entendis couiner de surprise en tressaillant. Cela dura une fraction de seconde, mais pour moi cela semblait durer une éternité. Je l'embrassais autant pour lui prouver ma volonté de veiller sur elle et de la sauver, que dans un élan de triste désespoir, cherchant un réconfort pour apaiser les tourments de âme.
Tout ce que je gagnai fut de me retrouver brusquement à terre, la tête prise de vertiges comme si on m'avait brutalement secoué en tout sens, tout un côté de ma mâchoire comme anesthésié.
Eyla se tenait au dessus de moi, ses poings serrés, son visage tordu en un rictus tentant d'exprimer à la fois surprise, colère, tristesse et indignation. Elle brandit à nouveau un poing vers moi, ce qui eut pour effet de me faire gémir comme un idiot, mais le second coup ne vint pas. Ses lèvres remuèrent mais aucun son n'en sortit, comme si elle butait sur les mots, ou ne savait pas quoi dire.
Puis elle poussa un grognement offusqué et s'enfuit à grandes enjambées, dégageant sans aucune délicatesse les ivrognes titubant sur son chemin.
Je me relevai piteusement en me frottant la mâchoire, secouant la tête pour en chasser la sourde douleur qui cognait à mes tempes.
Il semblait que personne n'ait remarqué notre rixe, car personne ne fit plus attention à moi.
Je me hissai sur mon haut tabouret, et après un moment où je demeurai ainsi sans bouger, comme en stase, j'agrippai mon gobelet encore plein en m'attribuant tout un chapelet coloré de noms d'oiseaux.
On attaque un nouveau chapitre et bientôt la fin de la Deuxième Partie.
***
VIII
On aurait pu définir Odalsirc comme un petit village pittoresque, à l'image de celui que nous avions quitté, mais cela aurait été une grossière erreur. En vérité, ses petites rues grouillaient de voyageurs, marchands, et autres colporteurs, et certaines bâtisses à l'allure bien plus récente que le reste des chaumières démontraient à elle seule l'aspect de carrefour commerçant du village.
De plus petite taille qu'Ysddral, Odalsirc était accroché au creux d'une forêt dense et d'allure impénétrable, qui ceignait les récifs montagneux sur lesquels trônait la cité de Vjorheim. Le sol couvert de feuilles mortes en décomposition formait par endroit une boue infâme où se mêlaient humus et neige, donnant à la terre un aspect de bourbier veiné d'argent, dans lequel on marchait en produisant sans cesse d'infâmes bruits de succion. Bien évidemment, la forte affluence qu'il y avait n'arrangeait en rien le phénomène, et dans les carrefours les plus fréquentés, il n'était pas rare de se sentir embourbé jusqu'à avoir les plus grandes difficultés à se déplacer.
La place centrale s'étalait sur un cercle presque parfait, virtuellement tracé autour d'un arbre similaire à celui trônant devant la mairie d'Ysddral, autour duquel se dressaient des dizaines d'étals de marchands débordant de produits de toutes sortes. La demeure du Hersar d'Odalsirc se trouvait un peu plus haut sur une petite colline à l'allure clairement artificielle, qu'on rejoignait en empruntant un escalier de pierres grossièrement taillées, bordé de crénelures à peine plus ouvragées. La bâtisse était imposante, à trois étages s'élevant en flèche vers le ciel, érigée d'un bois noir comme la suie et de pierre d'un brun aussi peu avenant que la fange dans laquelle nous tentions de progresser. La porte d'entrée principale à deux immenses battants de bois ferré était surmontée d'une frise en arc sur laquelle on reconnaissait le symbole du Comté de Vjorheim, de même que le blason de la ville, une enclume sur laquelle reposait une bourse débordant de pièces.
Deux gardes de la ville, dans des tenues similaires à la milice d'Ysddral, montaient la garde devant, serrant de hautes hallebardes dans leurs mains gantées, leur visage caché par un masque de bois sculpté à l'image de dragon.
Tout en haut de la mairie, trois drapeaux claquaient au vent, un portant le blason du village, l'autre arborant des armoiries qui m'étaient inconnues, et le dernier laissant voir un aquila glorieux au regard sévère.
Cette dernière vision me rassura quelques peu, et je me sentis presque revenir à la civilisation après des décennies passées perdu parmi les sauvages.
Hivar m'apprit que le village était l'un des plus vieux du Comté, et, sans surprise, m'expliqua son statut d'antichambre de la cité capitale. Depuis des siècles, Odalsirc accueillait en son sein tout ceux qui désiraient se rendre dans la Cité Haute, comme il était coutume de l'appeler ici, qu'ils soient marchands, savants, guerriers ou simples curieux.
Malgré l'afflux et les possibilités lucratives qu'il apportait, les Hersarers d'Odalsirc avaient toujours refusé d’agrandir le village, arguant le fait que ce serait manquer de respect à leurs Ancêtres, et plus grave encore, cela voulait dire éliminer tout un pan de la forêt à laquelle ils vouaient ouvertement une sorte de culte ancestral de respect mêlé de spiritualité.
Alors les voyageurs devaient s’accommoder d'un passage rapide avant de repartir, au risque de devoir passer leur séjour dans les drulvitnätt, les "quartiers boueux", situés en abords du village, à l'orée de la forêt, et devenus au fil des âges de véritables bidonvilles jonchés d'immondices. Malgré la vigilance des milices locales et des skögerprast, sortes de shamans dévoués à la forêt, les drulvitnätt avaient commencé à proliférer à l'intérieur même des bois, et certains avançaient même que des galeries existaient, passant sous le village, dans une tentative maladroite et légendaire d'atteindre Vjorheim par dessous terre.
Hivar m'assura en riant que certains des plus fous s'étaient perdus sous terre et étaient devenus une sorte de clan à part. Pour ce que j'en compris, il me décrivait parfaitement de pauvres hères qui avaient tout perdu et avaient trouvé refuge sous la montagne, devenus des parias et de redoutés sauvages. La description qu'il m'en fit, d'après les rares témoignages existants, me fit immédiatement songer à des mutants, et je me mis à triturer mon aquila d'argent en murmurant une prière de protection.
Nous avions assez de tueurs hérétiques à nos trousses pour se retrouver inopinément face à des abominations ne méritant que la juste purification!
Jorval me conta pour sa part ses souvenirs de jeunesse, lorsque son père, et le père de son père, l'avaient mené ici étant enfant pour apprendre à marchander avec les forgerons de Comtés extérieurs. Avec force de détails, il prit un plaisir non feint à m'expliquer comment son père, lors d'un concours de forge, avait écrasé les mains d'un escroc sous son marteau après qu'il eut prétendu l'avoir forgé lui même.
Je ris pour lui faire plaisir, tandis qu'intérieurement j'espérais de tout coeur ne pas assister à spectacle si barbare.
Nous passâmes un long chemin sinueux passant à travers quelques pâtés de maisons d'un autre âge, apercevant parfois les lueurs émanant des tristes drulvitnätt, et finîmes par arriver dans la vieille ville. Hivar prit un instant pour me montrer quelques endroits clés, que mon serviteur scribe s'empressa de décrire selon ce que son protocole lui permettait d'en dire. Je pris pour ma part quelques notes plus humaines dans un de mes calepins, puis nous reprîmes notre chemin.
Nous nous rendîmes à l'auberge la plus proche où nous devions, selon Jorval, trouver une "vieille amie". Mes serviteurs furent confiés à un gardien vouté au visage ressemblant à celui d'un rat difforme, et nous montâmes les marches menant à l'entrée devant laquelle quelques ivrognes achevaient de cuver leur surconsommation d'alcool sous l’œil tyrannique de deux videurs aussi grands et bien bâtis que des space marines. Et à l'air tout aussi aimable...
Passé le seuil d'entrée, nous fûmes assaillis par les braillements d'une congrégation de soiffards dans une centaine de dialectes différents, les fumées de milles tabacs tous aussi écœurants les uns que les autres, et les relents chargés d'ivresse des légions de boissons qui leur étaient destinées.
Une serveuse grande et mince, simplement vêtu d'un pagne de fourrure et d'une minuscule bande de cuir sur une poitrine proéminente, nous accueillit, les bras croulant sous les plateaux débordants de victuailles et de chopes d'alcool. Elle nous toisa de son unique oeil, l'autre remplacé par un augmentique grossier et fort voyant, et nous souhaita, je suppose, la bienvenue d'une voix rauque sans aucun charme.
Jorval lui répondit en vociférant de la même manière, sans quoi dans le bruit environnant ils ne se seraient probablement pas compris, et la serveuse partit d'un rire gras avant de jeter ses plateaux et leur contenu à une enfant à la maigreur affligeante pour embrasser le forgeron.
La petite fille rattrapa comme elle put les plateaux, brisant deux ou trois chopes au passages et répandant sur le sol un festin de nourriture à moitié mâchouillée, et disparu dans le brouillard sans demander son reste.
Jorval et la grande serveuse s'étreignirent rudement, en se donnant de grandes claques dans le dos et en grognant comme des grox, puis se relâchèrent avec la délicatesse de deux lutteurs ivres.
Je dus fournir un effort considérable pour décrypter leur échange, tant l'accent de la serveuse était à couper au couteau, sans parler du brouhaha ambiant.
-Par la barbe d'mes Ancêtres, qu'voilà une belle surprise! tonna la femme en donnant une nouvelle bourrade à Jorval. Qu'est c'qu'un gaùrind comme toi fabrique dans les parages? Ta forge a fait faillite?
-Naya la Valkyr! Ça fait chaud au cœur de te revoir! répondit le forgeron en riant de plus belle. Toujours autant de gueule et toujours aussi plaisante à voir!
-J'm'entretiens, comme tu l'vois. répondit Naya avec fausse modestie, en jetant un regard tout aussi faussement modeste à sa silhouette frisant l’obscénité primitive. Y'a un paquet de vanhefar qu'ont bien voulu y voir de plus près, mais tu m'connais! On m'triture pas comme on vérifie l'âge d'un ch'val!
Jorval et Hivar éclatèrent de rire, aussitôt imités par Hjangar, qui s'esclaffait plus pour faire comme eux que parce qu'il avait compris les sous entendus de la serveuse. Du moins je l'espérais...
Je m'aperçus alors que nous avions perdu Eyla dans l'échange, avant de reconnaître sa silhouette près du comptoir, assise sur un haut tabouret, roulant des épaules pour se les détendre.
Las des échanges grivois entre Jorval et sa vulgaire camarade, je pris sur moi de rompre avec le groupe pour aller rejoindre la dernière à pouvoir me supporter.
Je dus jouer des coudes et des bras pour parvenir à traverser la foule avinée, devant refuser poliment une demi douzaine d'invitations à la beuverie ou esquiver in extremis une des serveuses à moitié nue, sans compter le cul de jatte belliqueux accroché à un châssis crasseux qui me jeta un regard assassin lorsque je passai devant lui, en m’exhibant un long poignard dentelé tout en souriant d'une bouche qui contenait bien moins de dents que son arme rudimentaire.
Trébuchant dans ma longue bure, je manquai bien de m'étaler de tout mon long lorsque je posai une main sur le bois détrempé du comptoir, à une ou deux place d'Eyla, qui me toisa d'un air consterné. Un ivrogne se retourna un peu trop vite et me bouscula rudement lorsque la poigne de fer de la jeune fille m'amena au siège à ses côtés pour m'éviter une chute ridicule.
Elle continuait à siroter une longue flûte emplie d'un liquide ambre et épais, et ne m'accorda pas un autre regard après qu'elle m'eut assis à ses côtés.
-Merci... fis-je, haletant.
Pour toute réponse, Eyla claqua des doigts à l'attention du barman - une grosse brute qu'on aurait confondu avec un Ork - et me fit glisser une chope de meàd, m'intimant de ce fait de ne pas l'importuner et de garder le silence.
Elle but une gorgée de son verre et s'adressa à moi dans le vacarme sur le ton de la conversation la plus désuète, le regard braqué au devant, dans le vague.
-Vous avez fait connaissance avec la Valkyr, je suppose? Je suppose que vous l'avez fortement apprécié.
-Je...
-Oh, allons! Elle vous fait tant peur que ça? continua-t-elle, comme si elle avait décidé de m'offrir un monologue acide. Son regard restait rivé bien hors de portée de mon visage.
-Nous sommes des barbares, des gens violents, n'est ce pas Ùtlendr? Il n'y a rien ici qui vous fera changer d'avis, bien évidemment, mais un simple regard vous suffirait à vous faire l'opinion d'un monde entier et le condamner. Tout comme vous l'avez fait à votre arrivée ici, et tout comme vous l'avez fait dans la vieille mine.
-Eyla...
-Repenserez vous à la folie de cet endroit ou à la beauté des paysages d'Àsgard quand les vôtres viendront la brûler? m'interrompit-elle derechef. J'imagine que vous préférerez apaiser votre conscience en restant sur l'impression désastreuse que vous fait cet endroit. Est ce que...
-Assez! la coupai-je avec une virulence que je ne me connaissais pas et qui fit tourner fugacement quelques regards vers nous. Cela eu au moins le mérite de faire taire Eyla, tout autant surprise que moi.
-Assez. répétai-je plus doucement. Mon enfant, je suis las de ces ces mesquineries. Pensez ce que vous voulez de moi, mais de grâce, arrêtez de me torturer avec!
-Votre simple présence me torture, Ùtlendr. siffla-t-elle en portant son verre à ses lèvres, un rictus de mépris collé au visage.
Je n'en pouvais décidément plus. Il fallait mettre les pendules à l'heure, aussi je continuai sur ma lancée, aussi involontaire soit-elle, et lui attrapai le verre avant qu'elle n'y but pour le reposer brutalement sur le comptoir.
Par réflexe, Eyla tenta d'arracher son verre avec force, mais je tins bon, forçant sur ma prise, alors qu'elle semblait sur le point de se lever pour me sauter à la gorge. De mon autre main, j'appuyai avec assez de force sur son épaule pour la maintenir sur son siège.
Sous la rudesse du geste, elle daigna enfin tourner ses yeux vers moi, ses prunelles d'ambre flamboyant de colère. Mais cette fois ci je ne me laissai pas prendre au jeu, et maintins le verre sur le comptoir alors qu'elle tentait de me le reprendre encore une fois, ou lui intimai de rester assise quand elle voulait se relever.
Dans l'effort, nos visages s'étaient rapprochés jusqu'à n'être plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Je pouvais presque sentir sa colère exsuder de son corps telle une humeur de noirceur pure. Ses yeux flamboyants me perçaient l'âme par la force de son ire, mais ma résolution s'en trouvait d'autant plus renforcée.
D'une voix calme, je lui parlai comme si elle était toute disposée à m'écouter des heures durant, ne succombant pas à la tentation de lui hurler dessus ma lassitude et mon énervement face à son entêtement à me voir comme un ennemi.
-Je en vous répéterai pas toutes les promesses que j'ai faites à votre frère ou à votre père, et que je vous ai déjà présentées à maintes reprises. Je ne vous reformulerez pas l'objet de ma présence, ni la décision que j'ai prise à la suite de ma terrible découverte dans la vieille mine. Je ne vous rappellerai pas non plus à quel point j'ai été patient avec vous, alors même que vous avez sciemment frayé avec des hérétiques de la pire espèce. Vous savez déjà tout cela. Je suis las de vous le répéter. Je ne vous attaquerai pas sur votre peuple ou sur l'image, quelle qu'elle soit, que je m'en fait, ni sur ses coutumes aussi étranges soient-elles, ni sur sa loyauté envers l'Empereur, ou son désir de prétendue liberté. Vous ne désirez pas visiblement entendre ce que je vous dit. Vous n'avez que faire de ce que j'ai pu vous expliquer.
-Des mensonges, rien de plus! siffla-t-elle avec violence, intensifiant son regard comme si elle espérait me transpercer avec. Destinés à nous endormir pour mieux nous égorger dans notre sommeil!
-Des aveux honnêtes que je vous ai faits, en toute bonne foi. la corrigeai-je, luttant contre l'envie de la gifler pour lui faire sortir cette sotte rancœur de la tête.
-Jamais je ne vous ferai confiance, Ùtlendr! persista-t-elle. Ses mains tremblaient à présent, sans doute sous l'effet de sa colère.
-Je ne vous le demande pas. Je ne vous forcerai pas.
-Vous n'êtes qu'un abominable rappel de l'hypocrisie de Terra elle même. De toutes les promesses qu'elle a pu prodiguer de par la Galaxie et qu'elle n'a jamais tenues.
-Votre haine vous aveugle, Eyla. Votre âme a été empoisonnée par de vils mensonges et par la perfidie du Grand Ennemi.
-Qu'attendez vous donc pour me tuer? Vous en brûlez d'envie! susurra-t-elle.
-Je n'en ai aucune envie. Je ne l'ai pas seulement promis à votre frère, je m'en suis fait un objectif, une sainte quête. Je vous sauverez, Eyla...
-Ha! pouffa-t-elle avec mépris. Et comment vous y prendrez vous? Avec vos mensonges? Avec vos tortures? Ou êtes-vous un sorcier qui me brisera avec ses sorts?
Ma main tremblait elle aussi, je me sentais à court d'arguments, alors même que je commençai à percevoir une brèche dans son entêtement. Nous n'avions pas bougé d'un pouce, engagés dans un face à face éreintant, dans un duel de volonté titanesque.
Je cherchai de toutes mes forces l'argument qui la ferai ployer, qui lui ouvrirait l'âme pour qu'elle comprenne ses péchés et qu'elle se repentisse avant qu'il ne soit trop tard. Je cherchai de toutes mes forces, de toute mon âme, jusqu'à en souffrir.
-La violence n'est pas mon credo, Eyla. Je ne suis pas un fanatique comme nombre de mes frères. Je veux croire en l'être humain. En ce qu'il a de bon et de glorieux. Vous êtes humaine, Eyla. Je crois en vous. Je crois en votre salut.
Elle se raidit, tentant à nouveau de se dégager, en vain, et sa voix vibra d'une froide colère et d'une incroyable tristesse quand elle me répondit.
-Allez donc dire ça à Varl, assassin!
L'argument me frappa en pleine face, et je frémis en repensant au visage de l'homme que j'avais tué. Eyla perçut l'ouverture que je lui offrit et asséna un nouveau coup, des sanglots étouffés se mêlant avec ses éclats colériques.
-Vous l'avez abattu sans lui laisser une chance, tout comme vous comptez nous tuer tous pour ne pas rendre hommage à votre si glorieux Empereur de la façon qui vous convient le mieux! Vous ne savez rien de nos vies et pourtant vous les jugez avec l'assurance d'un tyran qui a décidé de se débarrasser de ses enfants bâtards.
-Je me suis défendu, Eyla. balbutiai-je. Je... Par le Trône, je l'ai tué avant que lui même ne vous tue!
-J'aurai mille fois préféré mourir de sa main et vous savoir mort, que d'être assise là devant vous! cracha-t-elle, une larme roulant sur sa joue.
J'étais perdu, je ne savais plus quoi dire.
J'ai fait face à des centaines d'hérétiques, certains ayant fini sur le bûcher sans avoir fait montre de la moindre repentance, et jamais je n'avais perdu mon sang froid. Jamais je ne m'étais sentyi si vulnérable.
Mais Eyla avait senti le traumatisme qu'était pour moi le meurtre d'un homme, et avait annihilé mes défenses en usant de la force de cet épisode. Contrairement à beaucoup de mes confrères, j'avais en horreur l'idée de tuer un frère humain, en particulier lorsqu'il y avait un espoir, même le plus infime qui soit, de le sauver des abysses de la damnation. Jamais je n'avais tué, et jamais je n'aurai pensé le faire. Et certainement pas de façon si brutale.
Eyla avait compris combien je souffrais de ce meurtre, et s'en était servi comme d'une arme destructrice pour mettre fin à ma tentative de la raisonner. Ce qu'elle ne savait pas, ni même moi à ce moment là, c'est que ses mots allaient plus tard m'apporter la paix sur la portée de mon geste.
Varl avait été le premier, aussi traumatisant fut l'expérience. J'en avais occis deux autres peu de temps après tout en me défendant. Mais à cet instant précis, j'étais encore loin, très loin de me douter de combien je tuerai encore, qu'ils le méritent ou non.
Encore aujourd'hui, en me rappelant de cet épisode hésitant de ma vie, je me plais à penser que l'Empereur aime à nous imposer des épreuves retors pour révéler en nous qui nous sommes réellement.
Ça, ou bien il a décidément un sens de l'humour très particulier...
Je relevai les yeux vers Eyla, me sentant envahi d'une désagréable torpeur, d'une abominable impression d'être la pire salissure que portait la Galaxie en son sein. Elle dut sentir à quel point elle avait frappé fort, car je la sentis se relâcher un court instant, la colère dans ses yeux vacillant une fraction de seconde.
-J'ai fait ce qu'il fallait, Eyla. dis-je, piteusement, de la même manière qu'un hérétique confessant ses crimes après avoir été questionné. J'ai fait ce qui était nécessaire de faire pour vous permettre de vivre. L'Empereur jugera mon âme le moment venu, mais je ne regrette en rien mon geste.
Cette fois elle ne dit rien, se contentant de me dévisager d'un regard sombre et inquisiteur.
-J'ai promis de vous sauver, Eyla. Et c'est ce que je ferai, dussé-je anéantir ces hérétiques qui se prétendent vos amis, un par un.
Je suppose que mon esprit ne savait plus trop comment réagir, que j'étais encore sous el coup de son attaque virulente. La seule idée qui me vint en tête fut de l'enlacer, comme on embrasse un être cher qui a manqué de mourir.
Je la serra dans mes bras si subitement que je l'entendis couiner de surprise en tressaillant. Cela dura une fraction de seconde, mais pour moi cela semblait durer une éternité. Je l'embrassais autant pour lui prouver ma volonté de veiller sur elle et de la sauver, que dans un élan de triste désespoir, cherchant un réconfort pour apaiser les tourments de âme.
Tout ce que je gagnai fut de me retrouver brusquement à terre, la tête prise de vertiges comme si on m'avait brutalement secoué en tout sens, tout un côté de ma mâchoire comme anesthésié.
Eyla se tenait au dessus de moi, ses poings serrés, son visage tordu en un rictus tentant d'exprimer à la fois surprise, colère, tristesse et indignation. Elle brandit à nouveau un poing vers moi, ce qui eut pour effet de me faire gémir comme un idiot, mais le second coup ne vint pas. Ses lèvres remuèrent mais aucun son n'en sortit, comme si elle butait sur les mots, ou ne savait pas quoi dire.
Puis elle poussa un grognement offusqué et s'enfuit à grandes enjambées, dégageant sans aucune délicatesse les ivrognes titubant sur son chemin.
Je me relevai piteusement en me frottant la mâchoire, secouant la tête pour en chasser la sourde douleur qui cognait à mes tempes.
Il semblait que personne n'ait remarqué notre rixe, car personne ne fit plus attention à moi.
Je me hissai sur mon haut tabouret, et après un moment où je demeurai ainsi sans bouger, comme en stase, j'agrippai mon gobelet encore plein en m'attribuant tout un chapelet coloré de noms d'oiseaux.
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E. -Les Croisés - Tome I - Ùtlendr
Et au fait ça en est où cette mystérieuse surprise?Kelsier Criid a écrit:Surprise surprise ! Je posterai les photos quand se sera fait !
Bon, j'ai du mal à écrire la suite par manque de temps, mais j'espère pouvoir vous donner un passage samedi, même court...
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Re: [ROMAN 40K] C.O.E. -Les Croisés - Tome I - Ùtlendr
Notre prêtre semble bien mal embarqué, faire entendre raison à une furie fut elle humaine n'est pas facile ni plaisant !!!!! keep going , j'adore.
Ok mes agneaux, viandez moi ces Loqueteux
La prévision est difficile, surtout lorsqu'elle concerne l'avenir. P.Dac
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