[Lettres de Sang 4] Amertume et ambition

Amertume et ambition

Il est Horus le Glorieux, l'Astre Brillant, favori de l'Empereur. Il est Maître de Guerre. Un titre résonnant de gloire, inspirant courage, loyauté, persévérance. Et jalousie.

Lors du triomphe d'Ullanor, des cœurs se sont brisés, et des loyautés ont été affaiblies par l'annonce du Maître de l'Humanité de quitter la Grande Croisade et de désigner Horus Lupercal comme héritier. Beaucoup ont pensé que la nomination d'Horus à son nouveau rang n'était que justice, eu égard aux services qu'il avait rendus à l'Imperium, et donc à l'Humanité entière. D'autres cependant n'ont vu là que la confirmation que seuls les favoris de l'Empereur pouvaient s'élever davantage et que l'Empereur n'avait pour but que de consolider son pouvoir sur son vaste empire. Parmi ceux-ci, il y avait Konrad Curze, primarque de la VIIIe Légion Astartes.

Le premier capitaine Sevatar avançait aussi vite que possible dans les couloirs sombres et vides du vaisseau sans que quiconque ne distingue la sueur qui coulait de son front. Il avait tué les dernières heures à massacrer des serviteurs dans les cages d'entraînement en attendant de repartir sur le système d'Ancara et soumettre les populations indigènes par la terreur, comme le faisaient toujours les Night Lords.

Mais la convocation du seigneur Curze l'avait contraint à suspendre son activité de dépeçage de serviteurs pourtant si fascinante. Sevatar n'était pas un de ces Astartes qui accourraient vers leur primarque par instinct ou pour lui plaire, comme le brutal Abaddon des Luna Wolves ou bien le ridicule Eidolon des Emperor's Children. Non, lui, comme tous les Night Lords d'ailleurs, obéissait à son maître à cause de ses exceptionnelles facultés de torture et de menaces, et si beaucoup avaient souffert entre ses mains, encore plus l'admiraient comme le seigneur de la mort qu'il était, menant ses hommes tel un avatar sinistre de la terreur. Ce titre pouvait bien être porté par Mortarion, mais un maigrichon comme lui n'avait aucune chance contre le Night Haunter. Il esquissa un léger sourire en pensant à cette légion de paysans lépreux qui savaient à peine se battre.

Lorsque le premier capitaine atteignit les quartiers du seigneur de Nostramo, il fut étonné de constater que plusieurs dizaines d'Atramentars en armure Terminator se tenaient devant les portes, scrutant le couloir comme s'il regorgeait d'ennemis. Il était censé les commander et pourtant, il n'avait pas été consulté avant de les stationner ici.

« Vous êtes en retard», dit l'un des géants sans préambule et brutalement.
« Pour vous, ce sera 'mon capitaine' ou 'votre seigneurie', Galak », rétorqua l'autre Space Marine avec autorité et une pointe d'irritation.
Le masque de fureur sur le visage du Terminator se brisa aussi vite qu'il était apparu et les deux hommes rirent de bon cœur un court instant. Mais l'Atramentar jeta un regard lourd de sens derrière son épaule et s'exprima sur un ton hésitant.
« Le primarque vient de recevoir une nouvelle qui l'a perturbé et si nous sommes là, c'est pour éviter des problèmes, mais ce message l'a vraiment...», il ne termina pas tellement il craignait ses propres mots ce qui était peu commun chez ce géant.
« Rendu fou, c'est bien ça, Galak? » Le premier capitaine commençait sérieusement à s'inquiéter, les crises de folie de Curze n'étant pas fréquentes mais elles finissaient irrémédiablement dans le sang et il tenait trop à sa vie pour risquer le courroux de son commandant en sa présence.
Son ami acquiesça. « En effet, Sev.  Faites preuve de prudence, je dois dire que je n'avais jamais vu le primarque aussi enragé, même Angron passerait pour un tendre à côté de lui ».

Le capitaine entra précautionneusement dans le lieu de repos de Konrad Curze pour trouver celui-ci affaissé sur un siège gigantesque, les yeux fermés, et Sevatar commença à s'éclipser, de peur de le déranger dans son sommeil, ce qui ne serait qu'une condamnation à une fin atroce et douloureuse.

« Premier capitaine, je ne vous ai pas convoqué pour que vous entriez et sortiez de ma chambre à votre guise. » En même temps qu'il grognait, le primarque se redressa et, fait rarissime, sourit sinistrement au Space Marine.

Sevatar s'inclina immédiatement devant son père génétique.

« Pardonnez moi, seigneur, le sergent Galak m'a prévenu que vous n'étiez...guère disposé à m'entendre. »

« J'ai eu une crise, oui ne soyez pas faible et dites le, et elle est due à un fait tout récent qui m'est intolérable et injustifié. Asseyez vous maintenant et écoutez moi car ce que je vais vous révéler et ce que nous allons décider aujourd'hui va sans doute changer notre légion, peut être à jamais.»

Il n'en fallut pas plus pour captiver le capitaine de la première compagnie, et  d'aucuns savaient que seul son primarque en était capable.

« La campagne d'Ullanor est terminée et l'Empereur, 'aimé de tous', a décidé de quitter la Croisade ».

Cette simple phrase fut prononcée avec tant de mépris que Sevatar pouvait presque en sentir le venin sortir de la bouche du Night Haunter. Le premier capitaine n'avait rencontré le Maître de l'Humanité qu'une fois et contrairement à d'autres, il n'avait pas été très impressionné par le 'père de tous'. Aussi ne fut-il pas aussi choqué qu'il s'y attendait lui-même.

« Monseigneur, l'Empereur fait ce qu'il désire et... », commença t-il dans une tentative de conciliation maladroite.

« Et dans sa grande sagesse, il a élevé Horus au rang de Maître de Guerre. Ce que j'aimerai avoir, c'est pourquoi lui et pas quelqu'un de plus compétent et de moins arrogant. »

Soudain, sans que quiconque ne lui ait demandé son avis, une grande ombre fit son apparition depuis une autre salle et s'appuya négligemment sur un pilier, les bras croisés. Quand Sevatar put l'apercevoir, il contempla un autre de fils de l'Empereur, le primarque Perturabo, le visage dénué de la moindre expression. Son propre seigneur désigna son frère d'un geste las.

« Perturabo que voici m'a fait part de ses...inquiétudes quand aux capacités de mon frère à diriger la Grande Croisade et je suis tout à fait disposé à lui accorder un certain crédit. Vous êtes un homme intelligent, Sevatar, et loyal ce qui est un atout inestimable et rare chez un Night Lord. Aussi nous allons vous mettre dans la confidence de nos projets. »

Le premier capitaine ne savait plus quoi penser de tout ceci. L'Empereur retournant sur Terra au moment même de son triomphe ? Et Horus devenant de facto son héritier ? Pourquoi lui ? Beaucoup de questions se bousculaient dans sa tête mais il ne trouvait pas de réponse concrète.

Le primarque des Iron Warriors se décida à s'exprimer d'une voix rocailleuse et amère.

«Voyez-vous capitaine, ma légion a traversé de durs combats et subi de lourdes pertes. Quelle a été notre récompense après nos années de service et de carnage ? Nous sommes devenus une légion de garnison alors que notre rôle est d'assiéger des cités et de réduire en cendre des empires. Je suis le meilleur dans ce domaine, pas même Dorn ne peut m'égaler...»

Curze se leva de son siège pour s'adresser à son frère en ricanant.

«Eh bien frère j'ai une autre nouvelle qui va te faire tomber de haut. Dorn vient d'être nommé Prétorien de l'Empereur et part fortifier le Palais sur Terra.»

Après ces mots dits sans pitié apparut un silence pesant et Sevatar vit à son regard que l'Iron Warrior prenait le temps d'apprécier son humiliation sans trop la montrer malgré son  dépit manifeste et ses traits
Le Night Haunter prit alors une voix chargé de regrets.

« A l'évidence notre père est très doué pour prendre de mauvaises décisions et pour éloigner ceux qui ne comptent pas, mais nous pouvons rectifier le tir. Horus a toujours eu des détracteurs et nous pourrions sans doute rassembler ces individus pour convaincre 'Père' de nommer un autre de ses fils à la tête des armées impériales. »

Sevatar leva les yeux vers son primarque, lequel l'invita du regard à dire ce qui lui trottait par la tête.

« Monseigneur», commença-t-il, «vous voudriez donc devenir Maître de Guerre à la place d'Horus ? »

Son père génétique éclata de rire devant un premier capitaine interdit.

« Personne n'accepterait cela, je suis bien trop...excentrique pour ce poste, et Perturabo est bien connu pour son irritation à chaque contrariété. » L'intéressé grogna devant le cynisme de Curze mais ne répliqua pas. « Cependant, je connais quelqu'un qui convoite ce rang plus que tout autre et qui pourrait détenir une solution très intéressante pour nous tous. Il devrait arriver sous peu, que nous ayons le temps de préparer notre petit complot. »

Le primarque se rassit, dans le bon sens cette fois ci, mais ne quitta pas des yeux la porte tandis qu'un autre homme arriva par la porte lourdement gardée.

« Il était temps que je vienne voir ceci de mes propres yeux. Serait-ce un embryon de défiance à notre père ? » Le ton du nouvel arrivant se voulait ironique mais Perturabo, encore blessé par le souvenir de Dorn, n'apprécia pas l'insinuation.

« Vous vous présentez ici alors que votre légion est l'une des plus appréciées et des plus fiables ? Dites moi pourquoi diable Konrad et moi même devrions vous faire confiance ? Pourquoi donc fréquenter les voyous de notre fratrie ? Répondez moi donc et qu'on en finisse. »

A sa grande surprise, ce ne fut pas le nouvel arrivant qui répondit mais le premier capitaine des Night Lords, conscient de sa propre insolence mais ne pouvant s'empêcher de répondre aux questions stupides de l'Iron Warrior.

« Peut être qu'il pourrait nous offrir autre chose qu'une place de paria dans l'Imperium ? Peut être que si nous lui accordons notre...amitié, il pourra faire en sorte de redorer notre blason, comme on disait autrefois. » en lançant un regard interrogateur à l'homme.

Curze et Perturabo se retournèrent tous deux vers le troisième primarque quand ce dernier s'adressa à eux d'une voix claire et souriant.

« Mon petit neveu est dans le vrai, voilà une bonne raison de l'avoir convié à notre petit...comité. En vérité mes frères, » dit-il en étirant les bras, « je compte prouver à l'Empereur qu'Horus n'est pas digne de son poste mais que moi-même je le suis, bien entendu. Apportez moi votre aide et je saurai vous récompenser, Perturabo en vous confiant de véritables guerres dignes de la VIème légion et Curze...en te laissant faire ce qu'il faudra pour garantir la primauté de la loi impériale dans la galaxie. Je sais bien que nous n'avons jamais été proches, et pourtant nous avons ici l'occasion de retourner cette situation à notre avantage. Qu'en pensez vous ? »

Le VIIIe primarque sourit tel un chacal à cette alléchante proposition.

« Dans ce cas, ma légion te suivra et je ne doute pas que les hommes de Perturabo voudront cesser de jouer les nourrices. Fais de même avec Angron, Magnus et notre frère le 'pieux' Lorgar, et nous serons suffisamment forts pour influencer l'Empereur-Dieu de nous accorder des concessions à ses choix...malencontreux. ».

Tous rirent à cette référence aux frasques religieuses de Lorgar et à sa conception  divine du Maître de l'Humanité tournée en dérision par ses frères aussi bien que par bien des mortels.

Le sinistre personnage se retourna vers le feu qui dansait dans la cheminée de la salle obscure de Curze et se dévoila aux autres.

«  Ne vous inquiétez pas, mes frères, » dit Lion El'Jonson sur un ton affable mais ambitieux, « dans peu de temps, nous changerons le visage de la galaxie, au nom de l'Empereur...Et Horus redeviendra un primarque comme les autres tandis que nous élèverons dans les hautes sphères de l'Imperium ».