[Lettres de Sang 4] Suis-je Perdu à Tes Yeux ?

Suis-je perdu à tes yeux ?

Il est Horus le Glorieux, l'Astre Brillant, favori de l'Empereur. Il est Maître de Guerre. Un titre résonnant de gloire, inspirant courage, loyauté, persévérance. Et jalousie.

De toutes les consonances de cette distinction, c’est bien la dernière qui faisait actuellement surface au plus profond de son être. Les portes du Nuntius s’ouvrirent, laissant place à un être de légende. Perturabo, primarque des Iron Warrior, pénétra dans le Stratégium de son bastion d’un pas lourd. Ceux qui n’étaient pas occupés sur les différentes consoles mirent un genou à terre en la présence de leur père.

- Seigneur ? Demanda le maitre de forge Barabas Dantioch d’un ton curieux non sans une pointe de fierté. Quels sont les honneurs délivrés par l’Empereur ? Votre valeur a enfin été récompensée à juste ti…

- Un peu de respect, Dantioch ! Tonna le chapelain Zhnev.
Perturabo continua son chemin silencieusement jusqu’au centre de la pièce où trônait une immense colonne de câble emmêlée.

- Monseigneur ? Insista Idriss Krendl, le capitaine disciple de Dantioch, inquiet par l’absence de réponse.

Le primarque se positionna dans le refuge de la colonne prévue pour accueillir sa carrure surdimensionnée. Des tissus synaptiques artificiels s’enroulaient autour du colosse alors que les techmarines et leurs serviteurs décérébrés s’attardaient sur leur tache de synchronisation du primarque et de la machine.

Celui-ci se décida enfin à rompre le silence d’attente qui régnait sur le Stratégium.

- La campagne d’Ullanor a été un triomphe. Cette guerre restera dans les annales de l’Imperium comme la plus grand victoire de l’Humanité.

Personne ne parla. Les Iron Warriors n’avaient que faire des autres légions. Chaque Astartes présent trépidait d’impatience pour une seule raison.

- Et ? Se risqua le sergent Forrix. Ce qui lui valut un regard désapprobateur du chapelain.
Perturabo reprit.

- L’Empereur rentre sur Terra et abandonne la Grande Croisade.

Toute la pièce devint silencieuse. Cette manière brute d’annoncer les choses était typique de Perturabo, mais une information d’une telle ampleur…

- Horus a été nommé Maître de Guerre et dirigera les légions Astartes dorénavant.

Seul le son constant des détonations d’artillerie proche et de déflagrations occasionnelles résonnait dans le Stratégium.

- Dorn a été rappelé sur Terra pour fortifier le Palais Impérial.

Stupéfaction générale. Chaque personne s’était arrêtée dans son activité aussi vitale soit-elle sous le poids de ces révélations, à l’exception des serviteurs totalement inconscients du monde qui les entourait, tant qu’ils faisaient ce à quoi ils étaient programmés.  

- Et l’Empereur ? demanda Dantioch. Qu’a t il dit sur notre campagne ?

Une lueur d’espoir brillait dans chaque œil des guerriers à cet instant. L’Empereur avait-il reconnu les hauts faits de leur primarque ? Avaient-ils enfin prouvé leur valeur ? Juste un « bon travail » leur suffirait après tant de déshonneurs subits si brutalement. La seule raison de l’acharnement des Iron Warrior était la recherche de la reconnaissance et rien de plus.
Perturabo ne put se résoudre à mentir à ses fils.

- Le subordonné impérial qui m’a donné ces informations n’a rien dit nous concernant.

Les Space Marines serrèrent les dents, ceux ayant un casque sur leur tête se permirent de grimacer de souffrance. Quelques poings frappèrent les murs, tables ou consoles à leur portée. Chacun détourna le regard.

Bientôt 2 ans que la 51ème Expédition tenait fermentent ses positions face à ce que Perturabo pensait être la pire menace de l’Imperium en extension : un autre empire d’hommes naissant lui aussi. Les premiers contacts furent pacifiques, mais le primarque se rendit vite compte que ni leur roi, ne leur peuple n’abdiquerait pour la Vérité Impériale. Il gagna du temps en négociation pour fortifier les mondes vierges de tout un sous système qui formait un chemin obligatoire vers l’Imperium connu. Deux ans que les Iron Warriors se battaient à plus de deux mille contre un au début des conflits et le nombre ne semblait pas avoir diminué. Mais seulement neuf Grandes Compagnies avaient été mobilisées. En clair, les Iron Warriors étaient le dernier rempart entre un empire de taille encore inconnu, tout comme ses effectifs. Leur technologie était d’ailleurs remarquablement évoluée, ce qui ne faisait que relever le niveau de défit pour Perturabo.

Cela faisait à peine six mois que les forces ennemies avaient réussi à traverser les tranchées, champs de mines, bunkers et avant- postes fortifiés pour établir des têtes de ponts fixes et pénétrer dans la ville-forteresse. Un véritable bastion de la taille d’une cité ruche recouvrant plus de la moitié de la planète Malodrax.

Perturabo ferma les yeux.

Les techmarine finirent d’installer le primarque dans la colonne. Seule sa tête recouverte de câble se détachait clairement du cette amas ésotérique de technologie, fruit de ses recherches. Les Astartes retournèrent à leurs occupations, quelque peu démotivés de ne pas avoir plus d’explications ou d’encouragements de la part de leur père génétique. De toutes façons, celui-ci était devenu indisponible. Perturabo allait s’affranchir des contraintes humaines.

Le primarque se réveilla lentement dans ce qui pourrait être qualifié d’univers numérique. Son corps surdimensionné flottait nu dans un espace aux dimensions indéfinissables, semblables à l’infini. Des chiffres et images défaillaient trop rapidement pour l’œil humain ordinaire, mais pas assez pour celui d’un fils de l’Empereur. A cet instant, Perturabo n’était plus une de ces légendes vivantes. Il était devenu Malodrax elle-même.

L’ennemi venait d’entrer dans la ruche-forteresse.

C’était là leur plus grande erreur après avoir refusé la soumission à l‘Imperium.

Malodrax était un génie dans l’art de la fortification. Une cité-forteresse totalement modulable. Plusieurs postes de contrôles étaient répartis dans le bastion, mais c’était d’ici que seul un être de la puissance de Perturabo pouvait contrôler l’ensemble de la métropole.

L’inconscient du primarque modifia le monde en fonction des informations, défiant continuellement le tout en temps réel. Des pans de mur se rétractèrent, créant de nouvelles voies d’accès ou pièges tandis que d’autres, au contraire, se levèrent, créant des impasses, bloquant l’ennemi. D’autres encore, tournaient sur leur propre axe, réalisant les deux effets au même moment en fonction du besoin de l’instant.

Perturabo laissa son subconscient se charger de cela. Il pouvait se dédier entièrement à cette tâche, mais quelque chose d’autre le préoccupait. Quelque chose de plus sombre que le vide dans lequel il flottait refit surface en lui et il n’avait pas peur de mettre un mot sur cette sensation : La jalousie.

Père, j’ai essayé… J’ai voulu te ressembler… Suivre tes pas…
… Et je suis perdu à tes yeux ?..

Le mouvement continuel de l’architecture emprisonna des cohortes entières de combattants avant de les exterminer par feux croisés de position surélevée ou par tir d’artillerie précis.

Pourquoi m’as tu quitté ? Cette indifférence perpétuelle à mon égard…

Toutes les escouades suivaient les ordres avec une rapidité calculée à la seconde près. Des lignes de défense de 5 mètres en plaques de métal et sacs de sable pouvait être réalisées en 1.O5.13 minutes en moyenne avec 4 hommes. Ces défenses improvisées protégeaient les Astartes lorsque les murs tombaient, révélant une embuscade.

Et dans  ton dédain absolu, tu nommes Horus, Maître de Guerre… Tu lui donnes ton armée, tu lui donnes le droit d’être supérieur à ses propres frères…

Quelque chose lui transperça le cœur en cette instance. Pertuabo connaissait ce sentiment. Il s’agissait de la jalousie qui tournait à la haine.

Pour ta gloire j’ai divisé mes forces… Pour ton Impérium, mes hommes ont perdu tout honneur en devenant de simples gardes des mondes conquis… Oubliant même notre dignité quand il s’agissait de tes ordres, nous passions pour une légion de réserve…

10 kilomètre plus au nord, des troupes d’élites ennemies tentèrent un passage en force aux prétendus points faibles de la forteresse mise en évidence. Une vingtaine d’unités aussi imposantes que des dreadnoughts et aussi agiles que des marcheurs eldars remontaient une allée menant droit vers un poste de commandement stratégique.

Ces machines avaient beau être puissantes, rapides et même protégées par un bouclier d’énergie, tout cela était inutile. Car, sous un tapis de bombe de Vindiacator, tous étaient égaux.

L’escadron briseur de ligne déclencha un enfer sur la brigade robotique.

Et non content de m’humilier tu envoies Dorn fortifer le Palais… Mes fils sont en train de croupir sur des mondes oubliés autant qu’eux… Et tu as préféré mon frère rival à ton Maître de Siège.

Le rythme de la bataille s’accéléra sous la haine croissante de Perturabo, passant de la victoire méticuleuse au massacre pur et simple sans complaisance.

Père, j’ai essayé…

Les batteries d’artillerie diminuèrent leur temps de latence. Les postes de commandement cessèrent d’émettre tandis que le subconscient de Perturabo centralisait toutes les commandes de Malodrax.

… Et je suis perdus à tes yeux ?..

Les cadences s’accélérèrent jusqu'à devenir cauchemardesques. Les guerriers tinrent le coup difficilement.

Tout ce que je demandais… C’était de la reconnaissance… Ton regard sur moi…

Certains mécanismes devinrent incontrôlables sous l’effet de données irréalisables ou trop insistantes.  

Je suis en train me battre pour toi… Contre ce qui doit être la plus grande menace que l’Impérium ait connu jusque là… Je les retiens à tes portes… Et toi… Tu me tournes le dos ?.. Sans rien me dire ?...  Sans récompense ?..Sans adieux ?..

Rien…

Plus personne n’avait le contrôle de l’information. Des renseignements contradictoires envahirent  les plaques de données et des dysfonctionnements informatiques défilèrent devant les écrans de surveillance et de contrôle.
 
Puis Perturabo se laissa aller, il ouvrit son cœur à découvert, juste un court instant... Instantanément, sa jalousie et son incompréhension percèrent les failles permises par cette nanoseconde de vulnérabilité. Et il hurla. Il hurla dans son univers numérique sa haine, son désespoir et son désarroi.

Il avait bâti des forteresses sans points faibles, des châteaux invulnérables, mais sa conscience n’était pas une infrastructure qu’on pouvait fortifier avec du fer ou de l’acier.

Pendant 11 secondes, Malodrax fut silencieuse. Plus aucune donnée ne fut transmise. Les batteries cessèrent leurs tirs et les véhicules s’arrêtèrent dans leur course et les bolter cessèrent de tirer.

Durant ces 11 secondes, Perturabo se posa plus de questions que durant sa vie entière pour n’arriver qu’à une seule conclusion.

Père, j’ai essayé… Je me suis surpassé pour toi… Je voulais juste marcher à tes côtés… sentir ton amour pour moi…

Et je suis perdu à tes yeux…

C’est à cet instant que furent composés les premiers vers de ce qui serait plus tard connue comme la Litanie de la Haine qui remplacera le dominum imperator ac ferrum aeternum Et ses valeurs. Iron Warrior deviendra synonyme de traître et autres des pires abjections de la galaxie.


Mais pour l’instant…


Il est Perturabo l’Oublié, l’Astre Déchu, délaissé de l’Empereur. Il est Maître de Siège. Un titre résonnant d’indifférence, n’inspirant que dédain, désintérêt, mépris. Et haine.